Dîner improvisé avec mon fils mercredi, 20 décembre 2017

Mon fils devait dîner chez un de ses amis d’enfance et je devais faire une pause alimentaire après des repas rapprochés. Mais l’ami de mon fils étant souffrant, j’apprends que mon fils sera présent avec ma femme et moi ce soir. Il arrive avec un bocal de foie gras, du pain et un sachet de gâteaux. La pause sera un autre jour.

Nous allons commencer par du saumon fumé de belle qualité, bien gras, puis le foie gras que mon fils vient d’apporter, puis un camembert Moulin de Carel idéalement fait et après un intermède salade et champignons de Paris, nous finirons avec un peu de mangue et les gâteaux plombés de calories.

Le Champagne Salon 1988 a un beau bouchon qui vient sans trop de difficulté. La bulle est très active, la couleur est à peine dorée. Dès la première gorgée, on sait que l’on est face à un vin d’exception. Ce champagne est une évidence et on serait bien en peine de le décrire. Il est vineux, puissant mais il a aussi un équilibre qui le rend doux. Je perçois des fruits de couleur orange et cet orange est parfait comme les oranges des corps peints par Modigliani. Il est percutant, à la longueur extrême et n’apporte que du bonheur. Avec mon fils, nous jouissons de ce champagne parfait dont toutes les pièces sont assemblées dans une construction idéale. Le mot qui vient à l’esprit avec ce champagne est le mot « évidence ». Ce champagne est une évidence. Il est à un moment de sa vie où tout est assemblé, d’un équilibre parfait. Il est complet.

Et le plaisir est amplifié par le fait que ce dîner n’était pas programmé.

Déjeuner au restaurant La Réserve mardi, 19 décembre 2017

Avec un ami très impliqué dans le domaine du voyage et fidèle de mes dîners nous déjeunons au restaurant La Réserve qui est attaché à l’hôtel du même nom et appartient à Michel Reybier, propriétaire entre autres de Cos d’Estournel. Le lieu est celui de l’ex-Résidence Maxim’s qui appartenait à Pierre Cardin. Tout a été transformé et respire le luxe. La décoration du restaurant gastronomique est très tendance. Les décorateurs et architectes ont dû avoir carte blanche.

Je demande la carte des vins et il me faudrait des sels et une bonbonne d’oxygène pour éviter de m’évanouir tant certains prix sont monstrueusement élevés. Avec le prix d’un Pétrus 2000 on pourrait s’offrir une voiture très convenable. L’absurde est atteint avec les prix de Cos d’Estournel qui est pourtant le vin du propriétaire des lieux. L’erreur est la même que pour le restaurant Clarence qui appartient au propriétaire de Haut-Brion. On ne peut pas commander un Haut-Brion au Clarence. On ne peut pas commander un Cos d’Estournel à La Réserve. Peut-on ne viser que la clientèle pour laquelle le prix n’a aucune importance ? Devrais-je payer pour Cos d’Estournel 1982 plus de dix fois le prix que je pourrais trouver ? Il y a bien sûr ici et là quelques bonnes pioches, mais cette carte des vins est résolument tournée vers les clients qui ne demandent même pas le prix.

Dans les relativement bonnes pioches je choisis le Champagne Pierre Péters Les Chétillons Blanc de Blancs 2008. Ce champagne n’a pas l’ampleur du 2000 que j’ai bu récemment, mais bon sang ne peut mentir, c’est un très grand champagne auquel le temps va apporter beaucoup. Sa pureté et sa fluidité lui donnent un charme gourmand.

Nous prenons le menu du déjeuner à trois plats et non à quatre car il faut ensuite travailler : terrine de gibiers, betteraves au raifort / filet de rouget aux coquillages, chou-fleur en sabayon / pomme reinette cuite en croûte de sucre, yuzu et vanille.

Les trois petits amuse-bouche sont délicieux. Une chips au riz soufflé est très salée. Avant de démarrer le menu, on nous apporte un autre amuse-bouche au champignon et ensuite une préparation à l’artichaut elle-même trop salée.

L’entrée de terrine est joliment accompagnée de betteraves très agréables, mais la croûte de la terrine est un peu lourde, ce qui est souvent le cas. C’est quand est servi le rouget qu’un sourire barre ma face, car il est goûteux et parfaitement cuit. Voilà un joli plat. Le dessert à la pomme est aussi délicieux et original.

Le service est celui d’une grande maison et on sent que la maison est bien tenue, mais il en fait peut-être un peu trop. L’envie d’être grand se sent. Je suis sûr qu’en devenant familier du lieu, j’oublierais tous ces détails auxquels je suis plus sensible puisque c’est la première fois que je viens.

Le cadre est beau et agréable, le service est attentif. Il faut revenir en ce lieu pour une autre expérience. Je croyais être l’invitant et je fus l’invité. Merci ami.

sur les serviettes, l’éléphant emblème du Cos d’Estournel

Repas dominicaux avec mes trois enfants mardi, 19 décembre 2017

Mon fils ne sera pas présent en France le jour de Noël aussi mes deux filles et leurs enfants sont invités le dimanche qui précède Noël. Leurs obligations personnelles empêcheront que nous soyons tous ensemble réunis. Ma fille aînée sera présente au déjeuner et ma fille cadette au dîner.

Pour l’apéritif du déjeuner j’ai prévu un Pavillon Blanc de Château Margaux sans année qui doit avoir une quarantaine d’années si on se fie au bouchon et à la couleur ambrée. Il est d’avant 1978 puisque ce vin n’a été millésimé qu’à partir de 1978, même si des années comme 1928 et 1929 ont été millésimées. Le premier contact avec le vin un peu froid laisse penser que le vin est madérisé, mais dès que le vin s’épanouit dans le verre on voit apparaître du fruit, et une belle ampleur qui le rendent fort agréable. Il n’est pas parfait mais significativement bon et de belle construction avec un fruit appréciable.

Nous mangeons du jambon Pata Negra qu’on enroule sur des gressins et du houmous que ma femme a rafraîchi par des grains de grenade. Il y a aussi des petits dés de mimolette.

Le plat principal est de l’osso bucco servi avec des tagliatelles. J’hésite entre blanc et rouge et je choisis d’essayer les deux. Nous commençons par un Pouilly-Fuissé Debaix Frères 1961. Sa couleur est foncée et le vin montre des signes de fatigue qui font que nous n’allons pas longtemps insister. Il est buvable, mais n’a pas assez de personnalité.

J’ai ouvert il y a deux heures un vin qui fait partie des vins que j’ai achetés il y a environ quarante ans et se révèlent brillants. C’est un Santenay Gravières Jessiaume Père & Fils 1928 au niveau très proche du bouchon, à 3 centimètres ce qui est extraordinaire pour cet âge. Le nez à l’ouverture promettait des merveilles.

Le vin est servi à l’aveugle et mes enfants, devant la puissance exposée, pensent à des vins étrangers ou du sud. Ma fille aînée pense à une Côte Rôtie et suggère 1974. Mon fils, imaginant que c’est très ancien, propose une année bien antérieure à ce qu’il ressent et annonce un vin espagnol de 1955. Or c’est un Santenay de 1928. Ce vin ne semble pas touché par l’âge et ce qui frappe c’est que du début à la fin de la dégustation, il ne va pas changer d’un pouce. Il semble avoir trouvé un équilibre qu’il ne quittera pas. Ce qui me frappe, c’est la tension de ce vin qui est vif, cinglant, avec un beau fruit présent et une acidité dosée qui lui donne de la fraîcheur. Nous nageons dans l’irréel. Et je ne peux pas m’empêcher de penser que je viens d’ouvrir à deux jours d’intervalles un Corton Clos du Roi 1929 et un Santenay Gravières 1928 et que les deux ont atteint une sérénité qui semble éternelle et immuable. Ils ont atteint un équilibre qui se révèle indestructible. Dans mon livre paru en 2004 j’estimais que les années 1928 et 1929 sont deux immenses années aux vins d’une solidité inattaquable. J’en ai une fois de plus la démonstration avec ces deux vins brillantissimes.

Je garde un peu de chaque vin pour ma fille cadette qui viendra dîner. Il faut donc un autre rouge et j’ouvre sur l’instant sortant de la cave froide un Vega Sicilia Unico Reserva Especial fait avec un assemblage des millésimes 2003 – 2004 – 2006. Ce vin a été mis sur le marché en 2017. Le contraste avec le 1928 est évident. Le nez regorge de cassis et de jeunesse. On dirait un 2012. En bouche il n’est pas vraiment Vega Sicilia Unico. Il fait trop jeune, trop jeune fou. Mais il est diablement passionnant, juteux, fruité et élégant. Nous le garderons pour ce soir. Le dessert d’ananas Victoria en dés se mange en buvant de l’eau.

Le dessert est accompagné d’un gâteau diabolique, un Christstollen dont la pâte est fourrée de raisins secs et de pâte d’amande, est arrosée de rhum et saupoudrée d’une fine couche de sucre glace. Il est impossible de ne pas succomber.

Ma fille cadette fait suite à sa sœur comme dans le théâtre de boulevard où les personnages ne se rencontrent jamais. Le repas aura le même profil que celui du déjeuner. Il restait un peu du magnum de Champagne La Grande Dame Veuve Clicquot 1985 ouvert il y a deux jours que ma fille trouve à son goût. Pendant qu’elle en profite j’ouvre pour mon fils et moi un Champagne Krug 1989. Le pschitt me surprend par sa force. La couleur est un peu ambrée mais le champagne n’a pas l’ombre d’une trace d’âge. Quand je pense qu’on estimait que les champagnes devaient se boire dans les dix ans ! Ce champagne de 28 ans a plus d’énergie que des champagnes beaucoup plus jeunes. Il est riche complet et carré. Il est masculin, guerrier. Goûtant le Veuve Clicquot qui semble ne pas être affecté d’être resté deux jours après son ouverture, je lui trouve plus de charme qu’au Krug parce qu’il est plus féminin, mais le Krug est grand aussi.

Nous goûtons ensuite les dernières gouttes du Santenay Gravières Jessiaume Père & Fils 1928 de ce midi. Il a toujours la tension que j’avais alors remarquée mais il y ajoute un velours extrême. Sa douceur est prodigieuse. Ce vin riche est un miracle. La lie m’enchante au plus au point, concentré de velours.

C’est le tour du Vega Sicilia Unico Reserva Especial et je suis subjugué. Ce vin ne ressemble pas du tout à un Vega Sicilia Unico. Il est gracile, frêle, mais il a les frémissements d’une ballerine. Tout est gracieux, suggéré, d’une rare finesse. J’ai l’impression d’entendre le message d’un ange. C’est le bruit d’un bébé qui tète. Comment ce vin puissant d’Espagne peut-il être aussi délicat ? C’est un enchantement.

Le seul changement entre le déjeuner et le dîner est que le dessert au lieu d’être seulement de l’ananas Victoria a été associé à une mangue bien mûre. Et l’association est d’un bel effet. Avoir mes enfants et quatre des six petits-enfants une semaine avant Noël, c’est en avance un très beau cadeau.

le dîner

Dîner de famille dimanche, 17 décembre 2017

Mon fils vient de Miami et son séjour sera le dernier avant Noël et le jour de l’an. Alors que le traditionnel premier repas est fait de jambon Pata Negra, de fromages et de meringues chocolatées ce sera un soir de caviar. Le caviar osciètre Kaviari est très agréable car il allie un beau gras, une salinité contrôlée et une longueur extrême. Nous le mangeons avec une baguette et du beurre Bordier mais je préfère le caviar avec la baguette sans le beurre.

Le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame magnum 1985 a une bulle très active. La couleur est d’un jaune clair. Le champagne est très actif, vif, confortable. Il n’a pas la tension du Substance de Selosse bu il y a deux jours sur le même caviar mais son équilibre serein convient bien au caviar. C’est un très bon champagne qui n’a pas d’âge, tant il a de vitalité.

Un camembert bio fermier « du Champ secret » est bien affiné mais il délivre une assez forte amertume qui limite le plaisir. J’ai gardé le reste de la bouteille bue ce midi de Bâtard-Montrachet Louis Latour 1986 que mon fils adore, fruité, opulent et de belle fluidité. Il a profité de quelques heures d’oxygénation de plus pour son plus grand profit.

Le dessert est une assiette de tranches de mangue idéalement mûre. Ce repas où le caviar fut généreux est une bonne façon de fêter Noël à l’avance puisque nous ne serons pas ensemble le « vrai » jour de Noël.

Déjeuner au restaurant Pages avec le vainqueur de l’énigme Vénus de Milo vendredi, 15 décembre 2017

Le sujet qui va suivre, s’il faut lui donner un titre, sera nommé : « de l’intérêt de gagner mes énigmes ». Le lecteur remarquera évidemment qu’il s’agit de le titiller et de l’inciter à gagner les prochaines énigmes. Rappelons les faits. Je lance une énigme sur la Vénus de Milo et un lecteur hasarde une hypothèse pour aussitôt la balayer comme improbable. C’était la bonne, ce qui a amplifié mon plaisir d’avoir posé une énigme que l’on ne trouve qu’en en écartant l’hypothèse.

Par le plus grand des hasards l’heureux gagnant est un assidu de l’académie des vins anciens et de plus, un des plus généreux. Aussi, alors qu’il a gagné, le voilà qui me propose d’apporter trois vins en complément du vin qui est le prix de sa découverte. Je me permets bien humblement de lui rappeler que le gagnant c’est lui et non pas moi, mais j’ajoute : tu fais ce que tu veux.

Le rendez-vous est pris au restaurant Pages où nous avons déjà déjeuné ensemble, et il est convenu que chacun de nous viendra à l’heure qui lui convient pour ouvrir ses bouteilles. Lorsque j’arrive à 11 heures, Romain a déjà ouvert ses deux vins. Le prix qu’il a gagné est de partager avec moi un Haut-Brion 1970. Mais Romain est si généreux que j’ai envie qu’il découvre un vin exceptionnel. Aussi par une théorie des compensations « à ma façon » (en français dans le texte), je prends une bouteille de Haut-Brion de niveau moyen, du genre mi-épaule, bien que les Haut-Brion n’aient pas d’épaule du fait de la forme particulière de leur bouteille, et je prends un vin que je chéris au plus haut point. Et j’ai dans ma musette deux autres surprises.

J’ouvre mes vins. Le Château Haut-Brion 1970 a un bouchon qui vient entier mais qui est gras. Il faut donc avec mes doigts essuyer l’intérieur du goulot qui est aussi gras. Le nez n’est pas parfait mais il annonce de belles promesses. C’est la truffe qui domine dans son parfum intense.

Le Corton Clos du Roi A. Montoy 1929 au niveau très haut a un bouchon qui vient aussi entier. Son parfum est une promesse divine. Je sens que nous allons être en face d’une merveille.

A 11h15 tout est ouvert et le restaurant ne l’est pas encore. Je demande au chef Teshi des Edamames, car c’est une tradition lorsque j’ai ouvert les vins d’un repas chez Pages d’en grignoter, qu’il va chercher au bistrot d’à-côté. Lorsque nous pouvons montrer que nous sommes là, je demande à Thibault de nous servir le Champagne Krug Private Cuvée Brut Réserve probablement des années 60 que Romain a apporté en m’ayant dit : « il n’y a qu’avec vous que je peux boire un tel champagne qui a perdu près de la moitié de son volume. D’autres ne le comprendraient pas ». Lorsque l’on verse les premières gouttes de ce champagne, l’impression est peu flatteuse, car le vin est gris, foncé, peu engageant. En le goûtant, en faisant abstraction de tout ce qui pourrait gêner, on sent qu’il y a un champagne qui ne demande qu’à s’exprimer, dès qu’il va éliminer cette gangue de vieillesse. Alors soyons patients. L’accord Edamame et Krug ne se fait pas car ce haricot réclame une ‘bonne’ bière plutôt qu’un champagne. Mais nous grignotons quand même. Romain, et je le rejoins, pense qu’il faut garder le Krug pour la fin du repas et il propose que nous prenions un champagne à la carte du restaurant, malgré tout ce qui nous attend. Il commande un Champagne Version Originale (V.O.) Jacques Selosse dégorgé le 22 septembre 2016, jour d’équinoxe. Le champagne est agréable, mais du fait d’un dégorgement trop récent, il manque un peu de vivacité, surtout si je pense au spectaculaire Substance dégorgé en juillet 2013 qui avait été sublime.

L’amuse-bouche est constitué de trois petites portions accompagnées d’une infusion de salsifis. L’infusion n’aura qu’un succès d’estime, car elle ne crée pas de vraie vibration. La première bouchée a tout d’un oignon mais en fait c’est un morceau de betterave, doux et sucré. La deuxième bouchée est un poisson délicieux qui s’accorde avec le V.O. de façon magistrale. La troisième est noire, sans doute un morceau de viande, de mâche curieuse mais bonne qui appellerait un vin. Cet amuse-bouche me plait par l’originalité des goûts.

Le premier plat est le plat classique de deux caviars que l’on roule dans des crêpes avec des petites tiges de ciboulette. Le premier est plutôt gris, au joli grain, provenant d’une région qui doit être, si ma mémoire est bonne entre Chine et Sibérie. Le second, plus noir, de loin mon préféré, est de Sologne. Il est vif et précis. Il n’a pas le gras que j’ai trouvé et aimé dans l’osciètre de Kaviari. Ce plat emblématique est délicieux et le champagne V.O. est compétent mais montre qu’il n’a pas la vibration que l’on pourrait souhaiter.

Nous avons ensuite, présenté sur une omoplate de bœuf, un carpaccio de bœuf Ozaki qui appelle, avec une évidence absolue le second vin de Romain, le Bâtard-Montrachet Louis Latour 1986. Le vin est superbe, joyeux et franc, sans chichi et ce qui me plait le plus c’est qu’il ne cherche pas à surjouer. Il est franc et c’est le principal. J’ai trouvé que le carpaccio travaillé au fumoir perd un peu de la spontanéité d’un carpaccio. Je l’aurais préféré – et le vin aussi – dans la pureté du carpaccio.

Le plat suivant est un risotto avec des coquilles Saint-Jacques crues. Et c’est incroyable de constater ce que le risotto apporte à la coquille qui, seule, n’a pas le même talent. Et il apparaît de façon évidente que ce plat appelle le Krug. Et le miracle, c’est que le Krug devient brillantissime avec ce plat. C’est une résurrection que l’on pourrait raconter cent fois sans convaincre, tant qu’on ne l’a pas vécue. Nous vivons un miracle. Le Krug blessé est éblouissant avec une râpe franche et une vivacité sans pareille.

Il y a ensuite un cromesquis de foie gras qui est plus un exercice de style qu’un plat gourmand. Nous ne voyons aucun vin qui pourrait l’accompagner. Sa sauce appelle le Selosse.

Le plat suivant est une tranche de cabillaud cuite comme je l’ai demandée, dans sa pureté avec une petite sauce viande. Fort curieusement ce plat est servi dans une assiette bleue et noire qui inhibe la vibration du poisson, du moins pour moi. Nous prenons le Bâtard Montrachet mais ça ne colle pas. Une évidence m’apparaît : « bon sang, mais c’est bien sûr » c’est le Haut-Brion qu’il nous faut.

Le Château Haut-Brion 1970 va faire comme le Krug une remontée ascensionnelle extraordinaire. Bu sur les premières gorgées, on sent la truffe, un grain très riche et une présence très belle, mais un voile de poussière qui donne un petit goût de vieux. C’est sur le cabillaud.

Mais lorsqu’arrive le veau aérien, tout défaut disparaît et le vin, le premier Haut-Brion pour Romain, devient parfait avec une truffe précise, un grain de plomb tant le vin est riche et un finale qui ne s’éteint jamais. Ce n’est que du bonheur et l’aération prouve, une fois de plus qu’elle est capable de miracles. Et ce veau qu’on croirait voir voler tant il est aérien en bouche est l’accompagnateur absolu de ce grand vin.

Le grand classique du restaurant c’est le trio des viandes de bœuf, de Normandie, de Galice et d’Ozaki. Le Corton Clos du Roi A. Montoy 1929 quand il est servi a une couleur d’un rouge d’une jeunesse extrême. Le nez est parfait et la bouche est d’une insolente perfection. Il y a dans ce vin du velours, une salinité bien dosée et il y a même un beau fruit rouge. Mais ce qui frappe le plus, c’est que ce vin est éternel. Tout au long de sa dégustation, ce vin n’a pas bougé d’un gramme, parfait de la première à la dernière goutte. Et surtout, on se dit que si l’on ouvrait ce vin dans vingt ans, on aurait le même vin car il a atteint une plénitude absolue.

Alors, ce vin est d’une magnitude incommensurable par rapport au Haut-Brion. On est en face du vin absolu, celui qui est le rêve de tout amateur. C’est avec le bœuf de Normandie que l’accord a été le plus pertinent, car le gras de l’Ozaki n’est pas adapté à ce vin. Quand Naoko, l’épouse de Teshi a demandé si nous voulions du fromage pour accompagner le reste du 1929 il était évident de dire non, pour que nous finissions ce vin à la grâce pure et absolue pour lui-même, comme on le ferait d’une liqueur. Rencontrer de tels vins est ma passion. Romain en a profité et j’en suis heureux.

J’avais dans ma musette le reste du Muscat de la Tour mis en bouteille en 1897 que j’avais fait goûter lors du dîner de vignerons. Et je suis obligé de dire que si le Corton 1929 est au sommet de la hiérarchie du vin, il faut inventer une huitième ou une neuvième dimension pour savoir où situer ce muscat. C’est invraisemblable. Il a de la rose, des fruits blancs et des fleurs blanches et une délicatesse comme des pétales de rose alors que c’est un vin doux naturel. On arrive au-delà de toute limite gustative à un niveau de paradis puissance dix.

A côté, le reste du Maury 1937 que j’avais présenté au salon Vinapogée est délicieusement gentil mais fait revenir sur terre. Et par un de ces hasards qui n’arrivent qu’aux gens chanceux, le dessert au chocolat, absolument délicieux, semble avoir été fait pour le Maury 1937.

Romain a un train à prendre car il dîne ce soir chez Bocuse. J’ai moi-même ce soir un dîner avec mon fils qui arrive de Miami. Cela ne doit pas nous empêcher de penser que nous avons vécu un moment de grâce absolue avec un Corton 1929 qui est l’expression absolue du vin rouge à maturité éternelle, et parce que nous avons vu des résurrections incroyables avec un Krug blessé et un Haut-Brion un peu claudiquant qui ont su donner le meilleur d’eux-mêmes, comme si de rien n’était. Et les dernières larmes du Muscat 1897 sont la preuve que quand on croit avoir bu l’ultime de l’ultime, il existe encore un Olympe au-dessus de l’Olympe. Quel beau repas !

N’oubliez pas les prochaines énigmes !

la couleur du 1929

apéritif

amuse-bouche

repas

déjeuner de conscrits au Yacht Club de France vendredi, 15 décembre 2017

Un nouveau déjeuner de conscrits a lieu au siège du Yacht Club de France. Comme nous sommes proches de la fin de l’année, nombreuses sont les réunions qui se tiennent dans toutes les salles du club. Nous avons comme à l’accoutumée le bénéfice de la bibliothèque.

Depuis quelques mois, l’apéritif est à lui seul un vrai repas. Nous avons commencé par une petite coupelle de ris de veau et écrevisse, puis une assiette copieuse de cochonnailles, avec de l’andouille, du chorizo, de la viande fumée et divers saucissons. Ensuite, de belle huîtres normandes, un saumon fumé trempé de betterave sur un cédrat et une coquille Saint-Jacques chaude sur une purée qui mérite tous les compliments. Après cela, qui aurait encore faim ? Pour faire passer tout cela, nous avons bu un Champagne Deutz Brut Classic sans année et un Champagne Taittinger Brut sans année qui sont faciles à boire mais ne brillent pas particulièrement par leurs complexités, essentiellement parce que j’ai en mémoire le Substance de Selosse bu la veille.

Le menu composé par le chef avec Thierry Le Luc et l’ami qui nous invite est : œuf mollet sur une pastilla et son jus avec sa pince de homard bleu / filet de bœuf Wagyu, pommes Anna / fromages affinés / Pavlova maison. La cuisine du chef est inspirée et goûteuse. Nous sommes gâtés.

Le Puligny-Montrachet Premier Cru sous le Puits Domaine Larue 2011 est agréable à boire, assez sec, avec une légère amertume mais une personnalité agréable.

Le Chambolle-Musigny Louis Jadot 2011 veut bien faire, se veut assez flatteur, mais n’entraîne pas beaucoup d’émotion car on sent sa volonté d’être consensuel. Et la réserve que j’ai est confirmée par le vin qui suit.

Le Château Smith Haut Lafitte 1998 est une merveille de grâce et de charme. C’est un grand vin de belle mâche avec un grain soyeux qui raconte des choses, contrairement aux vins qui le précèdent. J’apprécie sa gourmandise et la beauté de sa conception.

Pour le dessert qui m’a rappelé les pagodes birmanes, le Champagne Billecart-Salmon Brut Réserve a été une belle conclusion à un repas d’amitié. Notre club s’appelle le club 2043 pour signifier que nous visons tous d’être centenaires. Mais des repas aussi pantagruéliques sapent nos ambitions. Nous avons évidemment porté un toast à Johnny Halliday qui était et reste dans nos cœurs notre conscrit.

le repas

le menu

Déjeuner des conscrits 43 dec 2017

Déjeuner au Bofinger et atelier de caviars Kaviari mercredi, 13 décembre 2017

On dit que les voies du Seigneur sont impénétrables et je me suis toujours demandé quelle était la pertinence de l’adjectif « impénétrable ». Incompréhensible, peut-être, mais impénétrable, ça ferme des portes. Bref. Ayant été invité par Valérie Costa à un déjeuner à la manufacture des caviars Kaviari, j’ai découvert un lieu, une ambiance et des produits qui m’ont posé cette question : pourquoi ne pas faire un de mes dîners en ce lieu ? J’ai des alcools blancs antiques qui appellent le caviar et je ressens chez Kaviari une envie de mettre en valeur leurs caviars de façon gastronomique.

Alors, pourquoi ne pas mettre en commun nos énergies ? On voit de temps à autre des dîners à quatre mains où deux chefs croisent leurs talent. Mettre en commun mes vins et les caviars de Kaviari est une idée possible. Allons-y. Rendez-vous est pris avec Karin Nebot qui, avec sa famille, est en charge de la manufacture. Nous avons prévu un travail en atelier à 14 heures et un déjeuner auparavant. Pour éviter tout aléa de circulation, nous allons déjeuner à la Brasserie Bofinger où j’ai des souvenirs antiques, avant que ce lieu ne fût Flo. Karin me rejoignant à la manufacture après mon arrivée me demande si je veux goûter quelque chose. Je réponds oui. Un caviar osciètre bien gras est le meilleur préparateur possible pour le déjeuner que nous allons faire.

Arrivés à la brasserie, le cadre est toujours aussi beau, le personnel toujours aussi brasserie. Je commande un Champagne Dom Pérignon 2006 qui me semble faire une suite logique à l’osciètre. Pour qu’il y ait continuité, nous prenons des huîtres Gillardeau n° 3 et je commande une sole pendant que Karin commande un saumon qui va apparaître beaucoup trop cuit selon une tradition culinaire française. Ma sole, à la sauce un peu lourde mais à la pomme de terre légère est beaucoup plus agréable. Le Dom Pérignon est très aidé par l’huître pour trouver une vibration et une assise que j’apprécie. Le champagne est franc, droit, facile à comprendre et de belle mâche. Comme il en reste nous prenons un morceau de munster bien affiné.

De retour à la manufacture Kaviari, Karin est très sollicitée. Elle me laisse seul avec trois personnes attablées qui finissent leur repas. Nous bavardons et bien évidemment nous trouvons des sujets d’intérêt commun. On me propose pour éliminer la mémoire du munster un Aquavit que je ne refuse pas.

J’ouvre la bouteille que j’avais prévue pour l’atelier, un Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé le 29 juillet 2013. Mes voisins de table en profitent et sont comme moi conquis par l’invraisemblable tension de ce champagne. Il est vif, il est conquérant, mais il est capable d’être insolent au point d’offrir un fruit calme, aussi bien rouge que jaune. Un régal.

Avec Pascale, la responsable – entre autres – de l’atelier, nous passons à la partie studieuse de la dégustation. Le caviar « transmontanus », très noir, italien, évoque immédiatement pour moi la pierre alors qu’il évoque la terre pour Karin et le sel, très prononcé. Je le trouve un peu court.

Le caviar « osciètre », qui vient de Bulgarie est le caviar parfait. Il a du gras, une belle épaisseur, une grande longueur et un sel bien dosé. Le Selosse le propulse à des hauteurs rares. Karin est impressionnée par ce champagne long et percutant. Je le trouve absolument exceptionnel de puissance contenue et de persuasion.

Le caviar « cristal » est d’une couleur qui fait penser à un caviar albinos. La couleur est d’un marron gris clair. On est troublé par l’attaque déroutante mais le finale est très équilibré. Au deuxième essai, l’attaque ne rebute plus et il reste un caviar très intéressant et hors norme qui donne envie de l’essayer en gastronomie.

Le caviar « Berry » est d’un beau noir. Il est agréable, mais il fait trop bon élève. C’est un jeune élégant mais trop conventionnel.

Par rapport à l’esquisse de dîner que j’avais en tête, il y a de quoi faire de beaux accords pour mettre en valeur les alcools blancs du 19ème siècle que j’ai en cave. Le caviars sont bons, les idées sont là. A nous de les transformer en évènements rares.

un peu d’osciètre avant le déjeuner

le transmontanus

l’osciètre

le cristal

le Berry

Les 2014 du domaine de la Romanée Conti présentés par Aubert de Villaine jeudi, 7 décembre 2017

Chaque année, au siège de la société Grains Nobles, Aubert de Villaine, gérant de la Romanée-Conti, présente les vins du domaine qui sont mis sur le marché. Cette année, ce sera le millésime 2014. La petite salle en sous-sol, voûtée et antique, est pleine. Beaucoup sont des habitués qui ne rateraient en aucun cas ce rendez-vous. A côté d’Aubert de Villaine il y a Bernard Burtschy et il devait y avoir comme chaque année Michel Bettane, mais il ne sera pas là. Pascal Marquet, le dirigeant de Grains Nobles annonce le début de la séance.

Aubert de Villaine raconte les conditions climatiques du millésime. L’année 2014 est un beau millésime abondant marqué par trois actes successifs. L’hiver fut doux et sans pluie. Le printemps fut beau et sec. Ce fut un des plus beaux printemps que l’on ait connu en Bourgogne. La croissance de la plante fut idéale, mais avec une floraison lente. Puis, les 27 et 28 juin, il y a eu de très gros orages. Heureusement les parcelles du domaine ne furent pas touchées par la grêle. Dès juillet, le temps fut pluvieux et froid. Il y eut des attaques de mildiou et même de botrytis dès le début août ce qui est très tôt et rare. Après des années de petites récoltes, la vigne voulait produire. La canicule qui a suivi a entraîné que des baies se mirent à brûler. Les peaux épaisses ont permis de lutter contre le botrytis. L’herbe présente a permis de conserver l’humidité.

Après cette présentation Aubert de Villaine répondant à des questions indique que le domaine ne travaille quasiment exclusivement que des grands crus, ce qui fait que la façon de travailler est la même aussi bien pour les Echézeaux que pour la Romanée Conti.

Pour aviner nos verres et notre palais on nous sert un Givry Louis Jadot 2014 dont la couleur est d’un joli rouge clair et le nez d’un vin de chaleur. La bouche est ronde, épanouie. C’est un vin solaire, un peu amer et très court. Il n’est pas désagréable, un peu acide mais un peu trop court.

La maison Riedel ayant fourni des verres c’est la première fois que tous les vins auront leur verre ce qui permet de garder chaque vin pour qu’il s’épanouisse

Corton Grand Cru Prince Florent de Mérode Domaine de la Romanée Conti 2014. La robe est assez foncée. Le nez est invraisemblable de personnalité. C’est assez fou. Je sens de la framboise écrasée comme on en trouve dans des vins anciens. La bouche est d’un charme fou. Ce vin est suave. Il est étonnamment charmeur. C’est de la soie. C’est fou. Le fruit est incroyable. Il est très probable que cela ne restera pas ainsi et d’ailleurs le vin s’est calmé après quelques dizaines de minutes dans le verre. Ce vin est fait avec 50% de fûts neufs. Aubert de Villaine parle du côté sombre du Corton que je ne trouve pas. Je trouve ce vin aérien, vin de légèreté et de charme. Je suis étonné par sa douceur qui ne cadre pas pour moi ni avec un corton ni avec le travail habituel de la Romanée Conti. Mais cela va vite changer.

Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2014. Aubert de Villaine rappelle que le mot « Echézeaux » veut dire un lieu où il y a des habitations. Le vin est d’une rouge violine. Le nez est ingrat, strict. La bouche est fraîche à l’attaque. Le vin est extrêmement racé. C’est un vin superbe, sans concession, vibrant et racé. J’adore, alors que le nez ne correspond pas à la bouche. Il y a une petite amertume qui fait sa personnalité. Bernard Burtschy dit que le vin a une masse tannique importante. On sent que le vin sera de longue garde. Il y a 60 à 70% de vendange entière. L’âge moyen des vignes est de 50 ans pour l’Echézeaux et de 40 ans pour le Grands Echézeaux. Tous les vins de la Romanée Conti, sauf le Corton, ont 100% de fûts neufs.

Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2014. Le rouge est généreux. Le nez est fermé. La bouche est riche. Le vin est plus profond que le précédent mais moins enthousiasmant pour moi alors qu’Aubert de Villaine vante l’écart qualitatif en faveur de ce dernier. Le finale du vin est plus riche mais il est plus fermé que l’Echézeaux. Il sera très grand avec une générosité plus grande. Il est dans une phase ingrate. C’est sur le finale que la différence se fait.

Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2014. Les vignes ont une moyenne d’âge entre 45 et 50 ans. Le rouge est plus sombre. Le nez est un peu plus charmeur. La bouche est gracieuse, pleine de charme. Il y a beaucoup plus de velours que pour les deux précédents. Mais il y a aussi plus de puissance. C’est un vin qu’il faudra attendre car il a l’amertume de la jeunesse. Sa base florale est très raffinée. Il a le velours et l’élégance et Bernard Burtschy dit qu’il a une base tannique plus forte que la Romanée Conti.

Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2014. La couleur est plutôt claire par rapport à ce que j’attendais. Le nez est fermé. La bouche est riche et guerrière. On sent la gourmandise de ce vin. Mais il est encore fermé. La matière est riche et superbe. Il est prometteur et laisse une trace profonde en bouche. Il est lourd de promesses et j’aime beaucoup sa grande richesse. Il va être grand avec de la noblesse. A l’aération il gagne de la longueur et ceci vaut aussi pour tous les vins précédents. Le nez devient splendide et le vin devient généreux, plus charmeur que guerrier.

La Tâche Monopole Domaine de la Romanée Conti 2014. La couleur est plutôt claire. Le nez est très raffiné. La bouche est très séductrice, toute en charme. C’est la danse des sept voiles. Quel équilibre ! C’est un vin riche, complet mais qui a un charme unique. J’adore. Sa puissance est peu commune. Il est plus fin que le Richebourg tout en ayant une grande énergie. Pour mon goût, la belle surprise, c’est le Richebourg, même si La Tâche est plus grande.

Romanée Conti Monopole Domaine de la Romanée Conti 2014. La couleur est claire. Le nez est très beau. Si tel ou tel vin précédent pouvait avoir le moindre défaut (en ont-ils ?), ici, dès la première seconde on sait que l’on est au paradis. Le nez est suave et la bouche est suave, fluide. C’est un vin de haute précision. Il a une petite râpe que j’aime. Il a tout pour lui et bien évidemment je me demande si je ne fais pas d’auto persuasion, car je sais que c’est la Romanée Conti. Mais son équilibre, sa complexité et sa richesse n’ont pas d’équivalent. La longueur est extrême. Si le vin est complexe, ce qui me frappe c’est l’équilibre serein. C’est un vin grandiose. La Tâche est très expressive et plus affirmée que la Romanée Conti, le Richebourg est généreux mais moins noble et moins complexe. Le velours de cette Romanée Conti est extrême.

S’il faut classer les six rouges, ce sera exactement le même classement que l’ordre de service, sans discussion. Aubert de Villaine fait compliment à Bernard Burtschy de la façon dont il décrit la Romanée Conti qui est exactement comme sa propre perception. Entendre Bernard Burtschy est un ravissement tant il sait de quoi il parle, incollable sur tous les sujets.

Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2014. Le vin est d’un or clair. Il n’est pas translucide. Le nez est très expressif et opulent. La bouche est superbe, déjà d’un équilibre total. Tout est équilibré. Le vin est frais, acide, fluide, au finale opulent, avec un léger miel. Le vin est vif et frais et montre de la salinité. C’est un grand vin que l’on sent gastronomique. Il n’a pas de gras comme certains montrachets. Il a très peu de botrytis, de l’ordre de 5%. Il est très noble et élégant. Il deviendra raffiné avec l’âge.

Tout le monde a remarqué que les vins s’épanouissent dans les verres et la tentation serait grande que les vins soient servis dix minutes avant que nous ne commencions la dégustation. Aubert de Villaine nous indique que c’est ce qui se pratique aux USA.

Après la dégustation un dîner rassemble, autour de Pascal Marquet, Aubert de Villaine, Bernard Burtschy et quelques amis. Cette fois-ci ce sera dans la salle de dégustation ce qui fait que les assiettes descendent par le passe-plat. Hélas, les coquilles Saint-Jacques à l’agréable parfum de fruit de la passion arrivent trop froides.

Je n’ai pris de notes et ce compte-rendu n’étant pas fait à chaud, mes impressions seront fugaces. Le Corton-Charlemagne Domaine Georges Roumier 1996 est un vin de belle droiture, peut-être un peu timide. Le Bâtard-Montrachet Domaine Marc Colin et ses fils 1999 a plus de puissance. Il est vif et n’a pas la rondeur de ses petits camarades du Domaine Leflaive.

J’ai apporté un Hermitage Chave blanc 1986 de beau niveau mais qui ne brille pas. Le bouchon est en effet brulé sur la moitié du bouchon. Je pense que l’oxygénation lente lui aurait redonné une certaine ampleur mais tel qu’il est servi, il est plutôt coincé même si on devine ce qu’il pourrait offrir.

Le Clos Saint-Patrice Monopole Châteauneuf-du-Pape 2015 est un agréable Châteauneuf, pas vraiment adapté au délicieux pot-au-feu, mais qui se boit bien dans sa jeunesse. Dès qu’arrive la Côte-Rôtie La Landonne Guigal 1988, on change de dimension ; ce vin est très gourmand et de belle amplitude.

Pascal Marquet en veine de générosité nous a offert un Château d’Yquem 1986 que je m’en veux de ne pas avoir reconnu. Il est bien épanoui mais je n’avais plus le palais réceptif.

Ce repas d’après dégustation est un enchantement pour moi, aussi bien lorsqu’il y a Michel Bettane et Bernard Burtschy que lorsque Bernard est seul, car ces deux experts ont un savoir invraisemblable qu’ils exposent avec simplicité. Les écouter est un bonheur rare. Et les écouter dialoguer avec Aubert de Villaine est un privilège. La découverte de 2014 superbes et prometteurs et ce petit souper sont un cadeau de Noël.

Salon Vinapogée des vins à maturité mardi, 5 décembre 2017

De retour d’un voyage autour du monde où j’ai le plus souvent bu des bières et du champagne à bord de l’avion, je participe au salon « Vinapogée » dirigé par David Hairion qui a repris le flambeau du salon des vins matures créé à l’initiative d’Hervé Bizeul, le vigneron du Clos des Fées. Ce salon avait fédéré plusieurs vignerons pour proposer à des amateurs de boire des vins lorsqu’ils ont atteint un stade de maturité intéressant. Cette idée est partie du constat que l’on boit les vins beaucoup trop jeunes, alors qu’ils sont loin d’exprimer tout ce qu’ils ont à dire.

J’avais participé l’année dernière en offrant bénévolement de goûter quelques vins anciens de ma cave et cette année, en accord avec David Hairion, je vais animer deux ateliers pour montrer l’effet de l’âge sur le goût des vins.

Le salon ouvre au public à onze heures. J’arrive peu avant midi et je mets à l’abri les vins pour qu’ils soient à bonne température au moment des ateliers. Je vais saluer les vignerons présents et parfois je goûte certains de leurs vins. Ainsi du domaine Rolly-Gassmann je goûte le Pinot Noir de Rorschwihr, rouge domaine Rolly-Gassmann 2003 de belle vibration, fin et précis, un Moenchreben de Rorschwihr, Muscat Vendanges tardives, blanc domaine Rolly-Gassmann 2003
dont la sucrosité est pleine de charme et un Pflaenzerreben de Rorschwihr, Riesling, blanc domaine Rolly-Gassmann 2010 qui est précis et fluide mais qui me marque moins que le superbe riesling que ce domaine avait présenté il y a un an.

Le Champagne Clos des Goisses, Philipponnat 2007 est très dynamique mais à côté de lui, le Champagne Clos des Goisses, Philipponnat 2000 est une bombe de saveurs riches. La maison Pol Roger fait goûter le Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 2006 dont j’apprécie la noblesse et qui est généreusement offert.

Le Château de Pibarnon apporte à lui tout seul ce qui justifie ce salon Vinapogée car quand on a goûté le Château de Pibarnon Bandol rouge 2006 et que l’on goûte ensuite le Château de Pibarnon Bandol rouge 1995 on comprend que l’âge apporte une dimension supplémentaire qu’aucun vin jeune ne peut donner. On est en plein dans l’objectif du salon.

Les vins du domaine Charles Joguet séduisent par leur précision et leur subtilité. Le Clos du Chêne Vert, Chinon rouge domaine Charles Joguet 2006 et le Clos de la Dioterie, Chinon rouge domaine Charles Joguet 2006 sont des vins distingués, pleins de charme et d’expression.

Je bois plusieurs vins du domaine Clos des Fées et j’apprécie leur finesse ciselée malgré une puissance rare. Au stand du Porto Taylor’s, le Porto Taylor’s 1966 est une merveille absolue d’une fraîcheur rare.

Huit ateliers sont organisés dans l’après-midi et j’en anime deux, avec des vins de ma cave. Le premier est un atelier sur le Maury. Avant de commencer l’atelier, je réagis à l’une des phrases mises sur le site de Vinapogée, du journaliste du vin Pierre Casamayor, qui explique le mot ‘Apogée’ : « C’est la période optimale pour déguster un vin. Cette période se compte en années après la mise en bouteille du cru. Mais comme le vin est un produit vivant sensible à son environnement de conservation, cet apogée est donné pour une bouteille conservée dans une cave à température et hygrométrie constantes. À l’origine, la notion d’apogée appartient au domaine de l’astronomie ; elle fut ensuite assimilée au point le plus haut de l’évolution de toute chose. Fort logiquement, après la période d’apogée vient une phase de déclin. » Je ne pouvais pas laisser sans réagir la dernière phrase parlant de déclin après l’apogée. Dans ma vision du vin il n’y a pas d’apogée mais un parcours du vin jusqu’à sa mort qui presque toujours pour les grands vins, vient de la mort du bouchon. Et par un funeste concours de circonstances pour montrer que le déclin n’existe pas, je prends l’exemple de Jean d’Ormesson qui à 92 ans est encore d’une insolente jeunesse d’esprit, alors qu’il allait décéder quelques heures à peine après que je l’ai cité. Les vins les plus anciens que je présente dans les deux ateliers vont montrer qu’il ne peuvent en aucun cas être considérés dans une phase de déclin.

Nous avons devant nous trois verres : un Maury Mas Amiel, Vintage Privilège 1997, un Maury 1959 de la coopérative des producteurs de Maury et un Maury 1937 de Domaines et Terroirs du Sud. Les couleurs sont très semblables, très sombres, la plus jeune étant paradoxalement celle du 1937. Les parfums sont différents, le moins plaisant étant celui du 1959, celui du 1937 étant très doux.

En bouche, le 1997 expose un fruit bien plein, une grande vivacité et un alcool fort. Le 1959 est serein, rond. C’est un Maury de consensus. Le 1937 est le plus complexe, le plus séduisant, avec des notes gourmandes d’un grand charme.

Je suis un peu déçu car je m’attendais à de plus grandes variations qualitatives pour étayer ma démonstration. Les écarts sont en fait en nuances et c’est dû à l’alcool fort de ces vins qui leur conserve une grande jeunesse. Le 1959 a été préféré par certains. Plusieurs autres comme moi, ont préféré le 1937, et un petit nombre le plus jeune. Tous ont été étonnés qu’un 1937 puisse avoir une telle vitalité. Et certains ont découvert les charmes des Maury qu’ils ne connaissaient pas. Il est à noter que les vins ouverts en début de séance se sont élargis dans les verres. Le 1959 s’est nettement épanoui et amélioré. Les trois vins sont devenus brillants.

Entre mon premier atelier et le second, Bernard Antony le célèbre fromager a présenté avec Olivier Poussier des accords fromages et champagnes. Ce fut particulièrement brillant et j’ai découvert un vin superbe le Champagne Vazart Coquart & Fils Chouilly Blanc de Blancs 1989 au final et coup de fouet spectaculaire. Par ailleurs un Champagne Charles Heidsieck Brut jéroboam 1989 d’une belle richesse et noble se montre brillant sur un camembert. A noter qu’Olivier Poussier recommande d’enlever la croûte pour les accords fromages et champagnes.

Le deuxième atelier que je propose aux inscrits est un atelier sur un sauternes le Château Lafaurie-Peyraguey, représenté par trois millésimes, 1996, 1964, 1926. Pendant que je présente l’atelier et ce que chacun doit espérer retirer de cette dégustation comparative, j’ouvre les bouteilles. Et il se produit un phénomène qui me rend honteux, mais dont je me tire avec le sourire. Le bouchon du 1964 est d’un liège poreux, qui s’émiette et colle au verre de telle façon que quoi que je fasse, c’est de la charpie qui est extirpée par mes tirebouchons. Comme je parle, je suis moins attentif aux procédures, aussi de nombreuses miettes de bouchon tombent dans le liquide. Un participant résumera avec humour la situation : « ouvrir une bouteille avec ce résultat, je crois que nous sommes capables de le faire ». J’ai retiré l’essentiel des miettes tombées et nous avons pu déguster les vins.

Le Château Lafaurie-Peyraguey 1996 a une robe très claire. Son nez est intense et c’est un beau sauternes riche et expressif avec un joli gras. Le Château Lafaurie-Peyraguey 1964 a une couleur d’un or encore clair. Il est le sauternes typique et racé, calme et dont tout est juste, parfaitement précis.

Le Château Lafaurie-Peyraguey 1926 est sombre, presque noir. Son nez est profond, intense, riche de senteurs lourdes. En bouche c’est une merveille. C’est un très grand sauternes et un très grand 1926. Ce qui fascine c’est la justesse de l’acidité qui donne fraîcheur au vin hors du commun. Pour tous c’est une découverte. Et ce vin d’une rare cohérence apporte la démonstration évidente qu’à 91 ans, il serait incongru de parler d’un vin en phase de déclin alors qu’il étale des complexités infiniment plus riches que celles des deux autres. La démonstration que je voulais est faite à 100%. Ce vin est immense.

Le salon a accueilli près de 500 personnes ce qui est un succès. Un dîner a suivi avec plus de cent personnes dont les vignerons, au restaurant Macéo. L’apéritif s’est tenu au premier étage et les vignerons présents ont généreusement partagé leurs vins. Ainsi l’apéritif a permis de boire la Cuvée Winston Churchill de Pol Roger 2006 et le Clos des Goisses de Philipponnat 2000. A table au rez-de-chaussée l’approvisionnement en vin s’est fait à la manière d’une Paulée, chaque vigneron venant généreusement faire goûter ses vins à chaque table, obligeant chaque convive à vider son verre pour goûter de nouveaux vins. J’ai beaucoup apprécié un Cahors Les Laquets, rouge Domaine Cosse Maisonneuve 2006.

Le menu mis au point entre le restaurant Macéo et David Hairion a pour thème « l’hommage au temps et à ses bienfaits » : huiles d’olive de la famille Hugues, les toutes nouvelles, le fruité vert et les olives maturées / jambon ibérico Bellota superior reserva ‘Don Agustin’ 36 mois / foie gras de canard cuit très lentement par Michel Dussau de La Table à Agen / Viandes de bœuf de deux âges accompagnées de pommes de terre ‘tapées’ de Fabien / comté de grande garde et comté de garde exceptionnelle par bernard Antony / tarte fine aux pommes caramélisées du verger.

La fatigue de mon récent voyage m’a poussé à écourter le repas que j’ai quitté avant les fromages non sans avoir goûté avec un infini plaisir un vin apporté par Michel Bettane, un Meursault 1981 fait par le père de Dominique Lafon absolument exceptionnel de mâche gourmande de de gouleyant.

La cause des vins anciens ou à maturité progresse. Il faut agir encore et encore pour que cette croisade porte ses fruits.

Le plateau repas du midi pour les vignerons (et moi aussi)

l’atelier d’Olivier Poussier et Bernard Antony

les photos des vins de mes deux ateliers sont sur l’article qui suit

le dîner

Salon des vins matures le 4 décembre 2017 lundi, 4 décembre 2017

Le 4 décembre aura lieu au Huit Valois un salon consacré aux vins qui ont déjà une maturité.

Pour avoir des renseignements et s’inscrire il faut aller ici : https://www.vinapogee.com/

Il y aura des ateliers et j’en animerai deux :

  • Un atelier où on pourra goûter des Maury de 1937 – 1959 – 1997
  • Un atelier où on pourra goûter des sauternes Lafaurie Peyraguey de 1926 – 1964 et 1996

L’idée est de montrer par ces expériences en quoi les vins anciens permettent d’approcher des complexités nouvelles.

Allez sur le site de Vinapogée et inscrivez-vous. Ce sera passionnant.

Je vous attends, sachant qu’il y a un nombre de places limité.