J’ai bu l’alcool le plus cher du monde ! jeudi, 28 mars 2013

En allant au dîner de la fondation Chasseuil, je croyais que j’allais boire des vins intéressants, mais calés sur la taille du groupe : plus de 60 personnes.

Lorsqu’on nous a présenté la bouteille du Cognac Dudognon Héritage, dans un joli flacon d’or et argent, j’avais conscience que Madame Dudognon nous faisait un joli cadeau.

Mais j’avais mal lu ce qui est écrit sur la plaque en or de la bouteille : « World’s most expensive Cognac ».

Et je n’avais pas lu que c’était le cognac Héritage Henri IV !

En allant sur internet, j’ai vu que cette bouteille a été vendue deux millions de dollars !

TWO MILLIONS

Eh bé !

Je m’en suis bu tranquillement deux verres, en faisant profiter aussi mes amis de table.

A 20.000 $ le centilitre, j’ai bu probablement pour 160.000 $. Mon gosier vaut de l’or.

Merci Michel Chasseuil et merci la maison Dudognon.

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doit-on dire le ou la finale ? mardi, 26 mars 2013

Lorsqu’on parle de finale d’un vin, doit-on dire le ou la finale ?

Personnellement, j’aime bien dire le final, car cela me fait penser à la musique, à un opéra, plutôt que de dire la finale qui me fait penser à Roland Garros.

La finale d’un vin n’est pas un combat alors que le final d’un vin peut être une apothéose.

La question étant posée, j’ai regardé le Petit Robert.

Et à ma grande surprise, le final d’un Opéra s’écrit le finale, car on s’inspire du mot italien « finale » que l’on prononcerait en italien finalé mais le dictionnaire nous dit qu’on prononce final.

Alors, je devrais écrire le finale.

A première vue, ça choque. Car les mots en « ale » qui sont masculins ont un chapeau sur le a.

Hâle, mâle, râle, sont des masculins à accent circonflexe.

Mais la langue française glisse ou serpente avec délice et c’est alors qu’arrive le crotale, enroulé autour d’un squale.

Ces deux animaux m’indiquent qu’on peut écrire le finale.

 

Là-dessus, on me souffle dans l’oreillette que le Hachette du Vin parle de la finale.

En gaulois têtu, j’utiliserai le finale, car le lien entre le vin et la musique est plus pertinent pour moi que le lien avec une compétition sportive.

Vive le finale !

168ème dîner de wine-dinners au restaurant Laurent dimanche, 24 mars 2013

Gerhard est compositeur et chef d’orchestre. Sigrid est violoniste et professeur de violon. Ils vivent à Graz en Autriche et sont fous de vins. Ils viennent à Paris pour quelques jours et proposent que nous fassions un dîner de vins. Gerhard m’a envoyé sept bouteilles de vin, ce qui impose d’élargir notre groupe. Je contacte quelques amis en leur demandant de ne pas apporter de vin, puisqu’il y aura pléthore. La forme de l’organisation du dîner est celle d’un wine-diners aussi sera-t-il le 168ème dîner de wine-dinners au restaurant Laurent. J’indiquerai les vins de Gerhard par « (GP) ».

A 18 heures j’ouvre les vins et quelques parfums sont magistraux : celui de Laville Haut-Brion 1962 est conquérant, celui du Gruaud Larose 1922 est tellement flamboyant que je referme vite la bouteille avec un bouchon neutre pour ne pas perdre cette richesse olfactive et celui de la Côte Rôtie 1983 est tonitruant. Aucun autre parfum ne me fait peur.

Les amis arrivant de façon échelonnée, je commande sur la carte du restaurant un Champagne Delamotte Blanc de Blancs 2002. Classique, solide et fin, il est une bonne entrée en matière.

Le Champagne Pol Roger Blanc de Blancs 1985 apporté par Jean-Philippe marque un saut qualitatif significatif. Ce qui marque, c’est l’impression d’être en face d’un champagne parfait. Le sentiment de plénitude est spectaculaire. Alors, nul n’est besoin de décrire ce champagne, car c’est la sérénité l’opulence, la cohérence qui sont ses caractéristiques.

Après l’apéritif pris dans le salon en rotonde, nous passons à table. Nous sommes neuf dont sept buveurs.

Le menu mis au point par Philippe Bourguignon et Alain Pégouret est : royale d’oursins / carré d’agneau de lait grilloté/ canard croisé rôti, navets et endives caramélisés / Frégola-sarda truffée / fourme d’Ambert / cheese-cake et mangue fraîche, sur un sablé au citron vert / tarte fine au chocolat noir.

Le Champagne Krug 1973 est complètement différent du Pol Roger 1985. Si l’on voulait s’amuser à faire un parallèle, on dirait que le Pol Roger, c’est une Côte Rôtie de Guigal et que le Krug est un vin de la Romanée Conti. Car le Pol Roger est l’expression d’une joie de vivre sereine et le Krug est d’un raffinement subtil et émouvant. Ce champagne est d’une grande classe, presque insaisissable tant il déborde de complexité. Il est accompagné par des petits toasts au foie gras qui lui vont bien.

Le Riesling Ried Klaus Naturrein 1970 (GP) a la pureté d’un beau riesling mais il manque un peu de longueur. Il est masqué par le glorieux Château Laville Haut-Brion 1962 (GP) qui est d’une insolente jeunesse. Sa couleur est d’un jaune clair, moins jeune que celle du Carbonnieux blanc 1955 bu il y a deux jours. Mais les deux vins partagent beaucoup de qualités. Le Laville a un nez riche et envahissant, une acidité bien contrôlée et un kaléidoscope de saveurs impressionnant. La royale d’oursin goûteuse aide bien le riesling et cohabite judicieusement avec le Laville.

Le Château Gruaud Larose 1922 a un parfum impressionnant évoquant de lourds fruits rouges. Il est étonnant qu’un vin de 1922 puisse avoir cette puissance, mais c’est bien un 1922. Il est difficile de lui donner un âge car sa couleur est d’un beau rouge sang et son goût, dont Luc et Gerhard disent qu’il est très Saint-Julien est d’un épanouissement absolu. Il a de beaux fruits rouges et un accomplissement qui nous ravissent. Sa longueur est imposante.

J’avais peur que La Romanée, Domaine de la Romanée, Bichot 1969 ne soit pas au rendez-vous car elle avait un niveau assez bas. Si je l’ai choisie, c’est un clin d’œil, car Gerhard avait organisé il y a moins d’un an à Graz une verticale de 41 millésimes de la Romanée du Domaine de la Romanée. De fait, le vin est magnifique, très bourguignon avec des suggestions salines. Il a beaucoup de sensibilité.

A côté de lui sur le goûteux canard, le Richebourg 1949 Jules Belin (GP) est beaucoup plus puissant, aidé par une année splendide, mais il est un peu trop simple à côté de La Romanée. Sans cette proximité, on l’aimerait beaucoup.

La Côte Rôtie Côte Brune Gentaz Dervieux 1983 (GP) qui avait à l’ouverture un parfum tonitruant est d’une force tranquille très agréable. C’est le vin de plaisir mais aussi de raffinement. La Fregola-sarda est superbe mais quelques amis seront gênés par une excès de poivre comme ils l’avaient été avec le piment du carré d’agneau, un peu brûle-gueule. Cette Côte Rôtie est splendide.

Le Châteauneuf du Pape Domaine de Mont-Redon 1962 (GP) est un vin de grande classe et de grande subtilité. Plus fin que son voisin du Rhône, il souffre un peu du rayonnement du 1983. Mais je l’ai préféré du fait de sa finesse.

J’avais peur de la couleur un peu sombre du Château Rayne Vigneau 1938 et c’est pour cela que j’avais prévu un deuxième sauternes. Mais la couleur dans le verre est beaucoup plus belle et dorée que celle du vin dans la bouteille. Le nez du vin est très expressif, profond, dans des fruits bruns. En bouche, sa densité est belle et il est magnifiquement accompagné par la fourme d’Ambert dont le crémeux est exactement ce qu’il fallait. Malgré une année de petite réputation, nous jouissons d’un très agréable sauternes.

Le Riesling Trockenbeeren Auslese Weingut Johan Kiss 1973 (GP) n’a pas d’étiquette d’année. Gerhard le date de 1973 car le vin a eu une médaille d’or en 1976. Ce vin en demi-bouteille a la perfection du riesling. Je suis toujours impressionné par la précision du riesling, cépage génial. Le vin est délicieusement doux, avec un faible alcool que Gerhard estime de 11°. Le vin est magique.

Le Haut Sauternes Guithon Négociant vers 1894 est difficile à dater, mais fait partie d’un lot que j’ai acheté où tous les sauternes sont de 1891, 1894 et 1896. Prenons donc la valeur médiane. On ressent bien l’écart d’âge avec le Rayne Vigneau et mon cœur penche vers le plus âgé des deux. Je lui trouve un peu plus de profondeur que le 1938.

Le Banyuls Bartissol Vieille Réserve (GP) est probablement des années 50 ou 60. Il est assez simple mais franc et accompagne bien le dessert au chocolat. C’est un vin de gourmandise.

C’est le moment des votes. Il convient de signaler que le Pol Roger 1985 ne figurait pas sur les menus et a été oublié dans les votes. Je suis sûr qu’il en aurait recueilli. Nous sommes huit votants pour quatre vins chacun. Huit vins ont eu des votes. Quatre vins ont eu des votes de premier, le Gruaud Larose trois fois, le Laville deux fois ainsi que la Côte Rôtie et le Krug une fois.

Le vote du consensus serait : 1 – Château Gruaud Larose 1922, 2 – Château Laville Haut-Brion 1962, 3 – Côte Rôtie Côte Brune Gentaz Drevieux 1983, 4 – Champagne Krug 1973, 5 – La Romanée (Bichot) 1969.

Mon vote est : 1 – Château Gruaud Larose 1922, 2 – Champagne Krug 1973, 3 – Riesling Trockenbeeren Auslese Weingut Johan Kiss 1973, 4 – Châteauneuf du Pape Domaine de Mont-Redon 1962.

Les plats étaient judicieux, mais le dosage des épices a parfois gêné certains convives. Le service des vins par Virginie mérite tous les éloges et le service attentionné est toujours remarquable. L’ambiance multilingue était particulièrement enjouée. Il y avait autour de la table de solides connaisseurs de vins, dont les commentaires documentés et pertinents ont contribué à la réussite de cet excellent dîner.

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de beaux bouchons

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belle forêt de verres

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167ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Ledoyen vendredi, 22 mars 2013

Le 167ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Ledoyen. Lorsque j’avais fait les photos des bouteilles il y a une semaine, avant de livrer les vins au restaurant, j’avais trouvé que l’aspect de deux d’entre elles pouvait laisser penser à des problèmes. J’ai donc rajouté deux bouteilles plus une qui sera une sécurité supplémentaire. Les deux bouteilles ont été rajoutées sur le menu, mais pas la troisième dont l’ouverture n’est envisagée qu’en cas de nécessité.

A 17h30, tout a été préparé dans le beau salon Cariatides 1, d’où l’on voit l’Obélisque et son casque d’or au dessus des cimes des arbres du jardin qui conduit directement du restaurant à la Place de la Concorde. A l’ouverture, le bouchon du Carbonnieux blanc 1955 s’émiette. La Tâche 1950 a sur le sommet du bouchon une odeur de terre et le parfum du vin me soucie, comme celui du Macon blanc. Il s’agit des deux bouteilles qui m’inquiétaient la semaine dernière.

Le vin que j’ai un peu rapidement appelé Echézeaux Joseph Drouhin 1947 du fait de lambeaux d’étiquette qui ressemblent aux lambeaux d’étiquettes de plusieurs vins que j’ai en cave de cette maison est difficile à identifier. La capsule indique : Cave du restaurant la Bourgogne. Sur l’étiquette je peux lire que la fin du nom du vin est « …ES ». Deux idées me viennent : Bonnes-Mares, ou Nuits Cailles. J’exclus Pernand-Vergelesses et Auxey-Duresses, à cause de la taille des caractères. Le bouchon est beau et me rappelle ceux des Nuits Cailles 1915. Le nez du vin est magnifique. Je goûte un peu du vin et je serais tenté d’imaginer une très grande année ancienne. Dans mon hypothèse, je conçois bien un Bonnes-Mares 1929. Ça ne restera qu’une ébauche d’idée.

Ayant fini d’ouvrir les bouteilles annoncées aux inscrits et les deux supplémentaires, je pourrais estimer qu’avec treize vins dont deux fatigués, nous avons assez pour dix personnes. Mais j’ai furieusement envie d’ouvrir la bouteille qui ne figure pas sur les menus imprimés par le restaurant. Je compte un, deux, trois et hop, c’est parti et je me félicite car le parfum du vin est absolument diabolique. Ce vin est extraordinaire. J’annonce au sommelier qu’il faudra le faire boire à l’aveugle, pour que la surprise de mes amis n’en soit que plus grande.

Tous les convives sont à l’heure, ce qui est agréable, dont quatre, venant de province, sont largement en avance. L’un d’entre eux a soif et veut commander un champagne. Je lui explique qu’il y a quatorze vins au programme, mais il a envie et commande un Champagne Taittinger Comtes de Champagne 2004. Le champagne est très agréable, déjà joyeux malgré son jeune âge que l’on ne ressent pas. Les amuse-bouches sont absolument délicieux et de grand talent. Une bulle iodée présentée sur une cuiller en bois donne un coup de fouet magistral au champagne qui devient plus rond. Dans les amuse-bouches il y a une nouveauté, une bille noire à la truffe avec un eau iodée. C’est goûteux et original.

Le menu créé par Christian Le Squer est : huître de pleine mer au naturel / oursin au goût iodé / asperges vertes truffées, sauce mousseline / sole de ligne, concentré de sous bois / selle d’agneau de lait grillée au charbon de bois / toast brûlé d’anguille, réduction de jus de raisin / stilton / chocolat noir au lait de caramel.

Le Champagne Dom Ruinart 1990 est très bien mis en valeur par le Taittinger. Il est épanoui, solide, carré et l’huître est peut-être un peu trop goûteuse pour lui, l’excitant bien, malgré sa force. Ce champagne serein est une belle réussite de l’année 1990.

Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1973 a une personnalité plus affirmée et une complexité plus grande, même si la qualité du vin de base n’égale pas celle du Ruinart. L’oursin est exceptionnellement délicat et l’accord qui se crée est fusionnel. Il y a une vraie continuité entre le champagne et l’oursin. Nous démarrons très fort.

Sur les asperges au goût intense nous aurons trois vins blancs et je fais comprendre à demi-mot que deux d’entre eux sont difficiles.

Le Macon blanc Reine Pédauque 1934 que j’ai daté ainsi en l’absence d’étiquette d’année est plutôt des années 40. Il est fortement madérisé, ce qui serait acceptable s’il avait du charme. Il en manque.

Le Montrachet Robert Gibourg 1992 a une couleur trop ambrée. Le vin est passé, marqué par une oxydation excessive. C’est dommage, car 1992 est une grande année. Mais le plaisir n’est pas là. On aurait pu attendre qu’il se présente un peu comme un vin jaune, mais il ne le veut même pas.

Fort heureusement, le Château Carbonnieux blanc 1955 a tellement de charme qu’il en a pour trois. Sa couleur est d’un jaune citron comme celle d’un vin de dix ans. Et son goût est au même diapason. Le nez est très expressif, profond et le goût est complexe, délié, riche. Les asperges excitent bien les deux blancs de Bourgogne mais c’est inutile d’insister. Le charme est du côté du blanc de bordeaux qui gagne par K.O.

Lorsque j’avais lu « concentré de sous bois » pour le plat de sole, je n’imaginais pas qu’il s’agissait de morilles aussi ai-je peur de l’accord avec les deux bordeaux. Mais en fait cela fonctionne plutôt bien, la sole étant d’une cuisson parfaite. Le nez du Château Mouton-Rothschild 1964 est impérial, conquérant et d’une justesse exemplaire. C’est la promesse d’un vin de première grandeur. Le goût est rassurant, celui d’un Mouton très joyeux, mais n’atteint pas la divine caresse du nez. C’est un très beau vin.

La couleur du Château Brane-Cantenac 1928 surprend tout le monde tant elle est rouge sang. Le vin de la cave Nicolas est d’un accomplissement exemplaire. Qui dirait qu’il a 85 ans ? C’est le gendre idéal, celui auquel on ne trouve aucun défaut, poli, causeur, charmeur mais aussi profond. C’est un vin plus grand encore que le Mouton.

Sur la selle d’agneau, qui est un parfait accompagnateur, nous avons quatre vins de Bourgogne servis en même temps, l’une des bouteilles étant cachée par une « chaussette ». Le Vosne Romanée Les Beaumonts Charles Noëllat 1961 est un bourgogne de bonheur. Fait par un grand vigneron dans une grande année, il a l’équilibre que l’on demande à un vin de Bourgogne. Il n’est pas très canaille et joue sur son côté rassurant.

Hélas, La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1950 n’est pas au rendez-vous. Le plat l’aide un peu mais le vin est fade, sans énergie. Quel dommage, car ce devait être la vedette de ce repas.

Heureusement, le vin annoncé comme Echézeaux Joseph Drouhin 1947 et qui est peut-être un Bonnes-Mares 1929 est une merveille. Puissant, beaucoup plus que le 1961, il envahit le palais. Alors, on pense bien sûr qu’il a pu être aidé par des apports de vins du sud. Mais le résultat est concluant. C’est un beau vin, riche, plein en bouche, au final très long. Un beau bourgogne comme on les faisait en ce temps là.

Le suspense de la dégustation à l’aveugle ne dure pas longtemps, et on découvre l’étiquette du Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1956. Le nez de ce vin est tellement Romanée Conti que c’en est presque la réponse à une question de cours. C’est l’archétype du parfum des vins du domaine. Et en bouche c’est un festival de roses, de sel avec une subtilité et un dosage comme j’en ai rarement rencontrés. Cette année 1956, jugée faible dans les annales, donne ici un vin superlatif, au final inextinguible. Je tombe sous le charme, heureux que les trois bourgognes délicieux compensent La Tâche éteinte.

La Côte Rôtie La Mouline Guigal 1993 est stupéfiante de jeunesse après ces vins anciens, et elle explose sa joie de vivre. Mais ce qui est le plus enthousiasmant, c’est la continuité gustative invraisemblable avec un plat que j’adore, celui de l’anguille. C’est un accord phénoménal puisqu’on ne sait plus qui est le vin et qui est l’anguille. Ce vin montre une performance au dessus de ce qu’on imaginerait d’un 1993.

Ce que le Richebourg offrait dans la suggestion de son parfum, celui de Château Climens Barsac 1949 affirme. Ce nez est digne d’un parfumeur. La richesse de l’abricot des coings confits et autres fruits oranges imprègne les narines. Et le vin est tout simplement glorieux. Quand un sauternes est grand, il est impérial. Le très bon stilton va bien, mais il n’est pas nécessaire, tant le Climens à la robe d’un or noble se suffit à lui-même, insolent de grâce, dans les plus beaux fruits oranges.

Le Banyuls Grand Cru Cuvée du Président Henri Vidal 1956 est un aimable banyuls qui tient bien sa place sur le dessert dans sa simplicité rassurante.

Il est temps de voter. Chacun des dix participants donnera ses quatre préférés. Neuf vins reçoivent des votes, ce qui est une belle diversité et quatre vins ont des places de premier : Brane-Cantenac 1928 et Richebourg 1956 quatre fois chacun, le Carbonnieux 1955 et le Bonnes-Mares 1929 chacun une fois.

Le vote du consensus serait : 1 – Château Brane-Cantenac 1928, 2 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1956, 3 – Château Carbonnieux blanc 1955, 4 – Bonnes-Mares 1929, 5 – Château Climens Barsac 1949.

Mon vote est : 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1956, 2 – Château Climens Barsac 1949, 3 – Bonnes-Mares 1929, 4 – Château Carbonnieux blanc 1955.

Il y a eu deux accords exceptionnels, tant le plat et le vin ont réagi pour créer une fusion entre eux. C’est l’oursin avec le champagne René Lalou 1973 et l’anguille avec la Côte Rôtie La Mouline Guigal 1993. La cuisine a été de très haut niveau, avec des saveurs d’une justesse rare. Le service a été très attentionné. La bonne humeur régnait autour de la table.

Le meilleur des goûts de ce dîner, c’est celui de r

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Filhot 1891 et La Conseillante 1928 au Garance (les préparatifs) samedi, 16 mars 2013

Reconstituons le script d’une semaine de folie. Tomo m’informe que sa femme est partie pour plusieurs jours au Japon. Pour tromper sa solitude, il me demande de partager un dîner avec lui. J’en informe ma femme qui suggère que nous allions ensemble à la Tour d’Argent. Le rendez-vous est pris pour dîner le mercredi. Par ailleurs, Florent, amateur de vins anciens très talentueux, qui vit à Lyon, m’indique qu’il sera à Paris le vendredi pour des raisons professionnelles et me suggère que nous nous retrouvions à dîner autour de grands vins. Tomo étant provisoirement célibataire, je propose à Florent que le dîner se passe au restaurant Garance et que Tomo soit avec nous. Florent est d’accord.

La neige couvrant Paris me dissuade d’aller chercher des vins dans ma cave principale, aussi vais-je dans la cave de mon domicile. Au fond, le long d’un mur, je vois trois bouteilles de sauternes mises debout, sans doute pour éviter des coulures, ou parce que j’aurais réservé ces bouteilles pour un dîner. Je ne pense pas à cette deuxième hypothèse. Je regarde la capsule de la bouteille de gauche et c’est une jolie capsule de Filhot. Aucune des bouteilles n’a d’étiquette, mais tout indique que ce sont des vins du 19ème siècle. Je prends en main la bouteille de droite et je vois que sur une petite étiquette à la main, on a inscrit 1888. Sans réfléchir plus loin, j’imagine que ce sont trois Filhot 1888. Je laisse de côté celle où il y a la date, pour avoir un repère lorsque je boirai cette bouteille, et je prélève les deux autres. Pourquoi deux ? Parce que je veux être sûr qu’il y en ait au moins une bonne.

Je me relève et je vois dans une rangée une bouteille de Saint-Emilion 1919, réserve des caves Courtiol à Boulogne sur Seine. Voilà un vin générique sans aucune origine mis en bouteille par un caviste de Boulogne. Quoi de plus original ? La bouteille a un beau niveau. C’est avec de vrais amateurs qu’il faut boire une telle bouteille. Juste à côté d’elle il y a un Château Crusquet, Premières Côtes de Blaye 1945 dont les propriétaires doivent être de Lagarcie et Sabourin, si j’arrive bien à lire. Et mon œil est attiré par une mention sous le nom du château : « 1er Cru Cars Gironde ». C’est la première fois que je vois la mention de l’appellation de cette commune de Gironde : « Cars ». Je la choisis aussi et je vois une bouteille à mi-épaule. En regardant la capsule, je reconnais le château caractéristique de Château margaux, et au vu des couleurs, puisque l’étiquette est illisible, je crois reconnaître Château Margaux 1928.

J’ai donc mis cinq bouteilles dans ma musette, ce qui est pure folie, et je communique ma liste à Florent et à Tomo. Florent réagit très vite et m’annonce La Conseillante 1928 et un Beaune Grèves Camille Giroud 1945. Tomo, avec une prudence toute asiatique, m’annonce qu’il choisira ses apports lorsque j’ouvrirai mes bouteilles. L’idée que nous nous retrouvions avec neuf bouteilles pour trois m’effraie, aussi j’écris à Jean-Philippe qu’il est cordialement invité à se joindre à nous, sans apporter de vin.

Jean-Philippe réagit immédiatement en me donnant son accord et me dit : »ça tombe très bien, il y a demain (jeudi), un repas à quatre mains au Petit Verdot, avec Davide Bisetto ». Il est exclu que je rate cet événement et je dis oui. Me voilà donc embarqué dans trois dîners de suite, à la Tour d’Argent, au Petit Verdot et au Garance. Si je n’avais pas choisi cinq bouteilles, je n’aurais sans doute pas appelé Jean-Philippe. J’adore détricoter les caprices du destin, préludes qui sont à ces dîners de folie ce qu’est la montée des escaliers aux amours tarifées.

Filhot 1891 et La Conseillante 1928 au Garance samedi, 16 mars 2013

Nous allons nous retrouver au restaurant Garance, Florent, Jean-Philippe, Tomo et moi. J’avais fait livrer mes bouteilles au restaurant il y a deux jours et j’arrive à 18h30 pour ouvrir mes vins. Je suis assez vite rejoint par Tomo qui est curieux de voir mes apports pour choisir les siens.

Ayant apporté deux Filhot 1888, pour être sûr d’avoir une bonne bouteille, je commence par l’une d’elles, pour décider si l’autre devra être ouverte. Le bouchon que l’on peut voir à travers le verre du goulot est tout recroquevillé. Il y a un risque que je le fasse tomber au moment où je voudrai planter la pointe du tirebouchon. Fort heureusement, j’extrais le bouchon entier. Nous essayons de lire le millésime, mais c’est très difficile. On reconnait bien Lur Saluces sur le bouchon. Je sens un parfum délicieux que je fais sentir à Tomo. L’odeur est si belle qu’il est inutile d’ouvrir la seconde bouteille. Tomo qui est curieux scrute la capsule du deuxième Filhot 1888 et lit : « 1867″. Mon cœur bondit. Car si j’ai en cave un certain nombre de sauternes des années de 1880 à 1900, j’ai bu presque tous ceux de la décennie 1860. La rareté d’un tel vin est pour moi extrême. Nous regardons la capsule et il est assez aisé de lire : « Lafon Propriétaire, puis « médaille d’or », puis 1867 d’une lisibilité parfaite. Cela me montre que mon examen en cave était tout sauf sérieux. Tomo, tentateur, me dit : « on l’ouvre ? ». Pendant toute la soirée, mes amis me feront un numéro de charme pour que j’ouvre cette bouteille. J’ai résisté car une telle bouteille demande une préparation psychologique avant que je ne décide qu’elle soit à l’ordre du jour. Il apparait aussi que les trois bouteilles de ma cave que je croyais identiques ne le sont pas, ce qui remet en cause la datation du Filhot en 1888. C’est Florent à l’œil de lynx qui nous déchiffrera le millésime qui est 1891.

J’ouvre maintenant les rouges. Le Saint Emilion Réserve des caves Courtiol 1919 a un niveau très acceptable car la bouteille a été cirée. Le nez est un peu poussiéreux, mais le retour à la vie est possible.

Le Château Crusquet Premières Côtes de Blaye 1945 a un nez plus poussiéreux encore est j’ai un peu peur d’un difficile rétablissement de ce vin.

J’avais annoncé dans mes mails un Château Margaux qui est très probablement un 1928. Tomo, sans prendre la bouteille en main m’annonce, de loin : « ça, c’est la Lagune ». Comment peut-il voir cela ? Je regarde alors plus attentivement la capsule et je lis très distinctement Château Grand La Lagune. De loin, c’est l’apparence du château gravé dans la capsule qui m’avait induit en erreur. De ce fait, si ce n’est plus Margaux, ce n’est plus forcément 1928. Je sais que j’ai acheté des 1934. Ce sera donc Château Grand La Lagune 1934. Le nez de ce vin me paraît le plus sympathique des trois. On verra que mes capacités divinatoires sont aussi brillantes que ma préscience olfactive.

Tomo me présente alors ses apports. Ce serait Dom Pérignon 1971 et un Bonnes-Mares Lupé-Cholet 1923. Mais nous n’avons pas de vin blanc. Tomo me propose un Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1989 et me dit qu’il a aussi un Bâtard du même domaine et de la même année. Ayant un amour particulier pour les Bâtards du domaine, je choisis Bâtard. Vingt fois Tomo me reprochera d’avoir choisi Bâtard, car il voulait Chevalier. Le 1923 ne sera pas au programme.

Florent arrive et j’ouvre ses deux vins. Le festin peut commencer.

Le Champagne Dom Pérignon 1971 est d’un ambre déjà soutenu. Le champagne est évolué, mais il est d’un charme et d’une douceur qui nous réjouissent. La brioche qui arrive est au chevreuil. Elle crée un accord sensible avec le champagne en lui donnant un joli coup de fouet. Jean-Philippe aime bien l’accord avec la brioche trempée d’une sauce à la moutarde mais je n’ose pas, préférant profiter de la brioche au chevreuil. Si ce 1971 est un peu plus évolué qu’il ne pourrait, il est enjôleur à souhait. C’est un champagne de plaisir.

Le Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive 1989 est un solide bourguignon. Puissant sans l’être trop, il n’a peut-être pas la vibration que Tomo aurait souhaitée, mais c’est un solide compagnon de gastronomie et il est en particulier extrêmement pertinent sur les croquantes premières asperges vertes.

Pour le Château Filhot 1891, j’avais suggéré à Tomo que l’on prévoie un ris de veau, car j’avais une furieuse envie de l’essayer ainsi. Je demande à Tomo s’il a indiqué à Guillaume Iskandar, le chef, que le ris de veau serait sur le Filhot. Tomo me dit qu’il ne l’a pas fait. Deuxième émotion pour mon pauvre cœur après le 1867 ! Que va-t-il se passer ? En fait, le ris de veau est superbe, d’une cuisson parfaite et le Filhot crée un accord merveilleux. Jean-Philippe le confirme. Le sauternes est extrêmement foncé, presque trouble. Son nez est un parfum capiteux. Ce vin est très difficile à décrire, car il est d’une complexité gustative dont les composantes sont d’une subtilité à peine suggérée. Le vin est gourmand, joyeux, luxuriant comme les mille et une nuits. C’est un vin de bonheur et ce qui me frappe, c’est la première attaque qui est presque mentholée, et le final qui est d’une fraîcheur confondante. Un vin aussi frais et vivant que cela, c’est extrêmement rare. Le vin et le ris créent un accord qui est un des moments très forts de ce dîner.

Le Saint Emilion Réserve des caves Courtiol 1919 est servi en même temps que le Filhot sur le ris de veau pour que l’on puisse comparer les pertinences et c’est le Filhot qui emporte la palme. Mais le bordeaux me subjugue. Sa couleur est d’une fraîcheur invraisemblable, d’un beau sang de pigeon, son nez est presque parfait et ce qui frappe, c’est la fraîcheur de ce vin. Le final se prolonge à l’infini sur des notes aussi mentholées et Florent dit que bien des bordeaux plus nobles de 1919 n’atteindraient pas ce niveau de plénitude. C’est un vin sans origine, mis en bouteille par un caviste de Boulogne sur Seine, qui se conduit comme un grand Saint-Emilion. Je suis heureux d’avoir fait une bonne pioche en acquérant ce vin.

La viande de bœuf de Guillaume est une merveille. Elle accueille quatre rouges. A gauche, le Château Crusquet Premières Côtes de Blaye 1945. Le nez a encore de la poussière. L’attaque est belle mais c’est surtout sur le final que l’impression de poussière est désagréable. Au fil de la dégustation, la poussière s’atténuera mais sera quand même marquante. Le vin présente toutefois de l’intérêt, car il a du corps et un fruit encore vivant. Sa couleur est surprenante de vigueur.

Le Château Grand La Lagune 1934 est bouchonné aussi bien au nez qu’en bouche. Nous n’insistons pas. Le troisième rouge sur la viande est le Château La Conseillante 1928. Tout-à-coup le silence se fait, car nous sentons que nous tenons un vin de première grandeur. Il est tout simplement immense. Il a une richesse de trame et un velouté qui sont exceptionnels, et son final se pare d’un panache glorieux. Nous jouissons de la mâche extrême de ce vin. C’est son grain qui est merveilleux. C’est un très grand pomerol.

La tâche est bien rude pour le Beaune Grèves Camille Giroud 1945 tasteviné en 1955. Si nous l’avions bu seul, il aurait exposé ses subtilités bourguignonnes. Mais La Conseillante accapare nos esprits.

Nous avons fini les vins apportés et nous sommes en pleine forme. Le dessert annoncé comporte un sorbet et du chocolat. L’eau semble la boisson la plus pertinente mais Tomo est d’humeur partageuse. Il fait ouvrir un Champagne Krug Clos du Mesnil 2000. Le dernier que j’avais bu m’avait rebuté par sa jeunesse folle. Celui-ci est aussi jeune et aussi fou, très citronné, mais plus que l’autre fois, on reconnaît la richesse du Clos du Mesnil.

Nous avons voté pour les vins. Il aurait été dommage de hiérarchiser ente le Filhot 1891 et La Conseillante 1928, deux vins d’une perfection absolue. Nous avons tous été d’accord pour mettre ces deux vins ex-æquo, les vrais grands gagnants du dîner. Vient ensuite le Dom Pérignon 1971 et le Saint-Emilion 1919 qui mérite d’être récompensé par sa performance et son originalité. Le plus bel accord est le Filhot 1891 et le ris de veau et le plus beau plat est celui de la viande de bœuf goûteuse.

Nous étions pris d’une douce torpeur tant ce repas fut exceptionnel. Nous avons, comme au poker, misé sur table ce que nous ouvririons pour une revanche. Les vins sont décidés et la date aussi. Que c’est agréable de partager dans ce climat d’amitié !

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Repas à quatre mains au Petit Verdot vendredi, 15 mars 2013

Hide Ishizuka dit Hidé est le propriétaire du restaurant le Petit Verdot. Jean-Philippe a eu l’idée, proposée à Hidé, de faire un dîner à quatre mains. Il a privatisé le restaurant et rassemblé ses « followers », à qui il twitte ou facebookise ses aventures gastronomiques. Les deux premières mains sont celles de Yoshi Morie, le talentueux chef du Petit Verdot. Les autres mains sont celles de Davide Bisetto, le chef doublement étoilé du Casadelmar de Porto Vecchio où avec Jean-Philippe nous avons des souvenirs culinaires mémorables. Jean-Philippe m’appelle la veille. Je n’hésite pas, je viens.

L’assemblée est très jeune et très féminine. Il y a des blogueurs et des forumeurs, dont le trait commun est d’être des fines gueules. J’ai la chance d’être à côté de Jean-Philippe et des propriétaires de Casadelmar. Je tourne le dos à la minuscule cuisine où la densité de matière grise créative culinaire est extrême. On s’y presse plus que dans le métro, car en plus de l’équipe habituelle il y a Davide et son second et un autre chef de passage. Ça fourmille.

La vedette est aux plats plus qu’aux vins. Le menu composé par les deux chefs sous la supervision d’Hidé et les conseils avisés de Jean-Philippe, est : Raviolo aux foies de canard, crème de pistache de Bronte et colatura d’anchois / Moules, pesto de truffe noire et lime, glace burrata / Tartare de veau, coques et couteaux, asperges blanches des Landes / Risotto au rouget, porto et sésame noir, dés de poire / Pigeon, consommé de poularde au safran, gnocchi à la farine de châtaigne corse / Ris de veau, asperges vertes de Roques-Hautes, ail des ours / « Bicerin » : sambucca, réglisse de Calabre et café / Terrine d’agrumes, bavarois à la mangue.

Chacun des convives a abordé ce repas avec sa propre personnalité. Beaucoup ont voulu savoir quel chef est l’auteur de chaque plat. J’ai personnellement décidé de ne pas chercher à le savoir, pour ne juger que le plat lui-même. Les commentaires de chacun sont différents. Je donne les miens.

Raviolo aux foies de canard, crème de pistache de Bronte et colatura d’anchois : superbe plat d’été, car la crème est froide et rafraîchissante. Subtilité extrême de la pistache. Plat très équilibré, foie très prégnant.

Moules, pesto de truffe noire et lime, glace burrata : plat extraordinaire, le meilleur de tout le repas, à mon goût. Il faut imaginer que les moules sont taillées une par une pour enlever les barbes. La cohérence des goûts magiques et surprenants est exemplaire.

Tartare de veau, coques et couteaux, asperges blanches des Landes : les goûts individuels de chaque composant sont de grande qualité, mais un tel plat ne peut pas être l’ami des vins du fait de la diversité extrême des goûts. Mais ça se mange avec plaisir.

Risotto au rouget, porto et sésame noir, dés de poire : un plat d’une grande sensibilité. Un risotto très original, qui nécessite beaucoup d’attention pour bien le comprendre et un beau rouget.

Pigeon, consommé de poularde au safran, gnocchi à la farine de châtaigne corse : c’est ce plat qui a fait parler le plus. Car les suprêmes sont cuits à basse température, ce qui les rend fondants. Ils perdent alors de leur énergie. Davide, informé de ces remarques a dit que son intention, c’est le consommé. Il veut un consommé comme personne n’en ferait, et c’est vrai qu’il est diabolique. Dans son dessein, le pigeon n’est qu’un accessoire du consommé alors que nous lisions le plat comme si le pigeon était l’acteur principal. J’admets bien volontiers la vision de Davide car elle est originale.

Ris de veau, asperges vertes de Roques-Hautes, ail des ours : magnifique cuisson d’un ris de veau goûteux, ni trop (comme trop souvent) ni trop peu. C’est l’accompagnement qui affadit un peu le plat au lieu de le rehausser.

« Bicerin » : sambucca, réglisse de Calabre et café : géantissime dessert gourmand.

Terrine d’agrumes, bavarois à la mangue : la fraîcheur même, le dessert parfait.

Après cette expérience, je suis conquis. Même si Davide n’œuvrait pas sur son territoire et avec ses ustensiles, il nous a régalés ainsi que Yoshi avec des plats d’une grande sensibilité. Alors que leurs racines familiales et culturelles sont très différentes, ils nous ont livré une cuisine d’une très grande sensibilité. C’était comme des jazzmen quand ils font un bœuf, c’était la joie de la création.

J’allais presque oublier de parler des vins. Le Champagne Delamotte brut magnum est un agréable champagne légèrement dosé, mais il allait bien avec la crème de pistache et d’anchois.

Le Champagne Delamotte blanc de blancs magnum 2002 est un superbe champagne à l’épanouissement serein.

Le Pouilly-Fumé Indigène Pascal Jolivet 2010 a peut-être des qualités, mais il est infiniment trop jeune pour moi. On nous verse venant d’une table du premier étage un peu d’un Marestel de Dupasquier dont je n’ai pas entendu le millésime. L’impression d’un fort botrytis est assez étrange, mais le vin ne laisse pas indifférent.

Le Château Haut-Marbuzet magnum 2005 est un vin assis, aux forts tannins et joliment incisif. J’aime beaucoup ce vin qui se boit déjà très bien.

Le Château Meyney Prieuré des Couleys double magnum 1967 est absolument superbe et beaucoup seront surpris par sa jeunesse. On pouvait craindre de petits défauts liés au rebouchage par Cordier et à la faiblesse relative du millésime (celui de Hidé), mais ce vin superbe, clair dans sa définition, est une bonne leçon : il faut faire confiance à de tels vins, car ils apportent une délicatesse dans la complexité qui n’apparait qu’à ces âges.

Pour les desserts, le vin Macon Villages
Cuvée Héritage Domaine Michel et Fils 2006, vin doux aux accents de fruits exotiques est certainement ce qui convenait le mieux, si l’on reste dans les goûts des vins très jeunes.

On l’aura compris, la vedette était aux plats et l’important était la géniale juxtaposition des talents de deux grands chefs. Merci Jean-Philippe avec sa petite structure « Ici et Maintenant Conseil » qui a organisé ce quatre mains. On en redemande !

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DSC04249 DSC04240 DSC04248 DSC04247 deux photos de plats sont floues, désolé !

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Un Musigny de Vogüé éblouissant à la Tour d’Argent mercredi, 13 mars 2013

Sur la suggestion de mon épouse, nous retrouvons Tomo au restaurant La Tour d’Argent. Le groom dans l’ascenseur est sympathique, et en traversant une haie de serveurs au sourire agréable, nous rejoignons la table que je connais depuis plus de cinquante ans, quand mon père faisait partie des clients privilégiés de Monsieur Aimé. Tout ici est luxe et quiétude. L’eau minérale est servie dans des gobelets argentés. Le livre de cave est impossible à consulter en entier car il y a 11.000 références en cave. Il m’est impossible de le passer à Tomo et il faut qu’un sommelier le soulève et le transfère à sa place. Notre premier choix est un Champagne Krug Clos du Mesnil 1983. Au démarrage, il est marqué par une certaine acidité. On sent la complexité qu’il peut avoir et il va progressivement s’animer. Mais lorsque nous ferons le bilan après la dernière goutte, force est de constater que nous n’avons pas eu l’émotion que nous aurions dû avoir, même si quelques fulgurances nous ont rappelé qu’il peut être grandiose. Ce n’est pas un effet de cave mais plutôt que le vin ne s’est pas présenté au bon moment. Le menu des deux hommes est : quenelle de brochet sur un coulis de champignon de Paris et canard Tour d’Argent. Nous avons choisi l’emblématique de la maison puisque c’est la première fois que Tomo vient en cette maison. Autant aller aux fondamentaux. La quenelle est bonne, mais le champignon est trop fort et tue l’évocation de brochet. Le canard est divin et fait tinter tous les souvenirs immémoriaux que j’ai de ce plat.

Nous avons choisi un Musigny Comte de Vogüé 1978. Le nez est tout simplement renversant. En une seconde, on sait que l’on tient un prodige. On voudrait presque s’en tenir au nez, tant il apporte de contentement, et il faut presque se forcer pour porter le vin à ses lèvres. Et c’est alors qu’un sentiment de plénitude nous envahit. Ce vin est furieusement bourguignon, avec cette volonté de ne pas séduire, avec ce sel qui rappelle les vins de la Romanée Conti. Et il y a un velours qui n’appartient qu’à ce vin. Il accompagne merveilleusement le canard, surtout la deuxième partie à la chair plus tendue, mais il est en soi un chef d’œuvre. Il fait partie de ces vins que l’on a envie de protéger jalousement, pour conserver des arômes irréels jusqu’à l’infini de la nuit. Je frissonne encore à l’évocation de ce vin qui était parfait, le vin idéal au moment idéal.

Les desserts sont merveilleux, le mien à base de thé et de café. Ce qu’il convient de signaler, c’est le service qui est certainement le premier de Paris. Jamais nous n’avons manqué de vin alors que le sommelier ne rajoutait que de petites quantités dans nos verres. Les maîtres d’hôtel sont attentifs. La plus grande surprise, pour ceux qui ont l’habitude de me lire, c’est de tomber sur une espèce de maîtres d’hôtel en voie de disparition, ceux qui regardent ce qui se passe autour d’eux. Ce service fut un moment d’enchantement.

Nous avons fini par la visite des caves qui s’est dépouillée des sons et lumières d’antan. Tomo a pu parler japonais avec le gardien de ce temple impressionnant. Il y a eu deux vedettes lors de ce dîner : un Musigny de Vogüé éblouissant d’émotion et de plénitude, et un service de rêve. Au moment où s’élisait le Pape qui porte mon prénom, nous fumes sur un nuage de félicité.

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