Les moments qui précèdent le 207ème dîner de wine-dinners vendredi, 9 décembre 2016

C’est le départ pour Londres pour faire deux de mes dîners au 67 Pall Mall club où j’ai déjà fait un dîner il y a huit mois. A la Gare du Nord, rien ne bouge. Je reçois une information sur mon téléphone : « tous les trains sont bloqués à la Gare du Nord ». J’entends ensuite un haut-parleur qui indique : « aucun train ne peut partir et nous ne pouvons donner aucune information ». Ensuite, c’est « le train de 15h13 est annulé. Nous vous informerons lorsque nous pourrons vous donner des informations ». Il semblerait que ce soit un caténaire qui aurait été arraché par un train régional. Comme des centaines de personnes, je cherche à changer de billet en faisant la queue aux guichets de l’Eurostar. Au rythme où se font les changements, je pourrais y être encore demain. Arrive alors un agent qui dit à un petit groupe : « si vous êtes du train de 15h13, je peux vous mettre sur le train de 16h13 ». Je m’accroche à cet espoir. Mon billet est changé. Puis commence une attente, là aussi sans explication. Ce n’est qu’après une heure de plus que je peux embarquer dans le train qui reste à quai. Le stress créé par l’absence d’information est intense. Enfin je pars, avec 2h30 de retard. En débarquant à Saint-Pancras, la vie reprend son cours.

Une bonne nuit de sommeil plus tard, je retrouve pour déjeuner deux amies américaines accompagnées d’une de leurs amies que je ne connais pas, qui vont toutes trois participer au premier dîner. Nous allons déjeuner au restaurant Avenue. La carte des vins est plutôt maigre. La seule réelle pépite est un Château de Pibarnon Bandol 2012. Sur un filet de bœuf écossais, le vin est fort agréable. La seconde bouteille de ce même vin est infiniment meilleure, plus vivante, plus typée, évoquant le sud et la garrigue. Une telle variation sur un vin aussi jeune est difficilement imaginable. Qu’en sera-t-il ce soir avec des vins qui ont de nombreuses décennies de plus ?

Je me présente au 67 Pall Mall Club à 15h30 pour ouvrir les vins du 207ème dîner. Un journaliste de la revue The Economist avait prévu de m’interviewer pendant l’ouverture des vins et comme le quorum du dîner n’est pas atteint, je lui avais annoncé que je l’invite à dîner ce soir.

Terry Kandylis, l’excellent chef-sommelier du club a préparé les bouteilles en cave, verticales depuis deux jours pour que les sédiments éventuels reposent au fond des bouteilles. L’espace qu’il m’a réservé en cave est très exigu et la température en cave est très froide, trop froide sans doute.

Les parfums des vins sont absolument enthousiasmants, avec, dans l’ordre des surprises heureuses, le Guiraud 1893 éblouissant et glorieux, complexe à l’infini, le Vega Sicilia Unico 1936, combinant fruits rouges et chocolat d’une folle jeunesse et Haut-Brion 1928, au magnifique fruit rouge. Le seul vin à peine incertain est le Haut-Brion 1961, qui a besoin de chasser des senteurs de poussière qui ne semblent pas devoir subsister.

Le bouchon qui a résisté le plus est celui du Haut-Brion 1928 totalement collé aux parois, que j’ai pu extirper en morceaux comme un archéologue qui trouverait les vestiges d’un dinosaure. D’autres bouchons se sont désagrégés mais tout est sorti comme il convenait.

C’est donc très confiant que nous nous remontons, Dan le journaliste et moi au bar du club pour que je réponde à ses questions. Le club propose cinq cents vins au verre grâce à l’utilisation intensive du Coravin, cette seringue qui permet de pomper du vin à travers le bouchon et de le remplacer par un gaz inerte qui permet de conserver le vin sans aucune oxydation liée au prélèvement. Dan m’offrira un verre de Bonnes-Mares Domaine Comte de Vogüé 2006 d’une grande vivacité suivi d’un verre de Chambolle-Musigny Domaine Comte de Vogüé 2005 plus discret mais quand même agréable à boire même s’il est moins noble que le Grand Cru précédent.

A 18h30, heure du rendez-vous, mes amies américaines toutes belles sont d’une ponctualité absolue. Nous sommes rapidement sept et les deux derniers me donnent des sueurs froides car ils n’avaient jamais répondu à mes mails. Lorsqu’enfin je les vois arriver, un lourd poids se libère et le dîner peut commencer.

déjeuner au restaurant Pages avec un Châteauneuf 1949 samedi, 3 décembre 2016

Nous serons trois à déjeuner au restaurant Pages. Je suis la puissance invitante. Au Grand Tasting, j’avais préféré le Krug 2003 au Krug 2002 aussi ai-je envie de prendre sur la carte du restaurant le Champagne Krug 2003 pour vérifier si l’impression se confirme. Par ailleurs j’ai apporté un vin pour essayer de montrer par l’exemple en quoi les vins anciens représentent un monde fascinant de saveurs inégalables à mes deux convives peu familiers de ces vins. C’est pour cela que je suis arrivé peu après onze heures, pour ouvrir mon vin. L’un des convives étant retenu à son bureau nous n’avons commencé le repas qu’à 13h30, ce qui m’a donné le temps de méditer sur le sort de notre planète et toutes ces autres sortes de choses comme on dit en anglais.

Lors du choix du menu qui n’est pas communiqué, Laure nous propose trois options : caviar ou non, truffe ou non et viande de bœuf Ozaki ou non. Le jeu est pipé car je me vois mal refuser ces trois options à mes deux complices. Nous partons donc vers le grand menu du chef Teshi qui est : pain soufflé, crème parmesan / céviche de cabillaud / cromesquis de potimarron / encornet grillé, vinaigre de Xérès / caviar de Sologne, crêpe et ciboulette / carpaccio de bœuf Ozaki / raviole de foie gras, légumes racines d’automne, truffes / bonite fumée au foin, sauce œuf mollet et brie de Meaux / cabillaud caramélisé, sauce aux champignons et truffes / veau laitier grillé, déclinaison de choux aux coques, truffes / dégustation de bœufs maturés : salers 7 semaines, normand 4 semaines et bœuf Wagyu Ozaki / tarte au citron déconstruite, glace aux panais et sauce d’huile d’olive citron / mont-blanc à la clémentine.

Il me semble que ce repas est probablement le plus grand que j’aie expérimenté au restaurant Pages. Il y a des plats nouveaux délicieux, des inventions comme des coques dans des feuilles de choux ou la bonite et un brie. Ce repas est remarquable en tous points.

Le Champagne Krug 2003 est noble et se boit beaucoup mieux en situation de gastronomie. Il n’a peut-être pas la largeur de quelques autres Krug mais il a une sensibilité qui m’émeut. Il est grand, complexe mais il est aussi fluide et incroyablement buvable. Ce n’est que du bonheur surtout sur des saveur typées comme l’encornet au vinaigre de Xérès, comme le carpaccio de bœuf et comme la bonite au brie. Sur le caviar que j’adore, un champagne plus lourd aurait été plus approprié.

Le vin que j’ai apporté est un Châteauneuf-du-Pape La Bernardine Domaine M. Chapoutier 1949. J’ai estimé que ce vin tout en rondeur et d’une magnifique année serait le bon passeport pour faire voyager mes amis dans le paradis des vins anciens. Le niveau dans la bouteille est à deux centimètres sous le bouchon ce qui est remarquable. A l’ouverture de la capsule j’ai vu que le haut du bouchon est légèrement imbibé. Le bouchon est très difficile à enlever car il y a une surépaisseur au milieu du goulot ce qui demande des efforts énormes pour tirer sans point d’appui avec la longue mèche, et le bouchon se sectionne mais vient entier.

La première odeur à l’ouverture avait de l’acidité ce qui m’a fait craindre que ma démonstration ne serait pas complète mais au moment du service, le vin a perdu toute trace d’acidité. Ce vin a une attaque toute en velours et ensuite, en milieu de bouche la puissance s’affirme, le vin devient lourd et finit par une glorieuse évocation de truffe. Il combine la puissance conquérante avec la douceur du velours. C’est un vin de charme mais aussi d’affirmation. Avec le bœuf Ozaki bien gras, l’accord est divin, douceur sur douceur.

L’atmosphère est à la gaieté aussi ai-je commandé un Champagne Delamotte Blanc de Blancs 2007, tranchant comme un blanc de blancs, expressif mais accueillant qui a parfaitement convenu aux très jolis desserts aériens.

Le restaurant Pages est décidément l’une des plus grandes tables de Paris.

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206ème dîner de wine-dinners au restaurant Guy Savoy jeudi, 1 décembre 2016

Le 206ème dîner se tient au restaurant Guy Savoy. La salle où nous serons seuls est belle, aux murs noirs qui mettent en valeur les œuvres très modernes de ce que je pense être la collection de François Pinault. A 17 heures, j’ouvre les vins. Les belles odeurs sont du Gilette sec 1951, de l’Ausone 1959. Les très belles senteurs sont du Traminer Schlumberger qui est en fait un liquoreux, ce que rien ne laisse prévoir sur l’étiquette. J’inverse donc l’ordre de deux blancs pour qu’un accord se trouve après cette surprise. Autres très belles senteurs le Belgrave 1948, le Pommard 1969, le Richebourg 1964. Le parfum spectaculaire est celui du Riesling Vendanges Tardives Hugel 1989. Les parfums discrets sont ceux de l’Echézeaux 1988 et de l’Yquem 1919. Le seul parfum incertain est celui du Loupiac 1947 car au nez, puisque je ne bois pas les vins, on ne peut pas totalement exclure une petite trace de bouchon. Attendons de voir et de boire.

Nous serons onze à table, pour un dîner à l’initiative d’une entreprise. Je ne connais personne. Il y a des allemands, un autrichien, un belge, un indien, un anglais, un irlandais, deux français et j’en oublie sans doute. Ils fêtent les cinq ans du rachat de l’entreprise par les actionnaires présents avec les gestionnaires. Il y aura seulement dix votants en fin de repas car l’indien se limitera à deux vins pendant le repas.

L’apéritif est pris debout avec le Champagne Alfred Gratien magnum 1979. On entre de plain-pied dans le monde des vins à maturité avec ce beau champagne plaisant, avenant, facile à comprendre qui est tout intégré tant ses saveurs sont cohérentes. Avec les petits toasts au foie gras et la brioche au parmesan, l’accord est gourmand.

Nous passons à table. Le menu créé par Guy Savoy pour les vins est : toast au foie-sel / brioche au parmesan / Jabugo & girolles / raie « refroidie » au caviar, petit ragoût breton / saint-pierre sur mer / volaille de Bresse pochée en vessie et champignons du moment / ragoût de lentilles aux truffes / grouse rôtie, châtaignes au jus et galette de grand caraque / fourme d’Ambert / dessert exotique.

Sylvain Nicolas le chef-sommelier a aussi joué un rôle important dans la mise au point des accords.

Le Champagne Dom Pérignon 1961 a une petite amertume dans l’attaque qui disparaît très vite et le milieu de bouche est tout en douceur. Ce 1961 est un vrai Dom Pérignon, dans la ligne historique et romantique. Les girolles sont divines pour mettre en valeur ce champagne de très belle émotion. C’est un vin de plaisir raffiné au final très présent.

Le Traminer Shlumberger 1953 était prévu après le Gilette mais la sucrosité ressentie dans son parfum à l’ouverture m’a poussé à le mettre avec la raie au caviar et c’est une bonne décision. Fort curieusement le nez du vin n’a plus ce côté doucereux, comme si le plat lui faisait « manger » son sucre. Le vin est d’une rare délicatesse, sans âge tant il est équilibré. Il est bonheur, dans des directions inconnues car il ne fait pas du tout vin d’Alsace. J’adore. Quand je sentirai le verre vide, le parfum évoque des fruits rouges ce qui est inattendu.

Le Château Gilette sec 1951 est une magnifique surprise. Pour tous les vins secs faits par des maisons de sauternes, on ne peut pas s’empêcher de sentir le botrytis, même s’il n’est pas là car ce vin évoque malgré tout le sauternes. Le plat de saint-pierre est exceptionnel, rendu encore plus iodé par de goûteuses coques. L’accord est un des plus beaux du repas. La solidité et l’aisance de ce vin solide et plein me plait beaucoup, alors que 1951 est une année qui n’a pas laissé de trace dans les mémoires.

Deux vins accompagnent la volaille en vessie. Le Château Belgrave Haut-Médoc 1948 est d’un équilibre et d’une gourmandise incroyables. Ce qui frappe c’est qu’il est intemporel. Il est tellement cohérent et intégré qu’on se sent à l’aise avec lui au point qu’il sera le gagnant de loin des vins du repas et c’est tout à l’honneur de mes convives qui n’ont pas couronné pour la première place les plus belles étiquettes mais ce vin gourmand. Ses accents truffés sont brillants.

Le Château Ausone 1959 est un grand vin. On sent sa belle matière, sa profondeur et sa noblesse de grand saint-émilion mais en fait le plat est fait pour le Belgrave ce qui fait que ce bel Ausone n’aura pas les faveurs qu’il mérite, sauf d’un convive.

Avec le Pommard les Grands Epenots Maurice Bouvret 1969 on comprend pourquoi les bourgognes doivent passer après les bordeaux. Il y a dans ce vin une sensualité extrême. Tout en lui est séduction et quand on croit qu’on en a fait le tour il y a encore des complexités qui se rajoutent. Sa robe est très clair et son goût délicat. Nous avons été gênés par le fait que la truffe ne se ressent pas s’il y en a trop peu car la lentille domine. Très gentiment on est venu compléter ce que nous avions et le plat change du tout au tout. Le vin s’en régale.

Sur une divine grouse de forte personnalité il y a deux vins. Lorsqu’on les sent, le Richebourg P. A. André 1964 a un parfum tonitruant et glorieux qui fait de l’ombre à l’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1988 dont les émanations sont trop discrètes. Mon voisin de table qui est l’initiateur du repas me suggère que le Richebourg va dominer dans l’accord et je lui dis sans avoir rien goûté : « je pense que ce sera le contraire ». Et c’est saisissant. C’est l’Echézeaux si timide qui crée l’accord vibrant avec la grouse tandis que le Richebourg, odorant, envoûtant et joyeux, parade mais ne crée pas l’accord. Les deux vins si opposés sont superbes. L’Echézeaux est raffiné et subtil.

Le Riesling Vendanges Tardives Maison Hugel 1989 est une merveille de fluidité, de précision et de noblesse. C’est un vin immense, d’une fraîcheur incomparable. Il colle parfaitement à la fourme.

Le nez de bouchon que j’avais supposé à l’ouverture est là, mais le Loupiac Champon-Ségur 1947 se boit bien, sans défaut sensible. Il est très riche et bien liquoreux plus puissant que l’Yquem.

Le Château d’Yquem 1919 à la couleur d’un or assez pâle a mangé son sucre, ce qui ne lui enlève aucune qualité. Il est incroyablement subtil, tout en suggestion. Il obtiendra neuf votes sur dix votants. L’accord avec le dessert exotique est parfait.

Une constante tout au long du repas est que les vins arrivent épanouis sur table et que la cohérence qu’ils ont acquise les rend « hors d’âge », ce qui veut dire qu’on ne pourrait pas les situer dans le temps. L’Yquem pourrait être des années 50, le Belgrave des années 80, ça ne choquerait pas.

Il est temps de voter pour dix votants choisissant quatre vins. Dix vins sur douze figurent sur au moins un bulletin de vote. Cinq vins ont été nommés premier, dont Belgrave 1948 cinq fois, Yquem 1919 deux fois et Gilette 1951, Ausone 1959 et Richebourg 1964 une fois premier.

Le vote du consensus serait : 1 – Château Belgrave Haut-Médoc 1948, 2 – Château d’Yquem 1919, 3 – Riesling Vendanges Tardives Maison Hugel 1989, 4 – Château Gilette sec 1951, 5 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1988, 6 – Champagne Dom Pérignon 1961.

Mon vote est : 1 – Château Belgrave Haut-Médoc 1948, 2 – Riesling Vendanges Tardives Maison Hugel 1989, 3 – Château d’Yquem 1919, 4 – Château Gilette sec 1951.

Dans une belle salle du restaurant Guy Savoy, avec un service parfait aussi bien du vin que des plats, avec une cuisine qui mérite tous les éloges tant les accords ont été d’une grande pertinence, alors que je ne connaissais personne, nous avons passé une soirée riche d’émotions où le Belgrave 1948 a été une immense surprise et où les accords dont celui merveilleux du saint-pierre avec le Gilette sec 1951 et du dessert exotique avec l’Yquem 1919 ont ensoleillé ce grand moment de gastronomie.

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les bouchons sont rangés dans l’ordre de service

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Champagne dominical mardi, 29 novembre 2016

Ma fille cadette vient déjeuner à la maison avec ses enfants. Ma femme a prévu une potée aux choux et saucisses fumées. Je verrais bien un Hermitage blanc mais comme ma fille conduira après le repas nous nous en tenons au champagne de l’apéritif qui est un Champagne Dom Pérignon 1993. Alors que l’année n’est pas rangée dans les plus grandes, ce champagne est en ce moment dans une période de bel épanouissement. Les notes de noisettes et de pâtisserie abondent et tout est enveloppé dans beaucoup de grâce. Ma fille adore et c’est le principal.

L’âge sied aux champagnes bien faits, d’années dites petites.

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205ème dîner de wine-dinners au restaurant Taillevent samedi, 26 novembre 2016

Le 205ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Taillevent. Nous serons onze dans le beau salon lambrissé du premier étage du restaurant. La table sera cosmopolite puisque j’accueillerai une indienne, un japonais, une productrice de rhum à la Martinique, une propriétaire de mines aux antipodes et d’autres convives de tous horizons. La parité sera presque parfaite puisqu’elle est arithmétiquement impossible, avec cinq femmes et six hommes.

J’arrive à 17 heures pour ouvrir les vins et cette opération sera filmée par Cécile qui travaille pour une chaîne de télévision câblée. Cécile filmera aussi le dîner. J’ai eu des angoisses toute la matinée car je ne retrouvais plus ma trousse avec les divers outils que j’utilise pour ouvrir les vins. Etre filmé et ne pas avoir mes outils, quelle erreur de casting. J’utilise un Durand, un tirebouchon qui combine un bilame avec un tirebouchon, qui n’était pas dans ma trousse perdue. Je peux correctement ouvrir les vins mais je préfère mes longues mèches qui me donnent une meilleure sensibilité du comportement du bouchon lorsqu’il commence à se briser ou à se morceler. Par ailleurs le bilame blesse les bouchons, ce qui n’est pas beau.

Le parfum du Corton blanc 1919 est incertain. On verra comment il évolue. Celui du Vosne-Romanée 1947 est assez déplaisant. Une mauvaise surprise est à craindre. Le nez du Cahors 1893 est faible. Là aussi, l’évolution est incertaine. Les parfums des deux sauternes sont superbes, l’un plus tonitruant, l’autre plus gracieux. Dans ce contexte, il me semble opportun d’ouvrir une autre bouteille de rouge, dont je sais qu’elle sera sans problème.

Le convives arrivent, tous ponctuels. Après les consignes d’usage puisqu’il y a cinq participants dont c’est le premier dîner, nous trinquons sur un Champagne Lanson Red Label 1971. La bouteille est très jolie, en forme de quille. La couleur est d’un bel or assez clair. La bulle est peu présente mais le pétillant est actif. Le champagne est évolué mais plaisant. L’attaque est de petits fruits roses légèrement aigrelets et le corps du champagne est joliment vineux. Pour beaucoup il faut s’habituer aux goûts des champagnes anciens car ce n’est pas naturel. Sur les gougères et les copeaux de jambon, le champagne a une belle présence. Je suis ravi de sa belle complexité.

Nous passons à table. Un petit amuse-bouche gourmand convient bien au Lanson.

Le menu créé par Alain Solivérès : copeaux de jambon / huîtres Gillardeau en gelée d’eau de mer / bar de ligne étuvé, saveurs des bois / gourmandise de poule faisane, foie gras de canard et châtaignes / palombe rôtie aux salsifis / lièvre à la cuillère, pâtes fraîches à la farine de châtaignes / stilton / pomme et poire façon tarte Tatin

Sur l’huître en gelée, le Champagne Salon 1988 se montre absolument glorieux. Avec Tomo, nous nous disons que c’est un des plus grands Salon 1988 que nous ayons bus, car cette bouteille est d’une rare perfection. Ce Salon d’une grande année combine à la fois puissance et élégance. C’est un guerrier conquérant mais aussi un chevalier galant. Il a une profondeur et une persistance en bouche qui sont extrêmes.

Le Château Haut-Brion blanc 1979 est une mauvaise surprise, mais pas pour tout le monde puisqu’il sera voté numéro un par une convive. A l’ouverture, je pensais qu’il avait besoin de s’épanouir, mais maintenant c’est un vin qui a vieilli trop vite, anormalement évolué pour son âge, et qui ne se livre pas. Toutefois, mon jugement est sévère car avec le bar et surtout les petits champignons, il redevient aimable même s’il reste un peu en dedans.

La poule faisane est délicieuse et même si l’accord est osé, il fonctionne parfaitement. Le Corton Blanc Jacqueminot 1919 pour lequel mon diagnostic il y a quatre heures était indécis se montre totalement éblouissant. La sérénité de ce vin et son absence d’âge, tant il est équilibré, surprennent tout le monde. Tomo trouve que le meilleur accord est avec le foie gras. Je trouve que c’est avec la chair du faisan. Tous les visages s’illuminent, car c’est une surprise extrême.

J’ai associé sur la palombe deux vins de 1947 mais il n’y aura aucune compétition. Le Vosne-Romanée Antonin Rodet 1947 est un peu fatigué et il est très nettement au-dessus de ce que j’attendais. Il serait seul, nous l’aimerions. Mais il y a à côté de lui une telle merveille que notre attention se porte sur le Gevrey Chambertin Maison P. Jorrot 1947. Ce vin est exceptionnel et tout le monde en convient puisqu’il obtiendra neuf votes dont cinq de premier, ce qui est rare. La grâce de ce vin, son charme, son équilibre, sa matière lourde combinée à une délicatesse extrême en font un vin de pur bonheur. Qu’un « Villages » puisse être aussi élégant est une énigme. La palombe est superbe et convient bien à ce vin qui nous transporte au septième ciel du vin.

Sur le lièvre une fois de plus délicieux, deux vins que tout oppose sont associés. Le Clos de Gamot Cahors 1893 a un nez bouchonné que Tomo ne trouve pas. En bouche, le gout de bouchon n’existe pas et ne gêne pas le joli message d’un vin assez simple mais bien vivant, dont on aurait peine à dire qu’il a 123 ans. Je suis heureusement surpris qu’il se comporte ainsi alors que son compère fanfaronne à côté de lui. Il est à noter que de mon expérience, les vins très anciens qui sont bouchonnés proviennent de bouteilles reconditionnées. Ce Cahors a été reconditionné dans les années 70 et c’est à cette occasion-là qu’il a dû attraper ce goût fort heureusement bénin.

Le Châteauneuf-du-Pape Charton 1928 est une bombe de saveurs. Doté d’une matière énorme ce vin parade de bonheur. Il est joyeux en bouche, au message très simple mais porteur de plaisir. C’est vraiment un vin de plaisir, gouleyant, plein en bouche.

Arrive maintenant le vin que j’ai ajouté et qui correspond beaucoup plus aux goûts que mes convives connaissent. Nous nous sommes amusés à le faire découvrir à l’aveugle et en s’aidant les uns les autres, la réponse a été très proche de la perfection puisque l’appellation a été trouvée. La Côte Rôtie La Landonne Guigal 1983 est très élégante, racée, fine. Elle ne joue pas sur sa puissance mais sur son élégance. Classiquement, un vin qui n’est pas porté sur la feuille de vote n’obtient pas de vote même si chacun sait qu’il pourrait voter pour lui. Si le vin avait été annoncé, il aurait figuré dans les votes. C’est une très jolie Landonne que cette 1983.

Les deux sauternes étant très différents je décide qu’ils ne seront pas servis ensemble. Le Château Filhot 1928 est d’une grâce extrême. Ce qu’il y a de bien avec les sauternes, c’est que lorsqu’ils sont grands, il n’ont pas le moindre défaut. Celui-ci a mangé son sucre et cela lui donne une légèreté extrême. Ce n’est que du bonheur, amplifié par le très goûteux stilton. Le mot qui lui convient est « grâce », à la Grace Kelly.

Le Château Gilette crème de tête 1945 est une bombe de saveurs comme l’était le Châteauneuf-du-Pape tout à l’heure. Quel grand sauternes, aux antipodes du Filhot, car maintenant, c’est du beau botrytis qui envahit notre palais. L’accord avec la Tatin est un accord couleur sur couleur comme je les aime. On se régale.

Il est temps de voter et je suis particulièrement heureux car neuf vins figureront au moins une fois dans les onze votes où chacun désigne ses quatre vins préférés. De plus, six vins ont été nommés premier par au moins un convive. C’est spectaculaire et montre à quel point les goûts sont différents entre les convives si les votes sont si disparates. Le Gevrey Chambertin Maison P. Jorrot 1947 a eu cinq votes de premier, le Champagne Salon 1988 deux votes de premier et le Château Haut-Brion blanc 1979, le Corton Blanc Jacqueminot 1919, le Château Filhot 1928 et le Château Gilette crème de tête 1945 ont eu un vote de premier.

Le vote du consensus serait : 1 – Gevrey Chambertin Maison P. Jorrot 1947, 2 – Champagne Salon 1988, 3 – Château Filhot 1928, 4 – Corton Blanc Jacqueminot 1919, 5 – Châteauneuf-du-Pape Chartron 1928.

Mon vote est : 1 – Gevrey Chambertin Maison P. Jorrot 1947, 2 – Corton Blanc Jacqueminot 1919, 3 – Château Filhot 1928, 4 – Champagne Salon 1988.

Dans mes dîners, il y a toujours des vins « fantassins », c’est-à-dire des vins qui sont hors de portée des radars des spéculateurs. Qui rechercherait aujourd’hui les deux vins que j’ai classés en tête, Gevrey Chambertin Maison P. Jorrot 1947 et Corton Blanc Jacqueminot 1919 dont je ne connais d’ailleurs pas les maisons. C’est pour moi une grande fierté de pouvoir montrer que les vins fantassins prennent leur place au plus haut niveau dans de grands dîners.

Un des convives, habitué de mes dîners, est venu avec, sous son bras, le merveilleux écrin d’un Cognac Hennessy Paradis Imperial que nous avons partagé. Fait de l’assemblage de plus d’une centaine d’alcools ayant de 50 à 150 ans, il est d’une fraîcheur incroyable. Précis, net, élégant c’est un cognac qui se boit merveilleusement bien. J’en ai repris !

Dans une atmosphère joyeuse et rieuse, avec le service toujours impeccable et attentionné de l’équipe du Taillevent, avec des accords tous réussis et une cuisine parfaitement orientée vers les vins, nous avons vécu un très beau dîner de gastronomie. Et la performance de fantassins est une récompense pour l’amoureux des vins anciens que je suis.

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Déjeuner de conscrits au Yacht Club de France jeudi, 17 novembre 2016

Lorsque c’est à mon tour d’inviter mes conscrits, j’essaie généralement de choisir des restaurants différents de ceux proposés par mes amis. Mais le directeur Thierry Le Luc et le chef font de tels efforts pour nous gâter et nous choyer que j’ai décidé de faire le déjeuner dont je suis le responsable au Yacht Club de France.

Pour les amuse-bouche d’apéritif, j’ai laissé libre cours à la débordante créativité de Thierry et du chef et cela donne ceci : duel entre l’andouille fumée de Ploeuc et la Langouille Espelette de Saint-Nazaire / toasts rillettes de pigeon, foie gras d’Éric Guérin de la Mare aux Oiseaux / sucettes de mascarpone et saumon fumé à la feuille d’huître.

Pour le menu j’ai indiqué des lignes directrices en fonction de mes vins et j’ai demandé que les recettes soient simplifiées à l’extrême pour que le produit sont mis en valeur. Cela donne : sole normande, jus de coquillages et potimarron / ris de veau aux cèpes et lard Belotta / filet de bœuf de Galice, pommes de terre « fin de siècle » en purée / fromages d’Éric Lefebvre MOF / sorbets artisanaux aux pamplemousses.

La qualité des produits recherchés avec amour a fait de ce repas une merveille. La seule remarque que je ferais est que le potimarron n’était pas nécessaire pour la sole. Sinon, le reste est un « sans faute ».

Le Champagne Diebolt Vallois magnum Brut sans année est un champagne qui combine vivacité et gourmandise. Sa richesse le fait aimer immédiatement. Il en impose par sa structure et sa convivialité. Ce champagne de Cramant dans la Côte des Blancs est un grand champagne.

Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1998 paraît nettement plus vieux que le précédent. J’ai peur qu’il ait vieilli plus vite qu’il n’aurait dû mais en fait, dès qu’il s’ébroue et sur les goûteux amuse-bouche, il s’anime, se montre vif et très plaisant. Champagne moins spontané il mérite sa place par sa typicité.

Le Coteaux Champenois Pol Roger Blanc de Blancs sans année doit dater des années 70. Il se présente comme très évolué et pourrait rebuter mais la sole va lui permettre de montrer ce qu’il peut offrir. Ce vin tranquille, c’est-à-dire non effervescent, a une belle matière et de belles complexités mais il ne pourra pas faire oublier qu’il est un peu fatigué.

Le Mercurey Clos des Myglands Faiveley magnum 1980 est absolument superbe. Il profite de son âge à bon escient. Il a beaucoup de puissance mais c’est surtout son élégance raffinée, aussi bien au nez qu’en bouche qui me séduit. Les deux rouges étant servis ensemble, c’est le Mercurey qui s’accordera le mieux avec le ris de veau.

Le Pommard Hospices de Beaune Cuvée Cyrot-Chaudron magnum 1990 fait nettement plus jeune que le Mercurey mais paraît moins complexe. Je préfère le Mercurey à ce stade, mais le Pommard va se montrer le plus vif sur la pièce de bœuf. Thierry Le Luc qui avait ouvert les deux magnums deux heures avant le repas, car j’avais livré les vins la veille, m’avait accueilli à mon arrivée en disant : « les deux rouges sont parfaits » et c’est vrai qu’ils n’ont aucun défaut et se dégustent avec plaisir, le Mercurey très subtil jouant de l’élégance que lui donne l’âge et le pommard plus spontané, direct et disposant d’un joli fruit.

Le Barsac Bouchard Père et fils négociant à Bordeaux 1953 a une magnifique bouteille et une couleur d’un or épanoui, encore clair. Le vin est brillant. Que demander de mieux d’un liquoreux que cette joie de s’exprimer dans des tons de fruits confits, de pâtes de fruits généreuses mais retenues. Ce vin est un bonheur car c’est un « sans grade » qui brille avec distinction et retenue.

Une nouvelle bouteille de Henriot Cuvée des Enchanteleurs a permis de terminer joyeusement ce repas d’amis. La pièce de bœuf superbe et les amuse-bouche sont les gagnants de ce repas ainsi que les surprenants sorbets très complexes. Pour les vins mes préférences iront au Mercurey et au Barsac, suivis par le champagne Diebolt-Vallois.

Ce fut un grand repas d’amitié et de talent de l’équipe du Yacht Club de France.

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Déjeuner de famille dimanche, 13 novembre 2016

Ma fille cadette vient avec ses enfants déjeuner à la maison. Sur des pâtes parfumées par un fromage à la truffe, j’ouvre un Champagne Dom Pérignon 1990. Dès la première gorgée on sent que l’on est en face d’un grand champagne. Et on le ressent comme dans une phase d’épanouissement total. Il est charnu. On n’est pas dans une tendance romantique mais plutôt de plénitude. Il évoque noix et noisette. Il est insistant et plein. Son finale est glorieux. C’est un très grand champagne gourmand. Il vibre sur un délicieux camembert et avec le fromage à la truffe qui avait accompagné les pâtes et se mange seul maintenant.

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Les commentaires du 700ème bulletin samedi, 12 novembre 2016

En envoyant le 700ème bulletin, qui n’est pas un récit mais une réflexion sur mon approche des vins anciens, j’ai demandé que ceux qui le veulent me fassent des commentaires.

Ils sont repris ici, sans commentaire de ma part pour ne pas lancer de discussion.

De LM : Très joli texte.

De MB : Bravo François pour ce 700ème numéro ! Vous lire est toujours un plaisir. Tous vos récits sont un véritable trésor qui permet de voyager dans le temps et de faire vivre l’Histoire du vin, patrimoine culturel français.

De FA2 : C’est parfait de bout en bout ! J’ai pris du plaisir en le lisant, c’est clair, humble, fondé sur une expérience qui est incontestable (700 bulletin, 1200 convives), c’est une invitation à réfléchir et à agir… non, vraiment, c’est parfait !!

De BH : Lire tes bulletins est toujours un moment où je me déconnecte de la réalité pour rêver en suivant tes aventures que tu racontes avec une magnifique maitrise de notre langue,  ce qui me permet presque de me sentir à tes cotés. Les vins anciens ont effectivement beaucoup plus à raconter que les vins trop jeunes qui cachent leur simplicité derrière une trop grande exubérance. J’aimerais avoir plus de temps pour déguster mes vieux Rioja des années 50/60/70 que je me refuse à vendre car je veux pouvoir les partager un jour avec des amateurs. Un grand merci et un grand bravo

De FD : Je viens de lire ton magnifique texte pour le 700e. C’est touchant, vibrant et surtout vivant ! On sent que cette passion des vins anciens te prend aux tripes. J’aime l’authenticité de tes récits, et surtout je vois une cohérence rare qui jalonne toutes ces années de dégustations. J’ai toujours été touché par ton intégrité et ta générosité. Je suis heureux d’avoir été à tes côtés pour partager des moments uniques et d’avoir été le témoin de tes précieuses qualités d’homme. La vie professionnelle actuelle, trépidante, m’empêche de pouvoir te voir autant que j’aimerais, mais je sais que nous nous verrons bientôt. Je réfléchis à de belles choses à venir… Prends bien soin de toi et bravo pour cet incroyable parcours qui marque déjà l’histoire du vin d’une trace indélébile.

De PF : J’ouvre de ce fait le septième dossier pour y classer les numéros 700 à 799. Comme votre palais et vos papilles ont de la chance d’avoir un tel fournisseur! Bacchus doit être bien fier de vous! Déjà 700 numéros consacrés à son royaume! Je ne doute pas un seul instant que lorsque vous vous présenterez, les portes seront largement ouvertes pour vous accueillir. Saint-Pierre et Bacchus vous tendront une merveilleuse coupe d’un sublime cristal inconnu dans laquelle ils verseront un exceptionnel Lacrima Christi, car c’est là où il est le meilleur ai-je entendu dire. Bravo pour ce 700e numéro. C’est une réussite. Vous y expliquez parfaitement votre passion et donnez le goût de la comprendre au néophyte que je suis. Je tiens à vous remercier pour ce que je viens de lire, car si les bulletins précédents m’ont aidé à comprendre certains vins, celui-ci m’a permis de comprendre comment les approcher et les boire. Bien sûr, jamais je n’ai ouvert de bouteilles aussi prestigieuses que les vôtres, mais ce dernier bulletin m’a rappelé un souvenir vieux de 42 ans. J’avais 22 ans et mon père m’emmena dîner dans un restaurant dont le patron était un ami de mon père. Nous nous installons. Mon père qui connaissait bien la carte des vins choisit un Mercurey. Ne connaissant rien des vins et refusant de boire autre chose que de l’eau (j’étais jeune et bête) je ne prends pas peine de regarder l’étiquette. Mon père se fâche et sans me demander mon avis me verse un peu de vin et me dit: « Bois »! La petite gorgée touche la langue, s’étale en bouche et y reste un moment. Quelques secondes s’écoulent. Mon père me regarde, il ne dit pas un mot et me sourit. Il comprend ce qui se passe. Ce que j’avale est un nectar! « Tu vois, c’est ça un grand vin » me dit-il en riant! Je suis certain qu’il est heureux que je vous raconte cette anecdote.

De PS : Très beau texte qui donne soif FRANCOIS ! Amitiés cariocas !

De AL : J’ai lu avec grand plaisir votre beau texte cher moine tourier des vins, oui ! c’est vrai, on ne trouve pas de vins de garde sur les cartes des restaurants ou alors très rarement et à un prix tellement élevé que le rapport prix/bouteille est complétement faussé. oui, on ne boit pas la « comparaison » ! très bien dit. La description du Jaboulet 61 est formidable. Vous êtes définitivement le plus grand auteur pour parler des vins.

De GdL : Merci Francois pour cette belle profession de foi et pour les mots touchants que tu trouves pour parler du Montrachet. À très vite, je t’ai fait parvenir deux flacons. Tu me diras ce que tu en penses

De RG : Merci pour ce 700ème bulletin qui synthétise très fidèlement votre vision et votre approche si pédagogique des vins anciens. Sans vouloir être courtisan, il me semble juste de vous considérer comme le moine tourier des vins anciens car la création de votre Académie est une réelle porte ouverte sur ce monde méconnu qui mérite toutes les attentions des amateurs (et notamment de ceux qui ignorent le potentiel des vins anciens). La démocratisation des vins anciens n’est pas une mince affaire (les préjugés étant nombreux) mais à travers vos écrits, vos actions et vos évènements concrets, l’amateur peut décrypter,  apprendre, comprendre et même déguster des vins anciens. De mon point de vue, une approche si complète et si pédagogique n’a pas son pareil en France. Pour cela, elle mérite d’être reconnue, remerciée et valorisée. Par ailleurs, votre réflexion sur les restaurants et la gestion d’une cave de vins anciens est très judicieuse car je suis convaincu que les établissements gastronomiques de réputation (étoilés ou non) doivent mettre un point d’honneur à proposer des vins à maturité, tout comme la cuisine met un point d’honneur à proposer des produits frais, de qualité et parfaitement à maturité (l’exemple des fraises vertes est criant de vérité). A ce titre, je me pose donc la question de la formation des sommeliers aux vins anciens. J’ignore complètement si les formations actuelles intègrent cette dimension mais je retrouve trop souvent à la carte des restaurants que je fréquente des vins trop jeunes qui compliquent la dégustation à cause d’une acidité trop marquée ou des tanins trop durs. J’ai quand même le souvenir d’un sommelier au restaurant La Table de l’Alpaga à Megève qui s’efforçait (tant bien que mal) de recommander des vins avec au moins 10 ans de cave (même si des millésimes récents figuraient à la carte). J’ai ainsi eu l’occasion de déguster cette année un merveilleux Chassagne-Montrachet 1er cru « Abbaye de Morgeot » 1999 d’Olivier Leflaive extraordinaire de finesse, de tension et de cohérence. Certes le vin était encore jeune mais j’ai trouvé que la démarche du sommelier était pleine de bon sens. Une autre réflexion personnelle me pousse à questionner le rôle des manifestations évènementielles dans la promotion des vins anciens. Il me semble, peut-être à tort, que les vins anciens résistent à la démocratisation du fait de leur promotion confidentielle et trop souvent circoncise à une vision presque « sectaire » (le mot est fort), ce qui est bien dommage. Il serait peut-être intéressant de trouver davantage de salon des vins anciens ou de manifestations mixtes qui proposeraient des ateliers de découverte des vins anciens. Voire même d’accroître la sensibilité des vignerons et grandes maisons viticoles sur la gestion et la promotion de leurs vins anciens. Il me semble que La France regorge de possibilité dans ce domaine. Bien sûr, les grands vins anciens, à cause de leur prix prohibitif, participent à la création d’un cercle restreint de dégustateurs privilégiés mais les vins de brocanteurs (comme vous les nommez) sont à la portée de tous et réservent bien souvent des surprises inattendues. Grâce à votre vision et votre approche, j’explore cette piste depuis maintenant 3 ans et toutes mes expériences me confortent dans cette passion des vins anciens. Ma dernière expérience saisissante étant un vin Australien Mount Pleasant Henri II 1945 de bas niveau (acheté 15 euros lors d’une vente de cave d’un vieille hôtel d’Aix-les-Bains en Savoie) qui m’a étonné par sa gourmandise, sa tenue et son goût si caractéristique de tabac et de café.

Ma dernière réflexion, issue de votre lecture, concerne le goût. Vous en parliez déjà dans votre premier ouvrage : le goût se forme dès l’enfance et évolue au fil des expériences gustatives.  Je me pose alors la question du goût des jeunes générations et de l’éducation au goût des vins anciens. Notre société entretien un rapport étonnant avec la nourriture et l’approche industrielle de l’alimentaire a ouvert la voie aux goûts de synthèse, aux exhausteurs, aux additifs, à la manipulation des arômes, etc. Le monde du vin a subit également cette influence à travers une forme de standardisation des goûts, l’ajout de substance pour modifier le goût du vin et d’autres procédés encore. Au-delà de l’aspect manipulatoire, je me demande si les jeunes générations ne souffrent pas de ce dictat du goût, dans la mesure où cela peut conditionner leurs préférences en matière de vin. Les vins à fort caractère, aux goûts puissants, dont la lecture gustative est aisée, avec un plaisir très démonstratif et non pas suggestif, semblent reporter les suffrages. Un exemple illustratif est la consommation de Chardonnay aux Etats-Unis par la gente féminine. J’ai l’impression que le goût du vin a évolué vers un plaisir « pailleté », un peu comme un bonbon acidulé que les enfants recherchent pour son plaisir franc et immédiat. Dans cette perspective, le saut gustatif est d’autant plus grand vers les vins anciens qui distillent un goût plus mûr, plus complexe, qu’il faut parfois aller chercher comme un explorateur (dégustateur actif) et non comme un pur « consommateur » (dégustateur passif). Dès lors, cette proactivité du consommateur à découvrir les vins anciens et explorer leurs goûts peut-elle se déclencher naturellement ? J’ai l’impression que non. Sauf en cas d’incitation très pédagogique. La tendance BIO inverse aujourd’hui cette dictature du goût industriel pour un retour au vrai goût des produits sains et cultivés sainement. Pourtant, même dans les vins bio, la tendance est plutôt aux vins jeunes, en réponse au marché et aux nécessités financières de besoin en fond de roulement à court terme. Il reste alors à faire de votre Académie un véritable laboratoire expérimental du goût des vins anciens, au service de la découverte et du rayonnement d’un patrimoine unique qui mérite d’être connu. D’ailleurs, vous le faite déjà en invitant parfois des élèves du Cordon Bleu à vos séances de l’Académie. Une très belle initiative qui touche les jeunes générations et leur inculque le goût des vins anciens. En ce sens vous œuvrez maintenant pour semer quelques graines qui peut-être germeront et donnerons de futurs ambassadeurs des vins anciens.

Pour conclure ces réflexions, je salue votre parcours, vos actions et vos écrits dans le monde des vins anciens car ils méritent de passer à la postérité. A très bientôt pour la prochaine séance de l’Académie.

De FJ : Je ne trouve pas les mots pour vous exprimer toute mon admiration depuis quelques années déjà. Continuez à nous faire rêver, un point c’est tout.

De DF1 : Bonsoir François, c’est avec grand plaisir que j’ai lu et relu ton 700 ème bulletin. Celui-ci est très différent des autres qui reprennent habituellement ce que tu as déjà publié sur ton site. Il est un commentaire extrêmement intéressant sur les raisons de ton amour pour les vins anciens. Il aurait d’ailleurs pu s’appeler par exemple « Pourquoi j’aime profondément les vins anciens » ou tout autre titre traduisant ce qui est plus qu’une passion, en tout cas c’est comme cela que je le ressens. Comme d’habitude, c’est extrêmement bien rédigé. Et ce qui transpire dans ce bulletin, c’est la dimension spirituelle, mystique (mot que tu emploies) que tu éprouves quand tu bois un vin ancien qui t’apporte un grand plaisir. Cette dimension spirituelle est très nette pour moi. Elle se traduit dans tous tes écrits où tu emploies très peu de termes techniques (très peu de descriptions aromatiques) pour choisir l’angle de l’émotion. Bien souvent, tu dis qu’un vin te fait vibrer. C’est exactement comme cela que je vis un vin ancien. S’il est très bon, il me porte dans une dimension spirituelle. Et c’est comme cela que j’approche un vin ancien, dans une dimension de recueillement et d’humilité. Et je pense qu’il en est ainsi également pour toi. Un vin ancien profondément bon peut transformer et transporter celui qui sait plus que le boire, en s’imprégnant du caractère absolu de sa beauté, dans une dimension mystique et spirituelle qui donne envie de crier ou de pleurer : Mon dieu, que c’est beau, quel chef-d’œuvre ! En ce sens, je comprends parfaitement le besoin d’isolement que tu as eu en buvant cet Hermitage La Chapelle 1961. Notre monde est rempli de chefs d’œuvre (architecturaux, artistiques mais aussi ceux que la nature nous offre) que bien trop peu de personnes remarquent et qui peuvent nous connecter à cette dimension spirituelle et mystique de la beauté absolue. Les vins anciens sont parmi ces chefs d’œuvre. Il est très difficile de décrire la perfection d’un chef d’œuvre qui dépasse les limites du monde que nous percevons habituellement. Comment décrire avec des mots la beauté infinie ? Eh bien, je trouve que tu réussis admirablement (je ne veux pas dire à la perfection !) dans cet exercice en traduisant si bien la beauté absolue qu’il peut y avoir dans certains vins anciens. J’ai toujours grand plaisir à lire tes écrits car cela me fait vibrer profondément. Grâce à toi, j’ai découvert que les vieux vins d’Algérie étaient excellents et qu’il en était de même pour les crus du Beaujolais. J’ai réalisé que beaucoup de vins anciens pouvaient être très surprenants. Je sais aussi tout l’intérêt de ta méthode d’ouverture. Pour tout cela , je voudrais te remercier très sincèrement. Je termine en souhaitant que tu ne changes rien dans le style et l’approche de tes écrits et par une petite suggestion concernant ce bulletin : puisque celui-ci apporte une matière supplémentaire à ce qui est publié sur ton site, je suggère que ce bulletin soit publié sur ton site. Encore Merci.

De PR : Bonsoir François ! Oui, bien joli rêve… A bientôt.

De RP : bon anniversaire François ! 700 rendez-vous galants avec d’immenses vins, 700 occasions de partager ta passion pour les vins anciens, les seigneurs comme les sans grades, c’est impressionnant. Je suis déjà impatient de lire les 700 prochains bulletins…

De LV : Votre plaisir et j’oserais même dire votre enthousiaste état d’âme que j’ai imaginé et même ressenti à la lecture de votre bulletin 700  (et des précédents aussi d’ailleurs) est très communicatif car je le partage au niveau de mes humbles dégustations personnelles et depuis une année à un degré supérieur grâce à vos dîners. Les convives de vos dîners ne vous remercieront jamais assez de votre générosité à partager votre passion et à convaincre de son bien-fondé, à travers vos vins anciens et rares bien-sûr mais aussi à travers votre envie d’expliquer et de diffuser la connaissance des plaisirs, pas uniquement gustatifs, procurés par ces vins anciens. Un vin ancien devant les yeux est toujours un instant mystérieusement fébrile d’attente de la révélation des goût et arômes à venir.  Va t’il y avoir une immense satisfaction ou le contraire parfois. En tout cas il y a une attente forte car tout est possible.  Personnellement c’est ce « tout est possible » au delà même

de l’imagination qui me séduit dans ce monde des vins et évidemment encore plus par celui des vins anciens car les dizaines d’années rendent possibles des miracles de transformations qui tendent vers l’inimaginable. Le muguet, la mangue  le chèvrefeuille, etc…. ont des parfums et goûts extraordinaires que seule la nature a pu inventer il y a des millénaires mais qui sont maintenant hélas prévisibles alors que les vins anciens en possèdent qui ne le sont pas ( pas vraiment) et c’est ce qui est intéressant, merveilleux et unique. Nous sommes sur la même longueur d’onde, oh pardon je suis sur la même que la votre. Merci pour ces moments uniques passés en votre compagnie, celles de vos convives et celles de vos vins accompagnés par les mets.

De SJ : Bravo pour ce numéro 700. Mon statut de « Ginette »(1) m’empêche souvent d’apprécier à leur juste valeur vos bulletins « traditionnels » même si j’en goûte le style littéraire mais là, j’ai adoré votre pause philosophique ! Un dosage parfait entre réflexion, autocritique et enthousiasme. Un excellent cru 2016, que l’on relira avec émotion en 2066. Je vous embrasse oenologiquement.

(1) NDLR : on appelle pour s’amuser « buveurs de vins de Ginette » les buveurs de vins faciles, lourds en alcool et sans grand avenir, peu préoccupés de la subtilité du vin et plus sensibles à son chatouillement alcoolique.

enfin un message négatif, sinon ce ne serait pas crédible :

De S. : pour moi vous êtes un maître de l’illusion. vous ne savez même plus ce que vous buvez, mais bon!!  (il est à noter que l’adresse mail donnée par la personne qui a écrit ce message sur le blog n’est pas valide ce qui m’a empêché de lui répondre que tant qu’il n’a pas bu de vin avec moi, sa supposition n’a aucune valeur)

De GR : Félicitations pour le numéro 700. Un grand merci à vous – c’est grâce à vous que je me suis intéressé aux vieux vins il y a qqs années, votre méthode Audouze fait toujours des miracles (notamment sur un Sidi Brahim 59), et la lecture de vos bulletins est un plaisir. J’habite à l’étranger et j’ai hâte de pouvoir revenir en France pour regoûter de nouveau à l’Académie des vins anciens.

De LS : MERCI cher François pour ce formidable partage de tes méditations épicuro-bachiques. A la lecture de ce condensé de plusieurs décennies d’expériences aussi hors norme que communes (pour quelques unes), beaucoup iront chercher leurs vieux flacons, hérités de grand père ou chinés il y a longtemps, et oseront une dégustation à petite lampées, après un « audouzage » en règle. C’est tout le mal que je leur souhaite, que je souhaite à nous tous. La grâce se niche souvent dans ces moments de pure gratuité.

De GL : Quel plaisir de te lire et quel talent littéraire ! J’ai lu 2 fois ce récit plein de bon sens et de sagesse.

De LG : Très beau bulletin. Merci François

De EL : bravo pour votre édito auquel j’adhère à 3000 % 🙂 Je l’ai republié ici :  https://www.facebook.com/zinzins.duzinc/posts/1214698858604860 Je pense qu’il faudrait lancer une initiative autour des vins anciens, par exemple une Journée au cours de laquelle chaque possesseur d’une de ces bouteilles serait invité à la boire avec des gens qu’il ou elle apprécie, et dans de bonnes conditions comme vous dites !!!!

De BD : François, vous êtes un architecte. Un bâtisseur qui a fait un pari : créer des passerelles entre le passé et l’aujourd’hui. Un mouvement a été mis en marche et quand on y pense il va se bonifier avec le temps, car oui vos articles sont bâtis pour durer. D’aucuns vous reconnaîtront des qualités d’historien, moi je vous qualifie d’écrivain, un messager qui se donne à la fiction œnologique. Bien sûr ce n’est pas fictionnel pour celui qui relate ses expériences. Mais pour celui qui lit à travers son écran noir ? Me concernant, l’écran noir devient magie sous vos récits et je finis toujours par y revenir. J’espère pouvoir y goûter encore longtemps.

De AdV : Je viens de lire les qqs pages de votre 700ème (!!!)  bulletin que vous consacrez à votre « philosophie ».  On ne peut qu’adhérer à tout ce que vous dites. J’ajouterais un point qui renforce encore l’intérêt qu’il y a à accorder du vieillissement aux vins. Il est basé sur mon expérience au Domaine, que j’ai partagée parfois avec vous,  où j’ai vu de très nombreux millésimes catalogués, non sans raisons, comme « petits » (mot que je n’emploie plus jamais : il y a des millésimes « difficiles », qui sont nombreux, où le vigneron doit se battre tout au long de l’année (1956, 1975, 2008, 2013…) et  des millésimes « faciles » où la nature a été bienveillante (2012) ou très bienveillante (2009 ou 2015)… où j’ai vu donc ces millésimes dits « petits » évoluer et se transformer.  J’ai exprès cité 1975 et 1956, 2 millésimes qui  au début de leur vie se dégustaient minces, ingrats, au point même que les responsables de l’époque avaient pensé longtemps pendant leur élevage qu’ils ne seraient pas à un niveau de qualité suffisant pour pouvoir les mettre en bouteilles ! et voilà que 20, 30, 40 années plus tard, ils sont devenus des vins d’une finesse extrême, où l’on trouve toutes ces nuances « pétales de rose fanée » si délicates et précieuses qu’on voudrait en faire un parfum, comme si le raisin devenu vin avait, en bouteille, entamé une seconde maturation et atteint peu à peu, de manière très lente mais implacable, le point d’équilibre où tout ce qui avait « blessé » le raisin à la vigne se trouve oublié… comme si le grand « climat » avait su, dans cette deuxième phase de vie du vin dans la bouteille, « panser » ces blessures et fait revenir le vin vers la grandeur de son terroir.  Et ce terroir va finalement souvent s’exprimer avec plus de force, plus de fraîcheur et de vivacité dans ces millésimes-là que dans un dit « grand » millésime où la bienveillance de l’année va s’exprimer en tendresse et en onctuosité plus grandes dès la jeunesse du vin, mais sans développer les caractères propres du climat … Ceci dit il y a aussi des millésimes comme 1961, 1962, 1999…et bien d’autres où l’année, après un long vieillissement, s’efface et laisse la place à une expression complète, parfaite même, de ces caractères du climat. Mais dans tous les cas il faut 20, 30, 40 années…si le bouchon est à la hauteur et si les conditions de conservation sont correctes (même si j’ai observé que les bourgognes de race résistent à beaucoup de mauvais traitements…). Voilà tapées très vite qqs observations éveillées par vos réflexions. C’est votre faute et vous serez pardonné si vous ne les lisez pas jusqu’au bout…! Mais il faut qu’il soit dit que nous sommes là dans l’un des domaines les plus passionnants du vin ,   Amitiés, Aubert

De AdV : (suite) : J’ai écrit très vite mon message envoyé ce matin et je m’aperçois que je n’ai pas souligné combien votre « profession de foi » m’avait intéressé. Elle était déjà bien connue de moi, mais vous l’ avez simplifiée et renforcée…je ne crois pas qu’il y a qqs années vous parliez d’humilité… ? là le mot est écrit au moins 3 fois !! un mot que je comprends tout particulièrement… Grand merci en tout cas de nous avoir fait partager vos réflexions.


Déjeuner au restaurant l’Ami Louis vendredi, 11 novembre 2016

J’ai un frère aîné et une sœur cadette et chacun invite à son tour. C’est le mien. Choisir le restaurant l’Ami Louis, c’est accepter l’excommunication puisque le péché de gourmandise est un péché mortel, malgré l’adresse faite au Pape par Lionel Poilâne, dont je suis un signataire.

J’arrive vers 11 heures alors que le rendez-vous est à 12h30 car j’ai apporté une bouteille que j’aimerais faire goûter. A cette heure, le restaurant est en pleine effervescence pour préparer les tables. J’ouvre ma bouteille et je m’éclipse pour que la ruche fasse son travail. Un café crème peuplera ma solitude dans un café dont la serveuse est née pour faire du bruit. C’est assez drôle de constater que chacun de ses gestes doit faire du bruit, le plus spectaculaire étant celui de la manette qui contient le café, qu’elle tape avec vigueur sur une planche pour que tombe le marc. Elle fait partie de cette secte où l’on retrouve les bricoleurs du dimanche pour qui une perceuse ne peut fonctionner que le dimanche matin à 8 heures, pour que les voisins s’en souviennent.

A l’heure dite nous nous retrouvons, avec une ponctualité militaire. La surabondance des plats invite à partager avec ses convives aussi profiterons nous de : foie gras / coquille Saint-Jacques / escargots / pour l’entrée. Ensuite les parcours se séparent entre les tenants du poulet, du faisan ou du civet de lièvre. Le dessert sera aussi individuel, le mien étant pruneau à l’Armagnac qui m’a plus été imposé par Louis Gadby que consenti.

Nous commençons par un Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle non millésimé
qui a besoin d’être frais pour être réellement vibrant. C’est un grand champagne dont le romantisme est moins évident sur cette bouteille. Le foie gras est d’une exactitude parfaite, la coquille est à se damner et l’escargot appartient à la catégorie « no limit » car il est si bon qu’on voudrait en redemander encore et encore. Son ail en impose. Le Chablis 1er cru Forest Dauvissat 2014 est une petite merveille de gourmandise. Il joue juste. Un détail à signaler : le corail des coquilles est joint, ce qui est apprécié.

A noter que lorsque ma femme cuisine, la coquille est servie avec un vin blanc et le corail avec un vin rouge, ce qui justifie qu’on les présente en deux services.

Le Château Haut-Brion rouge magnum 1992 est servi maintenant sur le poulet, le faisan et le civet. On sent immédiatement une matière lourde et noble. Le nez est d’une grande noblesse. Le vin est un peu plus âgé que le même bu à la maison avec mes enfants il y a peu mais on est manifestement en face d’un grand vin, noble. C’est d’Artagnan. Et on sait que d’Artagnan est d’Artagnan. Il n’a pas besoin de surjouer. Haut-Brion est dans ce cas.

A l’Ami Louis, toutes les barrières diététiques ont fondu plus vite que celles de corail. Alors les desserts sont baba au Rhum, framboises (hypocrites) noyées sous un déluge de crème fraîche, et pour moi prune à l’Armagnac. Et lorsque le dessert est fini, ce sont Quetsche, calvados, chartreuse verte ou chartreuse jaune. Et le temps nécessaire pour vérifier si on préfère la verte ou la jaune nous permet d’atteindre des niveaux qui dépassent les graduations des alcooltests.

Au restaurant l’Ami Louis, on dirait que le temps s’est arrêté en 1925, lorsque le mot diététique n’était pas au dictionnaire. Si Joséphine Baker avait à cette époque deux amours, son pays et Paris, elle aurait pu ajouter l’Ami Louis. Nous sommes hors du temps, avec des saveurs de bon aloi. La montagne de frites est changée en cours de route pour que les frites soient chaudes ce qui est un B.A. BA de la gourmandise. Louis Gadby est un hôte charmant. Si l’on est prêt à faire jeûne pendant les trois jours qui suivront, il faut vite aller à l’Ami Louis.

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Dîner chez une amie vendredi, 11 novembre 2016

Avec ma femme je vais dîner chez une amie qui a invité des amis que nous n’avons pas revus depuis plus de vingt ans. C’est un grand plaisir de voir ressurgir des souvenirs comme s’ils étaient d’hier. Mais bien sûr on constate que la marche du temps change significativement les corps et beaucoup moins les esprits, car nous avons ri comme jadis.

Notre amie a ouvert deux bouteilles de son défunt mari de Château L’Angélus 1984. La première a une belle matière, mais des traces de poussières gustatives empêchent de l’aimer. La seconde est beaucoup plus pure et montre que même de 1984, des vins peuvent avoir une belle structure, lourde et charpentée. C’est un vin qui évoque la truffe et la mine de crayon. Il est fort agréable sur la cuisine bourgeoise succulente de notre amie.

J’ai apporté une Côte Rôtie La Landonne Guigal 1997 car je ne voulais pas prendre une année trop puissante pour notre amie habituée aux vins de Bordeaux. Le vin est tout en discrétion, même presque trop, comme s’il souffrait de timidité. Mais le finale de grande fraîcheur en fait un vin sympathique et gourmand qui nous a séduits.