magnifique vin australien à Miami mercredi, 1 février 2012

Nous commençons à organiser les sorties de la deuxième et dernière semaine à Miami. Il y aura un peu de tout, dont des endroits à la mode où « il faut » être vu. Ma belle-fille réserve. Pour ce soir c’est steak chez mon fils. Je lui demande s’il a prévu un vin rouge et il me montre trois hypothèses. Mon humeur est d’un calibre plus élevé aussi allons-nous chez le caviste le plus proche, dont je sais qu’il a de belles pioches. Dans l’armoire des pépites, il y a de quoi satisfaire toutes mes envies. Je choisis trois vins, tout en lorgnant un vin très cher qui serait de mes folies à un prix plus modeste.

Arrivé à la caisse, je présente mes bouteilles et la caissière n’arrive pas à saisir le code et le prix de l’une des trois. Elle appelle au téléphone le patron pour faire débloquer l’article à sa caisse et j’en profite pour faire passer le message : « à un prix nettement moins cher, je suis preneur de ce vin », le vin que j’ai lorgné. Le silence au bout du fil dure suffisamment longtemps pour que je propose au client qui nous suit de passer devant nous, et, après une proposition assez osée de réduction, le verdict tombe : « d’accord ». Je paie les quatre bouteilles et nous retournons chez mon fils. Deux d’entre elles, dont la fameuse, feront notre dîner.

Le Champagne Dom Pérignon 2002 est comme le péage sur autoroute, un point de passage obligé. Il est nettement meilleur que le précédent bu ici, mais il n’a pas la totalité de la vibration que j’escompte. Ce n’est qu’en fin de repas, après le petit monstre qui va apparaître, que j’ai retrouvé les fleurs blanches qui signent si bien ce grand champagne.

Ma belle-fille a cuit d’excellentes pièces de bœuf qui sont idéales pour le vin qui va suivre. Le Penfolds Grange Bin 95 Hermitage 1989 est une légende. Le nez à l’ouverture combine une richesse de plomb avec une gracilité champêtre. En bouche, c’est la folie la plus pure. Car ce vin qui titre 13,5° ce qui n’est pas excessif aujourd’hui, a une ampleur et une pondération en bouche qui sont phénoménales. Les mots sont difficiles à choisir pour dire qu’un vin puisse être lourd et aérien. Et le plus envoûtant vient de la fin de bouche, totalement végétale, avec des feuilles de cassis, d’anis et de menthe. La longueur est immense, et le final est aérien, la menthe donnant une fraîcheur inouïe. J’avais bu ce vin il y a cinq ans, et dans ma quête de l’époque, ce vin ne m’était pas facilement accessible, même si je reconnaissais sa grandeur.

Aujourd’hui, je jouis d’un vin qui est dans un état de plénitude absolue. Il a la puissance mais il est aérien. Il a un fruit énorme, mais son final est végétal. Il est dominant, mais sa fraîcheur est irréelle. Il y a cinq ans, je l’avais goûté avec un Vega Sicilia Unico du même millésime, et le vin espagnol était beaucoup plus dans ma culture que le vin australien. Aujourd’hui, j’aimerais refaire la même comparaison, car je crois que mon cœur vibrerait plus avec l’australien que je comprends beaucoup mieux.

On est, de toute façon, dans l’excellence la plus absolue du vin, dans une acception particulière, où l’on n’a pas peur de la puissance, combinée à un final mentholé. Chaque gorgée est un bonheur absolu. Quel grand vin !

en famille à Miami dimanche, 29 janvier 2012

Miami est une ville assez fascinante. Comment est-il possible qu’il y ait une telle concentration de richesse dans un très grand nombre de quartiers ? On ne peut pas oublier qu’il y a aussi de la misère, mais dans les quartiers proches de la mer, c’est saisissant d’opulence. Les rues sont belles, les jardins sont léchés, et l’atmosphère est paisible. Avec mon fils, nous avons suivi en vélo des routes où la végétation et les maisons nous font passer d’un émerveillement à l’autre.

De retour de cette balade, un Champagne Dom Pérignon 2002 bu sur des crevettes panées de noix de coco ne crée pas l’émotion habituelle. Et à table, sur de grosses coquilles Saint-Jacques à l’ail, le Champagne Delamotte Blanc de Blancs sans année vibre plus que le Dom Pérignon, ce qui indique que pour chaque champagne, il y a des moments de vibrations et des moments où la liaison n’est pas établie. L’important est évidemment d’être ensemble et de partager de grands moments comme avant-hier à Tampa.

dîner de pure joie au Bern’s Steak House de Tampa en Floride vendredi, 27 janvier 2012

Dans ma vie de collectionneur de vins anciens, il y a quelques moments qui comptent plus que tout. Depuis une quinzaine d’années on m’avait parlé de Bern’s Steak House à Tampa qui a la plus belle cave au monde. Je brûlais d’envie d’y aller, mais prendre sur mon emploi du temps pour aller à Tampa ne me semblait pas possible. Et le sort voulut que mon fils s’installe à Miami. Ignorer Tampa devenait impossible. François Mauss avait raconté son dîner avec Lafite 1881. De quoi exciter encore plus mon envie.

Le jour vient. Nous quittons Miami en voiture, mon fils et moi, traversant les Everglades où les échassiers les plus beaux sont plus nombreux que les pigeons à Paris. Sur les vastes autoroutes, le gigantisme automobile est de rigueur, la palme revenant à un camion impressionnant comme celui du film « le duel » de Spielberg, qui ne transporte qu’un canapé tenu par des élingues. La débauche écologique est spectaculaire.

Tampa est une ville impersonnelle faite pour des êtres aussi impersonnels qui peuplent les congrès qui n’ont aucun intérêt. Notre hôtel, le Westin, est l’exemple absolu de la froideur. L’idée qu’un client puisse exister derrière un numéro de chambre n’est sans doute jamais venue aux concepteurs de cette immense machine.

Nous avons prévu de nous rendre vers 17h30 au restaurant pour choisir les vins que nous boirons ce soir. Nous attendons longtemps Brad Dixon le sommelier du lieu et nous consultons avec lui la carte des vins, dans les directions que nous donnons. Je suis frappé de voir à quel point la carte des vins très anciens est chiche, car dans beaucoup de domaines, j’ai beaucoup plus de vins, et Brad nous explique que la cave est pillée en permanence par des amateurs, au point que le chiffre d’affaires de vins atteint entre six et huit millions de dollars par an. Brad me dit : « pourquoi n’êtes vous pas venu il y a quelques années ! ». Et il explique la pénurie actuelle par la politique tarifaire voulue par le fondateur, qui rend des vins rares accessibles à beaucoup d’amateurs.

Malgré cela, il reste beaucoup de belles idées à explorer. Alors que j’aurais aimé que l’on ouvre vite des bouteilles que nous aurions choisies, Brad nous suggère d’aller nous changer à nôtre hôtel et de revenir dès que nous pourrions pour que nous choisissions dans la sélection qu’il aura faite à partir de nos idées, plus ce qu’il rajouterait, car il a besoin de temps pour rassembler tout cela.

Notre table étant retenue pour 19h30, nous sommes là à 18h40, avec l’espoir que l’on ouvre vite nos bouteilles. Mais Brad n’est pas disponible, et quand il l’est il nous fait visiter la cave du restaurant. Nous longeons la cuisine gigantesque et pénétrons dans une cave conçue il y a de nombreuses années où chaque bouteille a une case et un numéro. La cave ne fait « que » cent mille bouteilles, car la « vraie » cave, qui a pu contenir de l’ordre d’un million de bouteilles et en fait aujourd’hui la moitié est dans un immeuble voisin. Brad nous explique l’histoire et nous conduit à un endroit où il a fait une sélection. Pour mirer les bouteilles dans cette pièce aussi sombre, c’est un sport difficile. Un Pichon Baron 1890 me plairait beaucoup, mais le vin fait clairet en mirant avec des lampes incertaines. Des Pape Clément 1926 sont en dessous de toute vidange. Plusieurs bouteilles sont peu engageantes.

Compte tenu de la pénombre qui règne en cave, je choisis six bouteilles en demandant qu’on me les présente en salle pour que je retienne les trois que nous boirons. Lorsque nous sommes installés dans une salle horriblement chaude, je me fie à mon intuition et le Clos de Vougeot Meunier 1918 au niveau très bas, que beaucoup ignoreraient, me plait. Elle a le niveau bas, il y a du dépôt qui colle au verre, mais je crois en elle. Il y a une Lafite 1906 très belle, mais j’ai des Lafite de ces époques. Aussi, mon choix se porte sur un Langoa Barton 1893 et un Durfort 1895, essentiellement parce que la probabilité que je trouve un jour ces bouteilles est proche de zéro.

Nous attendons encore que Brad se libère pour ouvrir les vins. Inutile de dire que je suis nerveux quand quelqu’un d’autre que moi ouvre les bouteilles. Il prend la première et massacre tout. Dans le temple du vin ancien, sa méthode a tout d’un amateur. Je l’aide à extirper les restes qui menacent de tomber dans le vin et je prends en charge l’ouverture des deux autres. Je dois à la vérité de dire que le comportement de Brad a été exemplaire, car plus d’un sommelier aurait rouspété qu’un client se mette à vouloir donner des leçons à des professionnels. Tout au long de ce voyage, Brad a montré une intelligence de la situation exemplaire.

Je sens chaque vin et je suis assez impressionné, car chaque parfum évoque du fruit. Il y a de la vie dans chacun de ces nez.

Il fait tellement chaud dans la pièce que je fais verser un verre de chaque vin à mon fils et à moi, en demandant que le reste des bouteilles soit stocké au frais en cave.

Nous avons commandé une pièce de veau qui arrive dix fois plus copieuse qu’espéré, et des pièces de bœuf. Le seul accompagnement sera une pomme de terre en robe des champs et des frites. Car il ne faut aucune déviation gustative pour nos vins. Mon chateaubriand vieilli plus de quatre semaines est d’une délicatesse fondante. Un régal, idéal pour les vins.

Le Clos Vougeot Meunier 1918 a un nez qui évoque les fruits rouges, avec une grande précision. La couleur est d’un rouge d’un sang clair, sans trace de tuilé, ce qui sera le cas pour les autres vins. Ce vin est joyeux, riche de fruit, d’une précision extrême. Il est éblouissant. J’avais peur au début que du fait de son niveau bas et de son ouverture tardive, il s’estompe vite, mais il n’a jamais baissé d’intensité. Il a même développé des goûts inouïs, où l’on retrouve aussi bien les fruits rouges que le café, le moka et le cacao. Un vin immense, le plus grand de la soirée.

Le match entre les deux bordeaux aura été incertain pendant toute la soirée.

Le Château Langoa-Barton 1893 a une couleur magnifique. Son nez aura beaucoup changé. Très pur au début, il serait allé vers le gibier, mais s’est repris pour revenir vers une grande pureté. Une acidité de départ s’est fondue, et le vin a pris du corps et de la profondeur. Puis il a montré des signes de fatigue, et en fin de repas, il a repris son fruit.

Le Château Durfort 1895 a une couleur encore plus intense dans la jeunesse pure. Un rubis. Le nez est au début plus imparfait et c’est le troisième des trois. Mais il va jouer au yoyo avec le Langoa-Barton, le devançant ou étant devancé par lui. Je pense qu’au final, ce fut lui le plus racé des deux, à la trace profonde d’un vin au fruit prononcé.

Au final je classerai ainsi : 1 – Clos Vougeot Meunier 1918, 2 – Château Durfort 1895, 3 – Château Langoa-Barton 1893, mais les deux bordeaux se sont volé leurs places tout au long de la dégustation.

Pendant le repas, j’ai été pris par une folle excitation, fondée sur les éléments suivants : imaginer que nous allons à la cave la plus grande au monde et constater que j’ai plus de vins anciens que cette cave, ça donne le vertige. Voir que chez le spécialiste des vins anciens, on utilise une méthode d’ouverture qui va maintenant s’inspirer de la mienne, vu ce que j’ai vu, ça pose des questions. Avoir choisi trois vins dans un panel incertain et constater que les trois sont bonnes, ça me pousserait normalement à penser que j’ai du nez. Enfin, ouvrir de tels trésors avec mon fils, c’est un plaisir incommensurable.

J’ai demandé à Brad de venir avec trois verres pour qu’il trinque avec nous sur chaque vin. Il n’en revenait pas que les trois puissent être aussi bons.

Ce soir, ce dîner avec mon fils, dans la Mecque du vin, avec trois vins que j’ai choisis et qui ont brillé, c’est une grosse pierre blanche dans mon parcours d’amoureux du vin.

Je l’ai voulu et ce fut réussi. Je suis heureux.

Quelques compléments d’ambiance. Le local de Bern’s, vu de l’extérieur, ne paie pas de mine, il est indéfinissable. Ce que l’on voit le plus, ce sont les voituriers, avec leur tarif écrit en grand. Lorsqu’on passe la porte pour s’annoncer au comptoir où attend une foule très dense, on est saisi par la décoration. Tout l’or du monde se retrouve dans ce décor de théâtre. Les escaliers et une mezzanine ont des balustres dorés, les lourds lustres sont dorés, les fauteuils qui sont plutôt des trônes sont dorés. Tout est en stuc doré. Le plafond étant très haut, les tableaux et portraits de famille s’étagent en plusieurs couches. La simplicité n’est pas à l’ordre du jour. Le restaurant ne fait pas de déjeuner. A 17h30, je pensais que nous serions seuls, en avance sur le service. Or en fait, le restaurant est plein – cela se compte en centaines de couverts – et les arrivées se succèdent à un rythme fou.

Le service virevolte et la cuisine que j’ai aperçue lors de ma visite de cave est immense. Probablement plus de trois cents mètres carrés. Dans la partie de la ville où se trouve le restaurant, il y a de nombreuses villas anciennes, datant probablement d’une cinquantaine d’années. Et au dessus des portes, nous avons vu que le drapeau américain est flanqué du drapeau noir des pirates. Y a-t-il une fête qui se célèbre, je ne sais pas. Toujours est-il que dans notre salle de restaurant, l’une des plus petites, qui compte cinq ou six tables, l’une d’elles, de trois hommes et d’une femme d’une cinquantaine d’années qui riait fort est minaudait comme une gamine, était déguisée en pirates.

Le lendemain, notre retour vers Miami nous à fait passer par Saint-Pétersbourg et par Naples. Les homonymies sont amusantes. Faisant un détour par Saint Pete Beach, nous longeons des hôtels qui tous évoquent par leurs noms ou leurs enseignes les dauphins. Nous nous arrêtons pour aller regarder la mer sur une magnifique plage de sable fin. Je scrute les flots et je demande à mon fils de regarder. A moins de deux cents mètres plusieurs dauphins ont sauté devant nous, avec cette grâce ondulante et synchronisée. Cette vision est ravissante.

l’entrée du Bern’s Steak House

une autre vue de l’entrée sur le site du restaurant

la cave du restaurant

apparemment, les viandes sont stockées comme les bouteilles !

les bouteilles proposées que nous avons écartées (les Pape Clément 1926 en vidange n’ont pas été photographiées)

notre salle à manger parmi de nombreuses salles

Brad notre sommelier

le choix proposé sur table entre six

le choix

sur la photo de droite et à droite, on aperçoit la femme des pirates

l’ouverture des vins sous l’oeil intéressé et attentif de Brad

les photos ne rendent pas assez bien la vivacité des couleurs des vins

j’ai l’air assez heureux, et les couleurs de la photo de gauche sont les plus réalistes

avec mon fils

les plats

les pirates

Dîner au restaurant Zuma de Miami mercredi, 25 janvier 2012

Dîner au restaurant Zuma de Miami. L’entrée de l’immeuble, qui fait hôtel, est cyclopéenne, gigantesque dans toutes ses dimensions, et décorée avec élégance. Mon fils est allé garer sa voiture à une sage distance, car devant l’enseigne du restaurant, seules les Bentley, Ferrari et Aston Martin sont dans le paysage. Mais si belles soient elles, elles ne sont rien à côté des gigantesques yachts amarrés au pied du restaurant. Une « barque » dotée de quatre moteurs de 300 CV fait dinky toys à côté de ces palaces flottants. Les voituriers sont innombrables, les vigiles protègent l’entrée, et au bureau de réception, quatre hôtesses pulpeuses vérifient les réservations. Nous suivons l’une d’elles à notre table, dans une immense salle dont la hauteur est surprenante. Le bruit est intense, du fait de la sono qui joue fort, mais surtout du brouhaha d’une jeunesse qui hurle en parlant dans cette salle sonore. On se croit dans une boîte de nuit, on est mal assis, mais c’est l’endroit où il faut être. Les femmes sont jeunes, et leurs formes débordent de robes étriquées. La vulgarité n’est pas loin. Les indispensables Louboutin mettent en valeur le galbe des jambes interminables de ces belles éthérées. Au centre de la pièce, la cuisine bien agencée est active comme une ruche.

Une serveuse efficace nous conseille le choix des menus et nous nous laisserons guider par un menu conçu par le chef, aux plats innombrables d’une qualité exceptionnelle dans un registre japonais. La qualité des produits et l’intelligence de l’exécution sont remarquables. Pour qu’un lieu soit à la mode, il faut bien sûr le talent d’un architecte, celui d’un décorateur, celui d’un concepteur et celui d’un communicateur. Mais ces talents conjugués ne seraient rien si la cuisine ne suivait pas. Or elle suit, et le service aussi.

Mal assis, dans le bruit, on se laisse entraîner par la qualité du repas. Poissons crus, tempuras, marinades, gigantesques gambas, viandes diverses et desserts complexes et gourmands, tout y est.

Le Champagne Larmandier Bernier Blanc de Blancs sans année est fort agréable. S’il manque un peu de corps, il le compense par sa gracilité et sa typicité. Sur un saumon cru, il prend une ampleur inattendue qui lui donne de la force.

Le Champagne Dom Pérignon 2000 est magnifique et l’on profite de son côté floral, de fleurs blanches, si romantique. C’est un grand champagne, encore meilleur du fait de son âge. Rien ne peut accompagner aussi bien cette cuisine orientale.

Après le repas, nous grimpons au 16ème étage de l’immeuble où se trouvent deux piscines entourées de cabanas, et d’où la vue est spectaculaire, surplombant les yachts et ouverte sur la myriade de grands immeubles plantés le long des canaux.

En retournant à la voiture, on est saoulé d’avoir aperçu tant de richesses. Miami est superlative. Elle nous a pris dans son tourbillon.

la cuisine au centre du restaurant

Au 16ème étage de l’immeuble, la folie !

il faut imaginer que le « petit » bateau en deuxième file, qui a quatre moteurs, a quatre fois 300 CV !

la vue !

il est temps de rentrer se coucher à bord…. (non, je plaisante, le notre est beaucoup plus gros !!!)

Miami et Palm Beach lundi, 23 janvier 2012

Départ à Miami pour rendre visite à notre fils. On attend beaucoup aux postes de douanes à Roissy, alors que curieusement, nous passons la douane à Miami avec une rapidité rare. Et les valises arrivent vite sur les tapis. C’est un grand contraste avec la livraison des bagages en France.

Miami crée un dépaysement particulier. Les routes sont larges, avec des trottoirs en pelouses, et tout est d’une propreté frappante. Les maisons sont cossues, sans clôtures qui les masquent, et tout semble étrangement propre, les jardins étant particulièrement bien entretenus. Il n’y a aucun embouteillage malgré le gigantisme de cette ville, ce qui est d’un confort particulier pour les banlieusards que nous sommes, subissant à Paris l’enfer automobile, amplifié par toutes les restrictions volontaires à la fluidité du trafic, le pompon revenant aux tramways en service ou en chantier, aberration culturelle française. Au débit des américains on pourra mettre la consommation d’essence, car tout le monde roule dans d’énormes voitures ou vans, qui sont des gouffres de pétrole.

Notre hôtel, le Sonesta, est à Coconut Grove, et notre chambre au 19ème étage surplombe la mer et ses innombrables bateaux. Chez mon fils un Champagne La Grande Dame Veuve Clicquot Ponsardin 1998 est agréablement buvable, mais manque de vibration et d’émotion. Il est suivi par un Champagne Pierre Moncuit Brut Hugues de Coulmet sans année dont le style tout particulier de Mesnil-sur-Oger nous parle beaucoup plus. Il a une tension et vibre vraiment.

Après une nuit réparatrice, nous allons nous promener sur l’une des innombrables plages de Key Biscane et tout nous pousse à penser que Miami est un site de loisir. On y travaille bien sûr, mais le week-end, tout le monde profite du sport et de la mer. Et il fait particulièrement beau.

Nous déjeunons au Rusty Pelican, et pour fêter nos retrouvailles, je fais ouvrir un Champagne Dom Pérignon 2002. On dirait que les deux champagnes d’hier sont des faire-valoir de ce magnifique champagne. Chaque gorgée est une gorgée de plaisir. C’est vraiment un aristocrate du champagne. Nous sommes devant la mer et les bateaux passent à des vitesses folles le long des côtes, et un petit hydravion se pose devant le restaurant en se frayant un chemin au milieu des bateaux. La nourriture est bonne et le service attentif. C’est une étape sympathique.

Nous partons à Palm Beach, et si Miami étale un grande luxe, ce n’est rien à côté de Palm Beach, qui regorge de propriétés qui n’existent que dans des rêves. Nous allons à une exposition « artpalmbeach » d’art de photographie et de design qui se tient au Palm Beach County Convention Center, site magnifique où l’exposition est agencée de façon remarquable. Les stands sont beaux, et la visite est plaisante. Nous rendons visite à un galeriste belge installé dans de nombreuses villes d’art dont Saint-Paul de Vence où nous l’avions connu. Il nous retient à dîner chez une sculptrice de grand talent et de grand succès qui loge dans un immeuble, le Trump Plaza, qui repousse la notion de luxe à des hauteurs inconnues. Le buffet et les boissons ne sont pas taillés dans le même métal.

Notre hôtel et la vue

chez mon fils

Au Rusty Pelican

dîner au restaurant Laurent avec quelques beaux vins vendredi, 20 janvier 2012

Avec Tomo et son épouse, la mienne et trois amis, nous nous retrouvons à dîner au restaurant Laurent. La forme que nous avons choisie est celle des casual Friday, c’est-à-dire que les vins sont apportés par ceux qui en ont envie et le coût des repas est partagé.

Etant arrivé largement en avance, j’ai le temps d’ouvrir mes vins et un vin déjà présent sur place. J’ai apporté quatre vins plus un qui est une inconnue, un Château Ausone 1937 au niveau en vidange. C’est un petit clin d’œil au restaurant Laurent qui en a beaucoup de ce millésime. Le parfum du vin me semble sympathique.

L’apéritif se prend dans le joli salon de réception sur des nems épicés et des sticks au saumon fumé, avec un Champagne Bollinger Grande Année 1999, solide, bien charpenté, fluide, bon à boire, mais peut-être un peu trop classique. Il se boit avec plaisir.

Nous avons la belle table au centre de la rotonde. Tournant le dos à la salle pour que les femmes trônent face à celle-ci, je peux voir les cyclamens mauves et violets aux couleurs intenses. J’ai mis au point le menu avec Philippe Bourguignon peu de temps avant l’arrivée des amis : araignée de mer dans ses sucs en gelée, crème de fenouil / jaune d’œuf coulant sous un « tortelli », bouillon-poulette, truffes noires / caille dorée en cocotte, rôtie aux abats, côtes de céleri mitonnées aux olives noires / lasagne de queue de bœuf braisée au vin rouge, moelle, cœur de sucrine / vieux Beaufort / soufflé chaud à la mandarine.

Sur l’araignée, nous avons simultanément le Champagne Dom Pérignon 1980 et le Chablis Grand Cru Valmur Raveneau 2007. Le Chablis est un vin à la belle couleur claire, au nez plutôt puissant. Il est très jeune et très expressif, mais le pauvre souffre du casting, car l’accord entre le champagne et l’araignée est si grand qu’il le paralyse. Nous décidons de le garder pour le fromage, car le combat est trop inégal. Le Dom Pérignon 1980 a une belle couleur dorée, son nez est charmeur, sa bulle très active, et en bouche, c’est le régal des champagnes déjà mûrs qui ont encore de la jeunesse. Il est rond, plein, fruité, dans des notes exotiques, et il est furieusement gastronomique, car il envoûte l’araignée pour créer un accord de feu.

Le Château Beychevelle 1994 et le Château Pailhas Saint-Emilion 1928 sont associés au plat nouveau à la carte du jaune d’œuf, traité de telle façon qu’il ne rejette pas les vins. Et là aussi, le déséquilibre d’attitude du vin envers le plat est saisissant. Le Beychevelle est un beau vin, plus rond que ce qu’indique son millésime, mais il fait pâle figure devant le plat alors que le 1928 s’approprie le plat et devient brillant, vivant, un très grand saint-émilion. Il est même étonnant qu’il ait tant de présence.

Le Château Ausone 1937 avait son niveau à l’endroit où l’épaule rejoint le cylindre de verre. Le risque était grand que le vin soit mort. Or à l’ouverture le parfum était prometteur. Il sent bon maintenant et il est un Ausone très typé, avec des évocations de truffe. Le plat lui répond bien. Nous avons réussi à profiter de ce vin, dont les blessures ne gênaient pas la dégustation, avant qu’il ne soit trop tard.

Sur les lasagnes de queue de bœuf, une fois encore deux vins, le Vosne Romanée Nicolas 1961 et le Volnay Henri de Villamont, Collection du docteur Barolet 1934. Alors que j’ai une bonne sensibilité au goût de bouchon, j’étais conquis par un nez très viril, costaud, bourguignon dans sa rudesse et je m’en réjouissais, mais ma femme me fit comprendre mon erreur : le vin a un goût de bouchon. Je dois confesser que je ne l’avais pas vu. Et après, bien sûr, on ne voit plus que cela, même si le goût est acceptable. Le Volnay est extrêmement fruité, d’une joie de vivre surprenante de jeunesse. Il a brillé sur l’excellent plat.

Les deux délaissés, le Beychevelle et le Chablis se sont épanouis, avec ou sans fromage. Le Château de la Forêt, Preignac 1923 à la couleur ambrée acajou superbe et au niveau impeccable dans la bouteille a un nez d’agrumes très présent. En bouche il est absolument délicieux, raffiné, élégant. C’est un grand sauternes de plaisir qui se boit tout seul, même si le soufflé lui va bien.

Dans ce lieu que je chéris, au service attentionné, nous avons – pour une fois – parlé plus de sujets hors vins que de vin. Dans les rires et les propos amicaux, nous avons passé une soirée animée d’où émergent deux vins : le Champagne Dom Pérignon 1980 et le Volnay Henri de Villamont, Collection du docteur Barolet 1934.

Un Pétrus éblouisssant sur un repas de truffe au Petit Verdot vendredi, 13 janvier 2012

Jean-Philippe, on ne le quitte plus ! A table à l’Arpège, il a montré une photo d’un plat de truffe qu’il a mangé récemment au Petit Verdot. Il nous dit : « si vous voulez en profiter, il faut se dépêcher ». Aussitôt dit, aussitôt fait, une table est réservée pour le lendemain.

Qui dit truffe dit Pétrus, aussi à 19 heures, arrivé en avance au restaurant Le Petit Verdot et accueilli par Hidé, j’ouvre une bouteille de Pétrus 1981 au niveau dans le goulot. Le bouchon résiste et se déchire en mille morceaux dont seuls ceux du bas sont imprégnés. Le bouchon avait bien joué son rôle. Une odeur intense emplit la pièce du premier étage. Le vin sent la truffe avec une intensité maximale. Si l’on veut que le vin s’aère, il ne faut pas laisser le niveau dans le goulot. Aussi est-ce par pur esprit de sacrifice que je décide de verser deux verres dont un pour Hidé, pour que l’oxygène soit efficace. Ce vin est Pétrus, au fond de l’âme. Il est d’une jeunesse incroyable et avec Hidé nous nous disons que si l’on disait 1995, on ne ferait pas d’erreur. Le vin est généreux, avec une acidité élégante, une étoffe puissante, et ce qui est marquant c’est une persistance aromatique absolument infinie. Le vin ne quitte plus le palais. Cléopâtre se baignait dans du lait d’ânesse. Nos palais sont noyés dans la truffe. Et c’est indélébile.

Les amis arrivent et j’ouvre les bouteilles. Le Champagne Jacquesson 1988 dégorgé en juillet 2009 et non dosé est très original. Par certains aspects il me rappelle des vins de Selosse, car il est légèrement fumé, cendré et vineux. Il se boit bien avec une belle épaisseur en bouche. Sur l’amuse-bouche à base de boudin noir, j’ai l’intuition que c’est le Clos de Vougeot Grand Cru domaine Leroy 1997 qui répondra le mieux et l’accord est cohérent. Délicieusement bourguignon, fruité, il deviendra canaille par la suite.

Le menu tout truffe n’est pas à la carte, « car il serait trop cher » nous dit Hidé. L’œuf poché à la truffe sent la truffe, c’est le moins qu’on puisse dire, car elle est envahissante. Son parfum signe sa qualité extrême. L’œuf est un peu discret par rapport à la tubercule, et je me mets à rêver de l’œuf d’hier à l’Arpège sur cette truffe de compétition. Le Château La Conseillante 1990 est « le » pomerol doctrinal, serein, adapté à son sujet. Car il épouse la truffe et la met en valeur. On sent que ce 1990 a devant lui des jours heureux, car il va s’épanouir encore. C’est un grand pomerol rassurant.

Le chef du Petit Verdot a fait ses armes aux côtés de Bernard Pacaud, qui avait mis au point avec Claude Peyrot au Vivarois la recette du feuilleté à la truffe entière et au foie gras. L’exécution de ce plat est miraculeuse, et l’on sent que l’on épouse un dogme. Ce plat est un pilier de la cuisine bourgeoise raffinée, celle que l’Unesco vient de sacraliser. Et quand on mange de façon gourmande, on sait que l’on tient la recette parfaite. Comme s’il avait compris l’importance de ce moment unique le Pétrus 1981 se montre magistral. Il se confond avec la truffe et nous sommes entraînés dans une osmose unique. La mâche de la truffe que l’on mord à pleine dent est la même que la mâche du vin velouté, totalement truffé, à la longueur infinie. Quel grand Pétrus. Un des amis chez qui j’avais bu mon premier Pétrus 1990 dit que ce 1981 est son plus grand Pétrus. Le jeune ami de vingt ans pour qui c’est le premier Pétrus est ému de commencer à « apprendre » Pétrus sur une aussi magique bouteille. Le vin est immense, d’une folle jeunesse, plus jeune que La Conseillante, et crée une atmosphère recueillie quasi religieuse, d’autant que le plat est d’une exactitude confondante. C’est sans doute illogique de le dire alors que nous n’avons parcouru qu’un trentième de l’année, mais ce pourrait être le sommet gastronomique de cette année 2012.

La bavette d’Hugo Desnoyers est fondante et goûteuse. Avec la truffe, c’est un régal. Le Château Gruaud Larose 1959 apporté au dernier moment est encore un peu trouble. Son nez est distingué. Malgré une légère fatigue, le vin a la noblesse et la sérénité de son grand millésime. Et l’accord est parfait. C’est intéressant d’associer la bavette avec le Saint-Julien et avec le Clos de Vougeot car les deux accords sont très différents. Le bordelais donne des notes veloutées, confortables, glissant en bouche avec volupté. Le Clos de Vougeot au contraire devient canaille, interlope, jouant sur la provocation gustative. C’est aussi un temps fort de ce repas.

Le vin de Bourgogne est déjà presque totalement asséché quand arrive un Aisy cendré fort crémeux qui lui convient bien. Un Mont d’Or et les desserts vont accompagner un Champagne Perrier Jouët 1978 que j’avais aussi apporté. C’est un champagne assez gouleyant, généreux, mais qui ne crée pas une émotion particulière. Il est là, il désaltère et c’est sa fonction.

En fin de repas, nous sommes quasiment groggys, car nous avons conscience d’avoir vécu un de ces moments uniques qui marquent d’une pierre blanche le parcours gastronomique de chacun. Hidé ne recherche pas les étoiles au guide rouge, car il veut rester maître de son destin, avec sa générosité et sa liberté. Et ce soir nous avons glané des émotions dont l’intensité dépasse celle des plus grandes tables étoilées que nous pratiquons. Dans son petit restaurant sans nappe, sans chichi, Hidé et son chef Yoshi Morie nous ont donné du bonheur, et Pétrus, sur une année qui n’est pas la plus spectaculaire, nous a donné les frissons qui justifient son statut de vin hors catégorie. Ce fut un immense moment.

déjeuner au restaurant l’Arpège mercredi, 11 janvier 2012

Jean-Philippe lance un message : « j’ai une table au restaurant l’Arpège, voulez-vous venir ? ». Tomo et moi disons oui. Nous sommes quatre et carte blanche est donnée au chef. Après des petites amuse-bouche légumiers, les plats se succèdent : sushi à la betterave rouge original et délicat, ravioles et bouillon aux légumes gourmands, damier de coquilles Saint-Jacques et truffe au goût très prononcé, langoustine à la chair crue très typée au caviar osciètre dont le goût est moins prononcé, un oignon rose en crème brulée très bien exécuté, des légumes croquants, spécialité de la maison, un œuf qui me fait tomber en pâmoison tant il est gourmand, une lotte et sa purée de céleri, un ris de veau croquant, une volaille cuite en croûte de sel à la sauce lourde et une succession de desserts.

Les plats brillantissimes d’Alain Passard sont l’œuf, l’oignon rose, la betterave en sushi et le pot pourri de légumes. Du pur talent. Le Champagne Egly-Ouriet 2002 est bien fait, mais il manque un peu de vibration. J’ai eu, de cette maison que j’apprécie, de bien meilleures expériences. A l’opposé, le Champagne Agrapart Minéral Extra Brut Blanc de Blancs Grand Cru 2005 suggéré par Gaylord est beaucoup plus vibrant et plaisant. Il s’anime sur les plats et notamment sur le bouillon.

Le Volnay 1er cru Mitans de Montille 2002 est un vin simple, facile, avec l’authenticité d’un vin de village. Je l’adore, et il crée un accord inattendu mais brillant et pertinent avec l’œuf du fait du poivre bien dosé du plat. Le Vosne-Romanée 1er Cru Aux Brulées Méo-Camuzet 2001 est un vin plus structuré et plus plein en bouche que le Volnay, ce qui est naturel, mais ne lui fait pas d’ombre. Ce qui est à signaler, c’est l’efficacité et la motivation d’une équipe enjouée qui nous a permis de partager un grand repas.

repas dans le sud avec un beau Corton Charlemagne samedi, 7 janvier 2012

Quelques jours plus tard, toujours dans le sud, nous invitons des amis qui n’avaient pas pu se joindre à nous pour le réveillon. Le Champagne Dom Pérignon magnum 1998 est vraiment joli dans cette bouteille. Et le contenu n’a rien à envier au contenant. Il est devenu plus vineux, et avec du jambon Belota-Belota, c’est un vrai bonheur, car le gras excite la belle bulle d’un champagne large et gourmand. L’association se fait aussi avec de la mimolette, donnant au champagne plus de tension.

Deux beaux homards passés au gril accompagnent un Corton-Charlemagne Bouchard Père & Fils 2000. Le parfum de ce vin est généreux et très complexe. En bouche, le vin est gourmand. Il a des myriades d’évocations joyeuses et se boit vraiment avec gourmandise.

Le cuissot de chevreuil et sa purée de céleri et patate douce est délicieux. La Côte Rôtie La Landonne Guigal 1986 est d’un grand raffinement. Le vin s’est assagi, il n’explose pas de fruit et on peut l’aimer ainsi, noble et élégant. Je préfère toutefois les Côtes Rôties de Guigal sur la fougue de leur jeunesse.

Des pots de crème au chocolat se prennent sur un Champagne Perrier-Jouët rosé 1966 qui plait à mes amis mais ne peut masquer son évolution, au-delà de la splendeur que j’ai tant aimée de ce vin. Notre amie a classé comme moi les vins de ce soir : 1 – Corton-Charlemagne Bouchard Père & Fils 2000, 2 – Côte Rôtie La Landonne Guigal 1986, 3 – Champagne Dom Pérignon magnum 1998, 4 – Champagne Perrier-Jouët rosé 1966.