Lancement du livre 1855jeudi, 20 novembre 2025

Nicolas Kenedi et Jean-Maurice Sacré ont créé un beau livre appelé « 1855 » Culte et Cultures, dont le sujet est la classification des grands vins du Médoc en 1855 faite à l’occasion de l’Exposition Universelle de Paris de 1855 pour vanter les vins de Bordeaux. Le livre raconte cette classification en publiant des menus historiques qui ont jalonné la vie de cette classification.

Le dernier repas montré dans ce livre est celui que j’ai fait au restaurant Plénitude de l’hôtel Cheval Blanc Paris, le 296ème de mes repas.

J’arrive dans les locaux de la maison de vente Christie’s à Paris où Nicolas a invité plus de trois cents personnes pour la présentation du livre par Jean-Maurice Sacré. Je rencontre en ce lieu des vignerons qui ont apporté leurs vins à déguster dans des années autour du millésime 2015. Je bavarde avec des amateurs de vins nombreux et je montre bien sûr le menu que j’ai créé pour la classification de 1855. C’est de la relation publique que je fais bien volontiers pour mes amis créateurs du livre.  

Deux jours plus tard un grand dîner est organisé par Nicolas au restaurant Le Grand Véfour, où je suis accueilli par le chef Guy Martin très souriant. Le thème expliqué sur le menu est « le grand dîner bordelais & les six légendes de Médoc et Sauternes – Célébration de la sortie de l’ouvrage 1855 Culte et Cultures ». Nous sommes au ‘salon des Artistes’ du premier étage où j’ai eu l’occasion de faire quelques dîners avec Guy Martin.

Il y a deux tables d’une douzaine de convives chacune, avec des grands amateurs de gastronomie dont plusieurs avocats, des vignerons et des personnalités publiques. L’accueil est accompagné d’un Rare Champagne 2012. Ce champagne a été créé par Piper-Heidsieck en 1976 et vit maintenant sa propre vie avec ce seul nom et ne produit des champagnes que dans les années jugées exceptionnelles. Je découvre ce champagne qui est une vraie réussite. Noble et fin, très raffiné, ce champagne subtil est grand. Il accompagne magnifiquement de délicieuses gougères.

Nous passons à table où l’on nous sert un Rare Champagne Rosé 2014 sur une langoustine, souvenir d’Antonin Carême. Le champagne rosé est très fermé et manque d’ampleur. La bisque qui accompagne la langoustine est à se damner tant elle est gourmande. J’en boirais des litres ! La langoustine un peu trop cuite a un goût aimable.

L’un des convives parle anglais et s’est installé à Mesnil-sur-Oger pour faire un champagne exclusif qui ne sera vendu qu’à des abonnés à sa production. Il nous fait goûter son champagne qui ne sera mis en vente qu’en 2029. Je ne sais pas si je peux en parler puisqu’il n’a pas été nommé dans le menu que nous avons reçu. Je serai donc discret mais j’ai trouvé que ce champagne se distingue par une grande énergie très plaisante, une acidité bien contrôlée et une noblesse avenante. Il promet.  

On nous sert des vins de Pauillac, le Château Mouton Rothschild 2015 et le Château Lafite Rothschild 2015 sur un filet de canette à la rouennaise (plat servi lors d’un repas de 1896 dont le menu est présent dans le livre). Quel contraste entre ces deux vins ! Le Lafite est d’une précision extrême et d’un accomplissement absolu. Alors que Lafite met toujours de longues années avant de s’exprimer, voici un Lafite parfait aussi grand que les grands millésimes du passé.

A côté de lui, le Mouton n’est pas encore assemblé. On sent qu’il se cherche et qu’il lui faudra quelques années avant qu’il n’exprime sa personnalité joyeuse. Je suis étonné que certains convives aient pu préférer le Mouton Rothschild.

Trois vins vont accompagner le Parmentier Napoléon III, sauce Second Empire aux truffes melanosporum. Il y a Château Haut-Brion 2014 seul grand cru classé qui n’est pas médocain mais de Pessac-Léognan, Château Latour 2015 et Château Margaux 2016. Le plat est d’une générosité en truffes comme je n’en ai jamais vues ce qui est un bonheur pur, mais la truffe anesthésie tout autre goût du plat. Elle accapare notre palais.

Le Haut-Brion est aussi exceptionnel que le Lafite. Tout en lui est précis, structuré et parfait. C’est un très grand vin. Le Margaux est élégant, délicat et féminin comme il l’est souvent et, alors que je suis un amoureux de Château Latour, je trouve que ce 2015 se cherche comme le Mouton et n’a pas encore trouvé son envol. Il était compréhensif qu’on puisse choisir entre Margaux et Haut-Brion, mais pour moi, des cinq vins rouges deux émergeaient nettement, Lafite et Haut-Brion. Gabrielle Vizzavona, experte en vins et rédactrice du livre 1855 pense exactement comme moi, émerveillée par ces deux vins exceptionnels pour leur jeune âge.

Nicolas est un grand gastronome et il a eu une idée de génie en associant à ce moment du repas le Château d’Yquem 2015 avec une raviole de foie gras « Palais Royal ». Quel bel accord alors qu’il ne faut surtout pas associer Yquem et foie gras quand le foie gras est froid et servi en début de repas.

Il a cédé quand même à l’appel des pâtes bleues en annonçant : ‘Puis une lichette de bleu, quand même…’ en prenant un roquefort, alors que la vérité est avec le stilton. Mais il est pardonné.

Nicolas m’avait annoncé un vin qu’il chérit, un Vino Alchemico G. Mercandelli Spumante Golem 2020 sur un entremets au citron du Royaume des Deux-Siciles et j’avoue que je n’ai rien compris. Ce vin présente une forte bulle envahissante, qui empêche de sentir le goût s’il y en a un. Je suis peut-être passé à côté du message, mais je n’ai rien ressenti du tout.

Nous avons eu l’honneur de goûter un Cognac Camus Collection Privée Légion d’honneur sur des chocolats et mignardises, servi par Cyril Camus, le propriétaire de ce merveilleux cognac très fin et précis.

Nicolas aime surprendre et un détail m’a fait approuver son aimable folie : au lieu d’avoir un verre d’eau rempli d’eau, chacun a un verre de Château du Moulin-à-Vent ‘Champ de Cour’ 2014. C’est amusant et rebelle. Je l’ai goûté sur la bisque de la langoustine puisque le rosé ne me plaisait pas et j’ai trouvé ce vin simple très pertinent sur ce plat.

Nicolas et Jean-Maurice ont réussi le lancement de leur livre 1855 qui est le quatrième de leur collection qui comprend : Menus de Légende – de Gaulle à table – Versailles, The Gastronomic Revolution – et maintenant 1855 dans lequel un de mes repas a eu l’honneur de figurer.

Longue vie à ce livre et merci à nos hôtes généreux. Une petite remarque significative. Lorsque j’ai quitté le salon des artistes, je suis passé par la grande salle si célèbre du Grand Véfour. Vers 23h15 cette salle est vide. Où est le temps où l’on festoyait dans les grands restaurants ?