Dîner à l’Astrance avec des vins que je chéris vendredi, 6 juin 2008

Dîner à l’Astrance avec des vins que je chéris

Avant cette rencontre, j’étais passé au restaurant l’Astrance pour livrer les vins d’un dîner rassemblant famille et amis avec ma femme, ma fille cadette et son mari, mon fils et deux amis partenaires de mes plus grands repas. Pascal Barbot est en jogging, souriant comme à l’habitude. Je choisis le champagne du soir sur la carte et donne à Alexandre les consignes d’ouverture de mes vins.

Lorsque tout le monde arrive nous prenons place à la belle table où les assiettes de présentation sont de gros disques de verre multicolores comme des bonbons acidulés. Le Champagne Salon 1988 est absolument extraordinaire. Il progresse à chaque expérience que j’en fais ce qui indique qu’il est en train de franchir une étape majeure de sa vie. Fort comme un coup de poing, il s’impose en bouche sans possibilité de discussion. Quelles saveurs dominent ? Les citer serait réducteur, car si le miel, le caramel, la brioche sont présents, ce qui s’impose, c’est la longueur et la présence. Sur le champignon de Paris et sa petite goutte de crème citronnée, c’est un régal absolu.

Le plat suivant rassemble un bouquet de verdure de légumes croquants et du homard. Ceux qui ont encore du Salon peuvent le boire sur les petits légumes aux goûts très forts. Et le homard est accompagné par Château Latour 1989 pour un accord d’une émotion infinie. Pour que l’on puisse lire ce compte-rendu en saisissant l’absence totale de nuances et d’objectivité qui est la mienne, je suis vis-à-vis de Pascal Barbot dans la position du juge des championnats du monde de patinage artistique qui ne donne de bonnes notes qu’aux sportifs de son pays. Pascal Barbot est du mien. Qu’on se le dise. La chair d’une délicatesse infinie épouse le Latour velouté dans une union qui serait floutée sur Canal + aux heures où les enfants sont théoriquement endormis. Ce velouté doucereux du Latour permet de comprendre la pureté d’une trame de vin qui est un exemple assez unique. Le vin est grand, noble, structuré et dégage une impression de solidité à toute épreuve. C’est un grand vin.

Chez le caviste que j’avais visité ce midi, je n’avais pas été attentif à l’étiquette. Car le vin est un Vega Sicilia bien sûr, mais c’est le Valbuena et non l’Unico, ce qui explique son prix plus cohérent. Je ne regrette pas cette erreur, car le Vega Sicilia Valbuena 1980 est un vin splendide. Presque fumé, typé comme un vin espagnol fier, il nous charme par sa personnalité. Il y a des fruits noirs qui subsistent encore. Sur le rouget, l’accord se trouve naturellement. Les asperges ne réagissent pas sur le vin qu’il ne faut boire que sur le poisson. La surprise de ce bel hidalgo nous donne des sourires de plaisir.

Christophe Rohat a l’habitude de nous faire des niches. Il dépose devant moi deux ébauches de pizzas très fines sans autre forme de procès. Alors, comme le prêtre à l’église, je romps le pain et le partage, pour le plus grand bonheur du Vega Sicilia.

Sur un paleron aux petits pois, l’Hermitage Jean-Louis Chave 1989 nous fait gravir une nouvelle marche de plaisir. Ce vin est généreux, joyeux, riche, et s’accorde au gras intense de la viande de la plus belle façon. Cette joie simple est spectaculaire. Il y a à côté de la viande une petite crème à l’olive noire et à la réglisse qui est une vraie bombe. Je pense évidemment qu’un vin de Chypre 1845 dompterait cette saveur explosive, mais le Chave s’en tire très bien, la réglisse tirant de nouvelles nuances de sa solide trame.

Le canard croisé, spécialité du lieu à l’instar du champignon de Paris, est doté d’une sauce diabolique. Et de petites pommes de terre fondent dans la bouche comme d’impérieux bonbons. La Côte Rôtie La Mouline Guigal 1992 me met en transes. Ma fille cadette me regarde comme si j’étais possédé par un vil démon. Je glousse, je me tortille sur ma chaise. Je fonds de plaisir. Car ce vin, c’est le nirvana, c’est l’arrivée d’un marathon quand on coupe le fil du vainqueur, c’est le rire de Ninotchka ou le premier pied posé sur la lune, c’est divin. Comment caractériser cette émotion ? C’est en fait le goût que je souhaite. Et je le tiens en bouche. D’une année qui n’est pas la plus lyrique, ce vin a attrapé un équilibre qui lui permet de libérer tout son charme voluptueux. Je suis aux anges, et c’est la sauce qui vibre amoureusement avec le vin immense. On ne peut pas imaginer le plaisir que ce vin me donne quand il m’inspire cette phrase : « c’est ça », comme un eurêka.

Le gorgonzola avec une fleur de courgette fourrée de framboises fraîches est une pause dans mon rêve, car cet exercice de style n’apporte pas grand-chose à nos palais. On retrouve l’inventivité du chef sur les trois desserts qui accompagnent Château d’Yquem 1988. D’une couleur pâle pour son âge, cet Yquem est le meilleur des 1988 que j’aie bus depuis longtemps, car je craignais un certain passage à vide pour ce vin depuis une dizaine de mois. Or ici, c’est un bijou. C’est de l’horlogerie de compétition, car tout en lui est d’une précision absolue. Il est, pour un sauternes de vingt ans, la perfection de ce qu’un tel vin peut devenir. Bien sûr, des décennies de plus vont lui faire gravir l’échelle de Richter des plaisirs terrestres. Mais à ce stade il est grand. Ce n’est pas la compote d’abricots et mangues qui se marie le mieux, alors que la couleur le suggère, c’est le blanc-manger délicieux qui excite le mieux les saveurs que l’Yquem peut révéler. Une préparation de fruits secs convainc un peu moins.

Ce repas me plait à plus d’un titre. On dit assez souvent que les vins ressemblent aux vignerons qui les font. Si j’osais, je dirais que les vins de ce soir me ressemblent, car j’ai voulu que ce soient eux et parce que je les aime. Ayant quitté pour un soir le monde des vins anciens, ce sont ces vins que je veux. Salon 1988 au sommet de son art, quatre rouges qui ont formé une progression gustative éblouissante avec Latour qui a sans doute la trame la plus noble et la Mouline au charme infini, puis l’Yquem à la juvénile perfection. Ces vins, je les aime, même celui dont j’ai acheté ce midi le second vin croyant avoir acquis le premier. Emotion familiale quand j’ai raconté la rencontre d’un amour de mon père d’il y a 74 ans, amitié et sensibilité du plus talentueux des chefs que j’aime. Ce bouquet de motifs de joie est plus que garni. L’ami fidèle demande si nous votons. Ce sera un vote informel dans lequel je mettrai : 1 – La Mouline 1992, 2 – Salon 1988, 3 – Latour 1989, 4 – Yquem 1988. Pour les saveurs pures, c’est la chair du homard qui m’a conquis et l’accord de la sauce du canard avec la Mouline fut enthousiasmant. Que d’émotions dans un jour béni où amour, amitié, talent culinaire et vins parfaits ont illuminé mon ciel.

Dîner à l’Astrance – photos des plats vendredi, 6 juin 2008

champignons de Paris et foie gras, vaisseau amiral de l’Astrance, homard et légumes croquants

Christophe Rohat a mis ces tartes fines devant moi. A moi de me débrouiller !

rouget sur asperges, paleron sur petits pois, avec une crème à la réglisse

canard croisé, puis gorgonzola avec une fleur de courgette fourrée de framboises

ce sont vraiment des framboises !

malgré l’harmonie de couleurs avec l’Yquem, ce n’est pas le premier dessert mais le second, un blanc-manger, qui a le plus fait briller l’Yquem

 Autre dessert délicieux mais moins adapté à l’Yquem.

visites du blog en mai 2008 mardi, 3 juin 2008

Voici le traditionnel tableau statistique :

blog : www.academiedesvinsanciens.org  
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temps passé sur le blog 65 323  heures

Ce qui est intéressant ce mois-ci, c’est le temps de visite extrêmement long : 9 minutes 54 secondes. Presque dix minutes.

Nous dépassons depuis la création 65 mille heures de visite.

Merci de votre assiduité.

déjeuner et dîner au restaurant Laurent – onze heures à table !!! vendredi, 30 mai 2008

De temps à autre, avec deux des plus fidèles de mes dîners, présents au centième, ce qui signifie beaucoup, et avec deux membres de l’académie des vins anciens, nous nous retrouvons pour un « casual Friday lunch », afin de partager des bouteilles apportées par certains d’entre nous. L’un des académiciens ayant cinq vins espagnols qu’il veut ouvrir, un des fidèles apportant un champagne et l’autre se chargeant des liquoreux, je trouve opportun de ne rien apporter, une fois n’est pas coutume, afin que le déjeuner ne finisse pas dans la débauche.

Nous nous retrouvons au restaurant Laurent qui, pour les fauves que nous sommes, est notre point d’eau favori. Le champagne apporté par l’un des amis est un champagne Crémant brut blanc de blancs Abel Lepitre 1979. C’est une curiosité, car la dénomination de « Crémant » a été abandonnée par la Champagne au profit d’autres régions mousseuses en 1974. Le vin a perdu toute sa bulle mais pétille en bouche, et plus d’un amateur dirait qu’il est madérisé. Lorsque l’on a accepté une certaine amertume, on voit apparaître des fruits bruns comme des prunes, et, avec un peu d’imagination, on trouverait un cousinage avec un sauternes qui aurait mangé son sucre. Le champagne un peu rebutant au début se domestique sur les petits amuse-bouche délicats.

Nous commençons la série espagnole par un Rioja Marqués de Riscal 1959 qui est un peu fatigué au premier abord mais va ordonner progressivement ses composantes. Il sert de faire-valoir à un Rioja Vina Real Reserva Especial des caves viticoles du nord de l’Espagne 1952 absolument charmant. Ce qui fascine, c’est l’équilibre qu’il a atteint. Sa plénitude est convaincante, et avec un peu d’imagination encore, on trouverait quelques accents de chambertin, mais un cran en dessous.

Sur ces vins nous goûtons une nouveauté, un thon fumé associé à du foie gras, d’un « graphisme » plutôt inhabituel pour Alain Pégouret. Le manque de délié gustatif me laisse un peu au bord de cette expérience.

Le pigeon est fort goûteux sur un  Rioja Reserva Especial Martinez Lacuesta 1964 à la personnalité plus virile que celle du 1952, mais avec moins de charme et de complexité. Sur les feuilles de branches de fenouil qui accompagnent le pigeon, l’accord est vibrant car le vin s’excite. J’aime un peu moins l’accompagnement à base de maïs qui représente un vagabondage gustatif quand on aimerait rester sur la tendreté de la chair du pigeon.

C’est maintenant qu’arrivent les deux vedettes espagnoles de ce déjeuner. Le Vega Sicilia Unico 1965 est spectaculairement bon, car il a l’équilibre et la sérénité du 1952, mais sur une structure beaucoup plus noble. C’est un vin riche, joyeux, facile à vivre, sans complication inutile mais une belle palette aromatique. Il est tellement rassurant ! Le Vega Sicilia Unico 1968 est complètement différent. Il a plus de fruit, plus de jeunesse, et sans doute plus de potentiel à terme. Il est un peu plus complexe, mais c’est quand même le 1965 qui gagne, du fait de sa sérénité assumée. Sur le pied de porc, traditionnel succès de la maison, les papilles et les vins se régalent.

Un classement provisoire de ces cinq espagnols serait : 1965, 1968, 1952, 1964 et 1959. Les deux Vega se finissent sur des fromages improvisés.

Lorsqu’on nous sert à l’aveugle les liquoreux, sans boire une goutte, juste au nez, je trouve le vin et l’année. C’est suffisamment rare pour que je m’en vante. Il s’agit d’un Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles Hugel 1981. Il faut dire que je connais ce vin par cœur, ce qui a été compris par mes amis comme un jeu de mots. Mais si l’on comptait le nombre de vins que je connais par cœur et que je ne retrouve pas, ni au nez ni en bouche, on comprendra mon plaisir, auquel s’ajoute le plaisir d’un vin divinement accompli. Tout le monde se moque de mes gloussements de bonheur qu’ils attribuent à mon amitié avec le truculent Jean Hugel, l’un de piliers de l’académie des vins anciens. Mais force est de reconnaître que ce vin a un équilibre, une justesse de ton, une séduction délicate à la Fragonard qui en font un très grand vin.

Le Château Sigalas Rabaud 1967 est résolument opposé. C’est une explosion de fruits tendant vers la mangue teintée de thé. La force est du côté du sauternes alors que la finesse est alsacienne. Ce qui est assez intéressant – et je l’ai pressenti – c’est que le stilton que l’on proposait sur le Sigalas Rabaud, fait un rejet de ce fromage, alors que le Hugel l’épouse. Cette différence de comportement des deux vins est intéressante à constater. Sur un soufflé à la fleur d’oranger les deux liquoreux sont à l’aise.

Mon quarté de ce déjeuner serait : 1 – Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles Hugel 1981, 2 – Vega Sicilia Unico 1965, 3 – Vega Sicilia Unico 1968, 4 – Rioja Vina Real Reserva Especial des caves viticoles du nord de l’Espagne 1952.

Les discussions étant animés, riantes, avec humour, et le jardin du restaurant Laurent nous poussant au farniente, il fut facilement six heures de l’après-midi quand nous levâmes le siège. Chacun des présents, actif le reste de la semaine, a eu sa dose d’appels urgents, mais nous avons profité d’un bel après-midi. Traversant le couloir, nous croisons Philippe Bourguignon qui, perfide, nous lance : « il ne vous reste plus qu’à dîner de soir ». Nous nous regardons, nous sourions avec la folie des écoles buissonnières et nous lançons : « chiche ». Il ne reste plus à cette heure que les fidèles des dîners, les centièmes rugissants. Appels aux épouses, aux baby-sitters, tout s’organise. Je rentre chez moi changer de chemise, et nous revoilà pour dîner. Nous sommes à la même table et une autre à côté accueille quatre enfants des deux couples qui m’ont rejoint. J’ai eu le temps de commander les rouges en attendant les deux familles.

Philippe Bourguignon nous offre un champagne Charles Heidsieck blanc des millénaires brut 1995 qui est fort agréable dans sa simplicité. J’adore les amuse-bouche. L’un des amis a apporté Château Laville Haut-Brion 1951 à la couleur fort ambrée, dont les premières gorgées sont fatiguées. Mon ami sourit et me dit : « si c’était ton vin, tu dirais qu’il est merveilleux, alors qu’ici, tu le trouves fatigué ». Le vin se marie avec bonheur aux morilles et surtout au cappuccino de morilles qui les accompagne. Car ce goût très pur et doucereux ravive et rajeunit le vin. Notre maître d’hôtel, par un zèle assassin m’apporte une deuxième entrée car j’avais hésité avec le foie gras poêlé. Ces deux entrées sont merveilleuses et sont la représentation de tout ce que j’aime dans ce restaurant, fait de goûts purs, de pleine maturité.

Le premier rouge est un Clos de la Roche Cuvée Vieilles Vignes Domaine Ponsot 1983. Je n’ai quasiment jamais bu des vins du domaine Ponsot. Ce qui m’a poussé à le choisir, c’est qu’il existe en ce moment un gros scandale qui agite le monde des vins rares, car monsieur Ponsot a fait retirer d’une vente aux enchères renommée plus de cent bouteilles de son domaine en déclarant que les millésimes mis en vente n’ont jamais existé. Comme le 1983 existe, c’est l’occasion d’essayer. Le nez est spectaculaire. Il est terriblement bourguignon, et avec l’un des amis, nous ferons la constatation d’une similitude assez frappante avec les vins du domaine de la Romanée Conti, par la salinité et l’exacerbation du caractère bourguignon. En bouche, c’est un festival de complexité. La personnalité est sauvage. C’est un cheval fougueux, indomptable. Et l’on se rend compte à quel point un tel vin transcende les espagnols que pourtant j’adore. Il y a une sensibilité, une émotion dans ce Clos de la Roche que seule la belle Bourgogne est capable de susciter. Sur la chair puissante du turbot, le vin réagit avec finesse.

J’avais aussi fait préparer une Côte Rôtie La Turque Guigal 1999. Ce vin est insolent. Il agace tellement tout en lui est facile. C’est Alain Delon quand il avait vingt ans ou George Clooney quand il ne prend pas de café. Le vin a un nez pur, puissant, que confirme la bouche. Il est jeune, pétulant, dans le fruit, au boisé très maîtrisé. Ce qui est insolent, c’est cette fraîcheur incroyable qui le rend désirable comme une boisson désaltérante, et c’est la facilité de lecture qui le montre presque simple alors que le travail est immense. Tel qu’il est, dans sa folle jeunesse, ce vin est parfait. Les fromages ne sont pas vraiment ses amis, mais cela n’a aucune importance. 

Mon quarté de la journée serait celui-ci : 1 – Côte Rôtie La Turque Guigal 1999, 2 – Clos de la Roche Cuvée Vieilles Vignes Domaine Ponsot 1983, 3 – Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles Hugel 1981, 4 – Vega Sicilia Unico 1965.

Dans le jardin toujours aussi agréable de nuit même si les femmes sont obligées de se lover sous des châles, les discussions nous entraînent jusqu’à une heure du matin, tandis que les enfants, accrochés à leurs consoles de jeu, rient de bon cœur. En quittant ce lieu, un rapide calcul m’apprend que je viens d’y passer onze heures dans la même journée. Le Guinness Book of Records n’est pas loin. Ce qui prouve qu’avec de bons amis et des grands vins, le temps suspend son vol.

déjeuner et dîner chez Laurent – les photos vendredi, 30 mai 2008

Le cadre du restaurant Laurent est assez unique !

Crémant Abel Lepitre 1979

Les bouchons des vins du déjeuner

Les deux Vega Sicilia, 1965 et 1968, bouchons très peu marqués

Les deux Rioja de 1959 et 1952

Rioja 1964

Les deux Vega Sicilia

Un plat au graphisme assez inhabituel pour Alain Pégouret

La belle cuisine du restaurant Laurent

Le beau vin de Hugel 1981

Tableau final et Sigalas Rabaud 1967

Le champagne Charles Heidsieck démarre le dîner

Laville Haut-Brion 1951 et Clos de la Roche Ponsot 1983

Côte Rôtie La Turque 1999

 

mariage de mon fils dans le Sud samedi, 24 mai 2008

Demain, nous marions notre fils. Il y a aura la famille courte, très courte des deux côtés, et les amis d’enfance des conjoints. Belle-fille et belle-mère ont pris en charge l’organisation et la logistique. Nul ne m’a contesté le choix des vins. Au dîner de la veille, nous sommes dans notre maison du sud. Pour tester quelques vins du mariage, j’ouvre un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs en magnum 1995. Très distingué, il est rafraîchissant. C’est un champagne de soif, que l’on reprend avec plaisir. Quelques notes fumées lui donnent un charme ravissant. Il est noble. Nous essayons ensuite un Meursault Genévrières Bouchard Père & Fils en magnum 2004. Ce vin qui titre 13,5° impressionne par sa puissance. D’une force dévastatrice, il envahit le palais, et gagne la bataille grâce à une palette de saveurs convaincante. Son fruit puissant nous conquiert, mais j’aimerais bien sûr quelques années de mûrissement de plus.

Nous nous retrouvons, le jour dit, à la petite mairie de la presqu’île de Giens, qui est une annexe de la mairie d’Hyères. Les femmes sont toutes belles, les hommes sont élégants. Les sourires sont sur toutes les lèvres. La salle de la mairie sert aussi de salle d’exposition à des peintres locaux. Il y aurait sans doute une thèse à faire sur le talent des peintres maritimes. Je hasarde l’hypothèse que ces artistes, subjugués par la beauté irréelle des paysages de nos côtes, ont décidé qu’il ne fallait pas lutter avec l’insolente perfection de la nature et ne produisent que des croûtes. Le maire adjoint est guilleret, visiblement impressionné par la beauté des amies de la mariée et gère la cérémonie avec beaucoup d’humour. Au moment de sortir pour être applaudis, les jeunes mariés sont inondés par une pluie de pétales de roses que les jeunes enfants lancent en larges poignées.

Nous nous rendons à notre maison de Giens, pour y tenir une fête qui sera la dernière, à la volonté de mon fils, car cette maison sera vendue dans moins de trois semaines. Le traiteur Matyasy d’Hyères a fait, sur trois repas de suite, un travail absolument remarquable. Les canapés en abondance sont délicieux, goûteux et raffinés et le repas du soir a été exécuté d’une façon qui pourrait rendre jaloux plus d’un restaurateur.

Au buffet du midi, j’ai invité le sympathique maire, à la gaieté si communicative. Nous avons trinqué, et au moment de son départ, lorsqu’il embrassa ma belle-fille, il eut ces mots définitifs, à graver dans le marbre, que je ne peux m’empêcher de rapporter. De famille arbannaise depuis des siècles, avec un accent local chantant comme les cigales, il dit à la mariée après l’avoir embrassée : « lors de la cérémonie, je ne me suis pas permis de vous embrasser, car je ne voulais pas ajouter à l’émotion. Mais j’ai bien senti que nos regards se sont embrassés ».

A table nous goûtons Champagne Henriot en magnum 1996, champagne très agréable, à l’acidité plaisante, qui se boit avec joie. Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs en magnum 1995 est réservé pour le dîner. Nous buvons ensuite un Chablis Grand Cru Les Preuses William Fèvre 2006 très délicat, aérien, très chablisien avec une retenue distinguée. Les rouges n’étaient pas prévus au programme, mais ma fille aînée n’appréciant que cette couleur, c’est un Château Meyney en double magnum 1969, de l’année de naissance de non fils, qui étanche son désir de rouge.

J’avais prévu pour les trois repas, de midi, soir en midi du lendemain, d’ouvrir un Château Raymond Lafon 1985 en impériale, dont l’or presque auburn explose comme un soleil. Il me semblait que trente personnes en trois repas viendraient à bout du volume de six litres de ce sauternes. Nous n’en boirons en fait qu’un peu plus de la moitié. Les évocations du sauternes sont nombreuses. Je mettrais en tête les pâtes de fruit, les fruits confits, et une légère trace de miel. Mais ce qui me fascine, c’est la fraîcheur en bouche de ce liquoreux, qui glisse avec un goût de revenez-y que la demi-bouteille restante – qui est en fait l’équivalent de quatre bouteilles – ne semble pas confirmer.  

Le charmant maître d’hôtel eut l’idée aventureuse de mettre en marche une fontaine de chocolat par un vent d’est sournois. Un des amis de mon fils pris d’une gourmandise précipitée fut tagué, entartré par la vilaine machine de la tête au pied. Lorsque tout revint dans l’ordre nous pûmes plonger des petites meringues dans la mer calmée de chocolat pour accompagner un Rivesaltes 1955, compagnon idéal du chocolat avec ses notes de café.

Les plus fous parmi les jeunes allèrent faire du kayak dans une onde remuée d’un fort vent, puis ils se provoquèrent au karting pendant que ma génération récupérait des excès du buffet plantureux.

Le dîner se tient dans la maison de Giens, et nous goûtons les deux champagnes, l’Henriot 1996 et la Cuvée des Enchanteleurs 1995. Si la finesse de structure parle nettement pour la Cuvée des  Enchanteleurs, le plaisir donné par l’Henriot 1996 n’est pas très éloigné.

Le Chablis Grand Cru Les Preuses William Fèvre 2006 continue à être apprécié, ma bru l’ayant pris en sympathie active, et le Meursault Genévrières Bouchard Père & Fils en magnum 2004 trouve son public auprès des amateurs de vins puissants, immédiatement évocateurs de plaisir.

Le Château Meyney en double magnum 1969 conquiert par sa subtile grâce, faite d’une attaque assez amère, saline pour certains, suivie d’un final délicat et doucereux. Mais l’assemblée comptant beaucoup de convives nés la même année que ma belle-fille, c’est-à-dire 1966, c’est le Cos d’Estournel 1966 qui étonne la quasi-totalité des amateurs des tables. Car ce vin d’une jeunesse folle évoquerait plus volontiers un vin de vingt ans plus jeune que le quadragénaire qu’il est aujourd’hui. Typé, précis, clair dans son expression, c’est un bordeaux de grande tenue, charnu et plaisant à boire.

Sur le dessert malheureusement inadapté au sauternes, car il s’agit de fruits rouges, le Raymond-Lafon fait malgré tout belle figure, du fait de sa fraîcheur, mais les plus avisés lui préfèrent le champagne pour les fruits. Sous un ciel sans vent mais porteur de rares gouttes de pluie, le temps était à la danse, entre adultes souvent, mais aussi avec les rejetons encore éveillés des jolis couples de ce mariage.

Le lendemain midi, le repas se tient à notre maison « sur le continent », d’où l’on voit en ligne droite la maison de la presqu’île que nous allons abandonner. Des tentes ont été dressées, car la météo n’était pas optimiste. Au moment où les convives arrivent, la pluie est d’une force extrême, nous pressant les uns contre les autres sous la tente protectrice. Les mêmes vins se retrouvent, l’Henriot 1996, la cuvée des Enchanteleurs 1995, le Chablis les Preuses 2006 qui a gagné en courage d’être oxygéné, le Meursault Genevrières 2004 auquel j’ai ajouté un Mas de Daumas Gassac blanc 2001 très vaillant, avec une belle puissance et un fumé convaincant. Le Château Meyney continue de séduire et le sauternes se boit peu après tant d’agapes. Le soleil apparaissant les jeunes actifs se provoquent au tennis, vont ensuite nager en mer.

L’assemblée se quitte progressivement en vastes embrassades. Tout le monde a le sentiment d’avoir vécu un mariage réussi, chaud au cœur, de bonne chère grâce au traiteur et au personnel de service engagé et sympathique et de bons vins, d’un plaisir souriant. Bon départ pour un couple qui s’unit.

mariage – des photos samedi, 24 mai 2008

Le buffet du midi dans le jardin de notre maison de Giens. Le champagne Henriot 1996 en magnum

Une fontaine de chocolat, ça peut être dangereux !

Les canapés du soir et le buffet du soir

Les jolies tables dressées dans le patio

Impériale de Sauternes Chateau Raymond-Lafon 1985

Rivesaltes 1955 pour accompagner la fontaine au chocolat.

 

101ème dîner de wine-dinners au restautant Laurent jeudi, 15 mai 2008

Le cent-unième dîner de wine-dinners, se tient au restaurant Laurent, car l’un des convives en avait exprimé le souhait. Il ne me déplait pas que le premier dîner d’un nouveau centenaire se tienne en cet endroit. Philippe Bourguignon n’est pas là, mais tout a été mis au point avec lui. Patrick Lair et Daniel m’apportent les bouteilles pour la photo de groupe lorsque j’arrive à 17 heures pour cette cérémonie indispensable : l’ouverture des vins. Le nombre de bouchons qui se brisent en mille morceaux est particulièrement élevé. Les combats sont rudes, surtout pour le 1933. Tous les bouchons sont d’origine sauf celui de l’Yquem 1961, pourtant l’un des plus jeunes vins. La seule odeur qui m’inquiète est celle du Gruaud-Larose 1928. Malgré un niveau que j’avais annoncé très bas, le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1933 a une odeur très prometteuse.

J’ai le temps de faire quelques courses, je m’habille de frais et j’attends les convives à une table dressée pour moi dans le précieux écrin que forme le jardin de ce restaurant où les fleurs de marronniers pointent vers le ciel leurs cônes blancs de pétales tachés de rouge sang. Daniel me voyant à l’eau minérale pense sans doute que le roi est nu et ajoute sur la table une coupe de Champagne Pommery Cuvée Louise 1998. C’est du champagne, mais vraiment trop strict. C’est le bon élève, mais qui ne m’apporte pas d’émotion. Michel, le barman fidèle avec lequel j’aime échanger des impressions me trouve bien sévère, mais la suite va confirmer ma rapide analyse.

En profitant de ce bon champagne sous les frondaisons, je reçois le traditionnel SMS du plus fidèle parmi les fidèles qui m’annonce qu’il sera en retard. La seule femme de notre dîner illumine notre groupe de sa beauté, volant la vedette à ce soir printanier et primesautier. Le Champagne Charles Heidsieck Réserve Privée mis en cave en 1990 qui sert d’apéritif est absolument délicieux et tout en lui est émotion. Parmi les nombreuses évocations tendres, c’est le miel qui me marque le plus. La bouteille était dans une jolie boîte en bois individuelle, et quelqu’un avait marqué au crayon « vendange 1989 ». Je ne me souviens plus très bien de la méthode de datation de la mise en cave, mais il serait étonnant qu’il s’agisse de vins de 1989. Ce champagne, sur des rôties au thon fumé est un avant-propos guilleret de notre dîner.

Autour de la table, mon fidèle ami avocat, un autre habitué des dîners depuis le tout début, chef d’entreprise dans les services informatiques venu avec l’un de ses collaborateurs et l’un de ses clients de la grande distribution, un ami comédien passionné de vin, un caviste chinois qui est intéressé par l’extension de mes dîners vers d’autres horizons olympiques, une productrice d’émission de télévision et un très grand vigneron bourguignon ami forment un ensemble particulièrement varié qui va s’entendre, rire et s’émerveiller.

Le menu créé par Philippe Bourguignon et Alain Pégouret est joliment composé : Filet de maquereau cuit au vin blanc et aux aromates, nage citronnée et mousseline moutardée / Filet épais de gros turbot façon meunière, aspics de fèves et morilles / Carré d’agneau de lait des Pyrénées caramélisé, premières girolles / Ris de veau rissolé au sautoir, primeurs en aigre doux / Pigeon rôti à la broche, dariole de maïs relevée par un salmis et des haricots noirs / Fourme / Mille-feuille garni d’une mousseline aux agrumes et caramel au beurre salé / Café, mignardises et chocolats.

D’emblée, le Champagne Besserat de Bellefon réserve 1966 plante le décor : il n’a pas d’âge. D’une couleur ayant viré légèrement vers l’ambre rosé, d’un nez expressif, ce champagne semble en contrat avec ces marques de cosmétiques qui montrent des actrices dont les visages ne prennent pas une ride pendant la durée de leur contrat. Bien sûr, la bulle n’est plus aussi active mais le pétillant est intact. Et la largeur de la palette aromatique est infinie. Nous nous amusons à des travaux pratiques sur les accords mets et vins, car un joli damier qui accompagne le maquereau vibre étonnamment bien avec le champagne, suivi de la chair du maquereau, qui éveille en lui de belles vibrations citronnées alors que les akras un peu plus secs font barrage à ce breuvage. Pour beaucoup de convives qui ne s’étaient pas encore aventurés dans le monde des champagnes évolués, il s’git d’une grande surprise.

Mon voisin de table a passé sa jeunesse en Alsace, aussi pour lui, le Tokay d’Alsace Hugel 1958 fait partie, sur le papier, des vins qui ont dépassé leur date de péremption. Quelle n’est pas sa surprise devant ce vin qui fête, à deux jours près, le cinquantenaire de la cinquième république ! Il a besoin de prendre ses aises dans le verre, et dès qu’il est épanoui, il montre à la fois une jeunesse fringante et une complexité qui ne limite pas son charme. Je reconnais avec beaucoup de plaisir la signature Hugelienne de vins puissants, épanouis et convaincants. Ce marquage de famille est pour moi d’un grand confort. A côté de lui, le Corton Charlemagne Rapet Père & Fils 1961 développe des charmes différents, et l’on peut passer de l’un à l’autre vin sans qu’aucun ne se sente gêné. On est assez loin des Corton-Charlemagne d’aujourd’hui, mais il est possible de reconnaître son appellation comme le signalent l’ami avocat et le vigneron. Il manque un peu de corps en milieu de bouche, qu’il compense par sa diversité de discours. Les morilles excitent savamment les deux vins par leur mâche charnelle et la sauce du turbot met en valeur de Corton-Charlemagne en l’étirant encore. Paradoxalement, c’est le délicieux turbot qui fait un peu l’amant discret, car il n’excite réellement aucun des deux vins, se contentant de nous ravir de sa chair succulente.

A ce stade, nous avons bu deux champagnes et deux blancs dont aucun n’a montré de réel signe d’âge. Pour 20, 42, 50 et 47 ans, c’est assez spectaculaire. La série qui se présente maintenant va nous faire entrer dans le travail du temps.

Le Château Margaux, Margaux 1952 a besoin de s’étirer dans le verre, de reprendre ses formes, ce qui me conduit à une réflexion que j’étudierai : malgré une ouverture des vins quatre ou cinq heures à l’avance, il ne serait sans doute pas inutile que le vin soit servi en verres dix minutes avant que nous ne le buvions. Cela complèterait l’éclosion que certains vins nécessitent. Le Margaux est délicieusement Margaux, avec un romantisme qui est attaché indéfectiblement à ce domaine. Après quelques minutes, l’âge ne se sent plus, ce que confirme mon ami vigneron.

Ayant demandé en début de repas que l’on ne condamne pas sans preuve, mes convives ont l’extrême gentillesse de chercher tout ce que le Château Gruaud-Larose 1928 à la couleur tuilée et trouble a de bon. Mais sa cause ne peut être sauvée. Même si l’on sent parfois de belles réminiscences du roi des vins et du vin des rois, il est trop fatigué, après l’odeur vinaigrée que j’avais décelée à l’ouverture, pour qu’un réel plaisir soit au rendez-vous. La partie grasse du carré d’agneau joue l’infirmière éphémère en le titillant un peu. Seul le Margaux reste, ami de la belle chair bien franche et des champignons dorés.  

La série des deux bourgognes va être diamétralement opposée, car aucun signe d’âge n’apparaîtra. Mon ami vigneron est bien curieux de voir ce que peut donner le roturier de 1947. Le Beaune Clos des Mouches Confrérie des chevaliers du Tastevin élévé dans les caves de Joseph Drouhin, tastevinage 1952, millésime 1949, au nom plus long qu’un discours de Malraux, affiche d’emblée qu’il est de 1949 cette splendide année en Bourgogne. Sa sérénité gustative ensoleillée est un rare plaisir.

A ses côtés, le Côtes de Beaune Villages Champy Père et Fils 1947 a une couleur plus jeune encore, plus rouge vif, et sa structure en bouche étonne tout le monde. Il y a du premier cru dans ce vin qui à l’aveugle serait invariablement classé dans une appellation très supérieure. Les deux vins sont complémentaires, très bourguignons tous les deux, et nous remplissent de joie. Le ris de veau est très intelligent pour mettre en valeur les deux vins, surtout le 1949, et les petits légumes excitent le 1947 gentiment.

Au moment où l’on me sert le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1933, je sais instantanément que c’est gagné. C’est l’attaque immédiate du vin en bouche qui est d’un plaisir complet. L’image qui me vient à l’esprit, c’est celle de ces concours télévisés où il faut répondre au plus vite. Quand on a la réponse qui s’impose dans l’instant, on affiche un sourire de certitude. C’est cela que me donne ce vin. Il est très Domaine de la Romanée Conti, et malgré son niveau bas, il n’est pas torréfié ou caramélisé, défaut classique des baisses de niveau. Comme il n’est pas parfait, c’est sur sa longueur et son coffre que l’on trouve d’infimes insuffisances. Mais son attaque est si belle, si rassurante, que le plaisir l’emporte. Le pigeon est très bon, peut-être à peine trop cuit et c’est le maïs qui n’est pas un bon compagnon pour le vin.

Le Château d’Yquem 1961 est servi sur une fourme, et malgré une couleur dorée annonciatrice de beaux agrumes, c’est surtout le caramel que récite le vin, que je trouve un peu moins complet, même s’il est diablement fringant, que les précédents 1961 que j’ai bus.

Le Château Roumieu Haut-Barsac 1929 a une étiquette qui indique « réserve du restaurant Larue », ce temple perdu de la grande gastronomie d’il y a un siècle. Et la capsule indiquait la même provenance. Le vin est d’un noir inimaginable et de jeunes convives me demandent de préciser si c’est un vin blanc ! Malgré ce ton foncé, le vin décline un très joli agrume, et c’est le dessert qui l’oriente vers les tons de caramel et de réglisse. Etant sensible à ces lourds parfums je succombe à ce charme qui n’est pas antinomique de la joyeuse exubérance noble de l’Yquem, plus structuré mais plus jeune. Le sorbet et la feuille fine de chocolat dans le dessert n’aiment pas les sauternes.

Chacun complimente les choix des plats et leur exécution. Nous passons maintenant aux votes. Sur les onze vins que nous bûmes à neuf, dix d’entre eux sont entrés dans des votes, le Gruaud-Larose 1928 étant le seul recalé ce qui est logique. Cinq vins ont eu des votes de premier : l’Yquem 1961 deux fois comme le Côtes de Beaune Villages 1947 et comme le Château Margaux 1952. Ceux qui ont eu une fois un vote de premier sont le Beaune Clos des Mouches 1949, le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1933 et le Château Roumieu 1929.

Le vote de mon ami vigneron est : 1 – Côtes de Beaune Villages Champy Père et Fils 1947, 2 – Château d’Yquem 1961, 3 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1933 et 4 – Tokay d’Alsace Hugel 1958. Si je cite ce vote, c’est pour signaler qu’un vigneron prestigieux vote en premier pour un Côtes de Beaune Villages, ce qui remet quelques idées en perspective.

Le vote du consensus serait : 1 – Château d’Yquem 1961, 2 – Château Margaux 1952, 3 – Côtes de Beaune Villages Champy Père et Fils 1947, 4 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1933.

Mon vote : 1 – Château Roumieu Haut-Barsac 1929, 2 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1933, 3 – Tokay d’Alsace Hugel 1958, 4 – Champagne Besserat de Bellefon rosé réserve 1966.

Beaucoup de convives étaient nouveaux. Ce fut pour eux un grand étonnement et une découverte que la vitalité de vins que l’on penserait en fin de vie. L’analyse des accords est un exercice auquel on se livre rarement avec autant de détail. Dans une atmosphère enjouée, rieuse, aux dialogues passionnés, nous avons rendu un vibrant hommage, sur une grande cuisine, à des témoignages étonnants et précieux de l’histoire du vin.

101ème dîner au restautant Laurent – les photos jeudi, 15 mai 2008

Les vins du repas

Le menu créé par Philippe Bourguignon et Alain Pégouret

Rôties au thon fumé

Filet de maquereau cuit au vin blanc et aux aromates, nage citronnée et mousseline moutardée

Filet épais de gros turbot façon meunière, aspics de fèves et morilles

(photo oubliée !)

Carré d’agneau de lait des Pyrénées caramélisé, premières girolles

Ris de veau rissolé au sautoir, primeurs en aigre doux

Pigeon rôti à la broche, dariole de maïs relevée par un salmis et des haricots noirs

Fourme

Mille-feuille garni d’une mousseline aux agrumes et caramel au beurre salé

Café, mignardises et chocolats

La table en fin de repas