30ème séance de l’académie des vins anciens au restaurant Macéo vendredi, 18 mai 2018

La 30ème séance de l’académie des vins anciens se tient comme à l’accoutumée au restaurant Macéo. Nous sommes 41 présents répartis en quatre tables et les vins, annoncés officiellement pour 63 seront en fait autour de 70 du fait de générosités de dernière minute. Il est inutile de dire que nous ne manquerons pas de quoi boire.

J’arrive avant 16 heures au restaurant avec Béatrice qui va m’aider tout au long de la soirée. Je vais ouvrir les bouteilles et progressivement je suis rejoint par quatre amis qui viennent à la fois m’aider mais aussi soutenir le moral de l’ouvreur (et le leur) avec quelques flacons non au programme. Ainsi le premier arrivé ouvre un magnum de Krug Grande Cuvée à étiquette crème ce qui indique qu’il a plus de trente ans. Il a apporté ce magnum au niveau bas mais nous savons que cela ne gêne pas sa qualité, ce qui est le cas. Si nous commençons à boire dès 16 heures, comment serons-nous en fin de soirée ? Le Krug est tellement bon, avec une patine de vieux champagne particulièrement gourmande ! Pendant ce temps j’ouvre les vins, aidé de mes amis que j’aide dès qu’apparaît une situation qui semble inextricable. Un ami ouvre un Bourgogne Aligoté 1957 excellent de fraîcheur et d’énergie, que nous trouvons tellement bon que nous l’ajouterons au programme du groupe 1 auquel nous sommes trois sur quatre rattachés. Un autre apport est un Seyssel mousseux de l’Ain, gentil pétillant fort agréable car sans prétention. Mais nous travaillons quand même ! Il se trouve que j’avais diffusé aux inscrits à l’académie la liste des millésimes qui seraient présents à la 30ème séance. Le plus vieux est 1929 et un des amis présents qui a apporté l’un des deux 1929 m’avait demandé en forme de challenge : vas-tu apporter plus vieux ? Comme pour me titiller un peu plus, il a apporté pour la séance d’ouverture une bouteille sans étiquette, sans capsule, avec un bouchon qui dépasse et qui est ficelé d’une ficelle très fine qui n’aurait jamais pu convenir à un champagne. A travers le verre on voit un liquide beige foncé trouble. L’ami ne sait pas de quoi il s’agit et pense à un vin du début du 20ème siècle, sans pouvoir deviner sa couleur. J’ouvre la bouteille, je sens et je m’écrie : « mais c’est un cidre ». Le parfum est sans équivoque. Nous buvons ce Cidre vers 1910 qui a une acidité bien contrôlée, un joli goût de pomme écrasée et se boit bien. Quelle belle surprise ! Mon ami me challenge avec un vin plus vieux que 1929. Il ne savait pas que j’avais apporté pour les ouvreurs l’arme secrète, que j’ai décidé de ne servir que lorsque tous les autres vins seraient ouverts : le reste de la bouteille de Malaga 1872 ouverte il y a deux jours. Nous nous recueillons car ce vin riche est d’une essence divine. Café, épices, tabac, chocolat, sont exposés avec une longueur infinie.

Lors de l’ouverture, de nombreux vins ont montré le même comportement du bouchon : lorsque l’on décapsule, le bouchon descend dans le goulot et fait remonter au-dessus de lui, dans le vide créé, un peu de vin. Comme lors d’autres séances d’ouverture, on peut penser que les conditions météorologiques ont une influence sur le comportement des bouchons. Deux fois, ce qui n’arrive quasiment jamais, Béatrice a dû transvaser le vin de deux bouteilles dont le bouchon est tombé dans le vin, risquant de le polluer.

Globalement les vins ouverts montrent très peu de défauts, un bordeaux et un vin d’Algérie semblant bouchonnés.

Les apports sont très conformes à la philosophie de l’académie et j’ai pu féliciter les membres de la qualité des apports. Il n’en est pas de même de la logistique concourant à la mise en place de l’événement, le nombre d’incidents de toutes sortes se multipliant à l’infini. J’ai donc annoncé que les règles se durciront pour la prochaine séance.

Les champagnes de l’apéritif viennent tous de ma cave et j’ai voulu jouer sur la diversité : Champagne Collery Herbillon brut Champagne Hédiard Brut Rosé Champagne David-Barnier Champagne Laurent-Perrier Extra Brut Champagne François Giraud Brut Champagne Mailly-Champagne Cuvée Des Echansons 100% Grand Cru Champagne Grande Cascade Rosé Champagne Pierre Gerbais brut. Tous ces champagnes non millésimés de qualités diverses ont été appréciés par les participants. L’un des membres a ajouté deux magnums de Champagne Legras et Haas Collection Privée 1996, d’une belle vivacité et d’un parfum d’une folle jeunesse. J’ai bien aimé le Hédiard rosé, élaboré par P. & C. Heidsieck, plus vif que le Colley Herbillon mais un vigneron présent m’a dit qu’il préférait le Colley Herbillon, plus profond. Quelques amis ont pu goûter le cidre centenaire.

Nous passons à table et voici les vins affectés à chaque groupe.

Groupe 1 : Champagne Dom Pérignon P2 2000 – Bourgogne Aligoté 1957 – Clairette Les Coteaux du Languedoc sec Emile Rouaud 1929 – Château Roumieu Bordeaux Supérieur blanc sec 1957 – Château La Cabanne Pomerol 1961 – Château Mouton-Rothschild 1952 – Château Reignac 1949 – Château Cheval Blanc magnum 1955 – Fleurie Girodit-Henry 1943 – Vosne-Romanée Bouchard Père & Fils 1971 – Vosne Romanée Colomb-Maréchal 1929 – Vin d’Algérie rouge d’Oran domaine Sénéclauze 1955 – Domaine de Castel-Fos Bordeaux Supérieur liquoreux #1960 – Tokaji Eszencia Aszu 1988.

Groupe 2 – Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1989 – Chablis 1er Cru Côte de la Fourchaume Domaine Philippon 1969 – Meursault Caves Nicolas 1961 – Château Terrey Gros Cailloux Saint-Julien 1969 – Château Fourcas Dupré Listrac Magnum 1970 (2 tables) – Château Lynch Bages 1975 – Château Jura-Plaisance Montagne Saint-Emilion 1952 – Château Nénin 1949 – Chambolle Musigny Piat & Cie années 60 – Vin d’Algérie rouge d’Oran domaine Sénéclauze 1959 – Monbazillac Louis Monbouché 1933 – Château d’Yquem 1996 – Tokaji Eszencia Aszu 1988.

Groupe 3 : Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1989 – Meursault Genevrières Louis Latour 1969 – Vin de l’Etoile Réserve du Prince Maurice Bouvret 1953 – Château Bouscaut Graves rouge 1981 – Château Bouscaut Graves rouge 1964 – Château Pavie Valette 1976 – Château Talbot 1966 – Château Latour 1950 – Châteauneuf-du-Pape Lagoste & Cie 1967 – Bertani Amarone della Valpolicella DOC Reccioto Secco 1959 – Barolo Alfredo Prunitto Alba 1967 – Château Clos Haut Peyraguey 1er Grand Cru Classé 1959 – Vénérable Pedro Ximenez Pedro Domecq Jerez 1959 – Tokaji Eszencia Aszu 1988.

Groupe 4 : Champagne Pierre Gerbais brut – Champagne Jean de Reyt à Chaigny les Roses 1979 – Pinot Gris J. Salzmann Tokay d’Alsace 1959 – Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1986 – Château Fourcas Dupré Listrac Magnum 1970 (2 tables, 2 et 4) – Château les Ormes de Pez 1961 – Château Lynch Bages 1958 – Aloxe-Corton Louis Latour 1955 – Nuits Saint Georges les Boudots Lionel J. Bruck 1969 – Vosne-Romanée Léon Grivelet-Cusset 1955  – Vosne-Romanée Jessiaume Père & Fils 1959 – Cornas Auguste Clape 1982 – Château Rayne Vigneau 1989 – Tokaji Eszencia Aszu 1988.

Etant au groupe 1 j’ai bu les vins de ce groupe, mais des académiciens généreux m’ont aussi fait goûter des vins de leur table. Le menu prévu par le restaurant est : maquereaux grillés, cébettes et échalotes confites à l’huile d’olive / minestrone de black eyed peas et légumes printaniers / carré d’agneau d’Auvergne aux épices, jus corsé et tarte aux légumes / Fromages dont certains offerts par des académiciens / mangue fraîche rôtie, meringue au citron vert et rhubarbe confite.

Le Champagne Dom Pérignon P2 2000 est d’une rare puissance. Il est follement jeune et conquérant. Il faudra qu’il s’assagisse pour qu’on profite de sa classe. Il s’est épanoui en se réchauffant.

Le Bourgogne Aligoté 1957 qui avait été ouvert pour les ouvreurs est d’une fraîcheur franche très aimable. Ce vin de Monthélie est bien agréable, sans prétention.

La Clairette Les Coteaux du Languedoc sec Emile Rouaud 1929 m’avait troublé à l’ouverture car son nez était celui d’un vin doux très caramélisé. Or en fait en bouche il est bien sec comme l’indique l’étiquette. C’est plus un vin de curiosité que de structure mais qui ne manque pas de charme.

Le Château Roumieu Bordeaux Supérieur blanc sec 1957 a un parfum glorieux et une présence en bouche impressionnante. C’est le bordeaux blanc dans toute sa noblesse avec en plus des suggestions de liquoreux comme cela arrive souvent pour les vins secs des maisons de Sauternes.

Le vigneron qui a apporté le Château La Cabanne Pomerol 1961 qui n’est pas de son domaine se prend à le critiquer alors qu’à notre table nous aimons son velours délicat. Je lui fais remarquer aimablement que c’est parce que c’est son apport qu’il le critique. Car le vin sans être transcendant est franchement bon.

Le Château Mouton-Rothschild 1952 est un vrai grand Mouton. Son grain, sa mâche, sont d’une noblesse de très grand vin. Il n’a pas de défaut, il est noble et parfait et se comparerait volontiers aux très grands millésimes de Mouton comme 1955 ou 1959.

Le Château Reignac 1949 est une belle curiosité mais je n’arrive pas à me laisser séduire. Il est d’une belle année et d’une belle construction, mais il lui manque l’émotion. Était-ce lui le deuxième vin légèrement bouchonné de notre groupe, je ne m’en souviens plus.

J’ai rajouté ce matin le Château Cheval Blanc magnum 1955 pour qu’un des vins de notre groupe puisse être affecté au groupe de celui qui l’a apporté. J’ai pris ce magnum de niveau bas et je dois dire que c’est une merveille. Il a la puissance et le grain d’un très noble vin mais il y ajoute un charme supérieur à celui offert par le Mouton. Et sa longueur est extrême. J’ai naturellement tendance à aimer les vins que j’apporte mais là, je suis heureux de la prestation de ce grand vin.

Le Fleurie Girodit-Henry 1943 a tout pour lui. Il pourrait rendre la pareille à beaucoup de grands bourgognes et il est d’une lisibilité rare qui ajoute à son plaisir. C’est un vin de plaisir.

Le Vosne-Romanée Bouchard Père & Fils 1971 que j’ai aussi ajouté au dernier moment a lui aussi un niveau bas, mais on ne sent aucun défaut. C’est le beau bourgogne frais en pleine possession de ses atouts de séduction. J’adore cette Bourgogne de suggestion.

Le Vosne Romanée Colomb-Maréchal 1929 est d’une année exceptionnelle. On le ressent dans la largeur de la structure de ce vin. Mais j’ai préféré le message du 1971 et de plusieurs autres Vosne-Romanée des autres tables, car nous avions une belle brochette de cette appellation. Les Vosne-Romanée Léon Grivelet-Cusset 1955  et Vosne-Romanée Jessiaume Père & Fils 1959 sont plus romantiques que le 1929.

J’ai les yeux de Chimène pour les vins d’Algérie et donc par principe pour le Vin d’Algérie rouge d’Oran domaine Sénéclauze 1955. Objectivement il est plus simple que les vins de Frédéric Lung, mais il a un charme naturel avec des suggestions de café que j’adore.

Le Domaine de Castel-Fos Bordeaux Supérieur liquoreux #1960 est joliment moelleux mais simple. J’aime ces fantassins. Bien sûr à côté de grands liquoreux, il ne peut soutenir la comparaison. Mais il est agréable à boire.

J’ai ajouté à chacune des quatre tables un Tokaji Eszencia Aszu Disnoko 1988. Ce vin doucereux est un parfum. Il est riche et tellement envoûtant dans son numéro de séduction et avec son goût de raisin sec pressés qu’on en boirait jusqu’à la fin de la nuit. Je l’ai préféré au Vénérable Pedro Ximenez Pedro Domecq Jerez 1959 qui est beaucoup plus fort et plombé, presque assommant de sa force caramélisée et torréfiée.

En cours de route on m’a apporté des vins des autres tables. Le Château Fourcas Dupré Listrac Magnum 1970 affecté aux tables 2 et 4 est produit par le vigneron de notre table. Hélas la bouteille a un léger bouchon. Cela arrive.

Le Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1986 très joliment structuré m’a moins impressionné que d’autres convives. J’ai le palais plus sensible aux vins plus anciens.

Le Château Bouscaut Graves rouge 1964 est assez aimable mais je ne lui ai pas porté l’attention nécessaire. L’ami qui a apporté le Château Talbot 1966 en est fier et il a raison car c’est un Talbot solide d’une belle année. Le Château Latour 1950 est un grand Latour mais peut-être pas le plus grand des immenses bordeaux 1950 que j’ai bus comme Haut-Brion est surtout Pétrus.

Le Chambolle Musigny Piat & Cie années 60 dont on pourrait ne pas attendre grand-chose se montre un très aimable et joli bourgogne.

Le Monbazillac Louis Monbouché 1933 fait effectivement de l’ombre au Domaine de Castel-Fos Bordeaux Supérieur liquoreux #1960 de notre table. Il est un peu torréfié. L’Aloxe-Corton Louis Latour 1955 au très beau niveau que j’ai ajouté ce matin fait partie des bourgognes authentiques que j’adore. Il faut dire que 1955 est une année bénie en Bourgogne.

Globalement, la qualité des apports de cette édition de l’académie est très belle. Si je devais classer les vins qui m’ont le plus ému : 1 – Château Cheval Blanc magnum 1955, 2 – Château Mouton-Rothschild 1952, 3 – magnum de Krug Grande Cuvée à étiquette crème, 4 – Château Roumieu Bordeaux Supérieur blanc sec 1957, 5 – Fleurie Girodit-Henry 1943, 6 – Tokaji Eszencia Aszu Disnoko 1988.

Je n’ai conservé dans ce classement que des vins de ma table, car pour les autres, même grands, le fait qu’on me passe un verre rapidement puis un autre ne me permet pas de faire un vrai jugement. Il y a dans les autres tables des vins comme le Latour 1950 ou comme les Vosne-Romanée des vins qui mériteraient un classement, mais restons dans le cadre de ma table.

Le menu a été de très bonne qualité. Seul le minestrone n’est pas l’ami des vins. Le service a été excellent et Gwen a fait un service des vins de très haut niveau. Il y avait parmi les membres de ce soir environ 50% d’habitués et 50% de nouveaux. Nous avons eu notamment trois anglais de trois origines distinctes, une chinoise, un allemand, deux belges et un américain. Beau cosmopolitisme. La gent masculine était largement majoritaire. Il faut vite corriger ça. Pour me faire pardonner de cette injustice j’ai offert à la seule femme de ma table, en catimini, le dernier verre du Malaga 1872. Ce ne sera pas suffisant pour me faire pardonner cette entorse à la parité.

Tous les clignotants de cette trentième séance sont au vert. Ce fut une très belle séance de l’académie des vins anciens, avec de beaux vins, bus dans une des plus agréables ambiances que nous ayons connues.

la préparation des groupes en cave :

les champagnes, puis les vins des groupes 1, 2, 3 et 4

deux bouteilles manquaient pour le groupe 4 lors des photos en cave

voici les vins apportés pour les « ouvreurs » de bouteilles

le cidre de plus d’un siècle

le reste du Malaga 1872

les bouchons

je n’ai pas pris toutes les photos des plats

les photos de toutes les bouteilles, groupe par groupe et une par une, sont sur les articles suivants.

30ème séance de l’académie des vins anciens – champagnes d’apéritif pour tous jeudi, 17 mai 2018

Champagne Laurent-Perrier Extra Brut

Champagne Pierre Gerbais brut

Champagne Pierre Gerbais brut

Champagne François Giraux Brut

Champagne David-Barnier

Champagne Mailly-Champagne Cuvée Des Echansons 100% Grand Cru

Champagne Collery Herbillon brut

Champagne Grande Cascade Rosé

Champagne Hediard Brut Rosé

il manque les photos des Champagnes Legras & Haas

Champagne Legras & Haas Collection Privée 1996 en magnum

30ème séance de l’académie des vins anciens – vins du groupe 1 jeudi, 17 mai 2018

Champagne Dom Pérignon P2 2000

Clairette Les Coteaux du Languedoc sec Emile Rouaud 1929

Château Roumieu Bordeaux Supérieur blanc sec 1957 (sans étiquette)

Château Pavie Valette 1976

Château Mouton-Rothschild 1952

Château Reignac 1949

Château Latour 1950

Fleurie Girodit-Henry 1943

Vosne Romanée Colomb-Maréchal 1929

Vin d’Algérie rouge d’Oran domaine Sénéclauze 1955

Domaine de Castel-Fos Bordeaux Supérieur liquoreux #1960

Tokay Eszencia Aszu 1988

30ème séance de l’académie des vins anciens – vins du groupe 2 jeudi, 17 mai 2018

Champagne Veuve Clicquot Ponsardin Cave Privée 1989

Chablis 1er Cru Côtes de la Fourchaume Domaine Philippon 1969

Meursault Caves Nicolas 1961

Château Terrey Gros Cailloux Saint-Julien 1969

Château Fourcas Dupré Listrac Magnum 1970 (2 tables)

Château Lynch Bages 1975

Château Jura-Plaisance Montagne Saint-Emilion 1952

Château Nénin 1949

Chambolle Musigny Piat & Cie années 60

Vin d’Algérie rouge d’Oran domaine Sénéclauze 1959

Monbazillac Louis Monbouché Teulet-Marsallet sans année (années 30)

Château d’Yquem 1996 (que vient-il faire ici, si jeune !)

Tokay Eszencia Aszu 1988

30ème séance de l’académie des vins anciens – vins du groupe 3 jeudi, 17 mai 2018

Champagne Veuve Clicquot Ponsardin Cave Privée 1989

Meursault Genevrières Louis Latour 1969

Vin de l’Etoile Réserve du Prince Maurice Bouvret 1953

Château Bouscaut Graves rouge 1981

Château Bouscaut Graves rouge 1964

Château La Cabanne Pomerol 1961

Château Talbot 1966 (le petit bonhomme m’intrigue toujours !)

Châteauneuf-du-Pape Lacoste & Cie 1967 (magnifique image médiévale)

Reccioto Secco Bertani Amarone della Valpolicella DOC 1959

Château Clos Haut Peyraguey 1er Grand Cru Classé 1959 (une des plus belles étiquettes et aussi la capsule)

Vénérable Pedro Ximenez Pedro Domecq Jerez 1959

Tokay Eszencia Aszu 1988

30ème séance de l’académie des vins anciens – vins du groupe 4 jeudi, 17 mai 2018

Champagne Jean de Reyt à Chaigny les Roses 1979

Pinot Gris J. Salzmann Tokay d’Alsace 1959

Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1986

Château Fourcas Dupré Listrac Magnum 1970 (2 tables)

Château les Ormes de Pez 1961

Château Lynch Bages 1958

Nuits Saint Georges les Boudots Lionel J. Bruck 1969

Vosne-Romanée Jessiaume Père & Fils 1959

Vosne-Romanée Léon Grivelet-Cusset 1955

Cornas Auguste Clape 1982

Barolo Alfredo Prunotto Alba 1967

Château Rayne Vigneau 1989

Tokay Eszencia Aszu 1988

2 bouteilles sont manquantes au moment où j’ai fait les photos

Seul face à quatre femmes au restaurant Pages mercredi, 16 mai 2018

L’ami qui possède des trésors de vins du 19ème siècle, dont j’ai acquis une part significative, a cinq filles. La plus jeune était avec ses parents lorsque je suis venu regarder les vins que j’allais lui acheter et était une nouvelle fois présente lorsque je suis venu les emporter. Viktoria ressemble tellement à ma fille cadette que nous avons ma femme et moi créé le contact au restaurant Akrame entre ces deux jeunes femmes.

L’idée est venue que je fasse la connaissance des cinq filles de mon ami. Un rendez-vous est pris au restaurant Pages. Les avoir toutes ensemble était quasiment impossible. Quatre furent annoncées et au dernier moment trois seulement vinrent au rendez-vous, la quatrième attendue ayant un empêchement impromptu. La table ayant diminué de taille Viktoria proposa qu’on invite ma fille cadette et par un heureux hasard elle a pu nous rejoindre.

Choisir les vins que je vais apporter pour ce dîner est toujours un grand plaisir pour moi. J’erre dans ma cave et des bouteilles me font de l’œil, suppliant que je les choisisse. Et je cède si leur présence se justifie. Avec mes bouteilles j’arrive très tôt au restaurant Pages pour les ouvrir et selon la tradition, quand j’ai fini, je vais à la brasserie qui jouxte le restaurant et je bois une bière japonaise à la pression, en grignotant de délicieuses fèves d’Edamamé. Attablé à la brasserie je vois arriver deux de mes convives. La troisième fille de mon ami arrivera plus tard et ma fille encore plus tard car elle revenait de province.

J’avais préparé le menu avec les adjoints du chef Teshi qui se consacrait au bistrot d’à-côté. Les amuse-bouches sont : mini carotte et fleurs de sureau / bonite fumée au foin / tartare de bœuf, moutarde / mini-betterave. Le menu est : carpaccio de turbot de ligne, caviar Daurenki, citron caviar / homard breton, grillé sur le Bincho, bisque de homard / carré d’agneau du Perche, artichauts à la persillade / dégustation de bœuf : Simmenthal 11 semaines de maturation, Charolais 5 semaines, bœuf Ozaki wagyu en deux versions, au Bincho et juste poêlé / financier au miel, mangue, glace vanille.

Le Champagne Veuve Clicquot Vintage Réserve magnum 1985 est très clair, à la bulle active et offre un parfum délicat et raffiné. En bouche il combine noblesse et fraîcheur car il est raffiné et complexe et sa longueur est faite de pure fraîcheur. Pour moi c’est un cours d’eau de montagne qui rebondit sur des galets et apporte sa fraîcheur à un beau soleil d’été. Il est parfaitement à son aise avec les amuse-bouches délicieux car discrets et tout en suggestion. Il va prendre son envol sur le carpaccio de turbot délicieux, excité par le caviar mais surtout par le citron caviar. Et quand le plat est fini, il reste en bouche le croquant du grain de citron et la trace rafraîchissante d’un ruisseau d’été.

Le homard est copieux car chacun est servi d’un homard entier. Le Bourgogne Blanc Domaine Comte Georges de Vogüé 1999 est une bombe olfactive et gustative. Quelle puissance ! J’ai choisi ce vin car c’est un Musigny blanc que le domaine a baptisé d’un nom générique banal, parce que les vignes ne sont pas assez vieilles pour qu’on leur donne le titre qu’elles méritent, de Musigny. L’accord avec le homard est entraînant car la chair de belle mâche fait jeu égal avec le vin.

J’ai choisi le vin suivant parce qu’il a cent ans d’écart avec le vin qui lui succèdera. Le Corton Jaboulet-Vercherre 1972 au beau niveau dans la bouteille est surprenant car il transcende tout ce qu’on attendrait de son année. Il a un beau velours sur l’agneau délicieux et judicieusement accompagné des artichauts fourrés. Le vin est grand et de belle surprise, riche et long comme je ne l’aurais pas imaginé. Il a bien fait de me pousser à le choisir.

L’envie me prend pour le wagyu d’essayer le vin que j’ai apporté, qui était dans la cave du père de mes trois convives, un Malaga 1872. Le nez est riche et doucereux comme un parfum capiteux. En bouche on peut se laisser aller à reconnaître les mille complexités, poivre doux, réglisse, café, chocolat, mais aussi zeste d’orange. Ce Fregoli est d’un charme infini, très différent de celui des vins de Chypre plus poivrés et plus profonds. Ce Malaga joue sur son charme et mes charmantes convives ne l’avaient jamais bu depuis le temps où leur arrière-arrière-grand-père marin les avait cachés dans la demeure familiale. Ce vin capiteux accompagne divinement le wagyu comme l’avaient fait les whiskies d’un précédent dîner.

Le dessert fait de dés de mangue et de financiers a joliment mis en valeur ce vin de rêve dont j’ai donné un verre à la table d’un ami présent dans le restaurant.

Les jeunes femmes, filles de mon ami, étaient très documentées sur moi, curieuses de lire mon blog et d’autres documents. Nous avons bavardé avec l’envie de mieux nous connaître et surtout de nous revoir avec leurs parents. L’été dans le sud nous y invitera.

Les adjoints du chef Teshi ont fait un menu très intelligent et tous nous avons été subjugués par la pertinence des accords dont je retiens entre autres le turbot et le champagne, l’agneau et le Corton, et le wagyu puis la mangue avec le Malaga de 146 ans. Quelle belle soirée.

l’étiquette est difficile à lire mais c’est bien un Malaga 1872. Le bouchon est tout petit.

les homards en préparation

les amuse-bouches

le repas (j’ai oublié de photographier les boeufs et le dessert)

Dîner de la Wagyu Mafia au restaurant Pages lundi, 14 mai 2018

Un dimanche à 19 heures se tient au restaurant Pages le dîner de la « Wagyu Mafia ». D’après ce que j’ai compris la Wagyu Mafia est un groupe de restaurants qui sont spécialisés dans la viande de Kobe de très haute qualité. Pour faire connaître leurs produits, ils font chaque année un tour du monde. L’an dernier le tour du monde avait commencé au restaurant Pages et cette année leur 16ème tour du monde se finit en cet endroit.

Etant en avance je vois dans la cuisine s’affairer les deux équipes, celle du restaurant Pages et celle de la Wagyu Mafia dirigée par Hisato Hamada, le patron de ce groupe. A un moment donné tout s’arrête et le programme du dîner ayant été inscrit sur un tableau, le chef Ryuji Teshima dit Teshi et Hisato Hamada commentent et donnent les instructions de service et de finition des plats.

On offre à chacun des participants du dîner une coupe de Champagne Dom Pérignon 2009. J’aime beaucoup ce champagne qui est dans la droite ligne de ce que Dom Pérignon doit être, noble, complexe, accueillant et joyeux. A ma table il y aura l’ami avec lequel j’avais déjeuné ici il y a cinq jours et mes deux filles que j’ai invitées car le restaurant m’avait signalé que les réservations n’étaient pas complètes. J’ai fait plaisir au restaurant tout en me faisant le plaisir d’avoir mes filles près de moi.

J’ouvre les deux vins que mon ami a apportés ainsi que le vin et le champagne que j’ai apportés. Nous passons à table et voici le menu : Beef Jerky, champion Kobe Beef 2017, deux semaines de maturation / « Katsu-Sand », sandwich au bœuf Tajima de 11 ans d’âge et 40 jours de maturation, consommé de bœuf aux morilles / « Kama » de daurade royale, fines herbes / Gyoza de Wagyu / homard, tapioca, caviar impérial de Sologne / turbot mariné au Shio Koji, ventrèche de noir de Bigorre / glace aux asperges blanches de Noirmoutier, à la vanille / Wagyu-gnese / Nigiri : Uni de Hokkaido, caviar Karuga / Sukiyaki de wagyu / Keema curry au bœuf de Kobe / tarte au citron, gâteau au chocolat.

Mon ami a commandé un Champagne Jacques Selosse lieu-dit Les Carelles du Mesnil-sur-Oger dont je n’ai pas noté la date de dégorgement. Ce champagne est beaucoup plus accessible que le Champagne Selosse lieu-dit la Côte Faron à Ay que nous avons bu ensemble lors de notre récent déjeuner, champagne extra-brut sans concession. Celui-ci, même extra-brut, est plus flexible tout en ayant aussi une forte personnalité. Sur le bœuf presque séché en une fine lamelle, le champagne est tout étroit et vertical, alors que sur le délicieux tartare de veau, grâce aux coques et à la poutargue, le champagne prend une belle largeur et devient convivial.

Je fais servir le champagne que j’ai apporté, un Champagne Krug 1989. Ce champagne est d’une noblesse rare. Il brille au firmament des champagnes et il est nettement meilleur que le souvenir très positif que j’en avais. Tant mieux. On a du mal à imaginer qu’un champagne si jeune et vif ait 29 ans. Ce qui est intéressant, c’est que les trois champagnes, tous différents, peuvent trouver leur zone d’excellence. Le plus gastronomique est le Krug, mais chacun a sa part de succès.

Lorsque Hisato Hamada se présente et présente le sandwich au bœuf de 11 ans, je n’aime pas trop qu’il parle d’argent en disant que c’est le sandwich le plus cher au monde. Le bœuf est absolument délicieux mais comme on nous demande de manger le sandwich en le tenant dans sa main, sans se servir de couverts, je le regrette, car on le mange presque en une bouchée alors que j’aurais aimé prolonger le plaisir tant cette viande est passionnante, en la découpant en petits morceaux.

On a remis à chacun un petit dessin sur une feuille de papier d’emballage, naïf comme un dessin d’enfant, qui explique où se trouve le sot-l’y-laisse d’un poisson qui nous est servi maintenant. J’ai l’intuition que le poisson va s’accorder avec le Château Cantenac-Brown 1982 de mon ami. A l’ouverture, son nez était assez incertain et plat, mais le vin se révèle sur le poisson, offrant un joli velours et une agréable personnalité, créant un bel accord. Le poisson est traité avec une justesse remarquable, les fines herbes étant d’une rare intelligence.

Il n’en est pas de même du homard qui ne m’a pas convaincu. On a en effet trop de choses disparates : une pince plutôt mal cuite, le corps du homard en tempura, le caviar, le tapioca et une bisque forte. Tout cela n’a pas une cohérence suffisante. Nous avons essayé le deuxième vin de mon ami, un vin italien San Francesco Gattinara domaine Antoniolo 2009 vin du Piémont qui titre 14°. C’est un vin simple, sans histoire, neutre sur le homard qui préfère le Krug et qu’ensuite le Wagyu a mis en valeur.

Nous avons eu une sorte de ravioli de wagyu avec une sauce extrêmement pimentée sur laquelle seul le Vega Sicilia Unico 1989, que j’avais choisi de la même année que le Krug, est capable de résister. Ce vin avait à l’ouverture un parfum d’une invraisemblable séduction avec des notes fraîches de menthe, de fenouil et d’eucalyptus. On retrouve ces évocations en bouche, et le vin se montre brillant, gourmand, fou de joie et de charme, avec une fraîcheur qui est son arme fatale. Il va accompagner les autres présentations de wagyu dont beaucoup sont surprenantes. Ainsi, du wagyu est servi avec des spaghettis, un autre est recouvert d’oursin et de caviar et repose sur du riz.

On nous a servi ensuite du turbot mariné recouvert de ventrèche de porc, puis nous sommes passés au dessert. Je m’attendais à ce que nous profitions à un moment ou à un autre du wagyu seul, sans accompagnement, pour jouir de son gras sans être détourné par d’autres saveurs. Et ça me manquait au point de dire à Teshi que j’aimerais bien une tranche de wagyu dans sa pureté. Je ne remercierai jamais assez Teshi d’avoir répondu si gentiment à ma requête.

En cours de repas, sur certains plats et curieusement pas sur le wagyu comme je l’aurais imaginé, on nous a donné à goûter deux whiskies. Le Hibiki 17 ans d’âge Suntori whisky et le Yamazaki Single Malt Whisky 18 ans d’âge lui aussi du groupe Suntori, que j’avais goûté lors du dernier déjeuner. J’ai donc pu, grâce à l’ajoute dont j’ai bénéficié, goûter le mariage wagyu bien gras et whisky, mariage très naturel.

Alors que j’avais un excellent souvenir du dîner de la Wagyu Mafia de l’an dernier, j’ai été un peu contrarié par deux choses. Le patron de la Mafia se présente plus en commerçant qu’en esthète du wagyu et le fait que le dîner fasse des allers et retour vers le wagyu traité de façon compliquée et se finisse sans qu’on ait eu le graal, c’est-à-dire la jouissance du gras de la viande, sauf au moment du sandwich, ça m’a gêné. Merci Teshi d’avoir permis que je parte avec les yeux brillants du plaisir d’avoir enfin eu ce dont je rêvais.

La soirée était bien préparée, le service a été très attentif, sympathique comme toujours, les vins ont brillé. Comme les petits désagréments s’effacent, il ne restera que de bons souvenirs, d’une soirée exceptionnelle liée à l’ouverture d’esprit de Teshi et de son équipe.


les préparatifs et cette belle viande

 

les deux chefs

le fameux sandwich

le poisson et la notice

le chef avec son chalumeau

le cadeau royal, le boeuf dans sa totale intégrité. Miam, miam !

Déjeuner à la Brasserie de l’hôtel de Crillon avec le chef Christopher Hache vendredi, 11 mai 2018

Pour préparer un prochain dîner de wine-dinners, j’ai rendez-vous à l’hôtel de Crillon avec Christopher Hache le chef de la restauration des différents restaurants de l’hôtel.

Par un beau jour ensoleillé nous déjeunons dans une belle cour attenante à la brasserie. Il y a autour de la table Christopher le chef, Justin, responsable de la brasserie et Pablo le pâtissier de l’hôtel. J’ai apporté un Champagne Krug années 70 qui ne porte pas la mention « Private Cuvée », ni « Grande Cuvée », cette deuxième mention n’étant apparue que beaucoup plus tard. Elise, sommelière que je connais depuis longtemps, ouvre le champagne dont le bouchon évoque les années 70. Le nez du champagne est extrêmement complexe et expressif.

Je suis étonné qu’en bouche il paraisse, à la première gorgée, comme assez court. Mais cela ne va pas durer car très vite sa longueur rejoint sa complexité. Il est vif, au pétillant subtil même si la bulle est chiche et mes convives qui n’ont jamais approché des champagnes aussi vieux sont impressionnés par sa qualité. Il est peut-être un peu moins typé que les Private Cuvées de Krug, mais il a un tel charme qu’il se montrera gastronomique tout au long du repas.

A l’initiative de Christopher, nous goûtons trois caviars iraniens d’une maison qui s’appelle « Caviar de Beluga ». Le Beluga se présente assez gras, opulent, de belle longueur. Il est d’un grand charme. Le Royal Beluga est plus vif, plus profond et je l’aime encore plus sachant que ces deux versions sont parfaites et radicalement différentes. Le Sévruga au grain plus petit me plait beaucoup moins. Mais si j’avais commencé par celui-ci, il est certain que je l’aurais aimé, car ce caviar iranien est grand mais moins que les deux Belugas. Sur les trois caviars le champagne est délicieusement titillé et devient beaucoup plus complexe.

Dans la brasserie un jeune homme joue le rôle d’écailler mais pas seulement. Il m’avait fait l’article sur les huîtres qu’il présente et nous allons essayer deux huîtres numéro 3, une grasse et une maigre. Ma femme adore les grasses et j’adore les maigres. Il faudra que je l’invite en ce lieu car les huîtres sont de toute première qualité. Et c’est la grasse qui me paraît la plus goûteuse, avec une longueur en bouche que je n’ai sans doute jamais rencontrée à ce niveau. Le champagne brille encore plus.

J’essaie un accord de l’huître grasse avec le caviar le plus gras, le beluga, et ça ne marche pas, car l’huître est trop dominante. Justin fait une remarque pertinente : il faudrait que l’huître soit tiède pour que l’accord fonctionne.

Nous goûtons ensuite le pâté en croûte qui est délicieux et léger grâce aux petits pickles et à la gelée délicate. Le champagne se régale de cet accord. Le ris de veau croustillant avec une déclinaison d’artichauts est un plat massif et imposant qui réclamerait un vin rouge très lourd. Le champagne l’accompagne, mais la valeur ajoutée est plus faible.

Pendant ce repas nous avons mis au point le menu du dîner qui aura lieu dans moins d’un mois. Christopher Hache est motivé et nous avons pu concevoir l’ordonnancement du repas dans une compréhension mutuelle que je trouve extrêmement agréable et positive. Et le déjeuner fut bon, ponctué au final par des chocolats délicieux sur le café. Que demander de plus ?

déjeuner au restaurant Pages mardi, 8 mai 2018

Avec un des plus fidèles parmi les fidèles de mes dîners nous allons déjeuner dans Paris un 8 mai au restaurant Pages. Paris est désert, il fait un temps d’été, aussi se promener dans les rues vides de voitures est un bonheur indicible. Nous apportons chacun un vin, lui un rouge, moi un blanc, sans annoncer de quel vin il s’agit.

Etant arrivé en avance, j’ai fait ouvrir mon vin blanc, placé debout dans une armoire froide.

Nous prendrons le menu ‘découverte’ avec les options caviar et wagyu. Mon ami suggère de commander un champagne et ce sera un Champagne Selosse Lieu-dit la Côte Faron à Ay, dégorgé en février 2017. Le nez du champagne est incroyablement Selosse et en bouche c’est un extra-brut sans concession. Comme il est froid il est vif et rude, mais il va se domestiquer et accompagner les plats de bien belle façon. C’est avec lui que nous dégustons les amuse-bouches, mini carotte / sablé parmesan et caviar d’aubergine /champignon de Paris rose et farce de poulet / brocoli et poutargue. Ces amuse-bouches sont gracieux et intelligents, car ils ne cherchent pas à passer en force. C’est l’affirmation d’un talent serein.

Pour le début du repas, nous ferons cohabiter le champagne avec le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape blanc 1997. Voici le menu : caviar : Daurenki & impérial de Sologne sur une crêpe à la ciboulette / « Aburiyaki » de bœuf Ozaki / asperge verte de Sylvain Erhardt, coques, livèche et quinoa, vinaigrette au lait ribot / risotto, chorizo et fenouil, piment d’Espelette / barbue de Noirmoutier, épinard, kiwi de midi Pyrénées / sauce au citron confit et aux échalotes / pigeon de Vendée, sauce salmis, fraises des bois, navet et asperges sauvages / les bœufs : « la normande » 14 semaines/ « Simmenthal » 9 semaines / Ozaki beef sur le bincho et poêlé / fromages / riz au lait, rhubarbes, fraises gariguette.

Le caviar Daurenki est judicieusement salé alors que le caviar de Sologne est plus rond et doucereux. Sur les deux, le champagne Selosse est le plus pertinent. Sa bulle inspire le caviar. A l’inverse, sur le carpaccio de wagyu le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape blanc 1997 au nez dominateur est magiquement cohérent. A chacun des deux premiers plats un seul vin est adapté, soit champagne, soit Rhône. Le vin blanc est d’une puissance invraisemblable. C’est un vin immense d’une générosité et d’une largeur qui impressionnent.

Le plat d’asperge n’est pas vraiment abouti, car la symbiose avec la coque n’a rien d’évident. Aussi les deux vins se cherchent sur ce plat, sans qu’aucun accord n’émerge. Il en est de même du risotto qui cherche sa voie mais trouve quand même un écho dans le Rayas.

Le miracle vient maintenant. La barbue est absolument divine, plat parfait où toutes les subtilités sont exactes. Alors, le Rayas devient éblouissant. Il est large, emplit la bouche, il est solaire, joyeux. C’est un grand vin qui a besoin de ne pas être servi trop froid. Sa force est incroyable.

Le pigeon absolument superbe, à la goutte de sang, accompagne le Heitz Cellar Cabernet Sauvignon Napa Valley 1996. Le vin est riche et relativement horizontal. Aucune aspérité n’émerge mais il a une structure qui appelle le respect. On ressent des notes torréfiées comme celles du Royal Kebir. C’est sur le sang du pigeon mais aussi sur les navets que le vin rouge prend son envol. Il est riche et sympathique. Il lui manque juste la fraîcheur d’un Vega Sicilia Unico pour donner une grande émotion.

Les quatre bœufs (qui ne sont pas de mon étable) sont superbes. Dans la confrontation entre la Normande et le Simmental, c’est la Normande qui gagne, tellement équilibrée et affirmée, parlant juste. Lorsqu’il s’agit des deux wagyu, j’ai une préférence pour le poêlé qui expose généreusement son gras alors que, comme le dit mon ami, le bœuf passé sur le bincho fait cuisiné et moins naturel. Mais les quatre viandes sont excellentes et le vin d’Amérique est magnifiquement mis en valeur par les quatre. Il s’est élargi avec le temps et montre un charme plaisant.

Comme il reste de chaque vin, je suggère que nous prenions des fromages. C’est alors qu’entre au restaurant une dame, d’origine japonaise et parlant un excellent français, dont je comprends qu’elle est la représentante de whiskies du groupe Suntori. J’apprends aussi qu’elle sera présente au dîner de dimanche prochain, sous le patronage de la « Wagyu Maffia » et qu’elle présentera ses whiskies pour des accords avec la viande emblématique, thème du repas. Comme elle déballe sur la table voisine ses whiskies, la tentation est grande de lui demander de nous faire goûter ses whiskies sur nos fromages.

Sur un fromage mi- vache mi- brebis je goûte un Hakushu Single Malt Whisky 12 ans d’âge. Il est assez tourbé et malgré sa force, il sait se faire charmeur. L’accord est très réussi.

Sur un fromage à pâte persillée je bois maintenant un Yamazaki Single Malt Whisky 18 ans d’âge lui aussi du groupe Suntori. Le whisky est complètement différent, sans tourbe, doucereux comme un Bourbon et d’une très belle définition. Là aussi l’accord se trouve.

J’ai convaincu mon ami de venir au dîner de la Wagyu Maffia. La charmante japonaise viendra avec ses whiskies et sur du wagyu, cela promet des accords excitants.

La charmante japonaise est partie et sur notre table il y a toujours la bouteille de 18 ans d’âge. Que faire ? Dans mon jeune âge on disait que si l’on trouve un portemonnaie sur un banc, on doit le porter au commissariat et si dans un an et un jour personne ne l’a réclamé, on en devient propriétaire. Allons-nous commettre une rapine ou allons-nous être grands seigneurs ? « Je tondis de ce pré la largeur de ma langue » dit la fable. Nous avons donc comme l’agneau repris une larme de cet alcool. La jeune japonaise est revenue avec un grand sourire, nous lui avons donné son flacon. Clap de fin.

L’ambiance du restaurant Pages est amicale et on se sent bien. Teshi le chef n’était pas là et a fait une courte apparition en fin de repas. Il a des projets en cours. Les cuisiniers ont fait des plats magnifiques dont le pigeon, la barbue et les bœufs sont de très haute qualité. Les réactions et jugements que nous avons eus, mon ami et moi, ont été presque toujours identiques. J’adore cette harmonie. Dans une ambiance de belle communion, avec de beaux vins, nous avons passé un déjeuner de grand plaisir gastronomique.