Grandes surprises dans un déjeuner au restaurant Pagesmercredi, 29 janvier 2025

Deux amis qui ont déjà participé à mes dîners dont l’un m’a déjà demandé d’organiser plusieurs dîners pour ses amis ou collègues vont déjeuner avec moi pour mettre au point un futur dîner.

Pour ce repas au restaurant Pages, j’ai arpenté ma cave pour trouver des vins. Dans une allée je vois une grosse tache de vin récente. C’est un bordeaux de 1953 qui a perdu la moitié de son vin qui a coulé au sol et cette perte est récente. La capsule s’est déchirée et une partie du bouchon dépasse du goulot.

Ce vin a toutes les chances d’être abîmé mais j’ai une règle : toujours laisser une chance à tous les vins. Ce Château La Gaffelière Naudes 1953 s’ajoutera aux autres vins que j’ai choisis.

J’arrive peu avant 11h30 au restaurant Pages qui est presque vide car toute l’équipe déjeune au 116, la brasserie qui appartient aux propriétaires de Pages. Ils me rejoignent vite.

L’un des amis est autrichien et j’ai pris un Strohwein (vin de paille) de Cabernet Sauvignon Autriche 1999. C’est le premier vin que j’ouvre pour que Lucas le pâtissier puisse créer un dessert. Il sera à base de fruit noir et de chocolat.

J’ouvre ensuite le Bordeaux 1953. Je n’ai pas besoin de tirebouchon car le bouchon est tellement recroquevillé qu’il vient à la main quand je soulève la capsule. Il y a énormément de saletés sur tout le goulot que je nettoie avec mes doigts. Quelle surprise quand je le sens. Il n’a aucune odeur négative ce qui est surprenant. Je verse l’équivalent de deux verres dans une coupelle pour que le chef Ken fasse la sauce qui accompagnera le cabillaud.

Les trois autres vins ont des parfums prometteurs, la Coulée de Serrant ayant le plus beau parfum.

Le menu sera : amuse-bouches / carpaccio de bar / cabillaud / canard de Challans / wagyu / comté / dessert fruit noir et chocolat / financiers à la rose.

Le Champagne Pommery 1980 a une couleur très claire de grande jeunesse. On ne voit pas les bulles mais en bouche, sur la langue, elles sont puissamment ressenties. Ce champagne est très expressif, enthousiasmant. Il est d’une belle maturité, cohérent et rond. L’accord avec le bar est parfait.

Le Clos de la Coulée de Serrant Mme A. Joly 1976 est magique. Quelle puissance ! Je m’aperçois que j’ai mal conçu le menu puisque le vin de 1976 accompagne le cabillaud dont la sauce est à base du bordeaux de 1953 alors que ce vin viendra après. Mais à ma grande surprise, l’accord du poisson dont la sauce est au vin rouge avec le vin blanc est parfaitement pertinent.

Sur le canard le Château La Gaffelière Naudes 1953 fait bonne figure, mais on voit quand même qu’il a un peu souffert. C’est un honnête Saint-Emilion qui montre une solidité étonnante.

Le Chambolle Musigny Joseph Drouhin 1959 est d’une couleur particulièrement claire. Son parfum est délicat et on retrouve la même délicatesse en bouche. Ce vin subtil, raffiné, précieux est extrêmement bon et va prendre son envol avec le wagyu, au point que nous en demanderons un deuxième service. Ce Chambolle est particulièrement grand, d’une grande année.

Le Strohwein Cabernet Sauvignon Weinbau Georg Lunzer Autriche 1999 est d’un rouge foncé avec des notes de rouge clair. Le nez est sec et ne laisse pas imaginer le goût qui est celui d’un liquoreux gras et épais, un peu comme un Maury. Le vin est délicieux et parfait avec le dessert. C’est un vin de plaisir qui convient aussi bien avec les délicieux financiers.

Mes amis n’attendaient pas cette profusion de vins si différents. Les deux vainqueurs sont la Coulée de Serrant d’une personnalité brillante et le Chambolle Musigny d’une délicatesse extrême.

Ce fut un très beau repas, mais la plus belle surprise pour moi, c’est la qualité du Saint-Emilion que beaucoup d’amateurs auraient éliminé et qui a montré à quel point les vins nous offrent des moments inattendus.