déjeuner au Yacht Club de France mercredi, 14 mars 2012

Les déjeuners de conscrits se répètent à un rythme un peu trop soutenu. L’un des amis nous ayant offert un déjeuner normand, c’est aujourd’hui un déjeuner breton que nous partagerons au restaurant du Yacht Club de France. Etant en avance, je me fais offrir une coupe de Champagne Billecart Salmon sans année que je trouve fort civil, avec une belle mâche bien ensoleillée.

Le menu conçu par l’équipe dynamique de ce club est : andouille de Guéméné et bouchées de saucisse bretonne / ormeaux à la purée de coco Paimpolais / Saint-Jacques de la baie de Saint-Brieuc, beurre blanc aux algues de chez Bornier / Homard bleu du Guilvinec en aumônière de blé noir, artichauts de Bretagne glacés, sauce armoricaine / fromages bretons affinés de la maison Bornier à Saint-Malo /far breton, petites crêpes au caramel salé, gâteau breton de tradition pur beurre.

Autant dire que l’on chausse ses sabots fourrés de paillons, que l’on porte le chapeau à ruban noir, et que l’on fume la pipe longue et noire qui est capable de résister aux embruns de la Pointe du Raz. Ça bretonne à pleins poumons. L’andouille est parfaite sur le champagne. La saucisse faite par la grand-mère de Thierry Le Luc, directeur de la restauration du lieu est virile et typée. Ça arrache !

Le Muscadet Michel Brégeon 2005 est absolument superbe. Son acidité est belle, son fruit jaune est présent, et ce qui frappe, c’est sa belle cohérence. Il est fruité, gouleyant, et s’adapte parfaitement aux ormeaux et Saint-Jacques. Lorsque Thierry me sert le Cos d’Estournel 1996, le nez est d’un parfum envoûtant. Ce vin respire la noblesse, la délicatesse et l’équilibre. Et le vin est délicieux, joyeusement tannique, avec un beau fruit, une mâche abondante, et un final entraînant. C’est un très grand vin qui cohabite bien avec le homard d’une qualité idéale. Présenté fourré dans sa crêpe, il est gourmand.

Le trou breton se fait à l’Hydromel de Cornouaille Chouchen de A. Lozachmeur qui titre 13° et arrose un sorbet. Ses notes de miel sont délicieuses. Le repas se finit sur un Château Suduiraut 1998 charmant mais aussi bien charpenté, et d’un équilibre remarquable. Les gâteaux bretons sont superbes et nous donnent des semelles de plomb. Le restaurant du yacht Club de France, par sa motivation, par la recherche de produits de qualité et par l’inventivité de son équipe, nous offre des repas particulièrement raffinés.

Un repas breton, ça se voit aussi dans les détails !

déjeuner aux Caves Legrand lundi, 12 mars 2012

Je vais déjeuner aux Caves Legrand avec le sémillant propriétaire de cette grande maison. Lorsque j’arrive, je rencontre Olivier Krug qui est un ami de la maison, en pleine réunion de travail. Le déjeuner est simple mais bon, sardines Chica-Pica de Rödel absolument délicieuses et une pièce de bœuf très tendre aux pommes de terre. Le Burg Bergheim Domaine Marcel Deiss 2005 est très original. Il a des notes fumées, légèrement oxydatives et une palette aromatique très riche. Comme un Fregoli, il change de facette à chaque gorgée. Le Vin de pays de l’Hérault Domaine de la Grange des Pères 2008 est un vin qui est encensé par les aficionados du vin. J’ai souhaité goûter ce vin qui m’était inconnu, lorsque Gérard m’a demandé quel serait mon désir. Riche, puissant, avec des évocations végétales variées, ce vin a de quoi plaire aux palais actuels. J’attends de voir si la magie opère. Mais si je reconnais que le vin est bien fait, le déclic ne se fait pas. Il manque de cette émotion que crée un grand vin. J’ai eu plus de vibration avec le vin alsacien. C’est une expérience à recommencer, car je ne dois pas passer à côté de ce vin encensé par beaucoup.

Dîner au Blue Elephant à Paris dimanche, 11 mars 2012

Dîner au Blue Elephant, table thaïlandaise à la belle cuisine conventionnelle mais goûteuse. Un Dom Pérignon 2000 est agréable à boire mais ne me remue pas comme il l’a souvent fait. Lorsque je fais doubler la mise, je suis surpris du saut qualitatif de la deuxième bouteille. C’est au moment de faire la photo que je comprends pourquoi : c’est un Dom Pérignon 2002, qui ne figure pas sur la carte des vins, qui l’a remplacé. Bonne pioche et quel beau champagne romantique. Fleurs blanches et romantisme, c’est sa signature.

dîner au « Bouchon » Beverly Hills mardi, 6 mars 2012

Un ami américain que j’ai connu sur le forum de Robert Parker m’avait annoncé son passage à Paris début avril et m’avait demandé si nous pourrions nous rencontrer. Prenant la balle au bond, sachant qu’il habite Berverly Hills, je lui ai dit : « rencontrons-nous d’abord lors de ma visite ». Il m’a répondu : « rejoignez un dîner que je fais, rendez-vous au restaurant ». Rien d’autre, pas d’indication sauf celle de ne pas apporter de vin car il y en aura. Le lieu et la date changèrent, mais au bout du compte, nous nous retrouvons au restaurant « Bouchon » Beverly Hills, qui fait partie du groupe de Thomas Keller propriétaire du fameux « French Laundry » dans la Napa Valley. Surprise, je me retrouve avec des jeunes vignerons de Saint-Emilion qui étalent sur un étagère les 2009 que nous allons boire : Clos des Jacobins, Château la Commanderie, Clos de la Vieille Eglise qui est un pomerol, Clos du Breuil, Château Fleur Cardinale, Secret de Cardinale, Rol Valentin qui a ajouté un 2005 au 2009. Voilà un programme sympathique. Alors qu’on nous avait réservé une belle table sur un balcon de l’immeuble où se situe le restaurant, mon ami Jeff nous fait préparer une table deux fois plus petite où nous sommes serrés comme des sardines.

Alex, le sommelier qui avait travaillé dans le passé pour les dîners de Bipin Desai nous sert un Marcassin Chardonnay 2005. Ce vin est étrange car il semble d’une jeunesse extrême. Dire que c’est un 2010 serait logique. Il est typé californien, avec une puissance très prégnante. On sent qu’il a un beau potentiel de développement. Mais je trouve que le final est trop court et l’amertume trop grande. Le Kongsgaard 2006, lui aussi chardonnay est très oxydé. Il déplait à tous, malgré un gros fruit et un fort caramel.

Nous passons aux rouges avec un Cain Concept 2002 à dominante cabernet sauvignon, doucereux et fort poivré. C’est le second vin du Cain Five 2003 où le cabernet sauvignon ne fait que 45% contre 84% pour le précédent, avec un pourcentage significatif de petit verdot (20%). Le nez est plein de charme. Il est très doux, avec un final de cassis. Il titre 14,7°, ce qui doit être d’une grande modestie. Il est vert, fort, avec du fenouil et des tannins durs. Il ne manque pas de charme.

Le Arrowood 1997 cabernet sauvignon est très bon, délicat vivant et vibrant. Il a une belle fraîcheur. Les vignerons et moi-même, nous commençons à trouver que l’introduction américaine est bien longue et nous commençons à penser que les vins français ne seront pas bus. La Rota Vineyard 1994 cabernet sauvignon a un nez très élégant. Le vin est bon, joli, charmant. Mais il manque vraiment de longueur et assèche la bouche. La Conn Valley Right Bank 2007, petit clin d’œil aux vignerons qui sont de la rive droite de Bordeaux, est majoritairement merlot. C’est un joli vin très boisé et un peu râpeux.

Vient enfin un vin français mais qui ne provient pas des présents, Château La Croix Saint-Georges 2001, vin beaucoup plus frais et léger que les précédents, d’une belle élégance. Jeff, du fait de ma présence, a apporté un Château Cheval Blanc 1970. Comment faire quand le vin a été ouvert à mon intention, et quand il est bouchonné, si celui qui l’a offert prétend que non ? Une des vigneronnes avait déjà sans crier gare vidé son verre dans un crachoir. Le vin, malgré une belle attaque, est envahi par le goût de bouchon. L’intention était amicale.

Le Spottswoode cabernet sauvignon 2007 est un vin très riche qui a obtenu 100 points Parker. Il est surpuissant. C’est du copeau de bois, riche bien sûr, mais sans véritable émotion.

Le « Bouchon » est un bistrot à la cuisine d’une belle précision. Le jarret de veau fourré au ris de veau est d’une tendreté remarquable. Ce dîner fut curieux, puisque les vignerons avaient apporté leurs vins pour qu’on les boive. Ils vont les présenter à la presse demain. Ces vignerons sont sympathiques, motivés à promouvoir leurs vins auxquels ils consacrent toute leur énergie. Leurs avis sur les vins américains ont été contrastés, parfois opposés. J’avais à côté de moi un sommelier qui est inscrit aux plus prestigieux concours de sommellerie. Cette soirée dont je ne savais rien, fut fort sympathique, avec des vins américains qui ne m’ont pas franchement convaincu et la défaillance d’un vin emblématique. On conservera surtout la chaleur de l’amitié.

musée Getty à Los Angeles vendredi, 2 mars 2012

Le lendemain, je réalise un doux rêve : revoir le musée Getty. Sur une colline qui surplombe l’immense plaine de Los Angeles, le musée occupe quelques centaines d’hectares. Il faut une navette automatique pour parcourir entre un et deux kilomètres qui séparent l’arrivée de visiteurs de l’entrée du musée. Un vendredi, des milliers d’enfants de tous pays viennent en groupes. L’architecture du musée est magnifique. On pense à la Villa Noailles de Hyères, mais ici avec des tailles cyclopéennes, ou au musée de la fondation Maeght, à la puissance dix ou cent. Aujourd’hui il n’y a pas d’exposition spécifique, contrairement à ma dernière visite, mais le « fonds » de la fondation suffirait à remplir une semaine de visite. Je suis fasciné par le niveau atteint par l’art européen, même au temps du Moyen Age. Une exposition d’incunables et de livres d’heures, des œuvres de la Renaissance italienne, puis un parcours dans l’art européen de quatre ou cinq siècles donnent un sens au génie humain.

Par un soleil pénétrant et une brise appuyée, j’ai grignoté à une buvette improbable, rempli de la beauté de la collection Getty. Venir ici pourrait devenir un pèlerinage.

Osons un contraste. Dans la rue

et au musée :

Saint-Cyprien, le Christ, le détail d’un tableau de la Renaissance italienne, la reine Isabelle du Portugal, et les Iris de Van Gogh

Au total, j’ai pris 250 photos du Getty Center, et plus de 320 de la Villa Getty, consacrée à l’art antique romain, grec et étrusque

au restaurant du Yacht Club de France mercredi, 29 février 2012

Les déjeuners de conscrits prennent un rythme plus rapproché. Nous nous rendons une fois de plus au restaurant du Yacht Club de France. L’ami qui nous invite a conçu avec Thierry Le Luc directeur de la restauration et avec le chef un menu normand. J’espère pour les normands qu’ils ne s’imposent pas de tels traitements, car ce fut pantagruélique. Ce qu’il faut signaler, c’est l’élégance de la recherche. Le premier champagne d’apéritif est assez peu accueillant. Ne sachant pas ce qu’il est, je suis allé lire l’étiquette à la fin de l’apéritif et quelle ne fut pas ma stupeur de constater que c’est un Champagne Joseph Perrier sans année. J’ai appris à aimer les champagnes de cette sympathique maison et celui-ci ne correspond pas à ce qu’il devrait être. Celui qui suit est le Champagne rosé Mignon sans année. Il est nettement plus civilisé. Nous passons à table et l’assiette normande façon « Café Gourmand » est faite de plusieurs réalisations vraiment gourmandes telles que maquereau à la moutarde, feuilleté de tripes, feuilleté camembert et andouille de Vire, quiche huîtres et moules, Saint-Jacques sur une andouille de Vire. Le Champagne Billecart Salmon sans année est un aimable compagnon. Mais l’andouille réclame un rouge et le Château Talbot 1988 joue très bien son rôle d’accompagnateur. Le vin est fortement tannique, et l’on sent qu’il a une belle charpente. Il se boit avec plaisir sur un tournedos de veau aux pommes, purée et champignons, et une sauce crème au calvados qui fort heureusement n’est pas dominant. Les normands gagneraient toutes les guerres s’ils infligeaient à leurs ennemis un trou normand fait d’un sorbet à la pomme et du calvados, fruit de la distillation des parents de Marine, notre jolie serveuse normande. On comprend pourquoi le champion olympique du cent mètres n’est pas normand.

C’est sur ma suggestion que le cidre offert par le vice-président du Yacht Club de France est associé à un beau camembert. Le cidre n’est pas parfait, un peu amer, mais on sent bien la pertinence de l’accord. S’il fallait achever les survivants de notre table, c’est la crêpe flambée selon la recette de la mère Poulard qui donne l’estocade. Mais les hommes de 1943 sont indestructibles, et nous avons fait honneur au calvados de Marine, frais car il fut l’objet d’une distillation courte. Notre club de conscrits s’appelle Club 2043 car nous avons l’intention de devenir centenaires. Ce n’est pas avec ce délicieux repas que nous en prenons le chemin !

154ème dîner de wine-dinners au restaurant Ledoyen mardi, 28 février 2012

Le 154ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Ledoyen. A 17 heures, je suis à pied d’œuvre pour ouvrir les vins. Le premier est un Bâtard-Montrachet de producteur inconnu de 1990. Son nez est prodigieux. Lorsque je veux lever avec un limonadier le bouchon du magnum de Pétrus 1983, il reste collé et le bouchon se déchire. Avec une curette, je constate que le bouchon s’émiette tout en restant collé. A l’aide d’un bilame, je le décolle des parois. Il me faut utiliser à la fois la mèche longue et la curette pour arriver à bout de ce bouchon. Le parfum du Pétrus, follement truffe, est la récompense de mes efforts. La Romanée Saint-Vivant 1991 a tout du parfum si caractéristique des vins du domaine de la Romanée Conti. Des deux La Tâche, l’une, la 1956, a un beau niveau et une couleur clairette. Le nez est magnifique. Le bouchon de la 1955 qui a un niveau bas exhale une odeur horrible de bois trempé dans du vinaigre. C’est affreux. Je m’attends au pire. Je sens le vin par le goulot et l’odeur est assez poussiéreuse. Et de seconde en seconde, avec une rapidité surprenante, le fruit apparaît en une éclosion éclair. Est-ce qu’une telle évolution pourrait se reproduire, mais en sens inverse, conduisant le vin à défaillir. Nous verrons. Le nez de La Mouline 1979 est incroyablement bourguignon. J’avais ajouté un vin inconnu de Jacques Bouchard & Cie non prévu au programme, car en le prenant en main en cave, j’avais remarqué que le bouchon flottait. C’est une ajoute pour partager avec mes amis les affres du collectionneur. Le nez n’est pas affecté par la chute du bouchon. Il n’est pas très brillant. Le vin est transvasé dans une carafe pour enlever le bouchon qui ne comporte que le mot Bouchard écrit deux fois. Je ne saurai jamais ce que renferme cette bouteille sans étiquette. A l’occasion du transvasement, j’ai goûté un peu de lie, et ce n’est pas folichon.

L’Yquem 1929 à la couleur acajou très foncée a un nez qui promet une explosion d’agrume. Ce vin au bouchon d’origine m’excite beaucoup. Le Climens 1964 a un nez d’une folle jeunesse. Le vin inconnu étant purement anecdotique donnera ce qu’il pourra. La seule incertitude est pour La Tâche 1955. Compte tenu de l’ampleur du programme, je suis serein.

Nous serons treize à table dont douze buveurs, car l’une des deux femmes ne peut pas boire du fait de son état. Il y a six nouveaux et sept habitués. La profession d’avocat n’est pas majoritaire, mais presque.

Le menu créé par Christian Le Squer est : Huître Belon, huile de sésame / Pâté en croute de Volaille et Foie Gras / Concentré iodé : Saint-Jacques à cru & Tarama d’oursins givré / Feuilleté brioché de truffe noire en gros morceaux / Cochon de lait confit, jus caramélisé d’oignons doux / Filet de Chevreuil frotté d’épices & Confits de Fruits et Légumes / Stilton / Île flottante aux agrumes. Sa mise au point n’a pas pris longtemps, car le chef et Patrick Simiand savent bien ce que je souhaite.

Pour attendre d’éventuels retardataires, j’ai ajouté à la liste des vins un Champagne Dom Ruinart 1990. Mais je n’avais bien lu l’étiquette, car c’est en fait un Champagne Dom Ruinart rosé 1990. Quand je m’en aperçois, je me demande si l’on pourrait le mettre plus tard dans le repas mais aucune solution n’apparaît. Nous le buvons sur de délicieux canapés montrant la dextérité du chef et ce champagne rosé est joyeux, plein, de bonne mâche. Et il se justifie bien à ce stade.

Nous passons à table avec le Champagne Krug magnum 1982 que nous avions commencé à boire debout. La transformation du champagne avec l’huître est saisissante. Avant, il était strict, janséniste, dans des saveurs un peu grises. Avec l’huître il prend du corps, de l’assurance et l’huile de sésame lui donne de l’épaisseur. Comme le fait remarquer un des convives, lorsque le plat est parti, ce sont les saveurs pâtissières qui dominent dans ce grand champagne à la longueur extrême.

Dès qu’on me sert le Champagne Dom Pérignon 1964, je sens que nous tenons là un des plus grands Dom Pérignon qui soient. Sa couleur est presque rose au point que Tomo me demande si je n’ai pas mis un champagne rosé. Mais c’est bien un blanc, charmeur, sensuel, aux complexités infinies. C’est avec la gelée que l’accord est délicat. Ce grand champagne est porteur de joie, de saveurs douces et élégantes. C’est un de mes plus grands Dom Pérignon.

J’avoue volontiers que je ne connais pas les auteurs du Bâtard Montrachet Guy Fontaine et Jacky Vion 1990. Son parfum m’avait surpris par sa classe extrême. Elle est toujours là. En bouche, c’est du bonheur pur qui va se conjuguer aussi bien avec le doucereux de la coquille – et dans cet accord, le vin domine – qu’avec la virilité de l’oursin qui domine mais laisse ce beau Bâtard s’exprimer. Il est d’une grande puissance maîtrisée et d’une jeunesse flamboyante. Jamais je n’aurais imaginé une aussi belle prestation.

La truffe en feuilleté est divinement gourmande. Elle est associée à deux vins prestigieux de deux régions bien différentes. Le Pétrus Magnum 1983 est fantastique. Il est Pétrus, tout en force et en truffe, mais aussi tout en distinction, élégance et raffinement. Inutile de dire qu’avec lui, l’accord est paradisiaque.

La Romanée saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1991 a le nez des vins du domaine, à peine dévié par un léger goût de bouchon que nous sommes quelques uns à avoir remarqué, mais qui n’altère pas le goût du vin. Il est plus puissant que ce que son année suggère. Il se marie bien avec la truffe. Certains amis avaient pensé que le bourguignon serait le plus adapté à la truffe, mais en fait le Pétrus a la combinaison gagnante. Si l’on devait donner une définition du luxe le plus pur, ce serait de manger une truffe en croûte cuisinée par un chef trois étoiles avec un magnum de Pétrus et un vin de la Romanée Conti. On sent dans l’atmosphère de notre groupe que nous en sommes pleinement conscients.

Mais il y a encore mieux ! Car sur le cochon de lait, ce n’est pas une mais deux La Tâche qui nous sont servies. La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1955 et La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1956 ont des parfums très proches, celui du 1955 étant sans doute un peu plus accentué. Et ces parfums ont l’ADN du domaine : la rose et le sel. En bouche, c’est celui qui avait le niveau le plus bas, le bouchon à l’horrible odeur qui triomphe, du moins pour une bonne partie de notre groupe. Les deux vins ont tout ce que j’aime dans la Romanée Conti, cette empreinte bourguignonne sans concession. Un convive dira qu’ils évoquent la poudre d’une cartouche fraîchement tirée. Et c’est vrai. Ces deux La Tâche sont parfaites à mon goût, avec un peu plus de profondeur dans le 1955 et un peu plus de grâce pour le 1956. La comparaison des deux est un temps fort du dîner. On verra dans les votes qu’il y eut ballotage.

Le chevreuil est superbe et convient comme un gant à la Côte Rôtie La Mouline Guigal 1979 dont les accents bourguignons sont saisissants. C’est une Côte Rôtie « calme », qui joue sur l’élégance et que j’apprécie énormément. Du fait qu’elle pianote en douceur, sa longueur est encore plus sensible. A côté, le Vin de Bourgogne de Jacques Bouchard, années 50 n’est pas stupide du tout. Il n’a pratiquement pas de défaut, mais il est un peu limité. Il pourrait très bien être de 1947 car ce serait cohérent avec des achats que j’ai faits. Il ne suscite pas vraiment l’intérêt, tant le Guigal suffit à notre bonheur.

Le stilton est parfait. Le Château Climens 1964 malgré ses 47 printemps peut être considéré comme un sauternes « jeune ». Il a la patte de Climens, avec une allégresse et un équilibre particuliers. C’est un grand Barsac.

Le Château d’Yquem 1929 se présente avec sa robe sombre et opaque. Que dire ? Il est tout simplement divin. Un ami rappelle que nous avions déjà bu ensemble un Yquem 1929 au bouchon remplacé. La différence est saisissante. Cet Yquem est parfait, plein, à l’agrume précieux et fort heureusement au caramel quasi inexistant. Devant tant de perfection, je suis confondu. Et je ne suis pas le seul. Il nous plombe de bonheur.

Après tant de merveilles nous sommes abasourdis. Nous votons pour nos quatre vins préférés. Les votes sont disparates mais les directions sont claires. Si dans un tel dîner le magnum de Krug 1982 n’a aucun vote, ni le Climens 1964, cela situe la hauteur de la performance des autres. Cinq vins ont été classés premier : l’Yquem 1929 sept fois, les deux La Tâche deux fois chacune, et le Pétrus et le Bâtard une fois chacun. L’Yquem figure sur les douze feuilles de vote, La Tâche 1955 sur onze, Pétrus 1983 sur neuf et Dom Pérignon 1964 sur huit.

Le vote du consensus serait : 1 – Château d’Yquem 1929, 2 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1955 , 3 – Pétrus Magnum 1983, 4 – Champagne Dom Pérignon 1964, 5 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1956.

Mon vote est le même : 1 – Château d’Yquem 1929, 2 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1955 , 3 – Pétrus Magnum 1983, 4 – Champagne Dom Pérignon 1964.

La cuisine réalisée par Christian Le Squer a été d’une évidence exemplaire. Le talent paraît si simple ! Tout fut juste et les vins ont naturellement brillé sur cette cuisine, dont le plat de truffe émerge par son excellence absolue. Coraline a fait un service du vin de haute qualité.

Dans le grand salon qui surplombe le parc qui marque le début de la remontée des Champs Elysées, nous avons passé un moment exceptionnel.

la table avant de repas :

et après le repas. Peu de vins sont encore remplis !

les plats

154ème dîner – les vins mardi, 28 février 2012

Champagne Dom Ruinart rosé 1990

Champagne Krug magnum 1982

Champagne Dom Pérignon 1964

Bâtard Montrachet Fontaine et Vion 1990

Pétrus Magnum 1983

le bouchon très émietté du Pétrus

Romanée saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1991

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1955

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1956

les trois bouchons des vins du domaine de la Romanée Conti

Côte Rôtie La Mouline Guigal 1979

Vin de Bourgogne de Jacques Bouchard, années 50

Château Climens 1964

Château d’Yquem 1929

le bouchon de l’Yquem

les bouchons ainsi que mes instruments

deux Cheval Blanc 1947 – comparaison des étiquettes vendredi, 24 février 2012

à gauche, le Cheval Blanc 1947 bu à Bochum, à droite celui bu au restaurant Michel Rostang.

L’une a le millésime sur l’étiquette, l’autre sur une contre-étiquette. Les libellés sont très différents. Deux étiquettes complètement différentes.

En voici une troisième, avec la main d’une des anciennes propriétaires de Cheval Blanc, dont la chevalière a l’écusson de l’étiquette.

Dégustations de folie à Bochum – jour 2 avec un vin de 1727 dimanche, 19 février 2012

Ma sainte mère me disait : « trop parler nuit ». Je n’aurais jamais dû dire que j’adore ouvrir les vins car Uwe vient me prendre à mon hôtel à 15h30 et me conduit dans une petite maison assez sinistre où l’on peut imaginer qu’un célibataire endurci, au lieu de la peupler de chats, l’a laissée s’envahir de vins. Le lieu est sombre, bizarre et Uwe me dit : « comme tu aimes ouvrir les vins, à toi de jouer. De plus, j’ai oublié mes tirebouchons au restaurant hier soir ». Je regarde l’énorme quantité de vins et je cherche des yeux la 1727. Stupeur, la bouteille a une étiquette et une capsule toutes neuves. Je me prends à imaginer qu’il s’agit d’une méprise grossière. Uwe aurait-il commis l’erreur de confondre la date de création de l’entreprise, comme 1664 pour Kronenbourg, avec la date du vin ? Mon effroi sera passager car Uwe m’explique que cette bouteille provient de douze fûts de vin de Rheingau, de vins de 1683, 1717 et 1727, conservés dans la Bremen Rathskeller, non détruits sous Napoléon car il ignorait les vins allemands, et qui, par ouillages successifs, ont donné lieu à un dernier fût, mis en bouteilles dans les années 60 du vingtième siècle. Il me montre le certificat d’authenticité délivré par la Bremen Rathskeller.

Pour me donner du cœur à l’ouvrage, car j’ai 23 vins à ouvrir, Uwe me demande d’ouvrir un Urziger Würzgarten Auslese Robert Eymael 1971, vin de Moselle que nous buvons pendant que j’officie. Il est époustouflant. Riche, rond, coloré, évoquant les fruits jaunes, il est gouleyant et gourmand. Il faut bien cela, car la tâche est rude. Je n’ai jamais rencontré autant de bouchons à problèmes, trahissant des conservations hasardeuses dans de mauvaises caves. Dans cet ensemble, il y a des parfums impériaux, des parfums incertains, et des promesses d’actes de décès. Ce travail est tellement harassant que j’ai failli plus d’une fois abandonner. Mais je n’allais pas laisser Uwe dans l’embarras. Lorsque tout est ouvert, Uwe met des bouchons neutres sur les bouteilles qui sont transportées debout jusqu’au restaurant. Au moment de partir, Uwe retrouve ses tirebouchons qu’il croyait oubliés au restaurant. Je ne pense pas que c’est un coup monté. Il m’aurait volontiers aidé.

Pendant que je me change à mon hôtel, Uwe fait une double décantation pour chaque vin pour éliminer les lies. Je suis bien heureux de ne pas avoir vu ce micmac que je réprouve.

A18h30 nous sommes quatorze autour de la table, ce qui donnera des services de 13 verres, car deux personnes se partageront un verre. J’ai demandé à Uwe d’être assis à côté de Marcus Del Monego, meilleur sommelier du monde, avec qui nous allons nous régaler et bavarder de mille souvenirs de grands vins.

Le premier vin bu debout est un Riesling Spätlese trocken J.B.Becker Wallufer Walkenberg 1990, plutôt amer et très sec. Il est suivi d’un Monziger Frühlings Plätzchen Riesling Trocken Spätlese Emrich Schönleber magnum 1989. Le vin est plus chaleureux. Les deux vins sont très secs. Au fur et à mesure, ils prennent de l’ampleur et deviennent plus ronds. Mais l’astringence et le poivre fort dominent. La couleur du 1990 est plus dorée que celle du 1989. Si mon enthousiasme est limité, c’est que j’ai encore la mémoire du somptueux 1971 bu chez Uwe, au charme infini.

Nous passons à table avec trois vins. Le Schloss Reinharthausen Hettenheimer Wisselbrunn 1934 a une petite fatigue à l’attaque, mais on sent toute la grandeur. Il y a du fumé, de l’abricot et un beau final. La minuscule fatigue n’empêche pas le vin d’être très beau. Il est très chaleureux, même si l’on sent quelques relents de gibier.

Le Deidesheimer Hergottsacker Riesling Spätlese Würzburg Rheinpfalz 1949 a un nez délicat, plus léger et aérien. La couleur est très jolie. Le vin est un peu perlant. C’est un très grand vin évoquant le caramel. Mais il se replie sur lui-même puis se renforce à nouveau, devenant meilleur que le vin suivant.

Le Erdener Treppchen feine AusleseWachstum Schönmann 1949 a un nez très intense. C’est le meilleur. Des traces de poussière dans le vin à la couleur à peine grise sur l’ambre ne l’empêchent pas d’être beau, avec des accents de madère, à l’alcool présent. Au fil du temps, l’alcool devient trop prégnant.

Le Niersteiner Riesling 1870 # dont la date est estimée autour de 1870 a un nez dix fois meilleur que lorsque je l’avais ouvert. Il est un peu fatigué, mais c’est un témoignage intéressant. Il est un peu monolithique, dans les pommes cuites et la pâtisserie, mais je le trouve hautement intéressant.

Le Assmannshauser Spätburgunder 1872 est le plus vieux vin rouge allemand qui existe encore. Uwe nous dit qu’il n’en reste plus que 19 bouteilles, toutes dans sa cave. Le vin est très grand. J’écris : « génial ». Il est vivant et c’est le type de vin pour lequel on est prêt à excuser tous les défauts, car ce qu’il raconte et totalement vibrant. Son petit côté vieille armoire, on l’écarte, car il parle, et on l’écoute. C’est un vin merveilleux, de grande fraîcheur. Je n’aurais pas parié sur ces deux ancêtres à l’ouverture. Leur retour à la vie est impressionnant.

Je reviens un instant sur le 1934 qui montre un joli fruit incroyable.

C’est maintenant le moment de boire le Rüdesheim Apostolwein Rathskeller Bremen 1727. Uwe m’avait dit qu’il tenait à ouvrir ce vin. Il me laisse l’ouvrir. La couleur est d’un or très franc, brillant et non ambré. Le nez est pur comme celui d’un liquoreux de 1920. C’est fou. Il évoque les liquoreux de type Maury. En bouche, il est très sec. Il a pour moi un goût de déjà vu, car il allume des tonnes de réminiscences, et je pense aux très vieux sauternes devenus secs. Ce qui est fou, c’est sa pureté. Je suis sans voix, car le vin est parfait. Comme lundi dernier avec l’Hermitage La Chapelle 1961 je veux m’isoler du monde pour analyser dans le moindre détail ce plaisir. Il y a des fruits secs, du mendiant, un peu de café en trace dans le final. Il évoque aussi de vieux Xérès ou des Alicante très anciens. Par moments, on a des traces de ce qui fait le charme des vins de Chypre. On sent aussi l’amertume de l’ananas. C’est assez phénoménal au point que l’on se demande si c’est possible. Uwe et Marcus sont catégoriques, et garantissent que ce vin est authentique. Alors, c’est fou. Mes vins de Chypre de 1845 sont d’une éternelle jeunesse. Un vin qui a 118 ans de plus est aussi d’une éternelle jeunesse. Nous buvons un morceau d’éternité.

Marcus nous dit que ce vin de la Rheingau n’est pas un riesling mais très probablement un Orléans blanc. Le nez est d’une race unique. L’âge de ce vin nous chavire, car il y a plus de distance entre lui et le 1872 que nous venons de boire qu’entre 1872 et aujourd’hui. C’est tout simplement fou. Comme il y a dans ce vin un peu de 1683, je repousse encore les limites de ce que j’ai bu de plus vieux.

Nous passons maintenant à des vins plus actuels, avec une série de trois vins. Les couleurs sont très jeunes, surtout celle du 1929. Le Château Gruaud-Larose Faure-Bethmann 1928 est très solide. Il est assis, à l’énorme équilibre. Il est très fort. Le Pétrus 1929 est plus profond, plus riche, plus séducteur. On sent la truffe. C’est un vin puissant. Le final est d’une rare richesse. C’est un grand vin très impressionnant. Le Château Troplong-Mondot 1934 a un nez un peu imprécis. Sa structure est plus faible. Il n’a pas assez d’équilibre. Il est un peu aqueux.

Le 1928 me plaît par son côté carré, solide. Le Pétrus est chantant et c’est sa jeunesse qui impressionne. Il a une grande finesse de trame. Il n’est pas éblouissant, mais il est très grand, vin de charme et de finesse. Le 1934 n’est pas mal, mais pas du niveau des autres, un peu amer en finale. Le fruit rouge du Pétrus est impressionnant et Marcus souligne son côté tannique.

C’est le tour du Château Pontet-Canet magnum 1955. La couleur est un peu foncée. Le vin est d’une fraîcheur extrême. Il est beaucoup plus frais que les trois vins précédents. Il est moins complexe mais plus franc. C’est un vin de soif, de plaisir. Il prend un velouté extrême et évoque la confiture de framboise. C’est un vin de très grand plaisir. Je dirais volontiers que si l’on cherche l’ADN du vin de Bordeaux, c’est-à-dire un vin qui pourrait résumer par un savant compromis ce qu’est un bordeaux, ce serait ce vin-là. Et si on cherchait une maturité archétypale, ce serait celle-ci. Ce vin est un repère central.

Je reprends une goutte de Pétrus, la dernière, et ce vin est une pure folie.

Vient une nouvelle série de trois. Le Château La Conseillante 1949 a un très joli nez, alors qu’il était moyen à l’ouverture. Il est très doux, presque sucré, et cette sucrosité empêche de l’aimer vraiment.

Le Château La Mission Haut-Brion 1955 a un nez de ventre de lièvre. Inutile d’insister, il est mort. Et comme hier, je m’étonne que personne ne le condamne vraiment.

Le Château Haut-Brion 1955 a un nez de feu de cheminée, de graphite, de camphre. Ce nez empêche de goûter le vin, moins pire que son parfum. Cette série est de loin la plus faible.

Sur le chevreuil délicieux, le Chateauneuf-du-Pape Clos des Papes magnum 1990 a un nez fantastique et de grande noblesse. En bouche il est puissant, poivré, majestueux. Il une belle amertume, un beau poivre et une grande puissance. Il affirme son caractère de Chateauneuf-du-Pape. C’est un superbe vin jeune.

Encore une série de trois vins. Le Vega Sicilia Unico 1947 a une couleur très claire. Le Château Cheval Blanc 1947 a une couleur très dense et très belle.. Le Château L’Angélus 1947 a une couleur fatiguée.

Au nez, l’Angélus est fatigué comme les 1955. Pour moi il est mort. Le Vega a un nez fabuleux, de compote de fruits rouges et je l’adore, car c’est la signature des vieux Vega. Alors, je ne vais pas du tout être objectif. C’est un vin fantastique, énorme, et je suis prêt à ignorer d’éventuels défauts. Il n’en a pas, sauf peut-être une présence alcoolique forte.

Le Cheval Blanc a un nez de Cheval Blanc. La présence de porto dans les suggestions du vin indique que c’est un vrai. Il est parfait, grand, mais pas assez canaille pour un 1947. Il est plus fruité que celui que j’ai bu ce lundi. C’est un grand Cheval Blanc 1947, mais j’avoue que je ne monte pas au ciel.

A cette série, Uwe rajoute un vin qui n’est pas sur la liste, à goûter à l’aveugle. Il est très grand, porteur d’émotion, mais il est très difficile à situer. Je risque Châteauneuf, Marcus risque bourgogne, et c’est un Château La Perrière, Lussac Saint-Emilion 1947. Lorsque Uwe donne la réponse, nous éclatons de rire Marcus et moi, et comme des footballeurs qui viennent de marquer un but, nous nous tapons dans les mains, souriant de nos communes confusions. Le vin m’apporte plus d’émotion que le Cheval Blanc 1947, ce qui est un compliment pour ce vibrant bordeaux, à la tension extrême.

La prochaine série de trois comporte des vins de Van der Meullen, un marchand de vins belge à qui l’on colle la réputation d’avoir vendu le meilleur, mais aussi le pire, puisqu’on lui prête beaucoup de faux, notamment sur des 1947. J’ai entendu ce soir une version particulièrement originale, puisque Uwe prétend que les faux que l’on trouve sont faits par des gens qui ont fabriqué de faux Van der Meullen et non pas Van der Meullen qui a fabriqué des faux. C’est assez original car je vois mal un faussaire qui copierait des mises de négoce. Bref. La couleur du Nuits-Saint-Georges Van der Meullen 1926 est assez tuilée. Les deux autres vins sont bien rouges,. Le Chambertin Van der Meullen 1947 est rubis et le Vosne Romanée Van der Meullen 1947 est plus clairet.

La 1926 pue. Inutile d’insister. Le chambertin a un nez superbement bourguignon, et le Vosne-Romanée a un joli nez, un peu moins tonitruant que le Chambertin.

Le 1926 a un goût de gibier, on l’oublie. Le chambertin est superbe, d’un joli velours, mais le final est trop rêche. C’est dommage, car à l’attaque je l’aurais placé très haut. Le final est trop amer, de chicotin. Le Vosne-Romanée est hélas bouchonné, sensible maintenant au nez et en bouche, et je le condamne peut-être trop vite, car il perd cette sensation de bouchon. Il devient presque aimable.

La partie vins est finie et l’on nous sert un Porto Vintage Graham’s 1924 très plaisant sur la première gorgée, mais qui explose d’alcool. Il est pour moi beaucoup trop fort, ce qui empêche d’en jouir.

Le Tokaji Eszencia 1945 est très racé assez lourd, et plus alcoolisé que ce qu’un Eszencia devrait être. Il n’est pas désagréable, mais ne crée pas de réelle émotion.

Uwe, dans sa générosité, ne sait pas conclure un repas. Car il nous apporte un Wehlener Sonnenuhr Spätlese Joh. Jos. Prüm 2007 qui est immense de fraîcheur et corrige bien la lourdeur des deux vins précédents. Il est velouté, délicat et très agréable. Et ce n’est pas fini, car notre groupe se retrouve au bar de mon hôtel pour trinquer sur une bière Fiege Pils Moritz bu dans un verre dont le dessin et le design a été fait par Marcus avec qui je trinque à notre amitié.

Que dire de tout cela ? Je me suis inscrit à ce dîner pour le 1727, et je viens de boire un miracle. Uwe est un passionné généreux, qui déniche des vins rares. Il est un peu brouillon, et l’atmosphère du repas était assez triste car chacun prenait des notes dans son coin, sans communiquer. J’ai essayé de créer des échanges, mais ce n’est qu’à la fin que ce fut chaleureux. Heureusement, j’avais Marcus à mes côtés. Les vins se sont comportés nettement mieux que ce que je redoutais car beaucoup provenaient de mauvaises caves. Il y a eu beaucoup de déchets, mais quelle importance ! Quand on aime les vins anciens, il faut accepter les accidents.

Mon classement final est : 1 – Rüdesheim Apostolwein Rathskeller Bremen 1727, 2 – Pétrus 1929, 3 – Assmannshauser Spätburgunder 1872, 4 – Vega Sicilia Unico, 5 – Château Pontet Canet 1955, 6 – Chateauneuf-du-Pape Clos des Papes magnum 1990, 7 – Niersteiner Riesling 1870 #, 8 – Château La Perrière 1947, 9 – Château Cheval Blanc 1947, 10 – Château Gruaud-Larose Faure-Bethmann 1928.

Les trois premiers sont nettement détachés des autres. Je n’ai pas classé les vins allemands car c’est difficile, mais si je le faisais, je mettrais le Urziger Würzgarten Auslese Robert Eymael 1971 bu en dehors du repas en numéro 4.

Deux jours de folie, mais des souvenirs qui s’ajoutent pour toujours.

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Chez Uwe, les vins m’attendent pour que je les ouvre

Il ouvre un Urziger Würzgarten Auslese Robert Eymael 1971 à boire pendant ce travail

Riesling Spätlese trocken J.B.Becker Wallufer Walkenberg 1990

Monziger Frühlings Plätzchen Riesling Trocken Spätlese Emrich Schönleber magnum 1989

Schloss Reinharthausen Hettenheimer Wisselbrunn 1934

Deidesheimer Hergottsacker Riesling Spätlese Würzburg Rheinpfalz 1949

Erdener Treppchen feine AusleseWachstum Schönmann 1949

Niersteiner Riesling 1870 #

Assmannshauser Spätburgunder 1872

Rüdesheim Apostolwein Rathskeller Bremen 1727

je suis heureux d’ouvrir cette bouteille de 1727 même si l’embouteillage est récent

Château Gruaud-Larose Faure-Bethmann 1928

Pétrus 1929

Château Troplong-Mondot 1934

Château Pontet-Canet magnum 1955

Château La Conseillante 1949

Château La Mission Haut-Brion 1955

Château Haut-Brion 1955

Chateauneuf-du-Pape Clos des Papes magnum 1990

Vega Sicilia Unico 1947

Château Cheval Blanc 1947

Château L’Angélus 1947

Château La Perrière, Lussac Saint-Emilion 1947 (pas de photo hélas – rajouté en cours de repas)

Nuits-Saint-Georges Van der Meullen 1926

Chambertin Van der Meullen 1947

Vosne Romanée Van der Meullen 1947

Porto Vintage Graham’s 1924

Tokaji Eszencia 1945

Wehlener Sonnenuhr Spätlese Joh. Jos. Prüm 2007

la bière finale de camaraderie après le repas mémorable