De grands champagnes avec mes enfants mardi, 13 août 2024

Ma fille cadette fait un passage éclair dans notre maison du sud, entre deux destinations de vacances. Nous dinons avec un poulet au citron et une tarte aux mirabelles. Ce qui me paraît le plus opportun, c’est d’ouvrir un Champagne Dom Ruinart 1988.

La bouteille est d’une grande beauté. Le bouchon vient assez facilement et le pschitt existe, plus dynamique que ce que j’aurais attendu d’un champagne de 36 ans.

La couleur est d’un beau jaune clair et la bulle est active. Le nez est éblouissant comme joyeux parfum. En bouche, c’est une explosion de fruits. Quel plaisir ! Ce champagne est fort et enthousiasmant. Sa complexité est extrême et on le sent au sommet de sa maturité, encore jeune et déjà mature.

Si je songe au légendaire Dom Ruinart 1990, celui-ci est plus fort, plus affirmé et moins romantique que le 1990. Il faut aimer les deux.

En préparant les vins pour le rendez-vous incontournable du 15 août qui sera dans trois jours, je remarque un Champagne Dom Pérignon 1978 qui a perdu 20% de son volume. Je regarde le haut de la bouteille et il y a une excroissance comme un nid de guêpe. C’est comme si la bouteille avait vomi son bouchon. Alors que cette bouteille n’était pas prévue, c’est elle qui sera ouverte pour la venue de mon fils.

La bouteille est terriblement sale et je passe beaucoup de temps à tout nettoyer. J’ai évidemment bien peur. Je retire le bouchon qui n’offre aucun pschitt et le bas du bouchon reste coincé dans le goulot de la bouteille. Je le soulève et le parfum semble normal.

Quand on le verse on voit une couleur d’un ambre foncé et le parfum est parfait. En bouche, c’est un grand champagne, onctueux et élégant. Puissant et noble. Une belle expression de Dom Pérignon.

Le caviar osciètre est magique, avec un sel absolument idéal, et on déguste un Dom Pérignon 1978 qui n’a pas souffert du tout. Le champagne est très solide et peut-être parfait malgré tout ce qu’il a souffert.

Nous passons maintenant au vin prévu, un Champagne Dom Pérignon Magnum 1992. Je deviens absolument furieux. Après le Dom Pérignon 1978 qui était très sale, j’ouvre ce magnum avec un niveau parfait et je retrouve des saletés partout en ouvrant. La cape noire qui recouvre le bouchon est d’une matière qui se brise en mille morceaux, et de la poussière noire apparaît partout. Alors que pour l’ouverture des vins de mes dîners, je suis d’une patience d’ange, tant de problèmes à cause de cette cape, cela m’énerve.

Je suis surpris par le pschitt qui propulse le bouchon comme une bombe. Le bouchon m’échappe des mains. Les bulles sont généreuses. L’odeur est magique et le champagne est absolument élégant.

Quand 1992 est apparu sur le marché, il a suscité peu d’intérêt. Mais désormais, en magnum, c’est un Dom Pérignon parfait.

Les deux champagnes sont très opposés. Le 1978 est déjà mature, conquérant comme un soldat du front, alors que le 1992 est plus gracieux, jouant sur son élégance. Mais les deux expriment la grandeur de Dom Pérignon.

Chers amis qui mangez du foie gras au Sauternes, oubliez cette idée. Le foie gras est fait pour le champagne. Et le Dom Pérignon 1992 accompagne parfaitement le foie gras. Le format de magnum préserve la jeunesse de ce beau champagne

Je continue d’être furieux contre la cape noire qui enveloppe les bouchons, mais le 1978 sur du caviar et le 1992 sur du foie gras sont deux instants magiques.

Des repas avec mes petits-enfants mardi, 6 août 2024

J’ai un amour particulier pour le Châteauneuf du Pape Domaine du Pégau qui n’est pas sur le devant de la scène mais produit des vins merveilleux. Le Châteauneuf du Pape Domaine du Pégau 2007 est d’un millésime très intense. J’avais rencontré Laurence Féraud pour un dîner au domaine avec des vignerons de Châteauneuf, et nous nous sommes parfaitement compris lorsque nous avons dégusté des vins comme le Rayas 1978 que j’avais apporté et un autre Châteauneuf de 1947.

Le 2007 est complexe, viril, expressif et très long. J’adore ce vin sauvage et conquérant. Il est très excitant avec un homard parfaitement cuit.

Dans un restaurant proche, je peux apporter mon vin, ce qui est un privilège. Je viens avec deux vins dont un Châteauneuf-du-Pape Clos des Papes 1979. Quel grand vin ! Charmant, plein de joie, gratifiant, c’est le vin qu’on espérerait boire un jour, l’archétype des vins de plaisir, avec une grande personnalité. Sur des moules gratinées l’accord est magique et sur le poisson Saint-Pierre, un incontournable.

Juste après le Clos des Papes 1979, le Vega Sicilia Unico 2004 est comme une bombe, d’une puissance incroyable. Ouah ! Au bout de quelques minutes le vin est plus calme et je reconnais avec plaisir la fraîcheur de la finale, avec des notes de menthe. J’adore le vin espagnol, mais nous avons eu plus de plaisir avec le Clos des Papes 1979.

Il est à noter que le lendemain, j’ai bu le Vega Sicilia Unico sur un fromage Saint-Marcellin. L’accord est divin et fait ressortir la fraîcheur mentholée de ce jeune vin. Un bonheur pur.

Pour un apéritif informel avec deux de mes petites-filles, j’ai ouvert un Champagne Salon 1996. Ce champagne est devenu mythique. Je souhaite vérifier son évolution.

Le pschitt est discret. La première impression est immense. Quel grand champagne, si jeune et si intense. C’est un choc. C’est le parfait Salon jeune, déjà mature mais gardant sa jeunesse. J’adore Salon 1997 et 1999 pour leur jeunesse, mais 1996 est plus épanoui et plus complet, pour l’instant. Car tous ces millésimes vont évoluer dans le meilleur des sens.

Des vins avec ma fille dimanche, 21 juillet 2024

Une entreprise qui travaillait pour ma maison dans le sud était en retard dans ses livraisons et a commis des erreurs successives. Pour se faire pardonner, elle m’offre un Champagne Gimmonet Gonet ‘L’Origine’ Blanc de Blancs Grand Cru dégorgé en octobre 2023.

Ce choix est tout à son honneur. Le vin est frais et agréable mais manque un peu de longueur. Agréable, il est fait pour être bu en été.

Pour suivre, j’ouvre un Champagne Salon 2004. Ma fille a la même réaction que moi : nous cherchons en vain où est l’émotion. Comment est-il possible que ce champagne que j’avais trouvé si enthousiasmant il y a quelques jours soit aussi effacé aujourd’hui ? Salon est un champagne d’une constance certaine aussi cette contreperformance est un mystère. Il faudra vite qu’un autre Salon efface ce souvenir.

Pour le dîner, ma femme annonce du poulet. Ce volatile est l’ami du vin, qu’il soit rouge ou blanc. J’ai envie de partager avec ma fille un vin que j’adore, le Clos de Vougeot Méo Camuzet 1999. Je l’ai ouvert peu de temps avant le repas car le vin est jeune. Le niveau dans la bouteille est au plus haut possible. Le parfum est d’un charme extrême. Il annonce un vin intense et noble.

Le premier mot qui vient dès qu’on le boit est soie. Quel raffinement. Ce vin est plein de grâce, élégant et soyeux. Un vin purement délicat et adorable. Ce vin est un grand moment.

Des vins plus jeunes au restaurant dimanche, 21 juillet 2024

Quelques jours plus tard, nous revenons au même restaurant avec ma fille cadette. Etant autorisé à venir avec mes vins je les choisis plus jeunes pour que le maître d’hôtel et son épouse puissent en profiter. J’ai choisi un Champagne Krug Grand Cuvée 163ème édition. Un gros pschitt est apparu lorsque je l’ai ouvert quatre heures avant le dîner. Il a une belle couleur dorée et un parfum élégant. La bulle est très active. Je dois dire – à mon goût – que la bulle est trop puissante.

Quand je compare ce Krug avec le Grande Cuvée qui a une étiquette de couleur crème, mon cœur appartient à la version plus ancienne. Krug a besoin de temps et je dis toujours : achetez Krug et laissez-le dormir dans votre cave pendant au moins dix ans. Bien sûr, je sais que de nombreux amateurs de vin ne peuvent pas le faire pour différentes raisons dont l’espace de stockage et l’argent. Mais la différence est si grande que les amateurs de vin qui peuvent le faire devraient suivre cette voie.

Quoi qu’il en soit, c’est un champagne très agréable et qui a été apprécié par la femme du maître d’hôtel en l’absence de son mari.

L’autre vin que j’ai apporté est un Rimauresq Côtes de Provence rouge 1993. Le niveau est absolument parfait. L’odeur est merveilleuse au moment de l’ouverture 5 heures avant. On sent avec force l’olivier et la garrigue. Lorsque je le sers, le parfum est d’une rare insistance. Le vin est riche, dense et présente le summum de ce qu’un Côtes de Provence peut offrir. L’âge donne beaucoup à ce vin. Je n’arrive pas à croire qu’il fasse 12,5 degrés. 14 serait plus adapté. Le vin est noble, élégant. Il serait difficile à l’aveugle de dire Côtes de Provence. Nous l’avons bu avec un poisson Saint-Pierre et l’accord est parfait. Comme pour le Krug Grande Cuvée, je dirais aux amateurs : laissez vieillir les Côtes de Provence et Bandol, la différence est phénoménale.

Des vins avec mes petits-enfants dimanche, 21 juillet 2024

L’aînée de mes petits-enfants vient nous rendre visite dans le sud. Ayant ouvert la veille un Salon 2004, j’aie envie d’ouvrir un Champagne Salon 2012. Il est très joli, élégant, avec une longueur agréable. Mais à mon goût, il faudra le garder 10 à 12 ans pour développer sa complexité. C’est un joli Salon prometteur.

J’ai acheté récemment plusieurs Château de Beaucastel Châteauneuf-du-Pape 1981. L’acidité me fait penser que ces bouteilles ont eu un stockage trop chaud. Mais par un hasard sauveur comme il en arrive assez souvent, avec un Saint-Félicien fort affiné, l’extrême personnalité de ce vin, si dynamique et expressif est apparue. Je boirai donc les prochaines bouteilles avec des fromages virils pour en profiter car j’aime l’intensité de ce vin en 1981.

Dans un restaurant proche de chez nous, je suis autorisé à apporter mes vins. J’ai choisi un Champagne Dom Pérignon 1970. Il n’offre aucun pschitt, n’a pas de bulle mais un joli pétillant. Ce qui m’impressionne, c’est la longueur de ce champagne qui semble ne jamais s’arrêter. Doux, complexe, il est charmant, mais ce 1970 n’est pas le meilleur Dom Pérignon 1970 que j’ai bu. J’ai offert un verre au maître d’hôtel et à sa femme. Ils ont eu du mal à comprendre ce champagne car ils pensaient qu’un champagne de plus de 50 ans devait être mort. Mais ils ont été impressionnés.

Sur une langouste cuite à la perfection j’ai apporté une Côte Rôtie La Turque Guigal 1998. Le vin est dense, intense et conquérant. Il est juteux et joyeux. Son parfum est mentholé et son goût a une finale mentholée qui lui donne sa fraîcheur. C’est un conquistador. J’ai du mal à croire qu’il ne fait que 13 degrés.

Le maître d’hôtel et son épouse ont été émerveillés par la grandeur de ce vin de pur plaisir. Il est à noter que le niveau dans la bouteille se situait à 2 millimètres sous le bouchon. Incroyable. La langouste était parfaitement cuite et la combinaison excitante.

Le Champagne Krug Grande Cuvée étiquette de crème se situe au sommet de l’aristocratie du champagne. En ouvrant il y avait un pschitt assez important, ainsi que de belles bulles. Si je devais décrire la complexité de ce champagne parfait, je dirais ‘arc-en-ciel’. Car tous les fruits et toutes les émotions possibles se retrouvent dans ce champagne.

Comme la vie n’est pas un paradis permanent, j’avais ouvert avant ce Krug un Champagne Dom Pérignon 1983 de faible niveau. Il était imbuvable. La vie est ainsi. Je suis tellement content de boire des champagnes qu’il faut accepter un accident. Dom Pérignon a souvent des bouchons trop fins qui laissent place à l’air qui peut abîmer une bouteille.

Un Champagne Salon 2004 magique lundi, 8 juillet 2024

Nous sommes invités au restaurant par des amis. Par peur des encombrements, voilà qu’ils s’annoncent chez nous une heure avant le dîner. Heureusement nous sommes prêts à les accueillir.

J’ouvre un Champagne Salon 2004 qui fait un joli pschitt. La couleur est claire, la bulle est active. Le champagne est d’une grande fraîcheur et très fluide. Il glisse en bouche et offre un grand plaisir.

Lorsque nous sommes au restaurant, le champagne commandé est un Champagne Ruinart Blanc de Blancs sans année. Alors qu’il est accueillant, il nous fait mesurer à quel point le Salon 2004 est transcendantal. Je n’aurais jamais imaginé que l’écart soit aussi grand, car j’aime beaucoup les champagnes de la maison Ruinart.

Dans la carte très chiche du restaurant que nous aimons pour ses poissons cuits de belle façon, nous avons bu un Chablis 2023 que je ne nommerai pas pour ne pas lui nuire, mais qui est imbuvable tant il est inexpressif à cet âge, et un Saint-Joseph 2020 d’une maison célèbre, mais tellement court ! Comment peut-on boire des vins de ces âges, qui n’ont rien pour plaire ? On vend les vins trop tôt, on boit les vins trop jeunes, essentiellement pour des raisons financières. Quelle tristesse.

Bulletins du 1er semestre 2024, du numéro 1014 à … dimanche, 23 juin 2024

Bulletins du 1er semestre 2024, du numéro 1014 à …

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(bulletin WD N°1028 250624)    Le bulletin 1028 raconte : dîner d’amateurs de vins chez des grands amateurs de vins, qui gagnent des concours internationaux et déjeuner au restaurant L’Ecu de France.

(bulletin WD N° 1027 240614)    Le bulletin 1027 raconte : dîner à la Manufacture Kaviari avec la chef Giorgina Viou du restaurant Rouge à Nîmes et 281ème dîner au restaurant Astrance.

(bulletin WC N° 1026 240604)    Le bulletin 1026 raconte : déjeuner de conscrits au Yacht Club de France, déjeuner au restaurant Garance, déjeuner d’anniversaire à la maison.

(bulletin WD N° 1025 WD 240528)    Le bulletin 1025 raconte : dîner avec mon fils, déjeuner d’anniversaire en famille avec mes trois enfants et préparatifs d’un futur dîner au restaurant l’Astrance lors d’un déjeuner à l’Astrance.

(bulletin WD N° 1024 240515)    Le bulletin 1024 raconte : déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur, dîner au restaurant Guy Savoy, dîner avec mon fils et des vins centenaires éblouissants.

(bulletin WD N° 1023 240426)   Le bulletin 1023 raconte : déjeuner au restaurant Astrance, déjeuner dans un nouvel appartement à Paris, déjeuner avec un informaticien et un calvados miraculeux et déjeuner au restaurant Le Bon Georges.

(bulletin WD N° 1022 240411)    Le bulletin 1022 raconte : près d’Avignon, déjeuner au restaurant Le 7, pour une impressionnante dégustation verticale des vins de Trévallon avec les héritiers d’Eloi Dürrbach.

(bulletin WD N° 1021 240403)    Le bulletin n° 1021 raconte : dîner avec mon fils et des vins fous, déjeuner avec mon fils, ma fille et son fils, déjeuner au restaurant Pages et déjeuner au Yacht Club de France avec mes conscrits.

(bulletin WD N°1020 240326)    Le bulletin n° 1020 raconte : préparation du dîner de la Saint-Sylvestre, dîner de la Saint-Sylvestre, compté comme 280ème, déjeuner d’Épiphanie et déjeuner au restaurant Pages.

(bulletin WD N° 1019 240312)    Le bulletin n° 1019 raconte : premier dîner de Noël en famille, deuxième dîner de Noël puis dans le sud accueil des amis qui participeront aux fêtes de la Saint Sylvestre, succession de déjeuners et de dîners avant la Saint-Sylvestre.

(bulletin WD N° 1018 240214)    Le bulletin n° 1018 raconte :à Miami, dîners en famille, rencontre impromptue de Richard Geoffroy, dîner chez un marchand de vins le Happy Wine in the Grove, au restaurant Doma et, de retour à Paris, Casual Friday au restaurant Maison Rostang.

(bulletin WD N° 1017 240204)    Le bulletin n° 1017 raconte : la 39ème séance de l’Académie des Vins Anciens.

(bulletin WD N° 1016 240123)    Le bulletin n° 1016 raconte : déjeuner de conscrits au Yacht Club de France, 279ème repas au restaurant Pages pour des amateurs mexicains et déjeuner d’amis au siège des champagnes Salon et Delamotte.

(bulletin WD N° 1015 240109)    Le bulletin n° 1015 raconte : déjeuner de famille au Train Bleu, déjeuner à la Manufacture Kaviari, rapide dégustation de cognac Hennessy et dîner avec de grands jeunes amateurs au restaurant Passionné.

(bulletin WD N° 1014 240103)    Le bulletin n° 1014 raconte : 278ème dîner au château d’Yquem

De grands vins avec mon fils dans le sud mardi, 18 juin 2024

Mon fils vient de Miami nous rejoindre pour trois ou quatre jours. C’est l’occasion d’ouvrir quelques belles bouteilles. Comme nous ne sommes que deux à boire, des vins se boiront sur plus d’un repas.

Dom Pérignon est un champagne que j’adore et 1975 n’est pas un millésime que je citerais comme mon préféré. Mais ce Champagne Dom Pérignon 1975 est absolument parfait. Quelle présence ! Rond, juteux, intense avec une longueur qui ne finit jamais. Nous l’avons bu avec des rillettes et du fromage de tête et c’était particulièrement agréable.

La Côte Rôtie La Mouline Guigal 1986 est d’un niveau parfait. Il est rare que j’utilise le mot ‘soyeux’, mais cette Mouline est si délicate, pleine de grâce que ce mot est tout à fait approprié. Le parfum est l’un des plus grands possibles et, dans l’ensemble, ce vin est idéal. Avec des côtelettes de veau, ce vin est un grand moment.

Le Champagne Dom Ruinart 1973 est d’une année prestigieuse. Il n’offre pas de pschitt, mais le pétillant est là. Il est aussi noble que le Dom Pérignon 1975, mais très différent. Le 1975 est plus confortable, plus charmant. Le Dom Ruinart 1973 est plus intense et droit.

Ce Dom Ruinart est au sommet de ce que peuvent offrir les ‘vieux’ Dom Ruinart avec une belle énergie. Il est parfait avec le caviar Baeri de Kaviari.

J’ai dans ma cave un Champagne Piper Heidsieck 1966 dont la bouteille est particulièrement belle. A l’ouverture, il n’y a pas de pschitt et le bouchon vient facilement. On ressent une belle odeur charmante. Le champagne est un peu plus vieux qu’il ne pourrait l’être, mais notre plaisir est là. Il a un goût pétillant malgré l’absence de bulle et un grand charme sur un foie gras, des rillettes et un pâté de tête. C’est un grand plaisir.

Lorsque j’ai découvert Vega Sicilia Unico, je suis tombé amoureux de ce vin, si frais, délicat mais aussi puissant. Et j’ai adoré ce vin qu’il soit vieux ou qu’il soit jeune. Vieux, il est plein de majesté. Jeune, il est tellement frais que le boire est un pur plaisir.

J’ai choisi un Vega Sicilia Unico 1999. Le parfum à l’ouverture est d’une émotion extrême. Il me fait penser au chant des sirènes qui paralyse ceux qui l’écoutent. Nous l’avons bu 10 heures après l’ouverture. Il a la jeunesse d’un vin jeune et la noblesse d’un vin mûr. J’adore la menthe qui apparaît en finale, donnant de la fraîcheur. C’est un très grand vin.

Classer ces vins serait difficile car je les adore tous. Je risque un classement : 1 – Vega Sicilia Unico 1999, 2 – La Mouline Guigal 1986, 3 – Dom Ruinart 1973, 3 ex-aequo – Dom Pérignon 1975, 5 – Piper Heidsieck 1966.

Mon fils reviendra en août nous voir dans le sud. Déguster avec lui est un grand bonheur.

Déjeuner au restaurant de l’hôtel Lilou dimanche, 16 juin 2024

Après l’incroyable dîner à l’Oustau de Baumanière avec 13 vins des 18ème et 19ème siècles, je me dirige vers ma maison du sud pour la traditionnelle trêve de trois mois au bord de la mer.

Des amis nous invitent au restaurant de l’hôtel Lilou à Hyères. Je n’ai jamais entendu parler de ce lieu. Il y a fort heureusement un parking privé de l’hôtel en cette partie du centre d’Hyères. La décoration de l’hôtel et du restaurant est superbe et crée une ambiance très positive. Nous déjeunons dans la cour de l’hôtel, elle aussi joliment décorée.

Nos amis me demandent de choisir les vins dans une carte des vins intelligente où l’on trouve des vins d’une certaine maturité. Nous commandons un Champagne Billecart-Salmon Nicolas François Brut 2008. Il a acquis une belle maturité et une noblesse affirmée. Très agréable champagne bien inspiré.

Pour l’accompagner, nous prenons des panisses maison et toum, ainsi que des houmous, grissini maison et légumes croquants.

Pour le menu, je prendrai les asperges à la sarriette, harra libanaise, ricotta au zaatar, échalotes confites / volaille marinée au yaourt comme à Beyrouth, barigoule d’artichauts, barbajuan aux blettes / tarte à la pistache de Sicile, glace à la fleur d’oranger.

Le Chablis Dauvissat 2012 est un chablis villages, mais il est si bien fait qu’il nous séduit. Ses qualités sont la précision, la finesse et la fluidité. On ne boit pas assez de chablis qui se montrent si purs.

Notre amie a suggéré que l’on prenne une Côte Rôtie Domaine Jamet 2001. C’est un vin élégant et gourmand qui ne joue pas sur sa force mais sur sa subtilité. Le fait d’avoir 23 ans lui a donné beaucoup de charme.

La cuisine de ce restaurant est fort agréable. Bertrand Rouger directeur de la restauration est venu bavarder avec nous et nous avons été gratifiés d’un rhum très agréable. C’est une adresse à suivre.

Le dîner le plus extraordinaire de ma vie vendredi, 14 juin 2024

Il y a quelques mois, j’ai reçu un mail avec des photos incroyables de vins du 19ème et du 18ème siècle. C’était assez irréel. Je ne pouvais pas prétendre acheter tout, mais je ne voulais pas ne rien prendre, aussi j’ai acheté un Château Lafite 1811, de l’année de la grande comète. Je croyais naïvement qu’il s’agissait de la comète de Halley mais pas du tout, c’est une comète dont la période orbitale est de plus de 3000 ans. Son dernier passage était du temps de l’empire d’Egypte ce qui a fait appeler cette comète la comète Napoléon.

Tout récemment, je vois réapparaitre les photos des vins anciens dans un mail de l’un de mes fournisseurs habituels, qui propose un dîner avec ces bouteilles qui se tiendrait à l’Oustau de Baumanière, dont le nouveau chef, Glenn Viel, a trois étoiles. Je parle de ce dîner à deux amis et nous nous inscrivons. Mon fournisseur a organisé ce dîner avec un partenaire américain qui a trouvé trois amateurs américains qui complèteront la table.

On m’a demandé d’ouvrir ces vins très anciens. Je me présente donc à 15 heures à l’Oustau de Baumanière dont le site est d’une rare beauté, et avec Antoine, le chef sommelier, nous descendons en cave. Je demande que l’on fasse d’abord l’inventaire de ce qui sera bu, car je vois une profusion de bouteilles. Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai compris pourquoi. Romain, l’organisateur, a tellement peur qu’il y ait trop de bouteilles imbuvables qu’il a prévu de nombreux vins de remplacement. Et j’ai appris aussi beaucoup plus tard que l’Oustau avait demandé aux organisateurs des droits de bouchon tellement élevés que la solution trouvée était que les participants achètent des vins de la cave de l’Oustau, pour éviter ces droits de bouchons. Cela rendait le programme encore plus chargé.

Je commence l’ouverture des vins par un vin blanc de 1926 et le goulot resserré a empêché le bouchon de venir entier. J’ai dû lutter pour extirper toutes les brisures de liège sans que rien ne tombe dans le vin. J’ai mis dix minutes et je voyais Romain inquiet car au rythme de tant de temps pour un seul bouchon, on n’arriverait jamais à tout ouvrir.

J’ai reçu l’aide de plusieurs personnes et Antoine a montré un vrai talent pour ouvrir les vins. Je n’ai su que longtemps après que des vins ouverts par Romain ont été estimés imbuvables et ont été écartés. C’est le contraire de ce que je pratique, puisque je ne décide jamais d’éliminer un vin tant qu’il n’a pas eu plusieurs heures d’oxygénation lente. Il y a tellement de vins qui ressuscitent.

Lorsque les ouvertures ont été terminées voici la liste de ce que nous allons boire dans l’ordre de service : Champagne Krug Clos d’Ambonnay 1995 (offert par un convive) – Chateau Haut-Brion blanc 1959 (cave de l’Oustau) – Montrachet dans une bouteille alsacienne 1910 – Meursault 1926 – Chassagne Montrachet 1926 – Château Margaux 1825 – Château Margaux 1865 – Château Margaux 1875 – Château Latour 1794 – Château Latour 1892 – Château Lafite 1817 – La Mission Haut-Brion 1934 (offert par un convive) – Château Lafite 1798 – Château Lafite 1867 dans une bouteille d’un volume de 3 bouteilles – Château Mouton Rothschild 1928 – Vosne Romanée René Engel 1945 – Musigny de Vogüé années 50 – Musigny de Vogüé 1955 – Musigny de Vogüé 1959 – Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1990 (offert par un convive) – Probable Madère vers 1700 – Tarrantez 1842 – Madeira 1790 – Blandy’s 1792 – Château d’Yquem vers 1800 – Champagne Salon magnum 2006 (offert par un convive).

Pour se faire une idée du caractère invraisemblable de cet événement, voici les années des vins : #1700 1790 1792 1794 1798 #1800 1817 1825 1842 1865 1867 1875 1892 1910 1926 1926 1928* 1934* 1945* #1950* 1955* 1959* 1990* 1995* 2006*.

Répartis par siècle cela donne : 18ème siècle : 5 vins – 19ème siècle : 8 vins – 20ème siècle : 11 vins – 21ème siècle : 1 vin.

Les étoiles mises ci-dessus à côté de certains millésimes désignent les vins ajoutés par rapport au programme initial, à la fois pour satisfaire l’exigence de l’Oustau et pour répondre à la peur de Romain qu’il y ait des vins imbuvables. Il convient de dire qu’après que les vins ont été ouverts, j’ai tout senti et mon pronostic à ce moment-là, sans l’effet de l’oxygénation lente, était qu’environ seulement la moitié seraient buvables. Ce fut beaucoup mieux au moment du repas.

Il faisait tellement beau que nous nous sommes retrouvés pour l’apéritif dans le beau jardin avec le Champagne Krug Clos d’Ambonnay 1995, de la première année de ce Clos. C’est un très grand champagne. Il avait besoin d’âge lors de sa sortie. Il est maintenant très expressif et noble. J’aime de plus en plus les blancs de noirs dont ce champagne est un magnifique exemple.

Le menu préparé par le chef trois étoiles de l’Oustau de Baumanière a pour nom « Ballade ». Les intitulés sont : L’intitulé est dans le titre – gourmandise / tartine de sardines – universel / les couteaux, les pieds dans l’eau – imagé / un bigorneau très très aimable – insolite / un rouget entre deux pierres, un pain déjà saucé – poétique / plante carnivore – imagine / agneau croute – tradition / kyrielle de fromages / dessert à la carte / mignardises et gourmandises – un sourire. J’ai bien fait de ne pas lire le menu, car si je l’avais lu, je n’aurais pas aimé cette présentation désinvolte.

Le plat le plus original est celui des couteaux. D’une façon générale, indépendamment du talent du chef, les présentations trop complexes ont fait de ce menu un repas où les plats n’ont pas mis en valeur les vins. Il eût fallu des recettes extrêmement simples, fluides et douces, pour que les vins fragiles soient mis en valeur. Fort heureusement notre attention était portée sur des vins absolument exceptionnels.

Premier service : Je classe : 1 – Meursault 1926, 2 – Chassagne-Montrachet 1926, les deux étant bien aidés par le plat de sardine. 3 – Château Haut-Brion blanc 1959, de la cave d’Oustau que je n’ai pas trouvé au niveau qu’il pourrait avoir. Le Montrachet 1910 servi dans une bouteille alsacienne est mort. Les blancs n’ont pas brillé autant que les rouges.

Deuxième service : Je mets le Château Margaux 1825 en premier, car avoir un vin aussi puissant à cet âge mérite un premier rang. On sent dès la première gorgée la puissance des vins pré phylloxériques, faits pour l’éternité. Le Château Margaux 1865 a le même niveau de qualité, mais sera deuxième en raison de sa jeunesse (si on peut dire). Lorsque vous commencez un dîner avec un vin parfait de 199 ans, vous savez que vous entrez dans un monde irréel.

Le Château Margaux 1875 est agréable mais avec moins d’émotion que les deux plus anciens.

Troisième service : avec Château Latour 1794, je sais que nous avons le vainqueur de la soirée. Comment est-il possible d’avoir une telle perfection, c’est incroyable. Je l’ai dit à mes amis : quand vous direz qu’un 1794 était miraculeux, personne ne vous croira.

Le Château Latour 1892 est très puissant et génial. Ce qui est incroyable, c’est de voir que deux Latour séparés par 98 ans ont autant de qualités similaires.

Le Château Lafite 1817 a une couleur très rouge et très dense. Personne ne croirait qu’il a 207 ans. On se croirait dans le film de la machine à remonter le temps où l’on change d’époque avec facilité.

Le Château La Mission Haut-Brion 1934 devait être une star mais ce n’était pas pour moi le géant qu’elle devait être. Cependant merci à celui qui en a fait le cadeau, de la cave de l’Oustau.

Le Château Lafite 1798 est adorable, pas aussi stratosphérique que le Latour 1794 mais génial.

Le Château Lafite 1867 dans un gros volume plus gros qu’un magnum est époustouflant. Tellement équilibré que je l’ai mis en deuxième position derrière Latour 1794, troisième Lafite 1798 et quatrième Lafite 1817. C’est incroyable que je place les vins les plus anciens aux premières places de mon classement.

Le Château Mouton Rothschild 1928 est le vin qui termine l’incroyable série des vieux Bordeaux. Je le trouve sous le niveau du précédent Mouton 1928 que j’ai bu. De grande qualité mais il ne m’émeut pas.

Le Vosne Romanée René Engel 1945 est d’une pureté impressionnante.

On nous sert maintenant trois Musigny de Vogüé des années 50 : un sans année a une superbe finale, le 1955 est aussi très grand et le 1959 est magique. Trois expressions d’un très grand Musigny.

Le Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1990 est délicat, romantique et subtil, mais je ne suis pas à l’aise car il ne s’inscrit pas dans notre voyage d’aujourd’hui. Je ne peux que remercier l’ami américain généreux, mais il n’est pas logique de le boire dans un tel repas.

Nous passons maintenant à l’heure des vins doux.

Le Madère supposé 1700 a une bouteille très semblable au vin de 1690 que j’ai bu. Ce qui m’émeut, c’est que le 1690 était plat, et que l’émotion était plus historique que due au vin. Au contraire, ce 1700 est vif et suggère un joli Madère 1700, certes un peu faible mais doux et charmant.

Le Terrantez 1842 exprime de la menthe fraîche et de l’alcool. Il est plein d’énergie.

Le Borges Madeira 1790 a un alcool fort et une menthe forte. Frais et fort de belle réussite.

Le Blandy’s 1792 est époustouflant, hors norme. Que du bonheur.

Il est très difficile de classer ces vins doux si étranges.

Le Château d’Yquem supposé du #1800 est mort. Il est remarquable que nous n’ayons eu que deux vins morts, le Montrachet 1910 et le #1800 Yquem.

Pour revenir sur terre, alors qu’il est près d’une heure du matin, un ami nous a offert un magnum de Champagne Salon 2006, décidément délicieux.

Je me suis intéressé à isoler les vins les plus marquants de ce repas, dans l’esprit du voyage que nous voulions faire dans l’irréellement vieux. Voici ce que ça donne, sans classement, dans l’ordre de dégustation : Château Margaux 1825 – Château Margaux 1865 – Château Latour 1794 – Château Lafite 1798 – Château Lafite 1867 – Madère # 1700 – Torrantez 1842 – Blandy’s 1792.

L’âge moyen de ces huit vins est 214 ans correspondant à un millésime 1810.

Le plus grand vin est le Latour 1794, parfait et étonnant de justesse, et le plus émouvant du fait de son âge est le Madère 1700, pas parfait mais bien vivant.

Ce dîner est la consécration de ma démarche vers les vins anciens car il apporte la preuve qu’il n’y a pas de limite de temps et que le concept de déclin des vins n’existe pas. Il conforte ma croyance en l’immortalité des vins, qui ne meurent qu’à cause d’éléments autres que le vin dont le bouchon, la température de stockage et l’hygiène.

Le vin est éternel et j’en ai eu la preuve ce soir.

Merci aux organisateurs, merci aux généreux participants qui ont ajouté de beaux actes à cette pièce de théâtre, merci à Antoine qui a fait un service du vin parfait et merci à l’Oustau de Baumanière d’avoir été le bel écrin de cet événement, le plus grand de ma vie œnologique. Faire mieux ? Est-ce possible ? Ça ne sera pas facile.