L’amour du vin comparé à la plongée sous-marine mardi, 8 novembre 2011

Sur un forum de vins, la passion du vin, mon récit sur le pinot noir du 18ème siècle (ou début 19ème siècle) découvert dans l’abbaye de Saint-Vivant a suscité des commentaires d’une grande faiblesse. Et l’un des administrateurs du forum a eu une réaction de dédain pour ce qu’il a considéré comme du vinaigre. Sa remarque, montrant un manque de curiosité pour ces vins atypiques m’a suscité la comparaison avec le monde sous-marin.

Celui qui boit des vins des 25 dernières années est comme celui qui fait du tuba. Avec masque et tuba, on peut voir dans la mer des choses merveilleuses. De zéro à moins 15 mètres, il y a un monde marin de toute beauté.

Celui qui boit des vins entre 1900 et 1961 (limites pour fixer les idées) est comme le plongeur qui plonge entre moins 20 mètres et moins 60 mètres. Les coraux sont beaucoup plus beaux; les poissons sont plus gros, et des espèces qui ne s’aventurent pas dans les basses surfaces sont visibles. Et la sensation d’entrer dans un monde nouveau est d’une grande plénitude. Ce monde là est quasiment mon quotidien, avec des émotions que la balade en tuba ne peut pas donner.

Et puis, il y a ceux qui prennent un bathyscaphe et vont se promener de moins 100 à moins 500 mètres. Les ignorants disent que ce monde sous-marin est mort, alors qu’il est étonnamment vivant. Bien sûr, il n’y a plus les couleurs chatoyantes des fonds baignés de soleil (le fruit), mais il y a des poissons et des visions qu’aucune des deux approches de la plongée ne peut donner. Et il y a parfois des trésors dans des épaves que nul n’a visitées, comme ces vins de Chypre de 1845 qui sont les plus émouvants de ma vie. Ce monde, c’est celui des vins de plus de cent ans, que j’ai le plaisir et l’honneur de pratiquer.

Alors bien sûr, on peut être heureux d’utiliser son tuba. Mais refuser la plongée bouteille ou la plongée bathyscaphe, c’est un singulier manque de curiosité.

Qu’on dise : « je n’y ai pas accès », je le comprends. Mais qu’on n’en ait pas la curiosité, c’est une erreur. Plus qu’une erreur pour un passionné, une faute.

La passion d’un amoureux de curiosités antiques mardi, 1 novembre 2011

La personne chez qui je suis allé à Rennes goûter le vin de 1690 qui m’a procuré une émotion énorme est un passionné. C’est lui qui avait déniché cette bouteille.

Il n’a pas des moyens gigantesques mais sa passion le pousse à explorer des vins atypiques dont certains sont prestigieux.

J’adore cette authentique passion. Voici le message qu’il m’a envoyé, « dans son jus », pour que sa passion transparaisse comme elle s’exprime :

Romanée Conti 1964 avec Dominique Fornage en Suisse : Rose Reglisse , 20 sur 20

Petrus 1947 bouchon étiquette d’origine, 1000 euros en Belgique chez Vinum Petri spécialiste des vieux Van der Meulen : Framboise Botryfiée ,19 sur 20

Yquem 1921 1500 euros chez Vinum Petri :Mélasse de Fraise,19 sur 20

margaux Aligre vers 1850 ,100 euros a la cave de saint Germain les lices a Rennes ( qui a des cognac du 19eme dont des 1811 ) La bouteille a 2 sceaux, bouchon d’ origine :couleur rouge,fruits rouges en attaque ,puis du cuir chevalin , 12 sur 20

Gruaud Laroze 1869 d’épave,j’ai raté la vente aux enchère mais l’acheteur me la revend 700 euros.Reconditionnée en 1992: couleur rose virant marron dans le verre.massif, cuir chevalin en attaque , orange en milieu ,safran en finale , ensemble salé et marin et un peu chocolaté. 22 sur 20

Sauternes vers 1865 ,j’achete cette bouteille 500 euros près de bordeaux a la veuve d’un collectionneur, c’est la plus vielle de la cave, elle refuse de la confier a un transporteur, je me déplace.Verre vert avec des bulles rondes dedant ,bouchon d’origine rétrécit ciré : vin épais noir,concentration et puissance inouies ,merveilleux gout de mélasse de pruneaux botrifiés 25 sur 20

Porto garrafeira 1871 ,130 euros a la cave nationnal garrafeira de lisbonne spécialiste des portos maderes antiques.le vin a passé 60 ans en bombonnes ,embouteillé vers 1930:robe marron,prunes botryfiées ,très bon mais pas magique 15 sur 20

madères ,j’ai travaillé 18 mois a oslo, dans un bar a vin au nom oublié , un couple commande 2 madères 1825 et 1845 enbouteillés vers 1920 ,ils partent en laissant la moitié pour le personnel, le sommelier chinois me fais gouter les vins: Racés avec des paliers dans le corp ,vieux bois. 20 sur 20

PX vers 1800, 400 bouteilles diverses du 19eme sont retrouvées entérées dans un chateau a saint brieux,aux enchères j’en obtient une pour 60 euro l’une des plus vielles et moins chères,,un cilyndre en verrre noir ciré début 19eme identique a votre lachrima christi 1805: noir et visqueux, caramel café très chargé en safran. Des années après l’ouverture le dépot sent toujours bon .Un long sejour en fut probable indique que le vin pourrait dater de la fin 18eme 24 sur 20

Madère 18eme offerte par monsieur Audouze ,cilyndre en verre noir vers 1800 : couleur or , sublime fin racé complexe long ,le miel se mélange au caramel,l’alcool a la cire,le citron a la pomme, les fleurs aux noix.le vin a bien du passer 50 ans en bombonne comme c’est la méthode des grand maderes , il pourrai dater entre 1730 et 1780 , 24 sur 20

oignon 1730 d’épave d’un 3 mats de la mer du nord coulé dans une tempete,800 euros a un antiquaire australien.:a l’ouverture forte odeur de crotte d’éléphant puis plus d’odeur,bois pourri salé très passé sans alcool ,au nez une touche de cuir bovin, imbuvable. 3 sur 20

Oignon 300 ans bouteille d auberge antérieure a la commercialisation publique .1000 euros aux enchères a londres. Elle vient d’une cave mais le vendeur garde l anonymat .Bas niveaux,bouchon moisi , couleur jaune orangé: très peu d alcool mais il a encore du corp; Nez d herbes de provences ,bouche: vieux tabac terre craie. 17 sur 20

J’adore cette passion. La bouteille bue ensemble est la dernière de ce message.

dîner chez des amis du sud dimanche, 30 octobre 2011

Dans le sud, chez des amis, l’apéritif débute par un Champagne Mumm Cordon Rouge qui est vite remplacé car il se boit bien, facilement et sans histoire, sur du Pata Negra et des tranches d’un imposant Brie de la Ferme des Trente Arpents.

Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1990 est mis en valeur par le précédent. On mesure grâce à cette succession toute la richesse, les notes briochées et la longueur de ce très plaisant champagne. Un loup cuit au four et une tarte Tatin sont accompagnées avec délicatesse par ce beau champagne ainsi que par un Château Larose-Trintaudon 2004 qui est fort plaisant à boire et d’une sympathique franchise.

En cette fin d’octobre, l’été indien se déguste comme un grand vin.

prix Edmond de Rothschild – préparatifs mercredi, 26 octobre 2011

La baronne Nadine de Rothschild remet chaque année deux prix qui couronnent des ouvrages sur le vin. Le jury se réunit dans une salle de réunion de l’immeuble de la banque Rothschild. Nous sommes en petit comité du fait des vacances scolaires et de nombreux votes ont été exprimés hors séance. Nous discutons des ouvrages en compétition qui seront primés dans un mois.

Un buffet contrebalance les nourritures spirituelles. Le Château Clarke 2005 est d’un très bel épanouissement.

Je découvre le Champagne Barons de Rothschild que je ne connaissais pas et qui s’accorde merveilleusement avec le brie délicieux produit sur les terres de notre hôtesse.

Les discussions entre membres du jury, essentiellement des professionnels de l’écriture sur le vin, sont animées et passionnantes.

déjeuner à La Cagouille mercredi, 26 octobre 2011

Un jeune amateur de vins que j’ai connu par un forum est un passionné de champagnes. Vivant dans le Nord, il a parfois des occasions d’achat dont il me fait profiter. Nous devons nous retrouver à Paris et je choisis le restaurant La Cagouille car cela me donnera l’occasion de discuter avec André Robert, le propriétaire des lieux, du prochain dîner de l’académie des vins anciens qui se tiendra en ce lieu.

Arrivant en avance pour mettre au point ce dîner, André m’offre une coupe de Champagne Henriot blanc de blancs fort agréable. Nous bavardons et je grignote des crevettes grises dont le goût salé excite bien le champagne. Comme souvent en ce lieu, on trinque avec une table voisine d’habitués.

Julien arrive. J’ai apporté un Champagne Cuvée des Princes de Venoge 1983 qui se présente dans une magnifique bouteille. Ce champagne me plait énormément car il est à la charnière entre le champagne jeune et le champagne ancien. Sa tension, sa précision appartiennent aux champagnes jeunes alors que son doucereux et son équilibre qui gomme les aspérités appartiennent aux champagnes anciens.

Les coques dans leur jus sont une signature de l’établissement. Leur goût légèrement sucré convient idéalement au champagne. Pour les fines de claire, c’est un Champagne Perrier Jouët 1989, apporté par Julien, qui va convenir le mieux. Car ce champagne encore jeune est d’une grande rigueur qui n’exclut pas le charme. Il est délicieux et les huîtres lui conviennent bien, sans toutefois l’exciter.

Arrive alors pour chacun une assiette de pétoncles dont les coquilles supérieures cachent la chair des bivalves. Malgré cela, j’ai l’intuition que c’est un vin rouge qui ira avec ce plat que je n’ai pas encore goûté. André Robert nous apporte un Bourgogne Pinot Noir J.F. Coche-Dury 2002 que nous découvrons à l’aveugle. Le nez me séduit immédiatement qui annonce un vin velouté. Et c’est vrai qu’il est délicieux, doux. L’accord avec les pétoncles est percutant.

Le cabillaud est particulièrement goûteux. Julien a apporté un Champagne Piper Heidsieck Brut Extra des années 60 qui est définitivement un champagne ancien, avec un doucereux délicat et une rondeur qui développe sa complexité. C’est surtout avec les pommes de terre parfaites et leur sauce que le champagne se plait. Le repas se conclut de façon déraisonnable avec un moelleux au chocolat et le cognac maison qui est un Cognac Frapin qui titre 50,3°. L’ambiance de ce restaurant est amicale et enjouée. A côté de notre table, un ex-candidat à la présidentielle 2012 déjeune sans que personne ne s’en soucie. André Robert est venu de nombreuses fois à notre table pour discuter et trinquer avec nous.

Je serais bien incapable de classer les trois champagnes qui ont des expressions de trois âges du champagne qui ont chacune leur intérêt. Ce fut un repas marqué par l’amitié.

dîner d’automne chez des amis samedi, 22 octobre 2011

Des amis nous invitent à dîner. La maîtresse de maison fait une cuisine d’automne subtile : velouté de cèpes et marrons : rôti de veau aux carottes, navets et girolles.

Le Champagne Louis Roederer se boit agréablement, avec un plaisir plus grand que de précédentes expériences. Le Sancerre Clos Paradis domaine Fouassier 2009 est très précis et bien dessiné. Il ne fait pas tellement sancerre, car il titre 14°, mais il me plait beaucoup pour son message direct et une acidité mesurée. Il accompagne bien le velouté.

Le Château Ausone 1971 est un saint-émilion très dogmatique, serein et encore très jeune. Un grand vin très plaisant. Le Château Gruaud-Larose 1966 est plaisant lui aussi. Il est plus rond, plus velouté et aussi très jeune. Deux beaux quadragénaires.

Le Vouvray Nectar Brédif 1997 est un vin moelleux dont les raisins ont été marqués par la pourriture noble. Il ne titre que 13° mais donne l’impression de plus. Je le trouve très agréable et frais. Nous avons conclu ce dîner par le Cognac Adet de 130 ans environ que j’avais ouvert il y a une semaine pour des américains.

dîner au restaurant Shang Palace de l’hôtel Shangri-La jeudi, 20 octobre 2011

Avec mon ami Tomo, nous nous sommes fixé un programme qui n’est pas aussi hypothétique qu’une promesse électorale : « la vie est trop courte, ne perdons aucune occasion de boire nos grands vins ». Tomo a été enthousiasmé par le restaurant chinois de l’hôtel Shangri-La. Il veut absolument que nous le découvrions. Nous pourrons apporter nos vins. Aussi est-ce l’occasion de surenchères amicales.

J’arrive à 18 heures devant l’hôtel Shangri-La. Le voiturier est en habit et chapeau. Une Bentley, une Ferrari et une Porsche survitaminée montrent qu’ici on ne badine pas avec le luxe. Le voiturier fort aimable m’indique le chemin du restaurant chinois le Shang Palace où je suis accueilli par des « bonjour Monsieur Audouze ». Deux sommeliers m’attendent car ils savent que je vais ouvrir les vins que Tomo a apportés il y a deux jours. Tomo me rejoint. L’ouverture du Musigny Georges Roumier 1982 est facile. La première impression qui me frappe est que le vin sent le chocolat. Bien sûr, le vineux et le fruit ne sont pas absents, mais il y a une trace cacaotée qui donne de l’assise à un vin qui semble très délicat.

Le Montrachet Marquis de Laguiche 1977 est d’une année qui normalement n’est pas très inspirée. Mais sa couleur m’avait plu. Le niveau est parfait, le bouchon aussi et l’odeur est envoûtante. On ne pourrait pas imaginer mieux, même pour une année plus prestigieuse.

Le Musigny Comte de Vogüé 1943 a un niveau plutôt bas, mais sa couleur m’avait plu. Lorsque je décapsule, le haut du bouchon est noir, poussiéreux, et sent la terre, comme certains vins de la Romanée Conti. Le bouchon est d’une belle couleur acajou rouge et sort entier. L’odeur est magnifique et terriblement prometteuse.

Entretemps, nous avions commandé un Champagne Cristal Roederer 2002 qui jouit d’une belle réputation et que je n’ai jamais bu. Ce champagne me plait, sans la moindre hésitation. Il est riche, fruité, avec un joli fumé. Je trouve ce champagne très attachant. Son équilibre est convaincant. Il est profond et laisse une trace impérieuse très engageante. C’est un grand champagne qui me donnera envie d’en ouvrir d’autres.

Nos épouses nous rejoignent et nous entrons dans la salle à la décoration plutôt conventionnelle, mais je ne suis pas un expert en art chinois. Elle manque de chaleur. La chaleur vient de l’équipe, attentive, motivée et efficace. C’est Tomo qui compose le menu avec Zi, efficace sommelier. Nous commençons par une préparation de légumes et champignons, pour nous mettre en appétit, puis des tranches de joues de bœuf. Une langouste de grande taille a une chair magnifique et subtile. Ensuite, c’est un canard laqué entier qui est découpé en petits dés de peau croustillante et présenté en deux services. Un imposant ormeau est ferme mais goûteux. Le riz cantonnais est d’une qualité supérieure. Et une glace vanille clôture cet imposant repas de grande qualité.

Le Montrachet Marquis de Laguiche 1977 est d’une magnifique couleur à peine ambrée. Son nez est extraordinaire, annonçant des complexités infinies que la bouche révèle. C’est un montrachet magique de subtilité que jamais nous n’aurions situé aussi haut pour le millésime 1977. C’est la déclinaison de complexités citronnées et de fruits jaunes qui me ravit.

Le Musigny Georges Roumier 1982 est manifestement un grand vin, mais je trouve qu’il joue de façon feutrée et timide, surtout à côté de l’autre musigny. C’est un plaisir et un honneur de boire un vin d’un producteur aussi fameux et nous ne le boudons pas mais il manque un peu de charnu et de complexité.

A côté, le Musigny Comte de Vogüé 1943 est impérial. Il a la joie de vivre bourguignonne, une précision plus grande que celle du Roumier, et un charme extrême. Il montre que la baisse de niveau ne l’a pas diminué, car on chercherait en vain un signe de faiblesse. C’est un très grand bourgogne serein et épanoui, complexe, au beau fruit noir. Il est très séduisant et nous conquiert.

Avec Tomo, nous profitons de chaque gorgée, car nous avons conscience de vivre un grand moment. Mon classement des vins de ce soir, en mettant de côté le champagne est : 1 – Musigny Comte de Vogüé 1943, 2 – Montrachet Marquis de Laguiche 1977, 3 – Musigny Georges Roumier 1982. Les trois vins sont grands, et le Shangri-La, par son accueil, son service et la qualité de ses mets, nous incitera à y revenir. Ce fut une grande soirée amicale, sous le signe de la générosité partagée.

déjeuner de conscrits au Yacht Club de France mercredi, 19 octobre 2011

Un nouveau déjeuner de conscrits se tient au Yacht Club de France. Nous y prenons goût, car le directeur de la restauration et le chef ont une telle implication que la cuisine est d’une qualité remarquable. Comme quoi la motivation donne de grands résultats.

Le champagne Waris-Larmandier est un blanc de blancs d’Avize. Il se présente dans une bouteille fleurie de façon kitsch, un peu à la façon de Perrier-Jouët. Le champagne est assez agréable, à la bulle un peu lourde. Le Champagne Billecart-Salmon Brut Réserve est un cadeau du président du Yacht Club qui se réjouit de nous voir festoyer avec bonheur. Il est plus précis et très agréable. Il se marie bien à l’entrée faite de coquilles Saint-Jacques, langoustines et foie gras.

Pour la bouillabaisse, nous aurions dû accueillir le premier de deux Chablis Premier Cru Vaillon, La Chablisienne 2003. Hélas le vin est bouchonné aussi en application du principe de précaution, nous avons intercalé un champagne Barnaut à Bouzy 1999 sympathique et sans histoire.

Le chablis est absolument excellent. Sa vibration est belle et il est pertinent sur la bouillabaisse. Nous avons poursuivi avec un Pouilly-Vinzelles cuvée les Remparts de Bret Brothers 2009 qui m’a un peu gêné par la verdeur de sa jeunesse, même si sa fraicheur le rend intéressant.

Déjeuner au Yacht Club de France est toujours un moment de plaisir.

dîner au restaurant de Patrick Pignol samedi, 15 octobre 2011

Le lendemain avec ma femme, nous arrivons très en avance, ce qui nous permet de bavarder avec Nicolas, le sympathique sommelier et avec Patrick Pignol avec qui j’esquisse le menu en fonction des produits de saison. C’est encore un peu tôt pour le lièvre à la royale, mais c’est encore temps pour la grouse. Le néozélandais étant reparti sous d’autres cieux nous sommes cinq avec Murray, Steve et Ted, tous trois californiens. J’ouvre les bouteilles que j’ai apportées pour montrer ma méthode. Les bouchons m’obligent à livrer bataille tant ils s’émiettent. Les nez des deux vins sont spectaculaires, chacun dans son genre : le Richebourg exprime toute la classe des vins du domaine de la Romanée Conti et le Vega Sicilia Unico a un fruit presque irréel.

Comme hier je choisis le champagne, un Champagne Comtes de Champagne Taittinger 1988 délicieux. On mesure à quel point l’âge est nécessaire au Comtes de Champagne, car, même si le champagne paraît très jeune, c’est le temps qui lui a donné de l’ampleur et une étoffe rassurante. Il a une belle acidité et une longueur riche. Mes nouveaux amis l’apprécient alors que nous le goûtons sur une gelée de pieds de porc et une crème de chou-fleur.

Murray est un adorateur des vins de Raveneau qu’il a du mal à trouver aux U.S.A. aussi grappille-t-il dans les cartes des vins. Celle du restaurant de Patrick Pignol a deux pages pour les vins de ce domaine. Il choisit un Chablis Grand Cru Valmur domaine François Raveneau 1996. Lorsqu’il arrive seul, avec une acidité très prononcée, ce vin nous séduit par sa précision. C’est de la belle ouvrage que ce vin là. Sur un excellent damier de coquilles Saint-Jacques et truffe, il trouve un peu d’ampleur.

Mais lorsqu’arrive le Meursault Les Perrières Leroy négociant 1995, force est de constater que le Leroy fait de l’ombre au Raveneau, essentiellement à cause de l’acidité du chablis. Le Meursault est rond, généreux, chatoyant, ample et nous ravit sur une originale composition de moules et de girolles où s’exprime sa jeunesse citronnée. Il poursuit son festival sur une assiette de cèpes en prenant de la rondeur, puis sur une aile de raie absolument délicieuse avec des févettes et traitée sans aucun accompagnement pour avoir la richesse de sa chair.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953 a un niveau assez bas, ce qui est un facteur d’incertitude mais sa couleur vue en cave m’avait plu. Son odeur à l’ouverture était splendide et maintenant, on pourrait se contenter de respirer le vin tant il exprime l’A.D.N. des vins du domaine, fait de pétales de rose et de sel. Je n’arrête pas de m’extasier devant cette odeur divine. Sur un foie gras poêlé, le vin est impérial et si la rose abonde, on peut noter de petites pointes de truffe. La délicatesse et la noblesse de ce vin sont extrêmes. Mes amis se pâment comme moi. C’est un grand moment de communion.

Pour la grouse délicieuse, avec une sauce lourde, c’est le tour du Vega Sicilia Unico Reserva Especial mis en bouteilles en 1979 et donc composé de 1962, 1964 et 1968 de ravir nos papilles. Le nez est entièrement de fruits rouges et noirs. En bouche, l’ampleur est extrême mais je ne retrouve pas le velouté onctueux que le nez suggère. Le vin est grand, racé, avec des notes de chocolat et de café judicieusement orientées par la sauce, mais il est plus strict que velouté.

Patrick Pignol a préparé un soufflé au cognac (assez présent !) pour que nous continuions de jouir de l’immense Cognac Adet vers 1880.

Après ce Marathon, Ted est quasiment mort mais Murray et Steve sont en pleine forme et ne tarissent pas d’éloge pour le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953 qu’ils considèrent comme le vin le plus brillant de leur voyage. Nous nous sommes promis de nous revoir, et ces deux repas ont forgé une amitié nouvelle avec de vrais amateurs de vins, sympathiques, charmants et généreux.

L’amour du vin quand il est partagé crée de belles rencontres et de grands moments de communion.