La plus fidèle participante des dîners de wine-dinners se faisait muette depuis plusieurs mois. Avais-je commis un impair justifiant ce silence ? Tous les messages que j’envoyais n’avaient pas de réponse, ce qui confortait ma crainte. Je lance un nouvel appel et surprise, elle répond. J’apprends avec plaisir qu’il n’y a aucun problème entre nous, et nous décidons instantanément que je la rejoindrai au déjeuner qu’elle a prévu avec son fils et un ami au restaurant Alain Senderens. J’arrive en avance ce qui me permet de bavarder avec Alain Senderens des aventures à El Bulli, et quand mes amis arrivent, je décide de prendre en charge les vins. Sur la suggestion du sommelier nous commençons par Château Haut-Brion blanc 1992. Le liquide est d’un or cuivré léger, le nez est subtil comme un parfum et en bouche, c’est un vin dense d’une grande complexité. Ce vin a besoin d’un plat pour s’exprimer totalement et la cuisine délicieuse de ce restaurant est idéale. J’ai pris un plat à base de crabe qui rebondit sur le vin. Ce Haut-Brion, comme me l’avait suggéré le sommelier, est beaucoup plus généreux que ce que son millésime suggérerait. C’est un grand vin de gastronomie. L’Hermitage Chave rouge 1996 est séduisant à souhait. Contrairement au blanc, tout en lui est simple, facile à comprendre. Tout est proportionné, sans une once d’excès. Ce vin rend joyeux. Sur un agneau goûteux à souhait et généreux, le vin est délectable. S’il est un restaurant où il faut courir, c’est celui-là.
Archives de catégorie : dîners ou repas privés
El Bulli – l’arrivée samedi, 2 juin 2007


Après un parcours sinueux dans des paysages lunaires cette crique donne envie d’arriver par bateau

une jolie villa toute simple

C’est bien ici !

Nous longeons les cuisines où le maître pense ou donne ses consignes.

des sofas confortables pour l’arès-dîner sans doute
L’aspect rustique de la grande salle est assez reposant

Le Christ va veiller sur notre repas mais n’empêchera pas de vilaines bactéries ou bacilles…
expérience inoubliable au restaurant El Bulli et un vilain désagrément samedi, 2 juin 2007


Un grand jour se prépare car un ami vigneron nous a aidés, ma femme et moi, à trouver une place au restaurant El Bulli. L’arrivée à l’aéroport de Perpignan commence par un salut au Canigou, qui de son sommet contemple des vins parmi les plus grands de mon coeur, les Rivesaltes, les Banyuls, les Maury, vins gorgés de soleil. Nous longeons la côte extrêmement ventée jusqu’à Roses en passant par les ravissants villages de Collioure et de Cadaquès. A Roses, l’hôtel Vistabella surplombe la mer dans le même esprit que l’hôtel des Roches au Lavandou. Ici, la protection du littoral n’a pas des règles aussi strictes qu’en France et les constructions s’ajoutent de façon anarchique. L’hôtel est confortable, notre chambre est agréable. On nous dit qu’il y a un restaurant gastronomique animé par un nominé pour une étoile pour le guide Michelin. Nous prenons donc le grand menu dégustation pour vérifier cette assertion. Je m’étais promis de ne pas boire de vin, mais la lecture de la carte des vins me fait céder. Je jette mon dévolu sur Vieux Château Certan 2000. Je suis assez subjugué par sa perfection. Plus que de dire c’est un authentique Pomerol, je dirais : c’est un authentique Bordeaux. Il a le charme que tout bordeaux devrait avoir. Elégant sans forcer, subtil, c’est un grand vin. Il n’y a pas beaucoup de bordeaux que je mettrais à ce niveau là, du fait de cette élégance sans artifice. Le menu dégustation d’un chef extrêmement talentueux oscille entre la création pour le seul fait de créer et la cuisine la plus subtilement exécutée qui soit. Nous avons longuement commenté avec lui chacune de ses préparations lorsqu’il a rejoint notre table. Ces commentaires lui ont plu. Un chef qui promet car son talent est rare, mais qui se cherche encore. Il va se trouver.
Il y aura avant le 2 juin 2007 et après le 2 juin 2007. J’ai connu des renaissances comme celle qu’occasionna un ami libanais amoureux des vins qui me dit : « connais-tu les vins d’Henri Jayer ? ». Je ne connaissais pas et j’ai pris conscience de l’abîme de mon ignorance. Avoir gâché tant d’années en passant à côté de ce qui se faisait de plus pur dans les vins de Bourgogne m’a donné une profonde culpabilité. En ce jour, savoir que j’ai attendu 64 ans avant de découvrir El Bulli me montre une erreur de même magnitude. Ce soir, c’est une seconde naissance. Cette soirée, je la vis comme la pomme de Newton. Il y a avant et après. C’est la découverte de la roue, c’est l’apparition de Léonard de Vinci ou de Picasso. Je ne pourrai plus jamais regarder la meilleure des cuisines par le monde sans penser que là-bas, dans ces terres inhospitalières, sur cette crique féerique qui s’enfonce dans des paysages lunaires, il y a un chef qui a tout vu, tout compris, tout réinventé en faisant jouer les goûts sur des registres totalement inexplorés. Il y a dans cette cuisine une prise de hauteur que je n’ai jamais rencontrée. Ferran Adria repousse toutes les limites de ce que je connaissais en matière culinaire. Il y a dès la première bouchée la sensation que l’on est embarqué dans un vaisseau extragalactique. Il serait vain de décrire ce qui est indescriptible. Tout dépasse les limites de tout ce que j’ai vécu.
Revenons un instant en arrière. Nous sommes à notre hôtel, le Vistabella parce que la vue est belle sur la mer et l’on nous suggère de prendre un taxi. Nous empruntons une route escarpée sinueuse, qui s’engage dans des paysages inviolés irréels. C’est l’Irlande, c’est lunaire, d’une beauté à couper le souffle. On distingue une crique qui protège du vent très fort qui souffle encore. Nous entrons dans une petite propriété où l’on sent que tout est soigné. Je n’arrive pas à trouver la porte d’entrée aussi mes pas me portent le long des cuisines où Ferran Adria donne ses consignes à un personnel fort jeune.
Nous entrons dans un couloir et nous sommes accueillis avec le sourire. « Voulez-vous visiter les cuisines ? ». Nous disons oui. « Attention à la marche » doit être répété des centaines de fois. Nous entrons et nous sommes photographiés avec le maître qui se demandait s’il fallait ou non qu’il soit de la photo.
On nous présente le serveur qui va accompagner notre voyage. Le sommelier est tout sourire et m’apporte le lourd livre de cave. M’attendant à une forte diversité de goût, je choisis le seul vin qui me paraît pouvoir tenir l’ensemble du repas : Champagne Salon 1982. Ce Salon 1982 est en ce moment dans sa période de plénitude absolue. Il est dans la force la plus belle qu’il ne connaîtra sans doute à nouveau que dans quelque vingt ans. Le sommelier eut cette remarque qui signe l’excellence du sens du service : « vous savez, j’ai vu votre site internet ». Serais-je reconnu en ces terres aussi reculées ? Plus tard il a montré à quelques uns de ses adjoints le champagne d’exception que j’avais choisi. Je suis particulièrement fier d’avoir commandé ce vin car à aucun moment, alors que nos papilles font les montagnes russes, le Salon 1982 n’a failli à sa tâche. Il fut exact sur toutes les saveurs, les mettant en valeur, ayant l’intelligence de toutes les situations. Ce champagne parfait a fait un parcours sans faute.
Le menu n’est pas traduit mais il me semble indispensable de le citer : cosmopolitan-mallow / aceitunas verdes sféricas-l / frutas LYO / pepitas de oro / merengue-profiteroles de remolacha y yogur / catanias saladas / corteza de cerdo con olivas negras / « corteza » de pistacho con gorgonzola / bizcocho de pistachos con mousse de leche acida / bizcocho de sésamo y miso / dacqoise de pina verde y pinones / flores de horchata / bombones de mandarina, cacahuete y curri / fondant de frambuesas con wasabi y vinagre de frambuesa / yogur de ostras con px en tempura / judion con panceta Joselito / merengue de tonica Fever-Tree con fresitas al limon / anchoa con jamon y yuba de yogur / risotto de citricos / gnoquis de polenta con café, yuba al azafran y margarita / esparragos en diferentes cocciones / won-ton liquido / topinambour con bacalao / ventresca de caballa en escabeche de pollo con cebolla y caviar de vinagre / raya / rabo de cordero con won-ton de setas / jugo de liebre / torta canarejal con frutos rotos / frutas escarchadas / cereza de oro / Morphings … Les photos de tous ces plats seront sur le blog.
Chaque moment est fascinant. Chaque texture est étudiée, et le processus d’évolution du goût en bouche est éblouissant. Je m’attendais à me laisser guider dans une excursion gustative où j’aurais l’esprit ouvert de la découverte. Je n’eus aucun besoin de me forcer tant j’allais d’émerveillement en émerveillement. Je pense n’avoir jamais participé à un dîner de cette qualité. Il n’est aucune comparaison possible avec quelque chef que ce soit. Sur trente plats, même si l’on boit lentement, il arrive un moment où le Salon tarit. Et le sommelier m’apporte un Amantillado O?ana Garvey Jerez-Manzanilla de Sanlùcar. Je le bois sur le jus de lièvre et c’est tétanisant de justesse. Pour le dessert, le sommelier m’ouvre un Dom Berenguer Solera 1918 De Muller Priorat, un grenache fort doucereux, idéal pour les desserts.
Le service est exemplaire, sobre et efficace, intervenant quand cela se justifie.
La soirée fut malheureusement assombrie par un événement fâcheux. Lorsque nous goûtions un délicieux maquereau, ma femme me fit part d’un goût fort désagréable que je ne sentais pas. Peu de temps après, prise de malaise, elle prit l’air, ne finissant pas son repas. Sa nuit fut commandée par une forte intoxication alimentaire avec vomissements. Au-delà de cet incident, je fus surpris, quand tout l’hôtel sut le lendemain matin que la dame du 115 était malade, car l’on me dit : « vous étiez à El Bulli, ça ne nous étonne pas, car c’est assez fréquent ». Je préfère imaginer que ceci n’a pas été dit. Le malaise de ma femme se prolongea la nuit suivante, ce qui est fort long. Mon étonnement se fit plus fort lorsque la masseuse de l’hôtel me dit : « il m’arrive souvent de masser des gens qui sont allés à El Bulli et qui ont vomi la nuit ».
Laissons à ce désagrément le statut d’accident, qui démontre qu’en cuisine, même les génies sont des hommes. Je tiens à conserver le souvenir de l’excellence absolue. Sur les trente services il n’y a que deux plats auxquels je n’ai pas adhéré ce qui n’est pas important. J’aurais aimé que l’on donne à chaque plat une petite fiche qui explique la volonté du Maître et les saveurs qu’il veut faire apparaître et j’aurais aimé que l’on fasse des commentaires finaux sur l’ordre choisi dans la succession des plats, car c’est un aspect fascinant de son génie. Alors que ma femme repose, mise sur le flanc par un vilain poisson ou une vilaine algue, c’est à elle que je donnerai le mot de la fin. Elle me dit : « si notre taxi avait été en retard, cela ne justifierait pas que nous critiquions El Bulli. J’ai eu un accident qui ne remet pas en cause le génie de ce cuisinier ». Je lui dis : « si je te propose de revenir très vite en ce lieu, le souhaites-tu ? ». Sa réponse fut : « j’attendrai quand même un peu ».
El Bulli – dîner – 1 samedi, 2 juin 2007
Le cocktail de bienvenue :

Les premières entrées :

la sensation d’olive est très étrange

on s’installe instantanément dans des gammes de goûts uniques
Ces bouchées sont irréelles de complexité.

Le cône doit être badigeonné d’un yaourt que je n’ai pas photographié

Ce qui ressemble à une algue ou une éponge est délicieux, et la meringue est irréelle
il y a normalement quatre de ces soucoupes mais j’ai réagi tardivement pour prendre la photo. C’est fondant, glacé, sur un lit gazeux


J’ai photographié la petite cuiller, car cette mesure de capacité est amusante.
on va de surprise en surprise
El Bulli – dîner – 2 samedi, 2 juin 2007


Dans le verre, l’huître est assez étonnante. En bouche on a une représentation spatiale de l’huître.

Des goûts assez étranges, dont les algues

C’est le plat dans cette feuille d’or qui m’a le moins convaincu, car il n’y avait aucune logique de combinaison de goûts
délicieux poisson


..

Ces deux plats sont délicieux, mais j’ai été subjugué par la texture des asperges

On est depuis quelques plats dans la partie la plus créative de la cuisine de Ferran Adria

C’est sur ce plat que ma femme a commencé à ressentir les signes d’un malaise. Elle avait en bouche un goût de maquereau que je ne ressentais pas.
El Bulli – dîner – 3 samedi, 2 juin 2007


Ce filet de raie évoque par son dessin des aventures diaboliques. Voici le vin qui devait compenser la soudaine décrue de Salon 1982 : Amantillado O?ana Garvey Jerez-Manzanilla de Sanlùcar.

Quelle belle couleur !

A droite ce qui sera l’esquisse d’un jus de lièvre. Pas évident mon cher Watson !

plat éblouissant de lièvre, rehaussé par le vin.
le lièvre et le vin


magnifique grenache : Dom Berenguer Solera 1918 De Muller Priorat
.
.

une fontaine de bonheur

une pipette pour la mûre
la couleur du 1918 comparée à celle du Salon 1982

merveilleux dessert
la fiche de service de notre serveur


les mignardises
déjeuner au Bistrot du Sommelier mercredi, 30 mai 2007
A peine réveillé, je me rends au rituel déjeuner de conscrits qui se tient au Bistrot du sommelier. Nous sommes dans le petit salon au fond de la cour ce qui permet de débrider nos propos. Je suis en charge de choisir les vins même si je n’invite pas. Connaissant bien l’ami qui invite, je laisse libre cours à mon voyage dans l’intelligente et solide carte des vins de Philippe Faure-Brac.
Le Champagne Zoémie de Sousa cuvée merveille 50% chardonnay, 40% pinot noir et 10% pinot meunier dégorgé en octobre 2005 est d’une maison d’Avize que j’aime particulièrement. Mais cette cuvée merveille ne m’émerveilla pas. Son discours est plutôt banal. Est-ce mon humeur qui n’était pas à l’apprécier ? Je ne l’exclue pas.
Le Château Laville Haut-Brion 1983 au contraire chante à mes papilles. Voilà un immense vin de Bordeaux avec un fumé délicat qui me réconcilie après le pâle 1958 que j’avais apporté au dîner chez Laurent. Ce vin blanc intensément expressif est un compagnon de folle gastronomie.
Le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1996 que Mona, jeune sommelière dont je dirai un mot, me fait sentir, a l’expression d’un bourgogne. Je hume, je réfléchis, et l’image bourguignonne ne cesse de se renforcer. Ce vin d’une subtilité infinie, est un monde en soi. Car il montre qu’il existe un autre Châteauneuf-du-Pape, plein d’un charme exquis.
J’ai une inclination particulière pour l’année 1997 pour les grands vins de Marcel Guigal. Et la Côte Rôtie La Landonne Guigal 1997 ne fait pas mentir cet amour. Ce vin est absolument immense. D’emblée, il séduit le palais par un envoûtement terriblement sensuel. Et ce que j’aime de l’année 1997 c’est qu’elle est de faible puissance. Et cette Landonne chante un fado qui me prend au plus profond de mon être. Ce vin subjugue mes convives. C’est de la sensualité écorchée sous un discours politiquement mesuré. Un vin à reboire et reboire sans modération. C’est Mona qui nous suggère le Château Les Justices Sauternes 1999 et j’acquiesce car j’ai une amitié particulière pour la famille Médeville qui fait de si grands sauternes. Ce Justices est un chef d’œuvre d’équilibre joyeux. On est évidemment encore dans les limbes d’une année qui n’est pas la plus spectaculaire, mais ce vin joyeux se boit avec bonheur.
pause dans le Sud entre dux dîners de wine-dinners samedi, 26 mai 2007
Le cœur encore enflammé par les délicieux vins du dîner chez Laurent, je vole vite vers le Sud car un autre dîner de wine-dinners m’attend dans cinq jours. Je ne me consacre qu’à mon bateau et à un nécessaire repos, juste troublé par une Côte Rôtie La Mordorée Chapoutier 1998 que je trouve absolument charmante. Facile à vivre, facile à lire, ce vin donne un plaisir franc. Que demander de plus. Ces vins du Rhône ont une approche qui me convient.
Clos Sainte Hune 1976 et Bienvenue Bâtard Montrachet 1999 mercredi, 23 mai 2007
I had met the director of a magazine specialised in wine, and he had considered the idea that I could write in it on old wines as I do regularly in a Swedish magazine. He had insisted that we have lunch together and the day before, his secretary calls me and says : “Mr XX is happy to have lunch with you. Has the place been decided between you ?”. I say no, and she proposes to reserve in a restaurant, and asks me if there is a place where I feel well. I say “Laurent”, and she sends me an email confirming that she has booked.
This morning, the lady calls me and says that Mr XX wants to talk with me. He says that he is happy that we meet, but says : “I would be happy to know who invites whom. Because if it is you, I will be happy to go to Laurent, but if it is me, I will have to choose another place, as we have rules and budgets for invitations”. I say that there is no problem and I invite him.
I arrive first, and I ask Ghislain to prepare a Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 1976, a year that I specially love, and we will choose the other wine with the menu.
I suggest that we have crab with the Sainte Hune, and I propose an unconventional try, which is to associate a pigeon to white wine. Philippe Bourguignon, the remarkable director of the place smiles and says that it should be interesting, and I take a Bienvenue Batard Montrachet Domaine Leflaive 1999.


The Sainte Hune appears a little too cold, so the first sip has citrus and a disagreeable taste of glycerine. But the colour is so nice, of prune gold, that it promises a lot. And the wine expands in the glass and broadens with air and becomes ageless, completely balanced and logically structured. It is a wine of perfection. And the crab enlarges even more the wine.
We are happy.
The Bienvenue has a more pale and green yellow colour, has a smell with a fantastic complexity, and on the taste of the meat of the pigeon, it gains a complexity which is my complete pleasure. My guest is not so much at ease with this association, but personally, I find it quite exciting. The wine has a complexity that is above the one of many Montrachet. It has not the body, the power of a Montrachet, but it compensates it by this extreme variety of directions of tastes. It is obviously a great wine. It is elegant, romantic, playing on its subtlety.
We finish the two wines with cheese and some mignardises.
The restaurant Laurent is obviously a fantastic place which should never had lost one star. We were in the garden and it was delightful. The service is perfect and the food was great. Philippe had added morels to the pigeon to go with the Burgundy.
This was happiness. Will I write in the magazine ? I have probably built the first subject of a future paper, if I forget the beginning of my story.
déjeuner au restaurant Laurent avec un patron de presse mercredi, 23 mai 2007
En plusieurs occasions, j’avais rencontré le directeur de l’une des plus grandes revues du vin en France. Nous trouvant voisins de table au dernier dîner au château de Beaune où furent servis des vins légendaires de la cave de Bouchard Père & Fils, nous convînmes de nous revoir. Je l’invite au restaurant Laurent. Arrivant, comme souvent, très largement avant mon convive et ayant le choix des armes, je cherche dans la belle carte des vins de quoi faire une expérience intéressante. Je demande à Ghislain de préparer un Clos Sainte Hune, riesling Trimbach 1976, d’une année que j’affectionne, et nous déciderons du deuxième vin quand mon invité sera là.
Je propose que nous prenions l’araignée qu’Alain Pégouret prépare si élégamment, et que nous fassions l’expérience d’associer un pigeon avec des vins blancs. Philippe Bourguignon, le remarquable directeur de cet endroit sourit de l’essai que je veux faire et dit : “ça peut marcher”. Je choisis un Bienvenue Bâtard Montrachet Domaine Leflaive 1999.
Le Sainte-Hune apparaît un peu trop froid, aussi le premier contact est acide et glycériné. Mais la couleur est tellement belle, de prune dorée, que ce vin promet d’être grand. Et quand il s’épanouit dans le verre, il devient intemporel, d’un équilibre rare et d’une structure d’une logique profonde. C’est un vin de perfection que l’araignée élargit encore. A ce stade, nous sommes heureux.
Le Bienvenue a une couleur plus pâle tendant vers le jaune citron. Son nez est d’une complexité fantastique. En bouche, sur le pigeon, il trouve un accélérateur de complexité ce qui me comble d’aise. Mon camarade d’essai n’est pas aussi convaincu de la pertinence de la combinaison, mais à mon goût, c’est une association osée que j’adore. Ce Bienvenue a une complexité qui est très supérieure à celle de beaucoup de Montrachet. Il n’a pas le corps et la puissance d’un Montrachet, le sommet de la gamme des blancs de Bourgogne, mais il compense par l’extrême variété des directions gustatives explorées. C’est manifestement un très grand vin, élégant, romantique, jouant sur sa subtilité.
Nous finissons les deux vins sur des fromages et sur des mignardises. Le restaurant Laurent est un endroit au confort naturel. Il est évident qu’il n’eût jamais dû perdre sa deuxième étoile. Nous étions dans le jardin au charme rare. Le service est parfait, l’équipe souriante. Une attention qui montre où nous sommes : sachant que le pigeon serait goûté sur des blancs, Philippe Bourguignon a fait ajouter des morilles au plat. C’est au guide de s’apercevoir qu’on est là au paradis.