dîner au Petit Verdot, pour préparer le concours du meilleur caviste indépendant mondial mercredi, 14 septembre 2005

On a eu la gentillesse de m’inscrire comme membre du jury qui doit consacrer les meilleurs cavistes du monde. Le concours est parrainé par une grande marque de champagne, Laurent-Perrier. Le jury doit « forcément » préparer les critères de sélection. Est-ce une excuse pour se retrouver ? Oui. Cela se fera dans le restaurant Le Petit Verdot, rue du Cherche-Midi, que Hidé vient de reprendre. Hidé, ex-sommelier de Cordeilhan Bages, était l’âme d’Hiramatsu dont j’ai abondamment vanté les mérites. Injustement privé de la concrétisation de son installation dans l’ex-Faugeron, il a racheté ce petit local où il fera, j’en suis sûr, une immense cuisine. Nous nous retrouvons, avec Didier Depond, l’âme (lui aussi) de Salon (mâtin quel champagne comme dirait Gotlib dans Pilote), avec un sommelier historique et talentueux, avec le président de l’association des cavistes indépendants, avec quelques autres membres du jury, et nous travaillons. Les arrivées des jurés s’étalant sur une plage extrêmement longue, nous attendons les tardifs avec un nombre coquet de Laurent Perrier Grand Siècle. Ça coule tellement bien ! Celui-ci doit être un assemblage de 1995, 1997 et 2000. Une attaque résolument champagne, avec une densité en bouche magistrale. Le final est un peu plus discret, mais cette expression de champagne est d’une sincérité extrême. Le menu n’est pas fait, je regarde la carte des vins où Hidé a encore un peu trop le souvenir des prix des grands étoilés, et j’ai un déclic. Il nous faut le Laurent-Perrier sur l’andouillette AAA et peut-être plus de A, et un Chambertin Armand Rousseau sur la lotte. Comme Hidé n’a qu’une seule bouteille de 1992, on prendra 1995 et 1992.
L’andouillette est malheureusement associée à une sauce vinaigrée aux oignons. Il eût fallu une andouillette dans sa pureté, car le Laurent Perrier Grand Siècle ne demande que cela.
Avec la lotte, le Chambertin Armand Rousseau 1995 brille de façon exceptionnelle. Ce vin prend aux tripes. Sensuel, charmeur, intense, il trouve un écho dans la chair lourde du poisson qui est purement transcendantale. Peu des participants, grands experts devant l’éternel, auraient osé ce mariage qui s’est révélé de rêve. J’avais peur que le 1992, nettement plus mûr, ne rebute mes collègues du jury. Or en fait tout le monde suivit avec bonheur ce vin déjà plus affirmé, sans marquer la moindre réticence. Le vin avait une telle trace lourde et magique en bouche qu’aucun dessert ne s’imposait. Une ravissante convive ayant réclamé du sucré, du chocolat accueillit un Porto Taylor 1999 de charme évident. Fut-on studieux ? Je ne sais pas, car les occasions de se dissiper par des anecdotes passionnantes étaient nombreuses. Mais on se souviendra de ce dîner chez Hidé, au petit Verdot, table qui sera demain (elle l’est déjà) une table incontournable.

galerie 1926 vendredi, 9 septembre 2005

Pommard Epenots Colomb-Maréchal négociants 1926. Je sais d’avance que ce sera grand !

Chambolle Musigny Labouré Roi 1926 bu chez Guy Savoy le 5 juillet 2001. Vin merveilleux. Si vous regardez attentivement, il y a à droite un Corton Soualle et Bailliencourt 1929 (gros calibre). A gauche, un Chateau d’Epiré 1929 (là, il faut me croire !).

 Chateau Latour Millon 1926. Bu en 2006. Délicieux. L’étiquette est d’une rare beauté.

 Savigny Chanson Père & Fils 1926 bu lors d’un dîner de wine-dinners en 2001 chez Guy Savoy (chercher sur ce nom ou sur le nom du vin).

 Pommard Grands Epenots Michel Gaunoux 1926 bu avec Bipin Desai à Hiramatsu. Exceptionnel.

dîner d’été avec de bien beaux champagnes jeudi, 1 septembre 2005

Des amis ayant la riche idée d’ouvrir un Salon 1995 au talent naissant, je réciproquai quelques semaines plus tard en ouvrant un Salon 1985. Quel champagne ! Immédiatement, c’est le pamplemousse rose qui entre en scène au milieu de fleurs blanches. Ce champagne, d’abord floral, virginal et fruité de fruits délicats se structure ensuite en bouche. Les fruits plus lourds comme la mangue apparaissent. Le vineux fumé se montre et le kaléidoscope de saveurs intenses ravit mon palais déjà conquis. Nous nous rendons ensuite sur une belle plage où du sable blanc et fin rajouté au sable usuellement rugueux donne des idées tahitiennes. Là, dans un petit restaurant à l’ambiance jeune et mode, une jeune serveuse à la langue piercée, dont la jupe ne contribuera pas à alourdir le déficit du textile importé, nous sert de beaux poissons. J’ai pris un chapon. Le Dom Pérignon 1996, à la première gorgée, parait léger après le Salon, mais le palais s’adapte, et ce champagne dont j’ai vanté les abondants mérites s’installe, se met en place. C’est plus champagne, avec du charme mais moins de complexité. Le Cristal Roederer 1999 est encore trop bambin pour qu’il puisse se comparer. Fluide et délicat, il lui faudra vieillir.

nouveau dîner à l’Escundudo de Bormes les Mimosas lundi, 29 août 2005

Nous fîmes deux expériences en un restaurant fort sympathique, agréablement doté d’une étoile, l’Escoundudo à Bormes-les-Mimosas. Un jeune chef enthousiaste qui veut bien faire, Matthias Dandine, au talent incontestable, mais qui veut trop prouver. Alors, on complique sans que ce soit nécessaire et bien sûr, les plats que l’on apprécie le plus sont les plus simples, les poissons notamment, qu’il traite avec délicatesse. Par un temps très lourd, un Corton Charlemagne Louis Jadot 1999 est trop fort. Le Corton Charlemagne n’est pas à sortir en cette saison. Alors qu’un Clos Saint-Denis Grand Cru 2001 domaine Dujac brilla d’une élégance remarquable. Table à suivre, à essayer encore, car ces jeunes motivés, les deux frères épaulés par leurs parents, vont encore progresser. Une belle table dans une bien jolie ville. J’ai beaucoup aimé la deuxième fois le Laurent Perrier Grand Siècle 1995 au message bien franc. Un Château Baillon « Oppidum » 1989 m’a époustouflé, car ce Côtes de Provence était ce soir là en habit de lumière, mieux qu’un Pibarnon 1990 qui sentait déjà la mise à la retraite anticipée.

je reçois, dans ma maison du Sud, un des plus grands critiques gastronomiques mardi, 9 août 2005

J’avais conversé par e-mail ou au téléphone avec un grand critique gastronomique, écrivain de surcroît, qui officie sur de vastes et nombreux médias. L’idée d’une rencontre était apparue naturelle. J’ouvre le portail de ma maison du Sud pour accueillir un personnage au visage inconnu. La sensation est étrange et fait place instantanément à l’envie de se connaître. Ses bagages sont rangés dans sa chambre, nous arpentons le jardin face à la mer, et naturellement, assis autour d’une table surplombant la mer et donnant l’impression d’être en bateau, nous devisons sur l’état de la gastronomie française, ses chefs, ses habitudes, ses manies, ses tics de mode, ses voies à ignorer ou à éliminer. Nous nous rassurons par des analyses le plus souvent communes et nous nous expliquons quand nos avis s’opposent. Aucune volonté de briller, de montrer que l’on sait, mais plutôt la joie de deux philatélistes qui se montrent le timbre de la pêche au marlin à l’île Maurice ou le timbre d’un milliard de marks quand cette monnaie ne valait rien.
La préparation d’un dîner en l’honneur d’un homme de plume prompt à crucifier le moindre défaut a quelque chose d’excitant. Le menu sera le suivant : terrine de courgettes, poulet aux tomates confites, fromages du Var, salade de pêche, crème fraîche et confiture de pêche. Des choses simples, aux goûts précis, sans chercher à compliquer, ce qui exposerait à la critique. Pour les vins, j’avais prévu de commencer par un Saint-Véran Bichot 1989, pour mettre en valeur une appellation trop souvent ignorée, mais dans ma précipitation j’ai pris une bouteille aux couleurs identiques qui me força à changer les ordres de service.
A l’apéritif, j’ai prévu de délicieuses petites sardines qui appellent un vin rouge, car ce qui me paraissait possible au Saint-Véran ne me le parait pas au Chablis. C’est donc le Domaine de Barbeiranne Cuvée Charlotte 1999 Côtes de Provence. Vin délicieux qui part avec bonheur caresser la sardine. La chair goûteuse apprivoise ce vin délicieux. Ma pioche d’olives était à éviter pour le vin.
Sur la terrine, le vin que j’ai pris par erreur est un Chablis Premier Cru les Vaucoupins Bichot (Long Dépaquit) 1988. La couleur s’est déjà ambrée. Le vin accuse un peu son âge, même si la prestation gustative est honorable. Je savais que mon hôte aime les vins blancs très frais. Le froid anesthésia le Chablis, fort justifié sur l’aubergine.
De dodus et copieux poulets accueillirent des bouteilles qu’on ne trouve que rarement, tant la région n’a pas la patience de les conserver, ce qui est un tort. Le Terrebrune rouge Bandol 1987 est beau, noble, racé comme un fier espagnol qui vous foudroie du regard. Ce vin vous nargue de sa rudesse. Il est d’un beau plaisir. Le Rimauresq rouge 1983 Côtes de Provence monte encore d’un cran. Complexe, multiforme, chatoyant comme un beau Rhône, il chatouille les papilles avec un charme consommé. C’est manifestement un vin de grande classe.
La salade de pêche trouve sur sa route un Pommery 1987 magnifique d’énigme, de distinction et d’une personnalité folle. C’est le visage d’un Klaus Kinski avec la voix d’un Sinatra. Il joue sur plusieurs registres, voulant ne pas être catalogué. Tout le monde se moque de moi pace que j’aime les cigarettes russes, quand ces pédants (ma femme et ce nouvel ami) croient plus distingué de s’extasier sur des gavottes. Le champagne est délicieusement adapté aux deux desserts. Lorsque, tard dans la nuit, je fermai les lumières d’un repas amical, j’étais assez fier que nous ayons pu montrer, ma femme et moi, une parcelle de notre personnalité dans les choix que nous avions faits. Je classai d’instinct les vins dans l’ordre suivant : Pommery 1987, Rimauresq 1983, Barbeiranne 1999, Terrebrune 1987 et Chablis 1988. Les discussions reprirent au petit déjeuner comme si nous nous connaissions depuis vingt ans, avec, au seuil de se séparer, l’envie que tout ceci ait rapidement une suite.

galerie 1928 samedi, 6 août 2005

Il y a deux Gruaud-Larose à cette époque : le Faure Bethmann et le Sarget. Ici, il s’agit d’un Gruaud Larose 1928 Sarget. Bu plusieurs fois, ce vin est d’une rare sérénité.

 Château Beychevelle 1928, origine cave Nicolas, mais mis en bouteille au château.

 Jolie étiquette de Cos labory 1928

Suduiraut 1928, l’un des plus grands Sauternes de ma vie, bu une fois chez Guy Savoy, d’autres fois en famille. Cellui-ci a été bu chez Jacques Le Divellec le 25/01/2007.

 Chateau Carbonnieux 1928 bu de nombreuses fois et toujours parfait.

 Pétrus 1928 qui s’appelait à l’époque "Chateau".

Chateau d’Yquem 1928

 

Chateau Haut-Brion 1928, sans doute l’un des plus grands avec 1926.

galerie 1929 – 1 jeudi, 28 juillet 2005

Climens 1929 et Yquem 1929 bus en novembre 2006 à l’Astrance

L’une des plus jolies étiquettes d’un vin qui, je le pense, n’existe plus.

 

Un Jurançon 1929 provenant de la cave de Nicolas. La bouteille est si belle que j’avais mis cette photo sur la page d’accueil du site www.wine-dinners.com. J’ai déjà bu ce vin absolument charmeur.

 Très jolie étiquette de Chateau Batailley 1929.

Une belle brochette de 1929 : Chateau d’Yquem 1929, Chateau Gadet 1929 et un phénoménal Beaune du Chateau Cras et Theuron, Bouchard Père & Fils 1929 que j’avais ouvert pour honorer un ami, né en 1929, qui n’avait jamais bu un seul vin de son année de naissance, millésime légendaire.

 

La Bouillabaisse, petit restaurant de port mercredi, 20 juillet 2005

Au port de la Madrague de la presqu’île de Giens, il existe un petit bar restaurant qui n’a pas encore été touché par le tourisme. Les pêcheurs et pochtrons autochtones viennent siroter de répétitifs pastis. On y lit le journal et l’on y mange les poissons rapportés par des pointus locaux. Demandant à voir le plateau des poissons, je repère deux belles langoustes. Une anchoïade est le rituel démarrage qui nous installe dans l’atmosphère du bonheur estival. Rien ne vaut le chou-fleur cru que l’on trempe dans une sauce abondante et épaisse.
Le rosé de l’Aumérade 2003 a un joli nom, ce qui n’est déjà pas si mal. Rien n’inspire vraiment dans ce liquide qui a le même effet sur la soif que l’éponge sur un marathonien : c’est efficace, mais on ne va pas demander en plus que ça ait du goût. Le rouge de l’Aumérade 2003 joue dans la même ligue. La langouste au corail de plomb est tellement goûteuse qu’on ne se soucie pas de ces vins qui méritent bien évidemment d’exister, car je n’ai fondamentalement rien à leur reprocher. On est loin de la qualité de la cuisine du deux étoiles récent. Mais le plaisir est très grand car l’authenticité de cette table de pêcheurs est une récompense.

galerie 1929 – 2 mardi, 19 juillet 2005

Très jolie étiquette de Chateau Galan 1929 avec cette mention "land limited by Saint-Julien". A été bu le 25/01/2007 chez Jacques Le Divellec.

 Mission Haut-Brion 1929. A noter l’expression "Grand Premier Cru", qui de plus porte un accent circonflexe !

 Chateau de Tastes 1929, un Sainte-Croix du Mont délicieux.

un vin totalement inconnu « les vins réfrigérés » mardi, 12 juillet 2005

Ma femme aime chiner dans des brocantes où l’on peut constater que le génie humain n’a pas de limite. Je me demande parfois comment des gens ont pu oser dessiner et fabriquer des horreurs invraisemblables. Les lampes de chevet sur base de bouteille d’Orangina sont de l’art à coté de certains objets bucoliques (il faudrait savoir combien la biche a inspiré d’objets insupportables). Elle rapporte de sa chine deux bouteilles d’environ cinquante ans. Un Saint-Raphaël qui sera sûrement bon – j’en connais la saveur quand le quinquina est quinquagénaire – et une bouteille d’un litre, sérigraphiée de blanc, dont le titre est « Les vins réfrigérés », de la coopérative la Vidaubanaise. On y apprend au dos que la bouteille doit être rendue dans les trois mois à la coopérative. Nous n’avons donc que cinquante ans de retard. Le bouchon est rustre mais a joué son rôle car le niveau est beau. Le verre a été fortement imprégné par une lie sur l’ensemble de sa paroi comme si une acidité l’avait entamé. Je craignais un obscur vinaigre et voilà que ce vin exhale un parfum serein, assagi, de beau Côtes de Provence. Immédiatement je pense à ce Sainte-Roseline 1953 qui avait magistralement brillé lors d’un dîner (bulletin 111). En bouche, l’impression est moins forte qu’au nez, mais c’est plus que buvable, c’est plaisant. Et je me suis observé avec étonnement, me rendant compte que j’avais la fierté de ce vin, bu avec des amis, au moins aussi intense que si c’était une de mes plus belles acquisitions. Ce vin est comme mon enfant, et le voir se comporter comme un grand me fait un immense plaisir. La coopérative interrogée ne savait pas me dire ce qu’est un vin réfrigéré. C’est sans doute un Cotes de Provence vendu à la tireuse dans des cuves rafraîchies. Des vins, même à deux sous, quand ils ont quelque chose à dire, me remplissent de joie.