Très beau dîner au restaurant Akrame jeudi, 26 septembre 2013

Nous allons dîner en ville, ma femme et moi. C’est elle qui a choisi un lieu que je ne connais pas, le restaurant Akrame. Le format ressemble à celui de Yamt’cha ou l’Astrance : petite cuisine, petit nombre de tables, menu imposé. Il y a un petit et un grand menu, mais on nous fait comprendre que si l’on veut s’imprégner du talent créatif du chef, il serait bon de prendre le grand menu.

Je demande la carte des vins et je constate qu’elle est fort intelligente. Ne sachant pas ce qu’il y a au menu, je m’oriente vers les champagnes. Le maître d’hôtel sommelier pointe un vin sur la liste. J’en pointe un autre et cela produit la réaction suivante : « hors carte des vins, j’ai des Selosse ». Voilà quelqu’un qui sait parler à mon cœur. Je commande le Champagne Selosse millésime 2002 dégorgé en 2012. Le serveur a marqué des points.

Le menu, dont les intitulés ne sont donnés qu’à la fin du repas est : mini chou-fleur au beurre noisette / papier à l’encre de seiche / anguille fumée, croquant olives noires / yaourt / tomates noires de Crimée et litchi / coques, fenouil au Campari, beurre aux agrumes / cœur d’agneau, feuille d’huître, hareng / homard, citron, sel de homard / lotte au foin, courgettes, abricots / sorbet citron confit / ris de veau, oignon des Cévennes, émulsion pomme de terre / Ossau Iraty, champignons / ananas au charbon en monochrome tout chocolat, figue, badiane, crème anglaise citronnée.

Le chef est talentueux et c’est un festival de créativité, d’ingéniosité et de réalisation. Le chef est d’Oran aussi reconnaît-on les besoins d’épices et de citron comme soutien permanent. Mais le chef veut aller très loin et il y réussit. La lotte est un plat de première grandeur. Le dessert à l’ananas est un chef-d’œuvre d’inventivité. A côté de ces plats, certains sont parfois extrêmes. Les coques sont délicieuses, mais trop marquées par le pamplemousse. Le ris de veau, à force de vouloir bien faire, limite l’émotion. Mais l’on retient surtout le côté positif des choses. Voilà une cuisine enlevée, innovante, qui va progresser et devenir brillante avec la maturité.

Le service est attentionné et veut bien faire. On ne peut que l’encourager. La vedette, c’est le Selosse 2002. Son attaque est incroyablement fruitée. Il est généreux, droit comme un ‘i’, époustouflant de diversités aromatiques. Quel bonheur. Je n’ai jamais bu un 2002 de Selosse aussi joyeux que celui-là. Il faut dire que l’ADN des plats du chef étant imprégné de citron, le champagne s’en régale. Heureux que j’étais, j’en ai donné un verre à la table voisine où un américain d’origine asiatique et une japonaise vivant tous les deux à Hong-Kong fêtaient leur voyage de noces. Nous avons conversé avec l’envie commune de mieux nous connaître.

C’est un restaurant que l’on peut chaudement recommander. Le lieu va progresser, le chef va conserver son talent avec une moindre volonté de prouver à tout prix qu’il est grand. Il n’en a pas besoin. Longue vie à Akrame, restaurant chaleureux de grand talent.

le lieu étant très sombre, les photos sont imparfaites

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très belle idée de joindre les représentations graphiques des plats

déjeuner de conscrits au Yacht Club de France samedi, 21 septembre 2013

Nouveau déjeuner de conscrits au Yacht Club de France. Ayant un dîner de wine-dinners le soir même, je déjeunerai à l’eau. Thierry Leluc, le dynamique directeur de la restauration du club a conçu un menu fondé sur la qualité des produits.

L’apéritif tourne autour de tranches de jambon de Bretagne et d’encornets délicieux aux herbes vertes. Quelle surprise de voir un homard bleu entier servi pour chacun. Le titre du plat est gentiment hypocrite : « nos œufs mayonnaise dans les pinces d’un bleu ». La viande est d’une grande qualité. C’est un filet de bœuf race limousine aux pieds de mouton, tajine de légumes et gratin dauphinois. Les fromages sont d’Eric Lefebvre, meilleur ouvrier de France. Le dessert est un millefeuille aux fraises et framboises.

Une fois de plus, on sent l’engagement de ce club pour nous offrir une cuisine de très haut niveau.

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Déjeuner au restaurant Mary Goodnight 78 rue d’Auteuil samedi, 21 septembre 2013

Radio Courtoisie est une radio libre sans publicité qui ne vit que de dons. Le journaliste qui m’interroge est bénévole. La discussion porte sur mon livre puis elle dérive vers les vins, car nous sommes juste avant Noël. En une heure et demie de discussion, on pourrait penser que j’ai épuisé tout ce que j’avais à dire, mais en fait je n’ai pas abordé plus qu’un dixième de ce que je voulais dire.

J’invite le journaliste Hugues Sérapion en un endroit qui m’est inconnu et porte un nom curieux. C’est le restaurant Mary Goodnight dont la cuisine est d’inspiration indienne. Je veux faire plaisir au journaliste en commandant un Dom Pérignon 2002, mais il n’y en a plus. Les cartes qui ne représentent pas l’offre disponible, ça a le don de m’énerver. Je commande un Château La Lagune 2006 et ce sera un petit clin d’œil à Caroline Frey qui participait au dîner de vignerons d’il y a une semaine.

Nous prenons des Spring Rolls de crevettes et un Tigre V.O. qui est en fait une agréable pièce de bœuf coupée en tranche peu épaisses, d’où le tigre. La cuisine est bonne, aidée par les douces épices qui ont l’avantage de ne pas écraser le vin. Son nez est d’une belle richesse et l’on pressent des tanins puissants. En bouche le vin est solide, aux tanins très présents et j’ai perçu un agréable velouté. Le vin est très cohérent, mais j’aurai toujours du mal avec les bordeaux trop jeunes quand on pressent combien il sera grand dans vingt ans quand toutes les pièces du puzzle seront assemblées.

La décoration du lieu est agréable, le service est assez attentif. C’est une aimable cuisine, mais à part des deux vins cités, la carte est trop maigre pour un amateur de vin.

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Déjeuner au restaurant Garance samedi, 21 septembre 2013

Des convives américains du 171ème dîner cherchant un restaurant pour le déjeuner du lendemain suivent les indications de Tomo, qui était présent et suggère naturellement Garance. Il insista tellement pour que je vienne que je me retrouve, à l’insu de mon plein gré au restaurant Garance avec les restes des vins de la veille, car des magnums pour huit personnes sont difficiles à finir.

Il est intéressant de noter que le Montrachet Guichard Potheret magnum 1988 est nettement meilleur que la veille, alors que les vins sont allés du Laurent à mon domicile puis au Garance, passablement agités pendant ces trajets. Le vin a gagné en précision et en tension. Il est devenu ce que j’aurais souhaité hier.

Le Château Gruaud Larose magnum 1950 est toujours aussi brillant et enthousiasmant. J’en suis encore amoureux tant il combine la puissance de l’attaque et le joli fruité en finale.

Le Clos de Vougeot Charles Noëllat magnum 1985, s’est éteint depuis la veille. On ne peut pas le lui reprocher, puisque c’est hier qu’il devait briller, et il l’avait fait.

Les restes ne pouvaient pas suffire pour accompagner l’excellent menu dégustation de Guillaume Iskandar, dont le talent s’affirme de plus en plus. Il a pris ses marques et fait une grande cuisine. J’ai apporté un Champagne Dom Ruinart rosé 1990. La couleur est de pêche, magnifique. Le champagne est impérial. Il est complexe, changeant, déroulant des arômes complexes, et très gastronomique c’est un immense champagne.

Le restaurant Garance s’inscrit maintenant à l’évidence dans les tables qui comptent à Paris.

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171ème dîner de wine-dinners au restaurant Laurent vendredi, 20 septembre 2013

Le 171ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Laurent. A 17 heures, comme d’habitude, je viens ouvrir les vins pour qu’ils s’épanouissent par oxygénation lente. Lorsque je choisis les bouteilles, c’est souvent l’instinct qui me guide. Un magnum d’un bourgogne de 1985 me fait un clin d’oeil et je l’inclus dans le dîner, sans savoir de quel producteur il s’agit. Seule l’étiquette du millésime est encore présente. Lorsque j’ouvre la bouteille, un large sourire barre mon visage. Je peux lire distinctement sur le bouchon que le domaine est de Charles Noëllat, l’un des plus brillants vinificateurs de la Bourgogne. Je suis heureux car mon intuition était bonne. Il semble que ce jour est celui des surprises agréables, car le magnum flambant neuf de Gruaud Larose 1950, que j’imaginais reconditionné au château est en fait rhabillé au château, ce que je préfère cent fois. Le bouchon est d’origine, le niveau est superbe et le vin est une promesse de bonheur par des parfums envoûtants.

La même belle surprise vaut aussi pour le Filhot 1928 qui brille comme un sou neuf et a conservé son bouchon d’origine. C’est étrange que les domaines n’indiquent pas quand le vin a été seulement rhabillé. Car gustativement, il y a un monde entre un vin reconditionné, donc ouvert, et un vin au bouchon d’origine.

Comme les surprises devaient continuer, je constate que le bouchon du vin de secours apporté « pour le cas où » a baissé de deux centimètres. Alors qu’il n’y a aucune obligation de prendre une bouteille de secours puisque les senteurs sont toutes parfaites, il faut ouvrir ce vin qui ne supporterait pas un retour à ma cave. Le bouchon tomberait. C’est un Volnay Caillerets ancienne Cuvée Carnot Bouchard P&F 1970.

Une heure avant l’heure du repas, les trois américains arrivent. Ils prennent un apéritif pendant que je finis de me préparer. Nous sommes huit ce soir, dont des américains plus cosmopolites qu’annoncé, puisque Dieter est australien, Lilly a des origines du Canada et de Bulgarie. Seule Sarah est une américaine, texane vivant à Boston. Lilly et Sarah sont chirurgiennes. Le contingent français comprend des habitués et des nouveaux. La parité que visent désespérément les hommes politiques est respectée à notre table. L’ambiance n’en est que plus agréable.

Le menu mis au point par Alain Pégouret et Philippe Bourguignon est : merlan frit en goujonettes / pince de tourteau décortiquée et nappée par un beurre monté citronné / noix de ris de veau dorée au sautoir, girolles / pigeon à peine fumé et rôti, cèpes / saint-nectaire / mirabelles poêlées dans leur jus.

Le Champagne Mumm Cordon Rouge magnum 1975 est pris en apéritif dans la jolie rotonde d’entrée. C’est une belle surprise car je ne l’attendais pas à ce niveau. Sa bulle est active, sa couleur est encore jeune, et son goût pétillant est d’une grande jeunesse. S’il s’est bien assemblé, il garde encore de beaux signes de jeunesse avec des accents de fleurs. Il est très agréable à boire et accompagnera très bien certains plats du repas.

Le Montrachet Guichard Potheret magnum 1988 est solide comme un roc. Il a la générosité d’un montrachet, la sérénité d’un vin de vingt-cinq ans, et ce que j’aime, c’est le gras qu’il donne au palais sans perdre sa fraîcheur. Le seul reproche que je lui ferais, s’il fallait en faire un, c’est d’être un peu trop consensuel et de ne pas chercher à heurter le palais. L’accord avec le tourteau est brillant.

Trompettes de la renommée, sonnez, car le Château Gruaud Larose magnum 1950 est absolument parfait, un vin exceptionnel. Il attaque comme un solide Saint-Julien, plutôt plus conquérant qu’un Saint-Julien. Il a la force la noblesse, des aspects de truffe ou de bois brûlé. Certains parlent de mine de crayon, mais c’est plus noble que cela. Et c’est alors que le miracle apparaît car le finale du vin est tout en fruits roses comme des framboises. Et ce finale est d’une fraîcheur de très grand vin. Je jouis de ce vin sans modération. L’accord avec le ris de veau est bon, sans dégager la petite étincelle qui rehausserait le vin qui n’en a pourtant pas besoin. L’année 1950 a donné des vins d’une rare solidité, année dont on parle relativement peu dans les livres. Ce Gruaud Larose donne raison à mon amour des 1950.

Le Clos de Vougeot Charles Noëllat magnum 1985 est du velours. Il a un charme extrême tout en ayant la rigueur des 1985. Il est tellement suave qu’il est presque doux. Bien sûr, il est très jeune, marquant un saut important après le superbe 1950, mais on l’aime dans sa jeunesse équilibrée. On dit souvent que le bordeaux parle à l’esprit et que le bourgogne parle au cœur. Nous en avons la démonstration. Mais ce vin va plus loin. Il est d’une sensualité exacerbée qui émoustille les sens. Sa principale caractéristique est sa précision.

Etant dans l’impossibilité d’extirper le bouchon du Volnay Caillerets ancienne Cuvée Carnot Bouchard P&F 1970 lors de la l’ouverture, j’avais carafé le vin, extirpé le bouchon de la bouteille vide « à la ficelle », et versé le vin de la carafe à la bouteille. Ce double carafage a un peu tourneboulé le vin qui ne se présente pas avec autant de précision que le vin précédent. Mais il a beaucoup de charme, ne souffrant pas de l’étroitesse de son millésime. Ce vin rajouté au programme a beaucoup plu à mes convives. Le saint-nectaire lui a donné un coup de fouet spectaculaire.

Le Château Cantegril Sauternes 1922 est d’un or soutenu, plus sombre que celui du vin qui le suivra. Son parfum est d’un subtilité extrême, délicat, très odalisque d’Ingres. En bouche c’est un sauternes discret mais qui captive comme l’orateur qui parle soudain à voix basse. C’est un des plus grands Cantegril 1922 que j’aie bus, un sauternes qui correspond à ce que tout amateur devrait attendre et rêver. La mirabelle est cohérente mais fait apparaître un peu trop le sucre du sauternes.

Le Château Filhot Sauternes 1928 est d’un or conquérant, résolument ensoleillé. Son nez est majestueux, lourd de sensualité (décidément) et en bouche, sa plénitude est parfaite. Il serait impossible de critiquer un tel vin qui n’a pas le moindre défaut. On est en face d’un sauternes parfait, qui a commencé par être un peu sec puis a développé sa sucrosité avec talent.

Les discussions vont bon train, pratiquement toutes en anglais et les rires fusent. Aussi la séance des votes est-elle vécue comme une épreuve de concours. Trouver trois vins est assez facile. En trouver quatre est beaucoup plus dur. Nous sommes huit à voter pour les quatre meilleurs de sept vins. Ce qui est fascinant, c’est la diversité des votes. Les sept vins ont recueilli au moins trois votes, ce qui veut dire qu’ils ont tous été aimés. Et cinq vins sur sept ont été nommés premiers par au moins l’un des convives. Le Gruaud Larose est présent dans tous les votes. Qui pourrait prétendre qu’il y a un goût universel ? Cette diversité des votes serait une bonne leçon pour les experts péremptoires.

Le vote du consensus serait : 1 – Château Gruaud Larose magnum 1950, 2 – Château Filhot 1928, 3 – Clos de Vougeot Charles Noëllat magnum 1985, 4 – Volnay Caillerets ancienne Cuvée Carnot Bouchard P&F 1970, 5 – Montrachet Guichard Potheret magnum 1988.

Mon vote est : 1 – Château Gruaud Larose magnum 1950, 2 – Château Filhot 1928, 3 – Clos de Vougeot Charles Noëllat magnum 1985, 4 – Château Cantegril Sauternes 1922.

La dynamique internationale de ce dîner aux fous rires nombreux en a fait un moment exceptionnel.

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Déjeuner au restaurant Encore de Yoshi Morie jeudi, 19 septembre 2013

Lorsque le chef Yoshi Morie a quitté le restaurant Le Petit Verdot, ce fut un petit coup de tonnerre dans le monde de la gastronomie. Lorsqu’il a ouvert le restaurant Encore, la critique a unanimement salué cette naissance. Une table est réservée par ma fille. Le volume de la salle est agréable, la décoration minimaliste est de bon goût. Ici, ce sont des petites tables en bois et des ardoises qui servent de menu. L’atmosphère est de bistrot.

Je choisis dans l’intelligente petite carte de vins un Champagne Léclapart cuvée l’Artiste blanc de blancs extra-brut 2008. Mon choix sur l’ardoise est moules du Mont Saint-Michel, chou Kale, panais / boudin kintoa, persil, tubéreux / poire caramel, glace à la liqueur de cédrat. Je ne m’attendais pas à quelque chose d’aussi simple et aussi peu cuisiné. Lorsque je m’en suis ouvert au chef, il m’a indiqué que c’est le soir qu’il fait des plats plus gastronomiques. Ma fille est contente de trouver ici du chou Kale qu’elle est une des seules à offrir au café Pinson.

L’ambiance bistrot se confirme lorsqu’on constate qu’il n’y a pas de rince-doigt après les moules et lorsque les couverts ne sont pas changés entre les moules et le boudin. A ma question on répond : « bistrot ».

Le champagne est bien fait et on sent que le côté extra-brut est un peu fort et agresse les joues. Mais ce beau champagne accompagne tout le repas avec beaucoup de justesse. On y revient de plus en plus avec plaisir car il s’assagit. La cuisine est simple, peut-être un peu trop simple par rapport à ce que j’attendais. A revoir le soir, car dans ce cadre agréable, j’aimerais bien que le grand talent de ce jeune chef s’exprime.

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Repas de rêve au restaurant Arpège jeudi, 12 septembre 2013

Des amis me proposent de les rejoindre pour déjeuner au restaurant Arpège. Ils annoncent des bouteilles de haut niveau qui m’interdisent de refuser ce repas si par hasard j’en avais l’intention. Ma réponse à leurs apports est Latour 1914.

J’arrive vers 11h pour ouvrir ma bouteille mais aussi celles des amis. Les parfums sont extrêmement engageants. Celui du Margaux 1928 en demi-bouteille est irréellement bon. Je mets au point le menu avec un des amis arrivé en avance et avec l’équipe très motivée du restaurant.

N’ayant pas eu de menu, voici ce que j’ai retenu de la multitude de plats : petits amuse-bouche délicats en fines barquettes /fines lamelles de tomates multicolores à l’huile / pomme de terre bretonne avec une lourde sauce aux champignons et d’autres saveurs / carpaccio de poisson, bar, je crois / gratin d’oignons au parmesan / saint-pierre à la feuille de laurier et tétragone / céleri en forme de risotto / grouse / couscous de légumes / ris de veau / ravioles potagères et bouillon végétal / tomme / millefeuille « caprice d’enfant » à la mirabelle et à la dragée écrasée.

Ce repas est d’une qualité irréprochable. Le plat le plus enthousiasmant, c’est le couscous de légumes, plat emblématique d’Alain Passard. Ensuite, la grouse est exceptionnelle, suivie du gratin d’oignons et du millefeuille. Tous les plats sont bons, cohérents, talentueux.

Le Champagne Krug 1979 a une couleur très ambrée. La bulle est fine, minuscule et très active. En bouche, ce champagne est d’un rare plaisir. Il est expressif, confortable, charmeur. On sent le miel, le croissant tout chaud. Tout est charme en ce grand champagne.

Le Puligny-Montrachet Les Enseignères domaine Coche-Dury 1996, s’il est puissant, n’est pas envahissant. Car il s’est bien assemblé, devenant cohérent. C’est un vin qui dépasse le meilleur niveau des Puligny-Montrachet. L’huile des tomates permet de créer un bel accord, alors qu’il était improbable sur le papier.

Ce qui est fascinant avec le Château Laville Haut-Brion 1962, c’est qu’il est impossible de lui donner un âge. Alors que le Krug 1979 fait son âge, voire un poil plus, ce vin est intemporel. Sa couleur est d’un jaune citron. Son parfum est frais. En bouche, il est d’une précision extrême, de cette précision que l’on rencontre avec les meilleurs rieslings comme le Clos Sainte Hune de Trimbach. L’accord avec le saint-pierre est parfait. Ce vin est au sommet de son art, racé, noble, percutant.

Le Château Margaux 1/2 bt 1928 est fascinant. Son parfum est d’une force incroyable. Sa couleur est d’un rouge sang de pleine jeunesse. Le vin remplit la bouche de sa plénitude. Il est grand, à peine torréfié. Il est convaincant. C’est un très grand vin. J’avais ouvert ce même vin au Garance et Gérard Besson ne voulait pas croire qu’il soit possible qu’une demi-bouteille de 1928 puisse donner tant de jeunesse épanouie. Nous sommes dans la même configuration.

Le Château Latour 1914 a une couleur un peu trouble et donnant des signes d’âge. Le parfum est discret mais précis. En bouche, le vin montre une petite acidité lorsqu’on le boit sans plat. Avec la grouse, il devient follement gastronomique, perd ses signes d’âge et devient un vrai Latour, noble et distingué, même s’il n’a pas le caractère conquérant que Latour peut avoir. J’en ai offert un verre à Alain Passard qui l’a partagé autour de lui, pour autant de bonnes surprises.

Le charme sensuel des bourgognes se retrouve dans le Corton Grancey du Château Corton Grancey 1928. Il a quelques signes de torréfaction et de fatigue, mais c’est le charme qui triomphe sur le ris de veau. Notre ami coréen vivant à Singapour, qui préfère les bordeaux qu’il comprend mieux a vu ses convictions renforcées par une meilleure performance des bordeaux, mais le Corton Grancey, même incomplet, déclamait des complexités qui ne laissaient pas indifférent.

J’avais appelé à la raison en demandant qu’on n’ouvre qu’un seul sauternes, mais ma voix n’a pas pesé lourd. Nous avons donc pu comparer deux sauternes éblouissants. Le Château Lafaurie Peyraguey 1947 est d’un or glorieux, un peu plus foncé que l’autre. Son attaque est puissante avec un alcool affirmé et la cohérence du message est percutante. Ce qui me frappe, c’est la fraîcheur gracile de l’attaque, qui cohabite avec la puissance envahissante du Lafaurie.

Le Château Rayne-Vigneau 1947 a la même cohérence et le même accomplissement. Mais il a un peu plus de profondeur et de complexité. Il joue en douceur avec une efficacité redoutable. Les deux sauternes sont exceptionnels et selon les gorgées, on va aimer celui que l’on vient de boire. Les deux évoquent la mangue et les fruits jaunes dorés.

Nous avons bu des vins d’une grande qualité. Nous n’avons pas voté et ce serait bien difficile. Si je me risque, voici ce que serait mon classement : 1 – Château Margaux 1/2 bt 1928, 2 – Château Rayne-Vigneau 1947, 3 – Château Laville Haut-Brion 1962, 4 – Champagne Krug 1979.
Mais
si l’on me proposait un classement différent, je ne le refuserais pas, tant les vins furent tous de grande classe. Car chacun des quatre que je retiens est au sommet de son art.

Le repas fut un grand moment de gastronomie. On sent que l’équipe d’Alain Passard est tonique et motivée par ce grand chef chaleureux. Mes amis sont si fous qu’ils échafaudent d’autres moments de folie. J’ai bien peur de ne pas résister à leurs chants de sirènes et de les suivre dans cette jolie folie.

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Régis Marcon cuisine à quatre mains aux Crayères mercredi, 11 septembre 2013

L’hôtel Les Crayères à Reims a eu la riche idée d’organiser des repas à quatre mains et cinq étoiles avec Philippe Mille, le chef deux étoiles des Crayères et avec un chef trois étoiles. Ce soir, c’est Régis Marcon qui donne la réplique à Philippe.

Voici le menu concocté par les deux chefs : royale de foie gras d’oie, gelée de ratafia de la Champagne / dos de bar de ligne à la vapeur de champagne, vernis, couteaux et céleris boules étuvés / couci-couça d’agneau au praliné de cèpes, figue farcie / chaud-froid de banane et poire, caramel de morilles.

Les deux premiers plats sont de Philippe Mille et les deux suivants sont de Régis Marcon. Il s’agit de créations pour cette soirée. Il serait assez difficile de classer ces plats d’une créativité réfléchie. Chaque plat est porteur d’émotion. La royale de foie gras a un finale qui donne des évocations fruitées de pêches blanches que rien ne laisserait supposer, le dos de bar est d’une élégance et d’une justesse de ton exceptionnelle, l’agneau est d’une maîtrise qui fait comprendre pourquoi un chef peut obtenir trois étoiles et le dessert est probablement le plus abouti des quatre plats, avec une cohérence d’anthologie.

Alors, c’est un festival de bout en bout. Régis Marcon a découpé en salle les échines d’agneaux et c’est un régal de voir la précision des gestes. La vedette était manifestement du côté des cuisines.

Le Champagne Mumm Blanc de Blancs Mumm de Cramant magnum sans année est pris à l’apéritif. C’est un champagne de soif bien agréable, sans longueur excessive, qui se reprend avec plaisir.

Le premier plat accueille un Champagne Jacquesson Dizy Corne Bautray 2004 d’une belle tension. Le Champagne Jacquesson Avize Champ Caïn 2004 est de la même veine que le précédent, affuté, et trouvant dans le bar un écho très favorable.

Même si le Champagne R. Lalou Mumm 1999 a de grandes qualités, il est trop discret pour être à l’unisson de l’agneau, transcendantal pour lui.

C’est en fait le Champagne Mumm Extra Dry Carte Classique, fait avec des vins des années 90 qui a créé le plus bel accord de cette soirée, car malgré son dosage, sa douceur renvoyait un beau clin d’œil au caramel de morilles.

Mumm était venu en force, et tous les représentants de cette honorable maison sont restés entre eux, sans communiquer avec l’extérieur, vivant cet événement comme un séminaire interne. L’intérêt de ces événements extraordinaires où des chefs créent ensemble aurait été de susciter plus d’échanges.

Quelques fidèles se sont retrouvés sous la yourte du jardin, qui avec un champagne Billecart Salmon, qui avec un cognac Hine. Pour moi ce fut de délicieux et puissant Cognac Hine 1960.

Hervé Faure, avec les encouragements de Laurent Gardinier, a lancé un concept très fort, qui est un émerveillement à chaque nouveau happening à quatre mains.

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