hommage à une diva de la danse et dîner au restaurant de la Maison Blanche lundi, 6 décembre 2010

Un hommage exceptionnel est rendu au Théâtre des Champs Elysées à la danseuse étoile Maia Plissetskaia pour ses 85 ans. L’organisateur est l’association "les amis des saisons russes de XXIème siècle". L’un des sponsors est le champagne Meunier & Cie repris depuis un peu plus d’un an par Julia Goncaruk. C’est grâce à un fidèle ami que je suis invité à ce spectacle exceptionnel.

Le rideau se lève. Un pas de deux est exécuté de façon assez athlétique. Le noir se fait puis un halo de lumière éclaire la diva. Cette femme aux gestes pleins de grâce est d’une folle jeunesse. On lui donnerait facilement 35 ans de moins. Elle s’assied près de Pierre Cardin et le spectacle commence. Il est d’une rare qualité avec des danseurs du Bolchoi, du Marilnski, de l’Opéra de Vienne et de l’Opéra de Paris qui parcourent un patchwork de tous les ballets que Maia a sublimés : lac des cygnes, Carmen, Don Quichotte, Giselle, Shéhérazade, le Corsaire et beaucoup d’autres.

Un repas est prévu ensuite au restaurant de la Maison Blanche. L’apéritif se fait au champagne Meunier & Cie que je trouve léger, fluide, frais et agréable à boire, d’un dosage pertinent. Julia est jeune et belle, vit à Londres et a de belles ambitions pour son champagne d’Ay. Elle connaîtra le succès.

Le menu est : amuse-bouche (petite crème de légumes rouges) / chair de tourteau, gelée de pamplemousse et salade croquante / suprême de volaille fermière rôtie, gratin de macaroni, sauce Albufera / Panna Cotta pistache, framboises fraîches, granité de sangria et mousse légère.

Les vins sont un Chablis William Fèvre 2008 de belle consistance, qui sait donner un joli coup de fouet au champagne Meunier qui prend de la matière, et un Brulières de Beychevelle 2004. Ce rouge flatteur et boisé fait partie des vins de tendances qui ne sont pas pour moi. La volaille, manifestement tenue au chaud pendant des heures est sèche comme un coup de trique.

Les participants sont nombreux d’origine russe, ou issus de la danse, mais aussi du "Tout-Paris". Les cartes de visite s’échangent avec des promesses de se revoir. Les danseurs nous rejoignent pour dîner. Cela me fait instantanément penser à l’albatros : sur scène, ce sont des personnages que l’on idéalise, aux corps touchés par une grâce divine. A table, ils redeviennent des humains.

Le plus fascinant de cette soirée, c’est la grâce extrême et la jeunesse d’une danseuse étoile de 85 ans.

dîner de vignerons – les vins vendredi, 3 décembre 2010

Champagne Moët Grand Vintage magnum 1959 (Jean Berchon)

Château d’Yquem 1949 (Pierre Lurton not present)

Champagne Salon 1961 (Didier Depond)

Musigny Blanc Domaine Comte de Voguë 1990 (Jean-Luc Pépin)

Musigny Vieilles Vignes Domaine Comte de Voguë 1989 (Jean-Luc Pépin)

La Romanée Liger Belair 1966 (Louis-Michel Liger-Belair)

Clos de Tart 1976 (Sylvain Pitiot)

Chambertin Armand Rousseau 1976 (Eric Rousseau)

Clos Vougeot Faiveley 1934 (Bernard Hervet)

Beaujolais Tête 1923 (François Audouze)

Champagne Dom Pérignon Rosé Œnothèque 1966 (Richard Geoffroy)

Château Haut-Brion 1950 (Sylvain Pitiot)

Château Guiraud 1904 (François Audouze)

142ème dîner et 10è dîner des amis de Bipin Desai – photos vendredi, 3 décembre 2010

photos de groupe

ce qui est spectaculaire dans cette photo, c’est que le bouchon manifestement rétréci en haut coexiste avec un niveau dans le goulot exceptionnel pour un 1904 au bouchon d’origine

les bouchons

le menu : Terrine de foie gras de canard au naturel / Consommé de volaille / Tartare de Saint Jacques au citron vert

Fregola Sarda à la truffe noire / Pièce de bœuf rôtie, servie en aiguillettes, pommes soufflées « Laurent » , jus aux herbes / Joues de veau fondantes, moelle, risotto à la truffe blanche d’Alba

Caille rôtie façon « bécassine » / Saint Nectaire fermier / Tarte fine à la mangue (celle de Sylvain Pitiot a une bougie)

les verres en fin de repas :

les participants : Eric Rousseau, Richard Geoffroy, Louis-Michel Liger-Belair, John Kapol, Jean-Luc Pépin, François Audouze, Sylvain Pitiot

Jean berchon, Bipin Desai, Eric Rousseau, Bernard Hervet, Jean Berchon

Sylvain Pitiot et Didier Depond qui inaugurait (du moins pour nous), une barbe.

10ème dîner des amis de Bipin Desai vendredi, 3 décembre 2010

Chaque année, un dîner de vignerons est pour moi comme une récompense. C’est le dixième dîner que j’organise sous le titre : "dîner des amis de Bipin Desai". Les lecteurs du bulletin et du blog savent que j’entretiens des relations très amicales avec ce grand collectionneur américain d’origine indienne, professeur de physique nucléaire à Berkeley, organisateur de dîners exceptionnels autour de vins rares. Il vient à Paris deux ou trois fois par an, et ce dîner de vignerons à Paris est en son honneur. Chacun apporte un vin et Bipin nous invite à dîner.

J’arrive au restaurant Laurent pour l’ouverture des vins. Plusieurs vins ont été rebouchés aux domaines. Très curieusement le bouchon de l’Yquem 1949 rebouché en 1998 glisse vers le bas lorsque je pique le tirebouchon. Je le monte en tournant, puisqu’il est accroché à mon limonadier mais la dernière lunule se brise. Elle a failli tomber dans le liquide. J’ai réussi à la piquer pour la faire sortir. Ce vin, offert par Pierre Lurton qui ne peut pas venir mais tenait à marquer son amitié par ce flacon, a une odeur extraordinaire de pâte de fruit de citron vert et d’orange.

J’avais dit à Louis-Michel Liger-Belair que la couleur de son vin, une Romanée 1966, me donnait des craintes, mais le vin rebouché en 1999 a un parfum invraisemblable de charme romantique. Le Haut-Brion 1950 au niveau un peu bas a un nez puissant et solide. A chacun de ces dîners, j’aime ajouter un vin étonnant. Ce soir c’est un Beaujolais Tête 1923, Tête étant le nom du vigneron, au nez d’une richesse opulente qui me ravit; le fidèle barman du Laurent qui le sent en ignorant l’étiquette n’en revient pas qu’il puisse s’agir d’un beaujolais. Le vin qui est mon apport officiel est Guiraud 1904. Le niveau est dans le goulot alors que le bouchon est d’origine. Le haut du bouchon est étriqué alors que le bas ne l’est pas. Son parfum n’a rien à envier à celui de l’Yquem. Tous les vins ont des odeurs rassurantes. Cela promet une belle soirée.

Les vins étant tous ouverts à 17 heures, j’ai le temps d’aller discuter du menu d’un prochain repas au Crillon et lorsque je reviens, Philippe Bourguignon est en train de dîner sur le comptoir du bar, selon un rite établi. C’est Alain Pégouret, le chef, qui lui apporte ses plats, ce qui est une amicale attention. Je salue le chef souriant et Philippe me propose de boire un verre de Champagne Dom Pérignon 1976 qui a été ouvert la veille lors d’une grande manifestation de champagne à laquelle participait Richard Geoffroy qui va nous rejoindre tout à l’heure. Le 1976 a perdu sa bulle, ce qui est normal. Le vineux du champagne ressort encore plus. Ce champagne est élégant, floral et finit quand même par trahir un peu de fatigue.

Les convives arrivent à l’heure dite, heureux de se rencontrer. Les participants sont nommés dans l’ordre du tour de table, dans le sens des aiguilles d’une montre : Bipin Desai, Eric Rousseau (domaine Armand Rousseau), Richard Geoffroy (Dom Pérignon), Louis-Michel Liger-Belair (domaine Liger-Belair), John Kapon (maison de vente Acker-Merrall), Jean-Luc Pépin(domaine Comte de Voguë), François Audouze, Sylvain Pitiot (Clos de Tart), Didier Depond (champagnes Salon et Delamotte), Bernard Hervet (maison Faiveley), Jean Berchon (Moët & Chandon).

L’apéritif se prend debout dans la salle ronde d’entrée. Des sticks au saumon et des bricks à tremper dans une crème épicée accompagnent le Champagne Moët & Chandon Grand Vintage Collection magnum 1959. Le nez du champagne est très intense, de fruits jaunes. En bouche l’attaque est belle et puissante, mais le vin n’arrive pas à masquer une amertume qui en limite l’attrait. Le vin est agréable mais la trace amère est insistante.

Le menu conçu par Alain Pégouret est : Terrine de foie gras de canard au naturel / Consommé de volaille / Tartare de Saint Jacques au citron vert / Fregola Sarda à la truffe noire / Pièce de bœuf rôtie, servie en aiguillettes, pommes soufflées « Laurent » , jus aux herbes / Joues de veau fondantes, moelle, risotto à la truffe blanche d’Alba / Caille rôtie façon « bécassine » / Saint Nectaire fermier / Tarte fine à la mangue.

Alors que je professe de ne jamais mettre un sauternes au début du repas, Bipin Desai a insisté pour que nous commencions par le Château d’Yquem 1949. Bipin étant la puissance invitante avec John Kapon, je n’allais pas m’opposer à ce désir. Le gras du foie gras n’est pas le meilleur compagnon du sublime sauternes et je suis obligé de le poivrer pour que l’accord puisse se faire. L’attention est évidemment portée sur le merveilleux Yquem à la couleur d’un acajou doré. Le nez est vibrant d’écorces d’oranges confites, et le vin est d’une perfection gustative absolue. Il est impossible de lui donner un âge tant il a atteint une expression sereine d’un équilibre indestructible. C’est un vin immense, riche, dont on ne peut même pas imaginer le moindre défaut. Bipin Desai prend son portable et appelle Pierre Lurton pour le remercier de ce magnifique cadeau. Il a dû entendre nos applaudissements.

La solution pour qu’un liquoreux ne perturbe pas le palais c’est qu’un consommé de volaille soit servi avec du champagne. Dans notre cas, ce n’est par n’importe lequel, car il s’agit du Champagne Salon 1961. Tout en lui est brillant. Si le consommé rétrécit un peu le champagne, il met en valeur son extrême précision. Ce champagne est – comme l’Yquem – une forme aboutie du champagne parfait. Il est beau comme la calligraphie chinoise, allant à l’essentiel. Je jubile de boire un champagne aussi serein, élégant, dogmatique, à la charpente solide. Après ce plat et ce vin, il n’y a plus aucune trace de l’Yquem et c’est donc le bon mode opératoire, même si je trouve que le sauternes a accentué le gras du foie.

Le Musigny Blanc Domaine Comte de Voguë 1990 est un vin qui me ravit. John Kapon, propriétaire de la maison de ventes qui réalise les ventes les plus incroyables aussi bien aux Etats-Unis qu’à Hong-Kong et grand dégustateur dont les notes sont très appréciées, dit qu’en Bourgogne il n’y a que deux vins blancs qui ont un gras aussi prononcé : le Montrachet du Domaine de la Romanée Conti et ce vin. Et c’est vrai qu’il a du gras, de l’onction et une présence invasive. Mais ce qui me plait sans doute le plus, c’est qu’il pianote sur des saveurs de fruits jaunes et blancs avec des variations entraînantes. Le vin est long, avec un final prononcé. C’est tout simplement un très grand vin. Le sucré de la coquille Saint-Jacques l’excite chaleureusement.

La Fregola Sarda à la truffe est un plat divin, qui mettrait en valeur n’importe quel vin. Aussi, les deux vins qui l’accompagnent vont être à la fête. Quoi de plus dissemblable que le Musigny Vieilles Vignes Domaine Comte de Voguë 1989 et La Romanée Liger Belair 1966 ? Le Musigny est un gamin prometteur, dont on sent que tout n’est pas encore totalement assemblé. C’est un adolescent boutonneux, mais qui promet d’être un jeune premier. Il a un fruit rouge intense, une mâche joyeuse, et malgré ses 21 ans, il faut encore attendre avant d’en jouir totalement. A côté de lui, la Romanée est un festival de séduction romantique. Elle est incroyablement féminine. En buvant ce vin, on se promène sur un parterre de pétales de rose. Il y a aussi du vieux parchemin, de la cendre sèche, une belle minéralité et le vin récite un madrigal charmant. J’adore cette expression follement bourguignonne. Avec Eric Rousseau, nous constatons que ce vin fait plus vieux que son âge, mais ça lui va bien. L’accord du plat avec les deux vins est magistral.

La pièce de bœuf est aussi un compagnon des vins qui est remarquable. Lequel des deux 1976 va-t-on préférer ? Le Clos de Tart 1976 est un solide gaillard, bien assis sur ses jambes, à l’alcool présent et au fruit dominant. Le Chambertin Armand Rousseau 1976 est plus bourguignon, mais plus versatile. Il est riche, mais moins fruité et moins puissant que le Clos de Tart. Il joue plus de son charme. Lequel préférer, j’en suis bien incapable.

Sur les joues de veau fondantes, le Clos de Vougeot Faiveley 1934 est d’un fruit rouge insolent de jeunesse. Ce vin n’a pas d’âge et dégage une séduction de star de cinéma. On boit ce vin généreux joyeux, facile mais qui trompe son monde car il est complexe, comme s’il s’agissait d’un vin de moins de trente ans. A côté de lui, je suis content d’avoir ajouté une de ces curiosités que j’aime toujours inclure à côté des grands vins. Car le Beaujolais Tête 1923 a un nez présent, et un corps que ne renieraient pas beaucoup de bourgognes de cet âge. Bien sûr, il n’a pas une complexité extrême, mais ce beaujolais tient bien sa place avec cran et réussite. Et je ne le trouve pas oxydé comme le suggère Bipin.

J’ai souhaité que le Champagne Dom Pérignon Rosé Œnothèque 1966 apparaisse à ce moment du repas. Sur les cailles délicieuses, c’est l’occasion d’un bel accord, même s’il ne tire pas du champagne tout ce que l’on aimerait provoquer. Le champagne à la couleur de pêche qui jaunit progressivement dans le verre est absolument divin. A l’instar de plusieurs vins qui précèdent, nous goûtons une forme pleinement aboutie d’un champagne rosé parfait. Le champagne rosé n’est pas ce que je recherche spécialement. Mais sous cette forme, c’est un vrai bonheur, accompli, goûteux, fait de fruits jaunes délicats. Dans l’accord avec la caille, c’est lui qui est le mâle dominant.

Aujourd’hui Sylvain Pitiot fête ses soixante ans. Il a souhaité ajouter un vin de son année et je l’y ai aidé. C’est le Château Haut-Brion 1950 au nez de truffe et à la présence extrêmement dense qui marquera son anniversaire. Le vin est riche, brillant, d’un grand équilibre. C’est la truffe très dense qui domine dans son empreinte d’une grande longueur.

Une tarte fine avec en son centre une bougie est apportée à Sylvain que nous applaudissons. Le Château Guiraud 1904 a une magnifique couleur d’un or cuivré. Le nez est subtil et le vin n’a pas de signe d’âge. Il n’a pas la puissance tonitruante de l’Yquem 1949, mais il est, pour ses 106 ans, un sauternes équilibré et sans défaut comme je les aime. De tels vins me font vibrer.

Avec des vignerons qui ont apporté leurs vins, il n’est pas question de voter. Mais comme j’ai pris l’habitude de compter ces dîners annuels dans les dîners de wine-dinners, il prendra le n° 142 et il me faut faire un vote. C’est particulièrement difficile, car tous les vins ont été d’une qualité exceptionnelle. Je suis bien embarrassé et finalement, le choix est : 1 – Château d’Yquem 1949, 2 – La Romanée Liger Belair 1966, 3 – Champagne Salon 1961, 4 – Champagne Dom Pérignon Rosé Œnothèque 1966, 5 – Clos de Vougeot Faiveley 1934, 6 – Musigny Blanc Domaine Comte de Voguë 1990.

L’ambiance de ce dîner a été caractérisée par l’amitié. Les rires ont fusé, portés par la joie d’être ensemble. Chacun sentait qu’il vivait un de ces chauds moments où se partagent les grands vins. De tels événements sont un grand bonheur et un grand honneur pour moi, car boire les vins que j’aime avec les vignerons que j’aime, c’est un cadeau que très précieux. La cuisine a été une fois de plus remarquable, les accords étant d’une pertinence extrême. Daniel a fait à nouveau un service des vins de grande qualité. Ce repas est un vrai cadeau de Noël alors que l’Avent vient de commencer.

retour en France jeudi, 25 novembre 2010

On dirait qu’Air France a voulu préparer notre atterrissage en douceur pour retrouver le mode de vie français – après tout, l’atterrissage, c’est leur métier – car notre avion part avec une heure de retard. Une anomalie de moteurs nécessite une réparation qui oblige à couper les moteurs auxiliaires. La climatisation ne fonctionne plus et la température dans la cabine atteint vite les 30°. Aucune annonce n’étant faite, on maudit rapidement l’équipage. Au moment du repas, ma femme déplie sa tablette rangée dans l’accoudoir en deux morceaux, et au lieu de se mettre à l’horizontale, elle reste pliée. Un steward nous dit : "ça arrive souvent. Je vais vous arranger ça". Il ne l’a pas fait. Le voyage de retour sur l’A380 fut beaucoup moins plaisant qu’à l’aller.

Entre le moment où les roues de l’avion ont touché le sol et le moment où nous avons quitté Roissy, il s’est écoulé une heure et demie, la palme étant au temps nécessaire pour que les bagages arrivent sur leur tapis. Le seul passage vraiment court, c’est le passage en douane, où aucun contrôle sérieux n’est effectué. La France terre d’accueil, c’est une réalité. L’immersion est réussie : nous sommes vraiment en France, les encombrements pour notre retour à domicile dépassant, en un trajet, ce que nous avons connu au Japon en onze jours.

photos du Japon 2 mercredi, 24 novembre 2010

Le gong, puis un vœu

dans le jardin

le héron

le temple doré

la musique d’accueil de l’hôtel

le restaurant Kitcho – une salle pour nous tout seuls

champagne Salon 1996 et Dom Pérignon 2002

madame Tukuoka au sourire énigmatique

Tomo est heureux

Madame Tukuoka boit le Krug Clos du Mesnil 1996

les champagnes

un singe

Tomo et moi

dîner à l’hôtel de Kyoto

Shabu shabu

chauffeur de taxi en gants blancs et casquette

notre train pour Fukuoka

sleeping beauty

restaurant Izumi

le poisson Fugu (devant, la peau, au centre les deux nageoires latérales et tout autour de fines tranches de la viande du poisson)

le poisson Fugu, mais vivant

sur cette photo, qui est le sumo ?

photos des sumos et des combats

 

restaurant Hiramatsu à Fukuoka

restaurant Kondo de tempuras

tempura de clams

photos du Japon 3 mercredi, 24 novembre 2010

un bouddha sur fond de jardin

le jardin du musée

des japonaises attendent pour la cérémonie du thé dans une des petites maison du jardin du musée

vue de l’hôtel Park Hyatt du dernier étage de l’immeuble d’où nous ferons le tour de la ville en hélicptère

arrivée de l’hélicoptère

la ville vue d’hélicopère

le restaurant Kozue de l’hôtel Park Hyatt (encore un shabu shabu de Wagyu)

de nouveau le Fuji Yama pour notre dernier jour

le restaurant New York Grill du Park Hyatt

le Corton Charlemagne Coche Dury 2003 et la Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2001

la magique entrecôte de boeuf de Kobe

une dernière fois, la vue du 52ème étage de l’jôtel Park Hyatt

A bientôt, c’est sûr

classements finaux des retaurants et des vins au Japon mercredi, 24 novembre 2010

Classement des restaurants dans l’ordre des préférences :

1. restaurant Isshin à Kyoto spécialiste du bœuf Wagyu (deux étoiles Michelin). Vins : bière Yebisu pure malt, Cloudy Bay Pinot Noir Nouvelle Zélande 2008. Classé premier à cause de la qualité extrême des viandes, et de l’originalité des présentations.

2. restaurant Arashiyama Kitcho à Kyoto restaurant typique japonais (trois étoiles Michelin). Vins : Champagne Dom Pérignon étiquette verte Andy Warhol 2002, Champagne Salon 1996, Champagne Krug Clos du Mesnil 1996. Pourrait être classé premier pour l’originalité extrême des présentations et du service, d’un niveau incomparable. Mais les saveurs créent moins de surprise que celles du restaurant Isshin.

3. restaurant Hiramatsu à Fukuoka. Vins : Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 1990, Côte Rôtie La Mouline Guigal 1990. Cuisine française irréprochable et qualité des sauces de très haut niveau. Décor m’as-tu-vu.

4. restaurant Kozue de l’hôtel Park Hyatt, cuisine japonaise traditionnelle. Vins : Chevalier Montrachet Grand Cru Domaine d’Auvenay Lalou Bize-Leroy 1998, Bonnes Mares Grand cru Domaine Georges Roumier 2001. Décor agréable, service parfait, d’une attention remarquable, produits de grande qualité.

5. restaurant Joël Robuchon à Tokyo (trois étoiles Michelin). Vins : Champagne Alain Robert Tradition, Mesnil "non pareil" 1990, Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1990, Morey-Saint-Denis premier cru Clos Sorbé Frédéric Magnien 2005. Décor sublime, cuisine parfaite, service moyen. Il manque un supplément d’âme à ce lieu de haut niveau

6. restaurant Ginza Kyubei spécialiste des Sushis à Tokyo. Vins : champagne Dom Pérignon 2000, Pouilly-Fuissé au nom non noté. Très belle présentation se sushis originaux.

7. restaurant Kondo à Tokyo spécialiste des tempuras (deux étoiles Michelin) : bière pression, bière bouteille et saké. Décor très limité mais expérience très originale de rempuras très goûteux

8. restaurant Izumi spécialiste du poisson Fugu à Fukuoka : bière et saké. C’est peut-être l’expérience la plus originale, mais le fugu n’est pas un poisson très inspirant. Et il y a la monotonie des sauces.

9. restaurant japonais de l’hôtel Hoshinoya Ryokan à Kyoto : bière et saké. Joli hôtel, jolie salle privée, cuisine simple sans prétention.

10. restaurant français du 52ème étage de l’hôtel Park Hyatt Tokyo. Vins : Corton-Charlemagne J.F. Coche-Dury 2003, Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2001. Malgré le bœuf de Kobe, le manque d’originalité du lieu justifie cette place, même si le restaurant présente de l’intérêt.

Classement des vins :

1. Corton-Charlemagne J.F. Coche-Dury 2003

2. Côte Rôtie La Mouline Guigal 1990

3. Champagne Krug Clos du Mesnil 1996

4. Champagne Salon 1996

5. Bonnes Mares Grand cru Domaine Georges Roumier 2001

6. Champagne Dom Pérignon Oenothèque 1990

7. Chevalier Montrachet Grand Cru Domaine d’Auvenay Lalou Bize-Leroy 1998

8. Corton Charlemagne Bonneau du Martray 1990

9. Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2001

Les trois premiers vins sont assez nettement au dessus des autres.

voyage au Japon – suite lundi, 22 novembre 2010

Pour avoir le récit dans l’ordre du voyage au Japon il est conseillé de lire d’abord ici

20/11/2010 – arrivée à Fukuoka et dîner au restaurant Izumi, spécialiste de fugu

Nous quittons l’hôtel de Kyoto. Un taxi dont le chauffeur a, comme tous les autres, des gants blancs, se distingue par une casquette aussi décorée que celle d’un amiral. Il nous conduit à la gare de Kyoto qui est noire de monde. On parle souvent de la décroissance démographique du Japon. A voir le nombre de collégiens qui se pressent partout et en masse à la gare, on se dit qu’il y a encore des réserves dans ce pays. Le train à grande vitesse est extrêmement silencieux et équilibré. Une jeune femme nous offre des serviettes rafraîchissantes et passe toutes les dix minutes ramasser d’éventuels déchets ou papiers d’emballages. Peut-on imaginer cela en France ?

A Fukuoka, terminal du train, la foule est aussi immense. Un "jumbo taxi", car Tomo a prévu large pour nos bagages, nous attend avec une ponctualité très japonaise. Tomo a une faculté pour engager la conversation avec tous les chauffeurs que nous avons utilisés qui est assez remarquable. Il lui demande des précisions sur les programmes de combats de Sumo auxquels nous assisterons demain.

Nous arrivons à l’hôtel Grand Park Hyatt de Fukuoka qui est une ruche invraisemblable. Il faut dire que l’hôtel est accolé à un gigantesque centre commercial. Le contraste avec notre hôtel champêtre de Kyoto est saisissant. On retrouve dans cet hôtel l’accueil très international bien rodé. En fait, pas tant que ça. Car nos amis ont changé de chambre après avoir constaté que la leur était sale, et notre chambre n’a pas été préparée pour la nuit, comme cela se pratique normalement dans ce type d’hôtel.

Nous nous rendons à pied au restaurant Izumi, spécialiste du poisson Fugu, le poisson globe. Après avoir enlevé nos chaussures, nous sommes dirigés vers une petite salle carrée où une table basse pour quatre personnes nous attend. Sur un des côtés de la pièce, une pivoine et un panneau mural avec un geai posé sur un ginkgo. Evidemment, après la spectaculaire salle du restaurant Kitcho, celle-ci fait un peu chiche. Il eut fallu inverser l’ordre de visite à ces deux restaurants.

Le menu que nous allons prendre est une exploration du poisson Fugu. Nous commençons par une gelée de la peau du poisson au goût plus agréable que ce que j’imaginais. Ensuite, une immense assiette comporte des morceaux de peau depuis la surface jusqu’aux parties les plus profondes du derme et de fines tranches de la viande du poisson. C’est surtout sur cette chair que je vais me concentrer, en l’associant soit à du sel, ce qui révèle la vraie saveur du poisson, soit à une sauce au soja et aux herbes avec un peu de piment. Lorsque l’on mange avec cette herbe, c’est surtout elle que l’on ressent. Elle va nous accompagner tout au long du parcours, créant une certaine monotonie. Nous buvons une bière pression légère de bon goût qui sera complétée par un saké froid fort agréable.

C’est ensuite la laitance du Fugu qui nous est proposée. Je ne suis pas un grand amateur de laitance mais celle-ci est très comestible, dans des saveurs crémeuses. Nous poursuivons avec des morceaux de chair frits qui sont délicieux. On nous présente un saké à la laitance de Fugu. J’ai un peu de mal. Mais lorsqu’arrive le saké dans lequel trempent les deux nageoires latérales du Fugu, là, je cale. Viennent alors des morceaux de viande de Fugu marinées avec du tofu puis une assiette de légumes avec du riz en pâte ayant la consistance de la fondue savoyarde. Le final est un délicieux risotto de fugu. Le dessert est du kaki jeune, à la consistance ferme.

La maîtresse des lieux qui est venue plusieurs fois nous saluer nous fait visiter la cuisine. Dans un petit aquarium nagent deux petits fugus. Ce dîner centré sur le fugu, poisson qui peut être mortel, est une expérience qu’il fallait faire, car c’est un moment rare. Mais force est de reconnaître que la fadeur des chairs et la répétitivité de la sauce ne créent pas une immense émotion. L’important est de pouvoir dire comme les soldats napoléoniens : "j’y étais".

En rentrant, le centre commercial qui jouxte l’hôtel est envahi par des teenagers et des petits enfants, attirés par les lumières et les évocations de Noël. Ce pays est toujours en mouvement.

21/11/2010 – sumo et Hiramatsu

Le lendemain matin est consacré au repos. Car ce soir, nous allons au restaurant Hiramatsu Fukuoka, où nous boirons deux vins que j’ai apportés. Il faut être en pleine forme.

A 15h30, nous partons vers le lieu où se déroule l’un des six grands tournois annuels de sumo. Nous assisterons au huitième jour de cette compétition des meilleurs sumos qui dure deux semaines. Un événement de portée nationale s’est produit il y a deux jours. Le seul Yokozuna, le plus haut gradé dans la hiérarchie, du nom de Hakuho, a cassé une série de 63 combats gagnés à la suite, qui le rapprochait du record historique de 69 victoires successives établi il y a 72 ans. Ce lutteur fera le combat final de notre après-midi.

Lorsque Canal + retransmettait les combats de sumo il y a quelques années, je les regardais avec bonheur, car la dimension rituelle de ces combats de courte durée est fascinante. Aussi, quand avec Tomo et Akiko nous avons réglé les dates du voyage, les feuilles d’automne à Kyoto et les dates de la compétition à Fukuoka ont été déterminantes. Il fallait absolument que nous voyions ces combats "en vrai". C’est fait, et nous nageons dans le bonheur. Car l’atmosphère créée par une foule fervente, qui pique-nique sur place en famille y compris avec les tout-petits est quelque chose d’unique. Et voir les à-côtés des rites est d’un grand intérêt. C’est un intense moment de bonheur que nous venons de vivre.

Nous prenons un taxi qui nous conduit au restaurant Hiramatsu Fukuoka. Il est situé au 6ème étage d’un immeuble où rien n’indique qu’il y aurait un restaurant de cette qualité. A l’étage, les vitrines qui précèdent la porte d’entrée annoncent un luxe certain. Un magnum de Pétrus 1953, un magnum de Clos Sainte-Hune dans des vitrines, cela annonce du grand. Une fois la porte passée, on découvre une décoration art nouveau un peu lourdaude. Notre table est joliment installée, et la richesse raffinée de la vaisselle compense la lourdeur de l’art nouveau, "à la" Pierre Cardin.

Maniaque comme je suis, je mets la pression sur le sommelier qui a ouvert deux heures avant notre arrivée les vins que j’ai fait livrer il y a six jours. Le vin blanc est fermé d’un bouchon neutre, et quand je le sens, il est évident que le bouchon neutre laisse des traces. C’est en fait Tomo qui a demandé que mon vin soit rebouché.

Nous choisissons nos menus, puisqu’ici il n’y a pas de commande à la carte. Mais on peut modifier les plats du menu. Nous choisissons et mon choix est celui du menu dégustation, avec une entrée modifiée, ce qui donne ceci : amuse-bouche / foie gras de canard au chou frisé, jus de truffe / feuilleté de homard aux parfums de truffes, jus d’estragon / noisettes de chevreuil, sauce grand-veneur, pommes acidulées et gnocchis de marron à la vanille / tarte fine aux pommes, crème glacée à la cannelle. Disons-le tout de suite, ce fut un régal et un festival de justesse de sauces.

Lorsque le sommelier qui ne parle ni français ni anglais me sert le Corton Charlemagne Bonneau du Martray 1990, je sens que quelque chose ne va pas. Il y a le bouchon neutre qui a marqué le nez du vin, mais il y a aussi une acidité fâcheuse. Tout ceci est lié au fait que le vin est trop chaud. Dès qu’il est frappé et atteint sa température optimale, comme par miracle tout s’organise et le vin, dont le nez était agréable, trouve enfin sa vraie définition. Ce vin est riche équilibré, et avec la sauce à la truffe du foie gras, forme un accord diabolique. A ce stade, le plat est plus miraculeux que le vin. Sur le feuilleté de homard, la proportion s’inverse, et c’est le Corton-Charlemagne qui prend le dessus, aidé par la subtilité de l’estragon. Nous buvons un grand Corton-Charlemagne, fruité, goûteux, de grande richesse. Il faut savoir que la fenêtre d’excellence des températures de service possibles est extrêmement étroite.

Nous n’avons pas cet embarras avec la Côte Rôtie La Mouline Guigal 1990 qui affiche une perfection inaltérable. Tout en lui est parfait et indestructible. Nous pourrions organiser des tremblements de terre et des tsunamis, ce vin resterait égal à lui-même : parfait. Son parfum est envahissant, riche et capiteux. En bouche, on sait qu’on a touché le jackpot, le vin qui jongle avec les 100 points Parker les doigts dans le nez. Rien dans ce vin n’est autre que de la perfection. Sur le plat de chevreuil, il faut absolument simplifier pour le vin, et seule la noisette de chevreuil convient. Comme il reste du vin, un peu de fromage me permet de goûter la lie, qui, contrairement à des milliers d’expériences contraires, affadit un peu le vin.

Il ne fait pas de doute qu’Hiramatsu a trouvé la martingale en ce qui concerne les sauces. Nous sommes dans un pur ravissement culinaire. Les vins ont brillé et malgré le fait que ce sont les miens, je dirais que la cuisine a brillé plus que les vins, pourtant au sommet de leur art.

C’est une magnifique expérience que nous plaçons au dessus de notre dîner au restaurant de Joël Robuchon, malgré une dextérité nettement plus grande du côté du trois étoiles. Hiramatsu sait viser juste. Autant le lui reconnaître.

22/11/2010 – retour à Tokyo et restaurant de tempuras

Il nous faut une nouvelle fois faire nos valises car nous repartons à Tokyo, cette fois en avion. Tomo et Akiko nous ont réservé des places en première classe, ce qui est une attention charmante. Le service de Japan Air Lines est souriant et attentif. Ce qui frappe dans les deux aéroports de Fukuoka et de Tokyo, c’est la propreté immaculée des lieux. Je ne peux m’empêcher de penser à l’époque où, dans mon entreprise il y a plus de vingt ans, nous avons lancé la démarche vers la qualité totale. Il n’y a pas de qualité totale sans propreté totale, et nous avons réalisé des prouesses qui eussent été inimaginables quelques années auparavant. La propreté totale, la politesse et la gentillesse sont des conditions du succès. Et l’on se dit que l’entreprise France ferait bien de se réveiller sur ce sujet. Accepter la saleté de notre pays, les tags et les impolitesses sont des symptômes imparables de notre déclin.

Par ailleurs au Japon, tout est fait pour résoudre les problèmes de circulation par l’investissement. Et la fluidité profite à l’efficacité des entreprises. Il n’y a qu’à Paris que l’on fait tout pour bloquer le système de circulation. Il faudra bien un jour que la France, au lieu de pérorer, épouse son siècle.

Nous retrouvons l’hôtel Park Hyatt de Tokyo au service efficace qui contraste avec celui mal dirigé du Grand Park Hyatt de Fukuoka. La journée est consacrée au repos et à 18h30, nous partons pour le restaurant Kondo, spécialiste des tempuras, et doté de deux étoiles Michelin. Il est situé au neuvième étage d’un immeuble, dans un quartier chic et animé.

Il y a plusieurs salles et nous entrons dans une salle où dix places sur un comptoir entourent le lieu de confection des tempuras. Deux jeunes cuisiniers sont face à nous. L’un fait les découpes et préparations d’aliments et l’autre gère les cuissons.

Le premier découpe des langoustines vivantes, et la tête continue de bouger ses petites pattes longtemps après avoir été séparée de la queue. Aussi quand nous commençons le premier service de deux têtes de langoustines à croquer, on ne peut que se souvenir qu’elles bougeaient encore il y a deux minutes. Tous les plats étant en tempura, je ne le citerai pas à chaque fois. Les têtes de langoustines sont délicieusement croquantes. Ce sont ensuite deux services de queues de langoustines, l’une que l’on prend avec du sel et l’autre avec une sauce au soja agrémenté d’autres saveurs. J’ai rapidement abandonné cette sauce pour capter la pureté des mets en tempura. Mon repas s’est fait surtout avec une bière pression et une bière bouteille plus corsée. De temps à autre, j’ai lapé un petit bol de saké.

Le service suivant est une asperge verte bien croquante. Puis une châtaigne, des oursins enveloppés dans une feuille verte délicieuse, plat que j’ai considéré comme un enchantement, comme les queues de langoustines. Nous poursuivons avec le chapeau d’un champignon assez sombre, avec un poisson qui ressemble à un lieu, des fruits de ginkgo qui mettent en valeur le saké peu agréable à mon goût, une huître, un légume qui ressemble à un artichaut albinos, un imposant ormeau, et nous finissons par une patate douce qui a été cuite entière, puis partagée en quatre pour nous.

Pour comparer avec les tempuras de ma femme, j’ai demandé qu’on me prépare un oignon. Il n’est pas préparé en rondelles mais entier. Le goût est d’une précision extrême. Le repas se finit sur une assiette de mangues.

Il faudrait filmer les gens qui mangent, car nombreux sont ceux qui mangent trop chaud, se brûlent la bouche et se contorsionnent en levant leur main pour cacher leur bouche ouverte comme un "o".

Cette expérience de tempuras de haute qualité est unique. Quelques saveurs sont remarquables. Donnerait-on en France deux étoiles à un restaurant qui fait s’asseoir les convives le long d’un comptoir sur des tabourets, la question mérite d’être posée.

23/11 – musée et hélicoptère

Le lendemain est jour férié au Japon et c’est drôle de noter que Tomo et Akiko ne savent pas très bien pourquoi ce jour est férié. Il faut choisir des activités où il n’y aura pas de foules immenses. Tomo lance l’idée de survoler Tokyo en hélicoptère. Quelle idée excitante ! Mais il y du vent et de la pluie, aussi d’heure en heure nous devons appeler pour savoir si les vols seront autorisés. Comme cela paraît peu probable nous décidons d’aller visiter le musée Nezu, où une exposition démarre aujourd’hui de peintures des 15 ème, 16 ème et 17 ème siècles de scènes de la vie quotidienne de personnages célèbres mais aussi de simple villageois. Nous arrivons devant une petite bâtisse très joliment architecturée. Les peintures de la vie quotidienne sont un témoignage unique des mœurs de ces périodes. Il y a des scènes de chasse, de pêche, de vie familiale, de célébrations. Il y a aussi des épisodes de la vie de nobles personnes, de courtisane célèbres, des scènes de musique et de danse. Toutes ces évocations sont faites sur des paravents peints ou des rouleaux de papiers. Il y a aussi des peintures sur soie.

Dans les acquis permanents du musée il y a des bronzes chinois absolument magnifiques des 11ème et 12ème siècles avant Jésus-Christ et une collection d’objets du 16ème siècle, destinés aux cérémonies du thé de fin d’année. Nous poursuivons par la visite du jardin qui est d’une rare délicatesse. On chemine sur d’étroits sentiers qui donnent l’impression d’être dans une forêt profonde. Plusieurs petites bâtisses en bois peuvent être réservées pour le cérémonial du thé à la japonaise. Nous voyons plusieurs d’entre elles occupées par des femmes en kimonos qui pénètrent dans la maison en passant à travers une minuscule ouverture. Cette visite est particulièrement enrichissante. Nous hésitons sur ce que nous allons faire ensuite quand arrive un appel téléphonique : la voie des airs est libre.

Nous nous précipitons au Mori Building City Air Services. De jolies hôtesses nous accueillent. Nous suivons de longs couloirs pour aller à la salle d’attente, et au croisement de deux couloirs il y a une marche à franchir ou une petite pente permet aux chaises roulantes de monter. Une des hôtesses se penche presque jusqu’au sol pour indiquer de faire attention à la marche.

Nous attendons pendant une heure en regardant des films pris d’hélicoptères de plusieurs pays du monde. On nous offre une coupe de Champagne Boizel qui ne laissera pas une trace indélébile dans ma mémoire et notre tour vient enfin. Dans le fameux croisement l’hôtesse s’est courbée à nouveau, cette fois-ci par politesse, et quand on veut lui rendre sa politesse, on tourne le dos à la marche, puisque la regarder détourne l’attention. Je manque trébucher en ratant la marche. Nous continuons à marcher et pour indiquer à quel point la position de l’hôtesse était stupide puisqu’elle détourne l’attention de l’obstacle, je tourne mon bras pour montrer l’endroit et je cogne la pauvre hôtesse d’un direct du gauche à la Tyson, au moment où elle courait pour nous rejoindre. Elle est presque groggy et tout le monde éclate de rire de ma double maladresse. Je gratifierai au retour cette charmante hôtesse d’un baiser sur le front pour me faire pardonner de l’avoir si fortement heurtée.

Nous montons sur le toit de l’immeuble où un large cercle orange sur fond vert est dessiné. Loin dans le ciel une lumière sur un point noir annonce l’arrivée de l’hélicoptère. Nous prenons place dans l’hélicoptère pour environ 30 minutes d’un double tour circulaire de la ville. Par un hasard horaire intéressant, le premier tour sera fait de jour et le deuxième de nuit. J’ai mitraillé le ciel avec mon appareil photo. Cette ville immense offre des perspectives extrêmement variées. C’est une visite qu’il fallait absolument faire.

Les hôtesses nous attendaient avec de larges sourires. C’est alors que j’ai donné le baiser sur le front qui a fait rire tout le monde. En rentrant à l’hôtel, nous avions le sentiment d’avoir passé des moments merveilleux, au musée et au dessus de la ville.

23/11 – dîner au restaurant Kozue de l’hôtel Park Hyatt avec de grands vins

A 19h30, nous descendons au 40ème étage de l’hôtel Park Hyatt au restaurant Kozue. Si j’ai bien compris, Kozue veut dire branche, comme celle de l’arbre de Judée dont le mauve irradie le dessus de notre table. La décoration d’un restaurant d’hôtel est toujours assez conventionnelle, mais ici, ce sont les éclairages qui vont la rendre extrêmement chaleureuse. La cuisine traditionnelle japonaise va accompagner deux vins apportés par Tomo.

Le premier est un Chevalier Montrachet Grand Cru Domaine d’Auvenay Lalou Bize-Leroy 1998. Le bouchon est tellement long que le directeur de salle a du mal à l’extirper. Le vin a un nez assez extraordinaire, marqué par le fumé et par la profondeur. La bouteille a le numéro 386 sur 582 bouteilles faites.

L’entrée consiste en plusieurs éléments dont du maquereau fumé avec du riz, une petite pâtisserie assez sucrée, un carré d’œufs de poissons pressés, une châtaigne, une pâte d’œufs de bonite accompagnant une poutargue et un petit tronçon d’asperge. C’est surtout avec la poutargue et les œufs de poisson que le Chevalier Montrachet va révéler sa structure. Le vin est surtout fumé. Il est profond, d’une rare densité, mais il manque un peu d’étoffe. Des algues marines iodées à la limite du possible arrivent à faire vibrer le vin délicieux.

Les sashimis qui suivent sont extraordinaires, et le vin brille comme jamais. Il y a du thon cru, une langoustine crue qui étonne par son caractère sucré, du turbot cru et une algue pressée que je ne toucherai pas car elle paraît assez violente. C’est avec le turbot magistral que le vin blanc prend un essor unique, fondé sur la profondeur de sa trame qui répond à celle du turbot, alors que le thon plus gras excite beaucoup moins le vin.

Comme il reste du vin blanc, je demande un peu de riz juste cuit. Ce riz très pur avec la sauce de soja tire des dernières gouttes du vin blanc son chant le plus beau.

Nous allons maintenant passer au "shabu-shabu" qui consiste à tremper de fines tranches crues de bœuf Wagyu dans une soupe où des champignons puis des légumes vont conditionner le goût. On trempe en faisant des allers et retours qui font shabu-shabu. Sur ce plat, nous buvons un Bonnes Mares Grand cru Domaine Georges Roumier 2001. Le nez de ce vin est impressionnant de présence. En bouche, le vin est fin, subtil comme les meilleurs bourgognes, mais il fait un peu "osseux", manquant un peu de rondeur et d’étoffe. Mais, nul besoin de le dire, c’est un très grand vin. Les tranches de Wagyu, roses quand elles sont crues, foncent avec le passage dans la soupe bouillante. Elles prennent un goût de noix prononcé qui met en valeur ce vin rouge de première grandeur. L’accord est saisissant de pertinence.

Nous faisons une pause avec quelques légumes cuits dans la soupe et une nouvelle assiette de Wagyu apparaît sur la table. Je finirai le vin avec des tranches de Wagyu posées sur une nouvelle coupe de riz. Ce moment est unique.

Une tranche de melon vert avec une glace à la vanille mettent un point final à un dîner qui nous a éblouis. Jamais dans un restaurant d’hôtel nous n’attendrions un service d’une telle qualité, avec des produits aussi exceptionnels. Comme nous y avons ajouté des vins rares, il est normal que nous ayons été conquis. Ce repas est l’un des quatre plus grands de notre séjour.

24/11 – journée repos à Tokyo et dîner à l’hôtel Park Hyatt

Le lendemain fut rude. Car cela fait dix jours que nous festoyons, aussi le gras de la viande de Wagyu n’a pas été apprécié par mon organisme. Pendant que les femmes font du shopping, je reste dans mes quartiers, n’échappant que pour un massage Shiatsu très tonique.

Nous nous retrouvons tous les quatre pour le dernier dîner au 52ème et dernier étage de l’hôtel Park Hyatt. La salle est sombre, ce qui garantit l’intimité et haute de plafond, sans doute de plus de six mètres, ce qui permet aux fumeurs de ne pas s’expatrier. C’est la même chanteuse que celle du bar où nous avions siroté un whisky le premier jour qui égrène ses chansons. Compte tenu de l’acoustique du lieu, ce qui est bon pour le bar ne l’est pas pour le restaurant. Le vin blanc que j’ai prévu n’a pas été mis au frais. Je mets une pression extrême sur toute l’équipe, mais l’oriental sait résister à la pression de l’occidental. Entre le moment où j’ai demandé que l’on mette instantanément mon vin dans un seau à glace et le moment où ce fut fait, mille civilisations sumériennes auraient eu le temps de se succéder. Le Corton Charlemagne J.F. Coche-Dury 2003 que l’on me fait goûter, même horriblement chaud (horriblement veut dire : un peu, mais je suis en plein stress), est d’une insolente perfection. Nous commandons à la carte aussi aurons-nous des plats différents. Mon repas est : pan seard Sanriku scallops, chorizo, roasted peppers, tomatoes, chick peas / Kobe beef selection / Vanilla ice cream.

Le vin blanc est une pure merveille. Il a la puissance et la légèreté, la force et l’élégance. C’est extrêmement rare de voir un vin qui combine aussi bien le passage en force avec un discours courtois. Il va sans dire que ce vin sera, dans notre voyage japonais, le premier et de loin. Ce vin est l’image de la perfection faite de sensibilité. Il est divin sur les coquilles Saint-Jacques et s’adapte très bien au chorizo fort épicé. Le vin ayant trouvé sa température est impérial et l’expression qui lui conviendrait le mieux est : main de fer dans un gant de velours, tant il sait combiner puissance et finesse. Un tel vin est stratosphérique, et nous le placerons au dessus de la Mouline 1990 que nous avions classée première jusqu’alors.

Pour l’instant magique du bœuf de Kobe, qui est une entrecôte, Tomo l’a pris en tartare, malheureusement trop épicé, et je l’ai pris grillé. L’accord de la viande grillée, au goût de noisette, avec le Corton Charlemagne, est à s’évanouir de plaisir. C’est encore mieux qu’avec la coquille Saint-Jacques.

Tomo a apporté une Romanée-Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2001. Le nez est élégant, et représente élégamment les vins du domaine. Mais en bouche le vin est serré, coincé, avec une légère astringence qui donne un goût de vieux bois combiné à de la minéralité. Bien sûr, il y a la vibration que nous aimons des vins du domaine, mais ce n’est pas ça. Nous avons un vin au beau nez, agréable témoignage du domaine, mais qui est trop timide et coincé pour nous plaire. Des pommes frites lui conviennent mais la messe est dite.

Ce repas marqué par une viande de Kobe d’une extrême qualité, fondante, grasse, au goût de noisette et d’amande, mais surtout par un Corton Charlemagne diabolique, probablement l’un des meilleurs qu’il m’ait été donné de boire, et Dieu sait que j’en ai bus, est dans noter voyage le moins original des repas. La viande de Kobe, d’une grâce unique, ne suffit pas à peser dans la balance.

Demain nous partons en France après un merveilleux voyage, fait de mille découvertes. Un petit pincement au cœur apparaît forcément lorsqu’on sait que grâce à l’amitié d’amateurs japonais, nous avons pu vivre des moments inoubliables.