Déjeuner au restaurant Promis à Ollioules mardi, 3 avril 2018

« Homme libre, toujours tu chériras la mer ! » Il n’y a rien de plus vrai que ce vers d’un poème de Baudelaire et j’ai la chance de le vérifier tous les jours lorsque je suis dans ma maison du sud. Les sons, les couleurs, tout m’enchante. Il se trouve que j’ai un projet en cours avec la cuisinière chef du restaurant La Promesse à Ollioules. Elle exploite aussi un restaurant plus petit au centre d’Ollioules, le restaurant Promis !. Valérie Costa et son mari Jean-Marc me reçoivent dans leur restaurant. Comme si nous conspirions, une affichette indique à l’extérieur que le restaurant est privatisé aujourd’hui. Nous pourrons donc bavarder en déjeunant ensemble tous les trois.

Je me doutais que je ne serais pas obligatoirement le client lambda du restaurant aussi ai-je des munitions dans ma musette. J’ouvre donc un Champagne Salon 1997 qui se goûte particulièrement bien en cette phase de sa vie.

Voici le menu que Valérie Costa a composé pour nous trois : jambon de cochon noir de Bigorre de 28 mois de la famille Grau / craquants aux olives noires / gressins au beurre / langoustines tiédies à l’huile d’olive à la mandarine et caviar osciètre Kaviari / filet de veau aux morilles et lard paysan, courge spaghetti à la vapeur / saint-nectaire fermier / la mangue et la passion, biscuit caramélisé, pistaches et coulis chaud de mangue / sablé citron et sablé aux pépites de chocolat.

Le Champagne Salon 1997 a un nez qui s’impose. C’est Jean Paul Belmondo qui disait sur un texte de Michel Audiard : « Quand les types de 130 kilos disent certaines choses, ceux de 60 kilos les écoutent ». Le nez du Salon c’est ça. Il impose le respect. En bouche il combine la puissance, le caractère vineux avec une délicatesse et une douceur rares. Il est floral et en plus vineux. Le jambon délicieux lui convient mais c’est surtout sur les merveilleuses langoustines qu’il devient une évidence. Et curieusement sur ce plat il devient doux, presque sucré tant il envoûte de son charme.

Pour le veau Jean-Marc me fait plusieurs propositions et nous continuons au champagne avec le Champagne Bollinger Grande Année 2005. Il se montre très pertinent sur le filet de veau, sur la morille mais surtout pour moi avec la courge très finement découpée et donc aérienne, qui crée un accord couleur sur couleur. Le Bollinger ne joue pas sur le même registre gastronomique que le Salon. Il est plus carré, solide et droit, sans atteindre la complexité charmeuse du Salon. Il aurait fallu inverser l’ordre des champagnes mais pour le menu cet ordre est le plus pertinent. Le Bollinger est excellent avec le saint-nectaire d’un affinage idéal.

Le dessert se prend avec un Rhum arrangé des Seychelles Le Jardin du Roi, au rhum Takamaka fait avec cannelle, citronnelle, vanille et zeste d’orange. C’est tellement bon qu’on en reprend en oubliant la charge alcoolique masquée par le charme de cette liqueur. L’accord avec la mangue est gourmand.

Avec tant de saveurs généreuses, je ne peux pas dire que nous ayons sérieusement reconstruit le monde, mais nous avons entretenu notre amitié. Ce fut un très beau repas, dans ce joli petit restaurant qui s’animera aux beaux jours lorsque l’on pourra sortir des tables en plein air dans le beau village d’Ollioules.

Déjeuner au restaurant l’Ecu de France dimanche, 1 avril 2018

Deux amies américaines, fidèles de mes dîners, avaient assisté au 222ème dîner au restaurant Pierre Gagnaire. Ma femme et moi les invitons à prendre un apéritif chez nous puis à déjeuner dans un restaurant que nous aimons. A domicile, j’ouvre un Champagne Krug Grande Cuvée à l’étiquette « gold » fait avec des vins qui ont plus de 30 ans. Le bouchon est beau, le pschitt est faible à l’ouverture mais le pétillant est fort et même très fort car la présence de la bulle est insistante. Je me suis dit qu’il eût fallu ouvrir la bouteille plus de deux heures avant. La couleur est joliment ambrée et le champagne est noble, présent, imprégnant. Avec le jambon Pata Negra délicieux il est agréable, mais pour une fois, car c’est rarement le cas, je le trouve plus vibrant sur la poutargue. Nous montrons à nos amies l’accord champagne et camembert qu’elles ne connaissaient pas et il me paraît que ce camembert Moulin de Carel conviendrait mieux à un jeune Salon qu’à un Krug à maturité comme celui-ci.

Nous nous rendons ensuite au restaurant l’Ecu de France car nous voulons montrer à nos amies ce restaurant traditionnel et historique dont la décoration n’a pas changé d’un détail depuis que je le connais, c’est-à-dire il y a plus de soixante ans. Nous l’aimons pour le décor, pour la carte des vins intelligente constituée par la famille Brousse de père en fils mais aussi pour la cuisine inspirée d’un chef haïtien au sourire inextinguible, Peter Delaboss.

Le menu créé par Peter Delaboss est : foie gras au caramel de betterave / velouté de corail truffé et Saint-Jacques rôties / filet de biche en croûte de céréales, jus cacaoyer / soufflé à l’orange et Grand-Marnier.

Le Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé le 29 juillet 2013 a une belle couleur ambrée. Quelle surprise car il se montre très largement plus brillant que le Krug bu à la maison. Il a du charme, une extrême présence, de la puissance et de la complexité. Il se marie judicieusement avec le foie gras.

Le Bienvenue Bâtard Montrachet Louis Carillon et Fils 1999 est très généreux, ample, avec une longueur spectaculaire. Ce vin riche et gourmand est une très agréable découverte. Il bénéficie de la force de son millésime. L’accord avec les coquilles est parfait, appuyé par la force du corail des Saint-Jacques.

J’ai apporté La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1992. Nous avions bu avec nos deux amies au dîner d’il y a deux jours La Tâche 1961 qui n’était pas parfaite. Ce vin est une belle revanche. Le vin est beaucoup plus puissant que ce que laisse entendre son millésime et il exacerbe joliment les qualités du domaine de la Romanée Conti. Hervé Brousse, qui dirige le restaurant dans la continuité de ses parents et à qui je fais goûter le vin, trouve dans ce 1992 des aspects d’une Romanée Saint-Vivant du domaine. J’avoue que je suis plutôt sur le terrain d’une belle La Tâche, dont les complexités sont ciselées. Le filet de biche est exactement ce qu’il faut pour mettre en valeur La Tâche.

Le soufflé au Grand-Marnier dont on sent à peine l’alcool n’appelle aucun vin en particulier, mais on peut finir les verres qui sont sur table sans commettre un contresens.

Le chef avait conçu son menu sans connaître les vins que nous choisirions. Nous avons réussi, par la grâce de l’ange gardien qui surveille nos agapes, à faire un repas de haute gastronomie avec des accords très pertinents. L’ambiance était souriante, nos amies américaines repartiront demain en leur pays, pour revenir en fin d’année pour de nouvelles aventures.

222ème dîner au restaurant Pierre Gagnaire jeudi, 29 mars 2018

Le 222ème dîner se tient au restaurant Pierre Gagnaire. J’avais fait le 91ème dîner en son restaurant parisien et j’ai eu envie de recommencer. La mise au point du menu s’est faite en deux temps, d’abord avec Pierre Gagnaire, puis, sous son autorité avec les chefs Thierry Méchinaud et Michel Nave. Les vins avaient été apportés il y a plus d’une semaine. A 16h30 commence la séance d’ouverture des vins. Je suis rejoint par Logan sommelier qui fera le service des vins et je lui fais sentir, ainsi qu’à quelques membres de l’équipe du restaurant, les parfums des vins. Ce qui est assez invraisemblable c’est que ce sont les vins les plus vieux qui ont les parfums les plus généreux. Dans l’ordre d’âge, le Chypre 1870 a un parfum lourd qui évoque des madères et un poivre insistant. Le Musigny 1906 a un parfum marqué d’un beau fruit, le Lafite 1908 qui a été reconditionné au château en 1990 a un fruit insolent et fort curieusement un bouchon qui se casse en deux, l’Yquem 1921 a des fragrances exceptionnelles, à se damner. La seule mauvaise surprise est celle de La Tâche 1961 dont le bouchon, seulement à moitié levé, exprime une odeur de serpillère insistante. Le bouchon vient entier, noir et gras et le vin sent la lavasse. J’ai bien peur pour lui et c’est le seul. Le bouchon du Musigny 1906 a été sorti en charpie, émietté comme rarement.

Les convives sont presque tous à l’heure et nous sommes onze dont deux fidèles américaines qui viennent spécialement en France pour mes dîners, trois nouveaux, cinq habitués et moi.

Le Champagne Dom Ruinart magnum  1998 est une très belle surprise car il est épanoui. J’ai toujours du mal à considérer qu’un champagne de 1998 n’est pas un jeune bambin, alors qu’il a vingt ans. Son épanouissement, sa joie de vivre me plaisent. Les amuse-bouches sont d’une diversité extrême et d’un raffinement absolu. Tout le talent de Pierre Gagnaire est déjà exposé dans ces complexités goûteuses. Et le champagne s’en régale.

Le menu composé par Pierre Gagnaire et ajusté récemment avec ses deux chefs est : Croquant chocolaté de foie gras de canard, salade de champignons de Paris, velouté Blanc, brioche toastée de palette ibérique, compote de gold rush aux oranges sanguines / Poireau grillé farci de coques et couteaux, pousses d’herbes sauvages des côtes du Croisic, raviole de seiche, navet daïkon / Sole meunière – les filets sont taillés en goujonnettes, fèves, petits pois, pointes d’asperges et nèfles. Soupe verte émulsionnée avec le beurre de cuisson du poisson / Grosse langoustine croustillante 1982 – condiment Dundee-Peecky, galette de blé noir. Une bisque / Cassolette de morilles au curry madras, côtes de romaine, oignons cébettes, pain soufflé farci de ris de veau, lard de Bigorre / Quasi de veau fermier à la Milanaise – purée de carotte au jus | tête de veau / Coffre de canard de Challans enveloppé de poudre de cacao aux aromatiques sous une cloche de chocolat amer – fines aiguillettes laquées d’une bigarade à l’ail fermenté Aomori. Pomme de terre FiFine / Fromage Stichelton / Parfait vanille de Tahiti | mangue jaune / Petits fours et financiers.

Avec le menu Pierre Gagnaire a fait remettre à chacun une lettre manuscrite dans laquelle il s’excuse de ne pas être auprès de nous. Cette attention est très appréciée.

On me fait goûter en premier tous les vins et lorsque je bois la première gorgée du Champagne Salon Le Mesnil  1964, c’est comme si j’ouvrais les portes de Paradis. La couleur est d’un ambré clair, le nez est tétanisant de perfection percutante et le champagne est tout simplement divin. S’allument en moi toutes les références que j’ai des champagnes Salon et l’on est au firmament de ce que peut offrir ce divin champagne. L’entrée au foie gras est délicate mais mon esprit est au Salon, même si la palette ibérique fait briller le champagne. C’est une des plus belles émotions que j’aie eues avec Salon.

Le Clos de la Coulée de Serrant Mme A. Joly Savennières 1962 est l’un des cinq grands vins choisis par Curnonsky comme représentant l’excellence du vin blanc français. L’année 1962 est une des plus grandes années de ce cru de Loire. La pureté de ce vin est extrême. Tout en lui est fluide et équilibré. Je m’en régale et le plat de poireau forme avec ce vin un accord qui est probablement pour moi le plus grand de repas car la continuité est saisissante.

Par contraste, le Meursault Leroy Négociant 1966 est puissant et beaucoup plus ouvert. C’est un Meursault Village de haute qualité assemblé par un négociant de renom, mais même s’il est généreux il ne peut pas cacher qu’il est Village. On est loin du coffre d’un grand cru. La sole est excellente et très épurée, avec des goûts extrêmement lisibles et gourmands.

Le Château Lafite-Rothschild Pauillac 1908 avait à l’ouverture un nez marqué par un fruit de toute beauté. Le nez est encore impressionnant mais en bouche il y a une acidité sensible que le nez ne laisse pas imaginer. En sachant lire entre les lignes, on trouve un Lafite de grande race et de belle richesse mais l’acidité limite un peu le plaisir. Fort heureusement la divine langoustine et sa bisque apportent de la douceur à ce vin de haute lignée. Il est possible que ce soit le rebouchage en 1990 qui ait apporté cette acidité.

Le nez du Pétrus Pomerol 1976 est dix fois expressif qu’à l’ouverture. Le vin a profité de l’oxygénation lente et c’est une merveille absolue. Si l’on voulait trouver ce que serait la définition du Pétrus archétypal, il ne faudrait pas chercher plus loin, c’est celui-ci. Je l’adore. Il a de la truffe, de la richesse, une densité infinie. Sa longueur est celle d’un seigneur. Il faut écarter tous les légumes verts du plat de morilles et ris de veau pour trouver l’accord avec cet immense Pétrus. Il n’a pas le côté romantique du Pétrus 1975 que je chéris, mais c’est un grand Pétrus de sérénité.

Le quasi de veau est probablement le plat le plus charmeur et goûteux de ce magnifique repas. Le Grand Musigny Faiveley 1906 est un grand vin, doté d’un beau fruit et d’un très joli équilibre. Alors que pour mon goût il est très au-dessus de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1961, c’est paradoxalement La Tâche qui recevra largement plus de votes que le Faiveley. Est-ce la fascination de tout ce qui vient de la Romanée Conti ? Car au moment du service il n’y a plus aucune trace de serpillère ou de lavasse, mais le nez est clairement bouchonné. Or, comme cela arrive assez souvent, le nez de bouchon ne se ressent pas en bouche. Le vin a de la rondeur et une belle expressivité. Mais même s’il n’y a pas l’amertume rêche que donne un goût de bouchon, je ne peux pas aimer le 1961 plus que le 1906. Le plat est divin et aide bien le Musigny.

Les deux chefs doivent être chaudement félicités car ils ont interprété le canard avec un doigté qui en fait un plat extraordinaire pour les deux vins qui suivent. Le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1978 confirme bien qu’il est de la plus grande année pour Rayas, l’année mythique comme 1945 l’est pour Mouton ou 1961 pour l’Hermitage La Chapelle. Le vin est franc, direct, solaire, gourmand, et facile à vivre. Sa longueur est belle et alors que je craignais que le Vega Sicilia Unico 1969 ne lui fasse de l’ombre, je trouve ce 1978 plus fringant que le 1969 par rapport à ce qu’on peut en attendre. Le vin espagnol est grand mais je ne retrouve pas aussi prononcée la fraîcheur que j’aime.

Le Château de Fargues Sauternes Lur Saluces 1943 est grand. Quel beau sauternes ! S’il était seul, on l’adorerait. Hélas pour lui et tant mieux pour nous, le  Château d’Yquem Sauternes Lur Saluces 1921 est totalement conforme à sa légende. Comme je le dis souvent, avec les vins rouges et les vins blancs, on peut imaginer que sur un détail, il pourrait y avoir quelque chose de mieux. Alors qu’avec un sauternes, quand il est parfait, il n’y a aucun bouton de guêtre que l’on pourrait critiquer. Il est parfait, point. Cet Yquem 1921 est la perfection absolue du sauternes à la complexité infinie. Le Stichelton est un compagnon idéal des sauternes, encore plus doux que le stilton.

Le Vin de Chypre 1870 combine une douceur de muscat comme celle d’un madère avec un poivre incroyablement prononcé. J’ai hésité à le mettre premier mais l’Yquem 1921 est tellement grand qu’il a eu mes faveurs comme celles du consensus. Le financier est l’ami naturel du Chypre.

Le vote des onze participants pour leurs cinq préférés parmi treize vins n’est pas une chose facile tant les vins sont différents. Selon quels critères peut-on départager Salon 64 Yquem 1921 ? Mais tout le monde a réussi à voter. Une chose me plait énormément : onze vins sur les treize ont eu des votes ce qui montre que onze vins méritaient de figurer parmi les cinq premiers d’au moins un convive. Cinq vins ont eu l’honneur d’être classés premiers. Trois vins ont été classés trois fois premiers : Salon 1964, Pétrus 1976 et Yquem 1921. Deux autres vins ont eu un vote de premier : Fargues 1943 et Chypre 1870.

Le classement du consensus est : 1 – Château d’Yquem Sauternes Lur Saluces 1921, 2 – Pétrus Pomerol 1976, 3 – Champagne Salon Le Mesnil  1964, 4 – Château Lafite-Rothschild Pauillac 1908, 5 – Vin de Chypre 1870, 6 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1961.

Mon classement est : 1 – Château d’Yquem Sauternes Lur Saluces 1921, 2 – Vin de Chypre 1870, 3 – Champagne Salon Le Mesnil  1964, 4 – Pétrus Pomerol 1976, 5 – Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1978.

La cuisine que nous avons goûtée, maîtrisée, simplifiée parfois, a été l’une des plus pertinentes que nous ayons connues. Bravo à Pierre Gagnaire mais aussi à toute son équipe. Le service des vins par Logan a été attentif et parfait, le service de table montre une implication intelligente et motivée de toutes les équipes.  L’ambiance de la table, joyeuse mais attentive à comprendre les vins et les accords a fait de ce repas aux vins particulièrement prestigieux un des plus beaux des 222 dîners que j’ai eu l’honneur d’organiser avec de grands chefs et de grands vins.

Champagne Dom Ruinart magnum 1998

Champagne Salon Le Mesnil 1964

Clos de la Coulée de Serrant Mme A. Joly Savennières 1962

Meursault Leroy Négociant 1966

Château Lafite-Rothschild Pauillac 1908

Pétrus Pomerol 1976

Grand Musigny Faiveley 1906

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1961

Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1978

Vega Sicilia Unico 1969

Château de Fargues Sauternes Lur Saluces 1943

Château d’Yquem Sauternes Lur Saluces 1921

on peut voir le 2 et le 1 en regardant bien

Vin de Chypre 1870

j’ai mis en référence une étiquette plus lisible que celle de la bouteille qui a été ouverte

La bouteille de Vega Sicilia Unico 1969 et celle de Chypre 1870 ne sont pas sur la photo ci-dessus mais elles sont sur la photo ci-dessous prise au restaurant

la lettre de Pierre Gagnaire et le menu

les votes des participants

fin de repas

Préparatifs du 222ème dîner qui va se tenir au restaurant Pierre Gagnaire mercredi, 28 mars 2018

Le 222ème dîner va se tenir au restaurant Pierre Gagnaire. Il y a quatre mois j’avais rencontré Pierre Gagnaire pour lui soumettre les vins et étudier avec lui le menu qui bénéficierait de son talent et s’adapterait à mes vins. Nous avions fait un travail très constructif et j’étais très heureux de la compréhension mutuelle qui a présidé à cette composition.

Il y a quelques semaines Pierre Gagnaire s’est excusé de ne pouvoir être présent au dîner car il lance un nouveau restaurant à Dubaï à la date qui avait été choisie. Mais me dit-il, ses collaborateurs ont reçu les consignes. La lecture du menu dont j’ai alors pris connaissance, assez différent de notre travail, me pousse à créer le contact avec les chefs présents et éventuellement à goûter quelques plats proposés pour recadrer le menu.

Avec Thierry Méchinaud et Michel Nave, les deux responsables de la cuisine à Paris, nous étudions sur papier chaque plat et ses composantes, qui sont dans la ligne de l’inventivité de Pierre Gagnaire. Mon rôle est d’éviter des ruptures de goûts et des goûts agressifs que les vins anciens ne supporteraient pas. Il est convenu que nous essaierons à déjeuner deux des plats du repas, la langoustine et le canard.

J’ai apporté pour ce repas un Vega Sicilia Unico 1991 que Logan, le sommelier qui officiera lors du dîner, a ouvert il y a deux heures. L’ami qui va partager avec moi le déjeuner a apporté un Nuits-Saint-Georges Paul Destrée et Fils 1929 en demi-bouteille dont il avait vu le niveau dangereusement baisser. C’est donc la bouteille à l’encre. Je l’ouvre à son arrivée et je suis surpris que le parfum soit d’emblée aussi prometteur. Ce vin va, tout au long de sa dégustation, se montrer généreux, ouvert, franc, simple mais émouvant. Un vrai plaisir qui tient beaucoup à la qualité extrême du millésime 1929 qui brave le temps.

Les amuse-bouches sont un Etna, que dis-je, un Pinatubo de créativité. Tout est étonnant et tout est divinement plaisant. Le talent de Pierre Gagnaire est contenu dans ce feu d’artifice.

Nous goûtons maintenant la grosse langoustine croustillante 1982 avec un condiment Dundee-Peecky, une galette de blé noir et à part une bisque. Le millésime n’est pas celui de la langoustine mais de la date de création de ce plat. C’est surtout sur la bisque que le Vega Sicilia Unico 1991 va exploser de fruit. Ce vin commence par le nez. Le parfum est d’une irréelle perfection, charmeur et intense. Ensuite le vin puissant et d’un équilibre spectaculaire offre une infinie fraîcheur. Je suis en extase devant la plénitude accomplie de ce vin très jeune. Il est dans une phase où il est toujours jeune, mais avec une plénitude totale. Il est grand et c’est la fra^cheur qui m’éblouit.

Nous allons maintenant goûter le coffre de canard de Challans enveloppé de poudre de cacao aux aromatiques sous une cloche de chocolat amer – fines aiguillettes laquées d’une bigarade à l’ail fermenté Aomori. Pomme de terre FiFine. Normalement ce canard est servi fumé quelques instants dans un coffre de chocolat amer avec du foin, mais j’ai demandé qu’on ne le fume pas en pensant aux vins du dîner qui se tiendra ici dans deux jours. Le canard est d’une puissance extrême et il faut bien cela pour le Porto Vintage Taylor’s 1992 apporté par mon ami. Ce Porto a eu les honneurs d’un 100 sur 100 de la part de Robert Parker. C’est une bombe de fruits rouges incroyablement juteux. Il est manifestement beaucoup trop jeune et il faudra au moins cinquante ans pour dompter ce cheval fou. Mais il est gourmand et se comporte bien avec la sauce lourde et épicée du canard. C’est surtout sur la peau grillée du canard que le porto admet qu’un plat puisse faire jeu égal avec lui.

Les chefs nous font apporter un quasi de veau fermier à la Milanaise – purée de carotte au jus | tête de veau, que nous n’avions pas commandé mais qui pourrait s’accorder avec des vins du futur repas. Ce plat est exquis et le vin espagnol est très à l’aise avec lui, tout en douceur.

Nous essayons ensuite un dessert à la vanille et à la mangue qui conviendra aux prestigieux sauternes du prochain repas. Il reste encore dans ma musette du magique Marc de rosé d’Ott 1929 qui va commencer à s’épuiser depuis que je le sers en toute circonstance. Il a toujours ce contraste entre le côté strict du parfum d’un marc, très rêche et une incroyable douceur. Je l’essaierais volontiers sur l’Ispahan, le dessert emblématique de Pierre Hermé, car le marc me semble exactement dans sa gamme de goûts.

Nous avions fait l’analyse du menu avant le repas avec les deux chefs. Nous recommençons après le repas pour tenir compte de ce que nous avons goûté. Je fais enlever quelques saveurs qui pourraient nuire au vin, comme par exemple des dés d’ananas qui sont là pour contrebalancer la richesse de la sauce mais doivent être enlevés si le plat accompagnent des vins très anciens. Nous révisons aussi l’ordre des plats qui mérite d’être changé. Cette répétition était absolument nécessaire. Elle s’est faite dans une ambiance de grande compréhension. De Dubaï Pierre Gagnaire a validé nos choix. Le bateau est lancé sur son erre. A nous d’en prendre le sillage pour un voyage de rêve.

dîner au restaurant L’Oiseau Blanc de l’hôtel Peninsula lundi, 26 mars 2018

Des amis du sud sont de passage à Paris. Ils logent au Peninsula et nous proposent de venir dîner avec eux au restaurant L’Oiseau Blanc de l’hôtel Peninsula. La salle du sixième étage est consacrée à l’avion qui a traversé l’Atlantique en 1927 avec Nungesser et Coli et n’est jamais arrivé et n’a jamais été retrouvé. Le chef est Christophe Raoux, Meilleur Ouvrier de France arrivé en août 2016.

La salle doit être merveilleuse lorsqu’il fait beau et lorsque l’on peut ouvrir le toit comme on le fait au restaurant Lasserre, mais en ces temps de début de printemps, le plafond paraît bas. La vue sur la Tour Eiffel magnifiquement illuminée est très belle. Pour choisir l’apéritif on me confie la carte des vins. Il y a comme dans beaucoup de ces endroits luxueux des prix qui ne concernent que quelques clients qui ne commandent que si c’est cher. Le Pétrus 2003 à 6.500 € et le Lafite 2005 à 3.500 € donnent le ton de cette partie de carte irréaliste. Ensuite, les pépites sont rares mais il y en a. La carte est bien pauvre en vins de renom que l’on aime pour leur goût. Nous allons quand même nous régaler avec de grands vins.

Le Champagne Taittinger Comtes de Champagne Blanc de Blancs 2006 est une réussite. Il a une très belle personnalité consensuelle. Il est droit dans ses bottes comme on dit, pur et gastronomique. Les amuse-bouche sont délicieux et montrent un talent certain, tant les complexités sont joliment troussées.

Mon menu sera : foie gras poêlé de l’Aveyron, présenté avec diverses formes de betteraves puis ris de veau français cuit en cocotte. J’ai proposé à mon ami que nous prenions le Clos des Papes dans les deux couleurs. Le Châteauneuf-du-Pape Blanc Clos des Papes 2015 a une belle mâche. Il commence avec un peu trop d’amertume, mais c’est parce qu’il est froid, car lorsqu’il se réchauffe, le gras et l’opulence effacent l’amertume. C’est un beau blanc qui malgré tout manque un peu d’étoffe.

Il faut dire qu’à côté de lui et servi en même temps, le Châteauneuf-du-Pape Rouge Clos des Papes 2011 est un vin d’une expressivité infinie. Il est riche, il est rond, il est persuasif. Je vois peu de rouges qui donnent tant de plaisir. Même si le blanc pouvait convenir aux deux plats que j’ai choisis, le rouge domine le jeu dans les deux cas. C’est un vin de joie de vivre, droit, direct et au fruit noir débordant.

Les chairs du foie gras et du ris de veau sont spectaculairement bonnes. Bravo le chef. On aurait aimé que le foie gras soit plus dominant dans l’équilibre du plat avec les accompagnements. On aurait aimé un ris un peu moins cuit, mais ce sont des remarques à la marge, car le chef a un très grand talent.

L’ambiance est agréable, le service est très attentif. La carte des vins peut mieux faire mais le bilan de la soirée est très positif. Nous nous sommes régalés.

Huîtres et Dom Pérignon 1990 samedi, 24 mars 2018

Ma femme est allée faire des courses. Elle revient et me dit : je vais avoir besoin de toi et ça commence par un « H ». Depuis que je me suis trouvé un talent d’écailler, je sais que H veut dire huître. Je vais voir de quoi il s’agit et mon intuition est bonne. Il y a une trentaine d’huîtres car le marchand a arrondi les douzaines. Je cherche le couteau qui m’a fait découvrir que je savais ouvrir les huîtres et je commence. A la deuxième huître, la pointe d’acier se casse et je n’ai plus qu’un couteau qui ne peut pas pointer. Il y a dans le tiroir un autre couteau à huître avec lequel je n’ai jamais eu de bons résultats. La suite des évènements est un chemin de croix. Toutes des demi-minutes, je maudis ce sort contraire qui me pousse à ouvrir des huîtres avec un mauvais outil. Je ne cesse de répéter qu’un bon ouvrier ne peut agir s’il n’a pas les bons outils. Je peste, et quand je peste, ça s’entend. Ma femme m’encourage tout en disant que je radote et rongeant mon frein, j’arrive au bout de l’ouverture non sans avoir laissé en route –et pas sur les huîtres – quelques gouttes de sang.

Le plateau est prêt et l’énergie que j’ai déployée mérite, à mes yeux, d’être récompensée. J’ouvre un Champagne Dom Pérignon 1990. Le bouchon est coiffé par un muselet de couleur vert olive inhabituel. Le bouchon vient sans histoire avec un beau pschitt. La couleur du champagne est claire, à peine ambrée. Dès le premier contact, je suis face à une immanence. Ce champagne est parfait. Et face à la perfection, point n’est besoin d’analyser. Ce Dom Pérignon est là, parfait, et l’important est d’en jouir. Avec l’iode de l’huître, il y a une multiplication d’énergie et d’intensité. Le champagne est électrique tant il est vif. Il y a en lui des accents floraux et romantiques mais il est aussi vineux. Ce qui me fascine c’est l’équilibre et la sérénité et la profondeur du message. J’avais aimé récemment le Dom Pérignon 2009 qui me semble avoir l’âme de Dom Pérignon, mais là, avec ce 1990, je bois la gloire de Dom Pérignon. Quelle grandeur, quelle grâce. C’est la perfection du champagne de charme et de persuasion. Avec les huîtres il n’y a aucun accompagnement, seulement du pain et du beurre. Et il faut absolument boire le champagne juste après les huîtres pour que l’iode se multiplie dans le champagne. La force vineuse est là, mais c’est le charme qui triomphe.

Je me sens prêt à ouvrir d’autres huîtres, s’il y a de telles récompenses !

qu’est ce muselet Eparnix ?

Préparation du dîner n° 224 qui se tiendra à la manufacture des caviars Kaviari vendredi, 23 mars 2018

Dans environ trois semaines le dîner n° 224 se tiendra à la manufacture des caviars Kaviari. J’avais été conquis par le lieu, d’une décoration élégante et moderne et par les caviars eux-mêmes. Ayant dans ma cave suffisamment de champagnes et d’alcools, il serait possible de créer des dîners sur la base de ces caviars. Avec l’accord de Karin Nebot directrice des caviars Kaviari, j’ai lancé l’idée d’un dîner avec l’ambition de créer des accords osés et de prendre des risques. Je me rends aujourd’hui à déjeuner à la manufacture pour tester les produits qui composeront le menu et pour voir comment les caviars réagissent à au moins l’un des alcools que je n’ai jamais goûtés et que je présenterai.

A mon arrivée je me dirige vers la cuisine où se tiendra notre repas d’essai à trois, Karin, Raphaël Bouchez, créateur de Kaviari et moi. Pascale a fait tous les achats sur les recommandations de l’esquisse de menu et Philippe en cuisine va préparer les plats que nous commenterons en fonction de ce que doit être le dîner à venir.

Je suis venu avec un Champagne Salon 1997 car c’est un champagne qui joue à coup sûr gagnant pour les plats qui sont prévus et avec un Alcool de Cumin 1943. Cet alcool a une histoire. Avec Jean Hugel nous partagions une amitié très forte. C’était le plus convaincu des supporters de l’académie des vins anciens dont il était un fidèle assidu. Lors d’une de nos rencontres il m’avait offert une bouteille emprisonnée dans un sac plastique transparent noué par une forte ficelle et recouvert d’une forte poussière collée par électricité statique. Il m’avait raconté l’histoire de cet alcool mais je l’ai oubliée. Je cherchais une occasion d’ouvrir cette bouteille au nom de l’amitié que je porte au regretté Jean Hugel, grâce à qui j’ai pu, lors d’un dîner en son souvenir boire le mythique Constantia 1791 d’Afrique du Sud.

Ma tâche première en arrivant est d’ouvrir les deux flacons que j’ai apportés. Le bouchon du Salon fortement serré dans le goulot est sans histoire. Je lève très précautionneusement le frêle bouchon de la très haute bouteille recouverte de cire et je peux lire « Hugel Riquewihr Haut-Rhin depuis 1639 » puis une date : 1980. Est-ce un bouchon de récupération lors d’un rebouchage ou est-ce la date de mise en bouteille je ne sais pas mais le bouchon est beaucoup plus recroquevillé que ne le serait un bouchon de vin de 1980.

Le premier nez est d’une force alcoolique qui évoque les alcools qui flirtent avec les 50°. Nous allons voir. Le nez évoque aussi des fraîcheurs anisées. L’alcool versé dans le verre est translucide comme de l’eau. Même le plus pur des gins ne donnerait pas cette sensation de fluidité d’une eau de montagne.

Etant en avance, je goûte tout seul le champagne et l’alcool avec trois caviars, l’osciètre prestige, assez gris, le Transmontanus beaucoup plus noir et le Kristal, presque rouquin. Sur le champagne Salon, c’est le Transmontanus qui paraît le plus adapté car il est vif cinglant comme le champagne. Sur l’alcool de cumin, c’est le Kristal qui semble le plus adapté, car il peut calmer les ardeurs de l’alcool. C’est amusant que mon champion, l’osciètre, ne soit gagnant dans aucun des cas. Il va se rattraper sur les prochains plats. L’alcool de cumin est d’une rare fraîcheur. Il n’est pas imposant mais il a une longueur invraisemblable. Sa fraîcheur anisée est remarquable et ce qui me plaît tout particulièrement c’est que l’alcool ne tue pas la bouche. Dès qu’on reprend une goutte de champagne tout revient dans l’ordre et même plus, l’alcool met en valeur le champagne en lui donnant de l’ampleur. Je constate que cet alcool, non seulement met en valeur les caviars, mais en plus il trouve sa place sans bousculer son environnement. Je suis aux anges.

Nous déclinons ensuite chacun des plats prévus en ajustant les quantités, les éventuels accompagnements, afin d’avoir le meilleur repas possible, l’alcool et le Salon jouant un rôle de calibrage et d’étalon. Je ne dévoilerai pas la suite pour que le 224ème dîner ait encore un parfum d’inédit mais je peux révéler que cette séance de mise au point a été utile pour ajuster les plats. Les achats faits par Pascale sont extrêmement pertinents et Philippe a su intelligemment assimiler tout ce qui doit concourir au succès de chaque plat.

Tout se présente bien pour ce futur dîner qui pourra nous donner l’envie qu’il y ait des suites. L’ambiance de l’équipe est d’une grande motivation. La plus forte sensation pour moi a été ce sublime alcool de cumin de 1943 qui est d’une élégance et d’une fraîcheur anisée qui colle parfaitement aux associations que nous projetons. Miam, miam !

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la bouteille d’alcool dans son « sac » plastique que j’avais gardé intact

les trois caviars :

dans le même ordre

le Kristal avec le bouchon de Salon 1997

les plats essayés

Déjeuner au restaurant de l’Hôtel Saint-James jeudi, 22 mars 2018

Mon frère invite ma sœur et moi au restaurant de l’Hôtel Saint-James. Avec leurs conjoints nous serons cinq. Etant arrivé en avance, je prends au verre un Champagne Dom Pérignon 2009 que je goûte pour la première fois. C’est un très beau Dom Pérignon, tout-à-fait dans la ligne historique de Dom Pérignon. Il est frais, floral et suggère plus qu’il n’impose. Il va trouver de l’ampleur avec le temps mais il est déjà très convaincant. Je le place dans les très beaux Dom Pérignon. Il me semble que l’on est dans le droit fil de ce que Richard Geoffroy le maître de caves de Dom Pérignon veut faire de ce champagne.

Lorsque tout le monde est arrivé nous buvons un Champagne Philipponnat Brut sans année qui est agréable mais qui explore d’autres voies que le Dom Pérignon. Il se boit bien.

Dans la très jolie salle à manger je prendrai des asperges blanches et un ris de veau, fricassée de champignons et épinards, réductions de fraises et baies roses, mousse de pomme de terre. Les asperges blanches sont de petit calibre aussi la sauce fortement vinaigrée prend trop de place et étouffe un peu les asperges. Le ris de veau au contraire est un plat joyeux, goûteux et d’un bel équilibre, qui se marierait aussi bien avec un vin blanc qu’un vin rouge.

Le Chablis Premier Cru Mont de Milieu Joseph Drouhin 2014 est très justifié pour les asperges. Il n’est pas puissant mais sa finesse courtoise en fait un vin aimablement gastronomique. Il n’éclate pas mais il se boit avec plaisir.

Mon frère a choisi sur les conseils du sommelier un Saumur-Champigny La Marginale Domaine des Roches Neuves Thierry Germain 2011 qui est une heureuse surprise. Ce n’est pas un vin très large, mais il est suffisamment percutant et charpenté pour être un agréable compagnon du ris de veau.

L’hôtel Saint-James est élégant. C’est un lieu de grand confort. Le chef Jean-Luc Rocha, qui a travaillé plusieurs années à Cordeilhan Bages avec Thierry Marx est un chef qui a un talent certain. Le service est agréable. L’atmosphère est conviviale et la directrice Laure Pertusier est charmante et dirige le lieu avec doigté. Ce fut un beau repas familial.

Déjeuner au Cercle Interallié dimanche, 18 mars 2018

Déjeuner au Cercle Interallié à l’invitation d’un membre. L’immeuble qui abrite le Cercle est imposant et d’une décoration raffinée. Tout y est élégant. Nous allons dans la belle salle à manger du premier étage et pour une fois il fait beau et le soleil illumine le jardin. Nous prenons un champagne au verre. C’est le Champagne Bruno Paillard Blanc de Blancs sans année. J’ai une petite réserve que mes amis n’ont pas. Car même si ce champagne a une certaine ancienneté, même s’il est agréable, il lui manque une petite étincelle de génie. Nous commandons la même entrée, des petites asperges blanches qui seront les premières de l’année. Elles sont délicieuses. Personnellement je prends un cabillaud et mes amis du saumon.

Je suggère que nous prenions du champagne et dans la belle carte je suggère le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle. Et mes amis comprennent mes légères réserves précédentes, car ce champagne floral, romantique, a une forte personnalité. Il est très élégant et prenant. Sur les asperges il est vif et je l’apprécie aussi sur le cabillaud bien traité. Il reste du champagne pour les fromages et pour les desserts présentés sur un chariot, qui sont d’une telle tentation que toutes les résolutions s’effondrent. Le millefeuille est un délicieux péché. L’ambiance de ce Cercle est une des plus agréables qui soient.

Dom Pérignon 1969 and Cyprus 1869 shine together mercredi, 14 mars 2018

The day after the discovery of a sublime prephylloxeric unknown soldier whom I arbitrarily christened Château Margaux 1870, we are in the same formation to dine at home, my son and me. We drink the second half of Champagne Pierre Péters Blanc de Blancs Grand Cru The spirit of 2005 that really enjoyed a day of aeration more, even if the bottle was closed by a cork. The champagne is larger, fuller, and its definition is chiseled. But what we could blame this champagne is to be still too young. It is impubrious and therefore lacks a little brio. He is the perfect student, but still a virgin. He will debride himself in a few years. We nibble pies, a shiny « pâté de tête », with which the Péters behaves happily, and we decide to skip the lunch program to devote ourselves to the 1869 Cyprus wine that has remained, like champagne, clogged in a cool place. We had noticed the day before that late evening, vinegary smells had disappeared and the nasty white bubbles had evaporated. It was feared that there would be a veil on the surface of the wine as there is for the yellow wines of the Jura when they are in casks. The time has come to pour the wine and it is obviously a great uncertainty and a great emotion. Before pouring, I smell the neck and the perfume seems pure.

I pour two glasses and no piece of veil appears. The wine is pure. The color in the glasses is intense and dark but there is a nice color that is similar to that of dark whiskeys or dark brown alcohols. This color is pleasant even if it is darker than that of Cyprus 1845 which I have already opened a good fifteen times.

The nose is rich with heavy and brown fruits. In the mouth, we immediately know that we have won. The attack is of a beautiful acidity carrying freshness as if there was a lemon juice mixed with wine. Then the wine is heavy. Describe is always reductive but we can feel notes of candied grapes, prunes, coffee, some liquorice but less than in Cyprus 1845, pepper and zest suggested. The wine is heavy, greedy, and of infinite length. It is impossible to part with it. And we note that unlike the 1845, this wine is drunk as an alcohol and not as a wine. It is so powerful and heavy that you take two small glasses and that’s enough, as you would with a strong alcohol. But despite this, the acidulous freshness dominates.

My pleasure in drinking this wine is double. First of all it is delicious. We can feel that it is not totally perfect and that the decline in level that has existed for decades has dried up a bit and concentrated, but it is important to say that it is extremely pleasant, wine of great nobility that has extreme peppery freshness which is stunning.

The second pleasure is to think that if the bottle with the lowest level has these qualities, all of the Cyprus wines that I acquired are likely to be of high quality. And this pleasure is reinforced by the fact that many amateurs less patient would probably have condemned the wine that was so vilely vinegary. Financier cakes on this wine are the perfect partners.

Two emotions in a row, one with this Bordeaux unknown yesterday and the other with this superb Cyprus of 1869, is a lot. So to finish this semblance of meal I open a Champagne Bollinger Grande Année rosé 1996. The word that comes to characterize this champagne is: « noble ». He is tall but he is above all noble. The second word is « accomplished ». The consistency of this incredibly charming rosé is perfect. We cannot imagine the slightest defect in this champagne that is at the top of his art. It is a champagne of pleasure, elegant and convincing that would lend itself to beautiful gastronomic experiences.

It’s time to go to sleep and dream these paradises offered by these perfect wines.

I fell asleep smiling at the Cyprus 1869 and the beautiful Bollinger Rose 1996. The next day, everything was not so rosy. Computer problems, new requests from the tax authorities that lead to senseless loss of time and the return of the office of my industrial society, a GPS that suggests that the shortest way between Bondy and my home would be to go through Vancouver and Vladivostok . I caricature of course but I cursed this pure product of artificial intelligence that produced in me an increased anger, like the reality of the same name.

Arrived finally at home, I have time to think about what we will drink tonight. In one part of the cellar a dead light bulb leaves the shelves in the dark. Using the flashlight of my phone (progress is not always useless) I walk and I light bottles. I read Dom Pérignon 1969. My son is from 1969 and the open bottle of Cyprus is 1869. To meet two wines that a hundred years separate, it is classy. All the annoyances of the day are forgotten. Place to pleasure.

My son also arrives with a good hour late and we start to drink on the Champagne Bollinger Grande Année Brut rosé 1996 of which it remained half a bottle. The champagne has kept all its presence. The sparkling has a little weakened but vivacity remains as noble as yesterday. It is one of the great standards of rosé champagne. What we have to associate with him is not ideal. Slices of salmon barely smoked in the net are fine, in a color-on-color accord that I love. Terrines and pâtés are less adequate.

We nibble without seeking agreement and the beautiful rosé is self-sufficient. It’s time to open Dom Pérignon Champagne 1969. The bottle is very pretty in a slightly different form from the current actual bottles. The label is identical. The cape is thin and breaks into a thousand chips. The cap comes whole because I proceed extremely slowly. It is very short. There is no pschitt but the first nose that I perceive feeling the neck just after opening tells me that the champagne is great. The color is beautiful, a little amber pink gold. The nose is formidable because it is of extreme intensity. On the palate, it’s fascinating with certainty. The wine is sparkling, of course, wide, deep, with an unquenchable length. And we know immediately that we are in front of one of the largest Dom Pérignon that is. What an impression in the mouth. I would like so much that Richard Geoffroy is with us to enjoy this unreal wine. We are not at the level of 1929 which remains my biggest Dom Pérignon but we are at the level of the most beautiful years of the 1960s, which for my taste is the greatest decade of all with 1966, 1964, 1969, 1962 and 1961 which are grandiose, of memory in that order. What aromatic persistence. It’s crazy. There are yellow fruits, controlled bitterness, winy but also floral. What does it matter, it is grandissime.

So it is tempting to put champagne 1969 and Cyprus 1869 side by side. It was opened two days ago and has reached an unassailable equilibrium. What is crazy is that at the level of the attack, it is acidity and pepper that announce the freshness. Then, two seconds later, it is the heaviness of a caramelized or roasted fruit. And finally the finale is a joyous ode. This wine is huge and forms a possible pair with the champagne that still gains liveliness in contact with the liquoreux.

So the idea that we taste two bright and brilliant wines that are a hundred years apart, seems to us totally unreal. And we are happy.

(pictures are in the two articles in French)