L’académie des vins anciens tient sa 10è séance au restaurant Macéo vendredi, 5 juin 2009

L’académie des vins anciens tient sa dixième séance au restaurant Macéo. Nous sommes près de quarante ce qui oblige à constituer trois groupes. Pour que chacun puisse profiter d’une grande variété de vins, j’ai apporté seize vins de ma cave, ce qui conduit à 48 vins, soit seize par groupe. Lorsqu’il y a plusieurs bouteilles d’un même vin, elles sont listées à chaque fois. Voici la répartition des vins par groupe.

Vins du groupe 1     tables 1 & 2 : Champagne Besserat de Bellefon non millésimé vers 1995, Champagne Mumm Cordon Vert années 20, Champagne Exclusive Vintage 1980, Riesling Clos des Capucines Domaine Weinbach 1977, Bâtard-Montrachet Chanson Père & Fils 1959, Château Larcis-Ducasse 1967, Château Haut Brion 1969, Château Haut Brion 1971, Château Canon 1959, Volnay Champy P&F 1945 (basse), Vougeot Tasteviné J. Thorin 1961 (basse), Beaune Bressandes 1955 Drouhin, Vega Sicilia Unico 1966 (basse), Château des Jaubertes Grand vin du Marquis de Pontac  Graves supérieures, Château Sigalas-Rabaud 1896, Maury La Coume du Roy, de Volontat 1925.

Vins du groupe 2     tables 3 & 4 : Champagne Besserat de Bellefon non millésimé vers 1995, Champagne Besserat de Bellefon non millésimé vers 1995, Champagne Krug Grande Cuvée années 80, Champagne Edouard Besserat 1966, Château Bouscaut blanc 1964, Clos de la Coulée de Serrant N.Joly 1983, Château Ducru-Beaucaillou 1970, Château Puyblanquet Saint-Emilion 1929, Volnay Taillepieds Domaine de Montille 1969, Beaune 1953 Leroy (année illisible), Chambolle Musigny 1947, Chambertin 1959 de la maison Pierre Bourée Fils, Marques de Riscal Reserva 1961, Vega Sicilia Unico 1967 (basse), Château d’Yquem 1961, Maury La Coume du Roy, de Volontat 1925

Vins du groupe 3     tables 5 & 6, Champagne Besserat de Bellefon non millésimé vers 1995, vin de champagne Saran Moët & Chandon 1943, Champagne Mumm, René Lalou 1985, Champagne Krug Grande Cuvée années 80, Château La Tour Léognan 1979, Puligny Montrachet Albert Bichot 1937, Martinez Lacuesta – Rioja – Blanc 1980, Château Coustolle, Côtes de Canon-Fronsac 1966, Château Rolland Taillefer Pomerol 1967, Château Ausone 1979, Domaine de Chevalier rouge 1952, Chambolle Musigny 1947 Maison Remoissenet et Fils, Rioja 1960, Vega Sicilia Unico 1964 (basse), Coteaux du Layon Chaume, Château de la Guimonnière 1945, Grenache Vieux années 20.

J’arrive à 16 heures pour ouvrir les bouteilles et quelques académiciens fidèles me font l’amitié de venir m’aider. Il les faut bien car il y a des bouchons coriaces et certains partent en lambeaux. Mes amis seront bien récompensés car l’un d’entre eux, pour soutenir l’ardeur des travailleurs, a apporté un Champagne Dom Pérignon 1996. J’ai bu souvent ce champagne qui fut couronné premier champagne de son millésime dans un jury dont j’étais membre suppléant. Dans l’ambiance active des détrousseurs de bouchons, je dois dire que c’est le plus beau Dom Pérignon 1996 que je n’aie jamais bu. Il atteint une plénitude spectaculaire. La productivité de l’industrie française terrasserait la germanique avec un tel dopage. 

Les arrivées sont aussi ponctuelles que les horaires des trains un jour de grève. Fort heureusement, nous avons des munitions. Le Champagne Besserat de Bellefon non millésimé vers 1995 me surprend toujours. Car l’âge lui va comme un gant. Chaleureux, avec une acidité judicieuse, c’est un champagne que je devrais éviter de fournir, car il se boit trop bien. Un bon champagne, c’est quand on regarde le fond de la bouteille en se demandant pourquoi elle est vide alors qu’on a soif. Ce champagne est ainsi fait.

Nous passons à table, chacun à la table qui lui est désignée. Il y a beaucoup d’habitués mais fort heureusement de nouveaux visages apparaissent, dont Etienne de Montille, vigneron que j’adore, venu en ami. Le menu composé par Macéo est simple mais goûteux : Crème de petits pois glacée et fumet de saumon ciboulette / Petit tartare de daurade, chair de crabe & quinoa taboulé / Aiguillette de Saint Pierre, têtes d’asperges vertes & condiments / Noisette de veau fermier, croustilles de céleri aromatique / Poires rôties compressées, fine dentelle & gelée de fruits rouges / Chocolat tendre & pipérade de poivrons sésame.

Toute ma table sourit quand je goûte en premier le Champagne Mumm Cordon Vert années 20, car je manque de m’évanouir. Ce champagne qui provient de la cave murée que j’ai acquise est d’une diabolique perfection. D’une couleur d’abricot, il exhale un parfum qui évoque la conquérante attitude de Charlize Théron déchirant ses bijoux et ses habits pour ne conserver sur son corps parfait et doré que son parfum. En bouche, c’est un festival de luxure. La douceur est incommensurable, mariée à une complexité extrême. Ce vin, puisqu’il ne s’agit plus de champagne, est un plaisir absolu. J’annonce tout de suite la couleur : je le classerai premier.

Le Champagne Exclusive Vintage 1980 apporté par celui qui le fait est d’une grande précision. Il est ciselé. Il a le charme de ses près de trente ans, qu’il ne fait pas. Dans un autre contexte on le jugerait irréprochable, mais il fait « attendu » après le Mumm. On m’apporte un verre du Champagne Edouard Besserat 1966 et je me pâme une nouvelle  fois. J’ai un amour pour les champagnes de cette année, car ils sont au sommet de leur art. Celui-ci en est la preuve. Et il renforce un peu plus ce que le Mumm a de miraculeux, car à côté du 1966, ce Mumm qui pourrait être des années 10 porte un supplément d’âme.

Le Riesling Clos des Capucines Domaine Weinbach 1977 est l’occasion de montrer qu’un vin ancien ne peut se boire comme un vin actuel. Car si l’on s’arrêtait aux signes de fatigue, on perdrait le message du vin. Il faut attendre l’épanouissement dans le verre pour saisir le côté chaleureusement alsacien du vin. Mais l’imperfection me gêne un peu.

Le Bâtard-Montrachet Chanson Père & Fils 1959 n’en est que meilleur. Ce vin a la couleur magique de jeunesse est d’une totale perfection. En bouche le vin a la sérénité de son immense année. Etienne de Montille l’adore ce que je prends comme un compliment pour mon vin. C’est un grand vin qui frappe par son équilibre.

On m’apporte une goutte du Martinez Lacuesta, Rioja Blanc 1980. Ce vin qui ne titre que 10,5° est passionnant à découvrir. Je serais bien incapable de trouver un point de repère, car c’est un OVNI (objet vineux non identifié). Il n’en a que plus d’intérêt.

Le Château Larcis-Ducasse 1967 casse un peu le rêve, car même s’il est agréable à boire, il est propret, sans véritable émotion. Le Château Haut Brion 1969 est une bonne surprise car on n’attendrait pas qu’il soit de niveau, du fait de son année qui surprend souvent. Le Château Haut Brion 1971 le domine par son parfum mais est nettement moins agréable à boire. Sans doute parce que l’on en attend plus que du 1969.

Le Château Canon 1959 fait monter de plusieurs crans. Ce vin est militaire. C’est la sérénité en marche du bordeaux bien né. Il porte bien son nom, car c’est ainsi qu’il conçoit sa séduction : en brisant les résistances, s’il y en avait. J’ai beaucoup aimé cet archétype du vin de Bordeaux.

On m’apporte d’une autre table un verre de Château Puyblanquet Saint-Emilion 1929, vin que j’ai apporté. Et c’est un ravissement. Ce vin qui ne fait pas son âge confirme, s’il en était besoin, la force prodigieuse de l’année 1929. Pur, racé, grand, précis, il a tout cela et en plus un velouté charmeur d’une longueur appréciable. Ce vin chaleureux réjouit celui qui le boit. C’est un grand vin.

Etienne, dont le vin n’est pas de notre groupe est allé soutirer un verre et l’apporte à notre table. Le nez est à se damner. Ce Volnay Taillepieds Domaine de Montille 1969 possède tout ce que j’aime dans la Bourgogne et c’est un festival de charme et de distinction. Ce vin est d’une délicatesse rare.

Dans les vins que j’ai ajoutés, j’ai voulu que l’on puisse essayer des vins de bas niveaux, pour leur laisser une chance d’être bus avant leur mort proche. Et le Volnay Champy P&F 1945 me donne raison, car malgré un niveau très bas, le message est réellement lisible. Il a une belle ampleur, une chaleur veloutée et le vin ne fait pas cuit comme on pourrait le craindre. Il a perdu un peu de finesse mais reste très buvable. Je suis plus sévère pour le Vougeot Tasteviné J. Thorin 1961 dont le niveau est plus haut et l’année plus récente, car celui-ci fait plus torréfié. Ces vins de niveaux bas sont buvables, mais sans entraîner d’enthousiasme. Il faut être content de leur avoir donné une chance.

Le Beaune Bressandes 1955 Drouhin est agréable, élégant, mais la mémoire du Volnay d’Etienne, fait par son père, est trop vivace pour qu’on oublie que le plaisir est là. Un ami, avec mon accord, a ajouté trois Vega Sicilia de niveaux bas, là aussi pour voir, de trois années, 1964, 1966 et 1967. Nous avons à notre table le Vega Sicilia Unico 1966 qui, même si c’est une caractéristique de ce vin, fait beaucoup trop torréfié pour être agréable. Il en est de même des deux autres dont on m’apporte un verre. Cela rend encore plus séduisant le Marques de Riscal Reserva 1961, à la grâce juvénile et à la subtilité inattendue.

J’avais annoncé à l’ami qui avait apporté le Beaune 1953 Leroy que son vin est dépigmenté. Par fierté il m’apporte un verre pour me montrer que cela n’affecte pas le goût. Et c’est vrai. Le Chambolle Musigny 1947 Maison Remoissenet et Fils est pour moi le vin qui représente ce qu’est l’académie. Il est si bon que je suis presque persuadé que c’est moi qui l’ai apporté, ce qui choque à juste titre l’ami apporteur de ce trésor.

Le Château des Jaubertes Grand vin du Marquis de Pontac  Graves supérieures qui doit être des années 80 est doux, charmeur, d’une belle couleur dorée. C’est une belle surprise. Le Château Sigalas-Rabaud 1896 que j’ai apporté est pour beaucoup leur premier vin du 19ème siècle. L’émotion est sensible. Malgré l’intérêt, je suis obligé de dire que c’est plus une évocation qu’un plaisir. Certains à ma table me trouvent sévère, mais c’est le cas. D’autant plus que le Château d’Yquem 1961 qui n’est pas au sommet de son art montre une vivacité chaude que n’apporte pas son aîné. Cet Yquem est extrêmement plaisant.

J’avais dit à l’apporteur du Coteaux du Layon Chaume, Château de la Guimonnière 1945 que sa couleur n’est pas très engageante. Il vient me montrer, verre en main, que le vin est toujours vivant. Il a raison.

Sur le dessert au chocolat, le Maury La Coume du Roy, de Volontat 1925 est d’un plaisir chaud et joyeux. A côté de lui, le Grenache Vieux des années 20, nettement meilleur que le même que j’avais ouvert il y a peu de semaines est très déroutant. Il combine le doucereux et le sec avec une complexité difficile à appréhender. Aussi, on se réfugie dans les bras du Maury beaucoup plus accueillant.

Un académicien m’avait prévenu que pour me remercier, il offrirait une demi-bouteille de Champagne Bollinger 1959. Mais les académiciens sont des vautours. Nous serons donc nombreux à bénéficier de cette générosité. Lorsque j’ouvre le vin, le bouchon vient bien trop facilement, et l’on découvre un champagne fatigué, mais toujours porteur du message raffiné de Bollinger. Une désagréable trace métallique m’a indisposé pendant une partie de la nuit. La générosité aura un souvenir plus durable.

Choisir entre tous ces vins est très difficile. Le vote que j’ai fait n’a pas été confronté à d’autres. Je mettrai en premier, de loin, le Champagne Mumm Cordon Vert années 20, suivi du Bâtard-Montrachet Chanson Père & Fils 1959, puis le  Volnay Taillepieds Domaine de Montille 1969, le Champagne Edouard Besserat 1966, le Château Puyblanquet Saint-Emilion 1929, le Château Canon 1959 et le Château d’Yquem 1961.

Lorsque je dirigeais un groupe comptant plusieurs centaines de cadres que je réunissais chaque année, il était d’usage que les plus soucieux de leur carrière me disent que la réunion qui s’achevait était de loin la plus réussie de toutes. Je n’ai pas de carrière à défendre mais il me semble que cette réunion fut la plus belle de toutes celles que nous avons faites. Les vins furent d’une grande qualité, les bourgognes se montrant les plus exceptionnels. L’ambiance était chaleureuse, joyeuse, rieuse. Cette occasion donnée à des vins d’âges canoniques de briller lors d’une réunion d’amateurs compétents est un concept qu’il faut amplifier en visant, comme nous le fîmes ce soir, l’excellence absolue.

Académie, tout commence et tout finit par… vendredi, 5 juin 2009

Tout commence et tout finit par de la générosité.

Un académicien venu m’aider à ouvrir les bouteilles a apporté cela pour étancher nos soifs de travailleurs :

Ce Dom Pérignon 1996 fut but avant la 10ème séance de l’académie des vins anciens.

Un académicien heureux de venir a offert cette demi-bouteille en espérant que beaucoup d’amis seraient déjà partis pour qu’on la boive en petit comité. C’était pour me remercier :

 Champagne Renaudin Bollinger 1959

académie des vins anciens – vins de 1995 à 1969 vendredi, 5 juin 2009

Champagne Besserat de Bellefon non millésimé vers 1995 (4 bt)

Champagne Mumm, René Lalou 1985

Clos de la Coulée de Serrant N.Joly 1983

Champagne Krug Grande Cuvée années 80 (2bt)

Champagne Exclusive Vintage 1980

Martinez Lacuesta – Rioja – Blanc 1980

Château des Jaubertes Grand vin du Marquis de Pontac  Graves supérieures  (quelle année ???)

Château Ausone 1979

Château La Tour Léognan 1979

Riesling Clos des Capucines Domaine Weinbach 1977

Château Haut Brion 1971

Château Ducru-Beaucaillou 1970

Volnay Taillepieds Domaine de Montille 1969 sans étiquette (il vient directement du domaine, et ce qui est curieux, c’est qu’il a été capsulé)

Château Haut Brion 1969

académie des vins anciens – vins de 1967 à 1959 vendredi, 5 juin 2009

Vega Sicilia Unico 1967 (basse)

Château Larcis-Ducasse 1967

Château Rolland Taillefer Pomerol 1967

Vega Sicilia Unico 1966 (basse)

Champagne Edouard Besserat 1966

Château Coustolle, Côtes de Canon-Fronsac 1966

Vega Sicilia Unico 1964 (basse)

Château Bouscaut blanc 1964

Château d’Yquem 1961

Marques de Riscal Reserva 1961  (notez la société Philomathique !)

Vougeot Tasteviné J. Thorin 1961 (basse)

Rioja 1960

Chambertin 1959 de la maison Pierre Bourée Fils

Puligny Montrachet A. Bichot 1937 (qui est en fait un 1959). On a étiqueté au dernier moment sans voir l’étiquette ancienne.

Bâtard Montrachet Chanson Père & Fils 1959

Château Canon 1959

académie des vins anciens – vins de 1955 à 1896 vendredi, 5 juin 2009

Beaune Bressandes 1955 Joseph Drouhin

Beaune 1953 Leroy (année illisible)

Domaine de Chevalier rouge 1952

Chambolle Musigny A. Rossigneux et Fils 1947 

Chambolle Musigny 1947 Maison Remoissenet et Fils

Coteaux du Layon Chaume, Château de la Guimonnière 1945

Volnay Champy P&F 1945 (basse)

vin de champagne Saran Moët & Chandon 1943 (année annoncée, illisible)

Château Puyblanquet Saint-Emilion 1929

Maury La Coume du Roy, de Volontat 1925 (2 bt)

Grenache années 20. Notez le « très recommandé »

Champagne Mumm Cordon Vert années 20

Château Sigalas-Rabaud 1896

(pas facile à lire)

Académie des Vins anciens – 10ème séance du 05 juin 2009 – les règles vendredi, 5 juin 2009

Académie des Vins anciens – 10ème séance du 05 juin 2009

Informations sur la 10ème séance de l’académie des vins anciens du 05 juin 2009 :

Lieu de la réunion : restaurant Macéo  15 r Petits Champs 75001 PARIS  01 42 97 53 85

Date de la réunion : c’est le 05 juin à  19 heures, heure absolument impérative.

Coût de la participation : 120 € pour un académicien qui vient avec une bouteille ancienne. 240 € pour les académiciens sans bouteille. Chèque à adresser dès maintenant à l’ordre de "François Audouze AVA" à l’adresse suivante : François Audouze société ACIPAR, 18 rue de Paris, 93130 Noisy-le-Sec.

Inscription : par mail à François Audouze

Proposition de vins anciens : indiquer toutes informations sur l’état et le niveau. Toute bouteille proposée doit être agréée par François Audouze

Dates limites : comme nous sommes proches de la date de réunion : livrer les bouteilles au plus vite après approbation. Envoyer votre chèque avant le 25 mai, date vraiment limite.

Nota : les chèques reçus avant la séance ne sont pas remis en banque avant la séance. Il n’y a donc aucun avantage à retarder l’envoi.

Livraison des bouteilles :

Si vous déposez les bouteilles, faites le au bureau de la maison de champagne Henriot 5 rue la Boétie 75008 PARIS – tél : 01.47.42.18.06. C’est au deuxième étage. Indiquez bien votre nom sur votre paquet, mais surtout, n’écrivez rien sur les bouteilles et ne collez rien sur les bouteilles. Ne mettez pas votre chèque avec la bouteille.

Si vous expédiez les bouteilles, faites le à l’adresse de mon bureau : François Audouze société ACIPAR, 18 rue de Paris, 93130 Noisy-le-Sec, et je les garderai dans ma cave. Bien indiquer ACIPAR sur l’adresse de livraison

Informations complémentaires :

Vous pouvez vous informer sur les précédentes réunions en regardant sur le blog, dans la catégorie « académie des vins anciens ».

un vin de 1730 mercredi, 3 juin 2009

Aujourd’hui, j’ai reçu un vin de 1730 environ. Il provient de la cargaison d’un bateau qui a coulé en 1735. L’estimer à 1730 est réaliste.

La cargaison a été retrouvée en 1983 par des fouilles sous-marines, et le gouvernement hollandais a préempté certaines pièces dont cette bouteille. Elle a été récemment remise sur le marché et un français l’a acquise. Il a goûté le vin et l’a trouvé imbuvable. Il a consciencieusement rebouché la bouteille après ce prélèvement de 2 cl qu’il a remplacé par de l’eau stérile. Il dit que c’est imbuvable, mais que c’est encore du vin.

J’ai ouvert le paquet avec mon fils. Nous avons chacun guetté les réactions de l’autre. A un moment mon fils m’a demandé : voudras-tu l’ouvrir ? J’ai répondu que si je le fais, j’aimerais que ce soit bu avec lui.

La bouteille a été posée dans une case de la cave, à côté d’un flacon qui m’a été adressé il y a quelques années par un professeur d’université américain qui porte cette seule bague autour du goulot : "Port 1548". Ayant peur d’un mauvais plaisant, je n’ai pas remercié de l’envoi. C’est une autre énigme.

Ouvrir les deux le même jour ? En tout cas, c’est une belle émotion d’avoir un flacon qui a du liquide de 270 ans.

 

dîner chez Yvan Roux lundi, 1 juin 2009

Après les agapes du 119ème dîner, départ vers le sud. Un des fidèles parmi les fidèles, présent à ce dîner, part lui aussi dans la même direction. Avec une grande logique, nous nous retrouvons chez Yvan Roux.

Un nouvel arrivage de Pata Negra est absolument goûteux, le gras et le sel étant judicieusement équilibrés. Autant dire que le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs en magnum 1995 se régale à son contact. Ce champagne est serein, équilibré, goûteux, facile à boire. Un vrai champagne de plaisir. Le carpaccio de barracuda crée un accord encore plus émouvant, la fraîcheur citronnée de la chair excitant la bulle paisible. Les femmes se partagent un beau homard, les hommes se partagent des langoustes et une cigale. C’est le moment de faire entrer en piste le vin apporté par mon ami. Un Aloxe-Corton 1929. L’étiquette est drôle, car elle ne comporte que ces mentions : Aloxe-Corton, appellation contrôlée, et le nom et l’adresse d’un caviste du 12ème arrondissement de Paris : Appert et Cie 22 Cour Baudoin. Il s’agit donc d’un vin on ne peut plus ordinaire étiqueté longtemps après 1929. Qui plus est, le vin a pris l’avion, est allé chez mon ami, a voyagé avant le dîner et a cahoté sur le chemin criblé de trous qui mène chez Yvan Roux. Et avec une facilité insolente, ce 1929 se présente avec un velouté, un charme qui confirment l’invraisemblable excellence et la solidité de 1929. S’il y a une légère amertume, elle ne diminue en rien le plaisir d’un vin franc, doux, bien plein en bouche, sans imagination débordante mais porteur de joie de boire.

Alors que je suis assez habitué aux vins ce ces années, je m’émerveille toujours qu’un petit vin de 80 ans puisse supporter d’être baladé ainsi et délivrer un plaisir plein de charme, simple, sans sophistication, mais sincère. La chair du mérou est la meilleure que j’aie mangée de ce poisson. L’aubergine au pesto est la seule touche qui accompagne la sobriété de la chair. Une glace vanille conclut un beau repas riche de belles saveurs et de la surprise d’un 1929 frais comme un gardon.  

 le carpaccio, la cigale et la langouste

le mérou et l’aubergine

 

119ème dîner de wine-dinners au restaurant Ledoyen jeudi, 28 mai 2009

Le 119ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Ledoyen. J’avais annoncé dans la liste des vins une bouteille de La Tâche 1969 basse. De ce fait j’avais ajouté un vin aux dix habituels prévus pour dix convives. En préparant les vins il y a une semaine pour les livrer au restaurant, la couleur du Bienvenue Bâtard Montrachet 1960 m’est apparue peu sympathique, aussi ai-je ajouté un Chablis. Au moment de l’ouverture, les bouchons brisés ou émiettés sont particulièrement nombreux. Une anecdote mérite d’être signalée. La seule bouteille qui a été reconditionnée est celle du Guiraud 1893, exactement comme celle du même vin ouvert à Pékin. Mais l’opération de toilettage pour le vin de ce soir a dû être faite plusieurs années auparavant, car il m’est impossible de lire le millésime du rebouchage, une légère pellicule collée au bouchon masquant le marquage. Le flacon est d’origine, et après avoir bataillé pour lever le bouchon, celui-ci se brise et je constate que la partie de bouchon sortie est boursouflée. Ceci est dû au fait que le verre a une surépaisseur en haut de la bouteille, mais au lieu qu’elle soit à l’extérieur, elle est à l’intérieur. Elle bloque donc la remontée de la partie restante du bouchon qui tombe dans le liquide. L’obstacle sera logiquement aussi insurmontable à la remontée des morceaux. J’appelle à l’aide les deux sommeliers mais ils sont occupés ailleurs. Je bataille et par un coup de curette ressemblant à une sortie de bunker par Tiger Woods, je réussis à extirper l’ensemble du bouchon de ce piège inattendu.

L’odeur du Bienvenue Bâtard Montrachet indique une mort quasi certaine et celle de La Tâche commence par être encourageante pour Frédéric et Vincent, les deux sympathiques sommeliers, et pour moi. Mais une demi-heure plus tard, le vin n’a pas pris la tendance attendue d’une guérison heureuse. Sentant l’ensemble des vins, j’estime prudent d’ouvrir un vin de plus et je prélève de la cave du restaurant un Corton rouge de Bonneau du Martray.

Les vins que je prévois pour les dîners de wine-dinners sont comme mes enfants. Même si je remplace ou complète pour tenir compte des faiblesses des vins, je suis triste quand un vin ne se présente pas au mieux. Pour La Tâche, je savais qu’un niveau bas est à risque, mais il y a eu tellement de belles surprises que j’ai un espoir. L’odeur la plus belle est celle du Château de Malle 1961, suivie par celle du Chablis Louis Latour 1979. Celle du Cheval Blanc 1962 me plait beaucoup.

Les convives arrivent ‘presque’ tous à l’heure. Il y a trois journalistes dont deux pionniers de grands magazines français, il y a trois chefs d’entreprises qui militent chacun à des degrés divers dans des organisations patronales, et au sein de notre groupe de dix, il y a trois des quatre plus fidèles de mes dîners, chacun ayant eu la palme de la fidélité à l’une ou l’autre période des neuf années de dîners. 

Le menu conçu par Christian Le Squer est ainsi présenté : Caviar de Sologne givré à l’eau de mer / Daurade Royale à cru, fine gelée de cotriade / Morilles en croûte de pain virtuelle / Rouget snacké aux mousserons / Pigeonneau: cru et cuit à la graine de sésame / Foie de veau en persillade et oignons frits / Stilton / Variation autour de la Mangue.

Les petits amuse-bouche sont une introduction au monde culinaire de Christian Le Squer. Sur une évocation d’anguille dans un macaron, le Champagne Dom Pérignon 1976 est très à l’aise. De couleur claire malgré ses 33 ans, ce champagne à la bulle très fine est d’un grand raffinement. Il est prévu sur la première entrée, et l’émulsion qui entoure le caviar est très originale. Mais c’est le caviar seul, très dense et profond, qui est destiné à mettre le Dom Pérignon en valeur, dans un accouplement qui ne souffre pas des tares de la consanguinité. Un ami présent dit : « si les choses commencent aussi fort, la suite du repas aura-t-elle la capacité de tenir ce niveau ? ».

Un démenti est immédiatement apporté à son interrogation par un accord qui représente pour moi un sommet absolu. La sensation est physique. C’est la même que celle d’être arrivé à gravir une montagne de plus de 8000 mètres : tout-à-coup, la fatigue n’existe plus. C’est celle d’avoir gagné la balle de match : on trottine en décontraction totale vers le filet pour serrer la main du vaincu. Il y a de cela entre le Champagne Krug 1982  et la daurade. Le champagne est d’une classe infinie. C’est un aboutissement de la complexité idéale du champagne. Et la daurade a un je ne sais quoi qui, comme Madame Arthur, fera parler d’elle longtemps. Elle sait capter le génie du vin. Sur ma chaise, j’ai les remuements et les signes que quelque chose de grand se passe. On touche quasiment au divin.

Les morilles sont merveilleusement délicieuses. Vont-elles ressusciter le Bienvenue Bâtard Montrachet Tasteviné Bouchard Père & Fils 1960 ? On pourrait le croire, car le vin donne le change pendant trois secondes en bouche. L’attaque ne révèle aucun vice. Mais c’est le final qui est mortel. Le vin est mort, définitivement mort, même s’il peut être bu sans aucune grimace. Il sert à mettre en valeur le Chablis Premier Cru Louis Latour 1979 qui est délicieux. Il est impossible de lui donner un âge et c’est presque incompréhensible qu’il puisse avoir trente ans, tant sa couleur est d’un jaune citronné et son goût d’une fraîcheur juvénile. L’accord entre la morille et le chablis est plus que pertinent.

J’ai un amour certain pour le Château Cheval Blanc 1962 que j’ai bu plusieurs fois. Celui-ci est bon, comme l’annonçait son parfum à l’ouverture, mais je le ressens sous un voile de poussière. Comme j’ai l’habitude de boire les dernières gouttes de la lie, la noblesse du vin m’est réapparue sur le concentré final d’un vin d’une grande finesse. Et c’est réellement réconfortant de savoir qu’il est au rendez-vous, même fugacement. En fait peu d’entre nous s’intéressent à ce vin, car la vedette dévorante, qui accapare tous les esprits, c’est le Château Haut-Brion 1923 que je n’aurais pas attendu à un niveau aussi exceptionnel. Je dis à un ami : « rien que ce vin justifie à lui tout seul le voyage que nous faisons dans le monde des vins anciens ». Car ce vin a tout pour lui. Il est généreux, velouté, chamarré des reps les plus lourds et décoré de cistes de Cybèle. C’est un plaisir rare que goûte particulièrement l’un des journalistes, membre du Club des Cents, et adorateur de ce Château. Le rouget présenté plus cuisiné que dans sa pureté réagit moins aux deux bordeaux, même si l’accord se trouve.

On me sert en premier La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969 et j’interromps les discussions animées pour déclarer que contrairement à mes avertissements, ce vin n’est pas malade. J’en profite quelques instants, mais je remarque que l’on gronde autour de moi au fur et à mesure que le vin est servi. Certains amis se plaignent de son odeur. Or dans mon verre servi des premières gouttes, je ne sens toujours rien. On me demande comment n’ai-je rien remarqué et par un phénomène étrange, ce vin qui n’avait aucun signe de bouchon et aucun goût de bouchon va développer tardivement dans mon verre une forte odeur de bouchon, non perceptible en bouche. Pourquoi l’apparition de cette odeur a-t-elle été cachée pendant plusieurs minutes, c’est une énigme pour moi. Le vin, même s’il suggère ce que pourrait être la signature du Domaine de la Romanée Conti ne présente aucun réel intérêt. Là aussi, par un effet de compensation, le Clos Vougeot Paul Dargent 1928  va n’en paraître que plus beau. On a en ce vin tout le charme et l’opulence de l’année 1928. Ce qui est appréciable, c’est la pureté du message. On ne se trouve pas en présence d’un bourgogne parmi les plus complexes. Mais il y a une générosité, une clarté de voix qui n’appartient qu’à des vins de race ou à des vins d’une immense année. La couleur encore sur le rubis, comme celle aussi jeune du Haut-Brion 1923, est un petit bonheur. Ce qui me frappe, c’est l’équilibre de ce beau vin, moins racé que le Haut-Brion mais très chaleureux. Le pigeon en trouble plus d’un, car il est assez peu fréquent qu’une des aiguillettes soit servie crue. Si l’on accepte le voyage en terre inconnue, c’est d’un beau dépaysement.

J’ai stoppé Vincent qui voulait servir en même temps le Corton Bonneau du Martray rouge 1999 et j’ai bien fait. Nous le buvons en ‘entre-deux’, comme un trou normand. Il nous fait prendre conscience de l’éloignement considérable des deux mondes, celui des vins anciens et celui des vins récents. Car cet excellent Corton dont on jouirait autrement avec bonheur fait ici simplifié, ébauche, silex non taillé. Il n’eût pas été nécessaire d’ouvrir un vin de plus. Mais j’avais été anxieux lorsque j’ai ouvert des vins incertains.

Le Fleurie Remoissenet Père & Fils 1967 est une belle curiosité. Son parfum d’ouverture était sympathique. Comme pour le Cheval Blanc 1962 je ressens un voile de poussière. Le vin n’est pas grandiose mais il méritait d’être essayé. On s’intéresse surtout au Chateauneuf-du-Pape Réserve des Chartres 1947 dont je tombe amoureux. Les vins du Rhône, quand ils atteignent ces âges, prennent une sérénité, une simplicité de ton qui m’évoque la calligraphie chinoise ou la justesse des traits des dessins de Picasso. On dirait que le Rhône joue à l’économie de moyens pour ne délivrer que l’essentiel, mais quel essentiel !

Sur un Stilton parfait, le Château de Malle Sauternes 1961 se montre éblouissant. Il joue, sur cette année, dans la cour des grands, embouchant une trompette alto en mi-bémol. Chaud, caressant, puissant, il n’a pas une extrême profondeur, mais il se rattrape par sa joie de vivre, que lui communique abondamment le fromage.

Le Château Guiraud Sauternes 1893 est un seigneur. Vivant, noble, serein, subtil, il est précieux et délicat. On ne peut que l’aimer, la mangue lui convenant parfaitement, sa couleur évoquant les mangues bien mures.

Il était déjà fort tard quand il a fallu cesser les échanges animés pour se concentrer sur les votes. L’un des journalistes ayant dû s’éclipser, c’est son voisin de table qui vota pour lui en se fiant aux commentaires qu’il lui avait faits en cours de repas. Quatre vins n’ont pas eu de vote, le Cheval Blanc, le Bienvenue Bâtard, La Tâche et le Fleurie. C’est très logique si l’on considère les performances qu’ils ont eues ce soir, mais cela veut dire aussi que neuf vins ont figuré dans les votes, ce qui me console. Cinq vins ont été nommés premiers, ce qui est bien quand on sait que le Haut-Brion 1923 est élu au premier tour, avec cinq votes de premier, remarquable performance. Le Guiraud obtient deux votes de premier et les trois autres vins qui ont eu un vote de premier sont le Krug, le Chateauneuf-du-Pape et le Malle.

Le vote du consensus serait : 1 – Château Haut-Brion 1923, 2 – Château Guiraud Sauternes 1893, 3 – Chateauneuf-du-Pape Réserve des Chartres 1947, 4 – Champagne Krug 1982.

Mon vote est : 1 – Champagne Krug 1982, 2 – Chateauneuf-du-Pape Réserve des Chartres 1947, 3 – Château Haut-Brion 1923, 4 – Clos Vougeot Paul Dargent 1928. La place de premier accordée par le consensus est plus logique que celle que j’ai donnée, mais c’est l’accord sublime qui a influencé mon choix.

La cuisine de Christian Le Squer a été particulièrement inspirée. Les accords se sont bien développés. Le service a été une nouvelle fois exemplaire. Personne ne voulait quitter la table, chacun prolongeant le confort moelleux d’avoir vécu une belle aventure. Les moments intenses furent nombreux au cours de ce grand dîner. Apparemment comme me l’a fait remarquer Patrick Simiand, je porte chance au restaurant puisque chaque fois que j’y fais un dîner, tous les salons sont occupés, la cuisine ayant servi ce soir plus de trois cents repas.

Alors, revenons vite …