déjeuner passionnant au restaurant Pagesvendredi, 21 novembre 2025

Vianney Establet est d’une famille de vignerons qui fait des Châteauneuf-du-Pape. Il a vu que j’ai bu plusieurs des vins de sa famille et que j’en ai fait l’éloge. L’un de ces vins a même été le gagnant du classement des vins d’un de mes dîners, le 264ème. Nous avions envisagé de nous voir dans le sud pendant l’été 2024 et j’avais apporté dans le sud les vins d’Establet qui me restent. Ce rendez-vous n’avait pas pu se faire aussi nous l’avons reporté à Paris ce jour.

Persuadé que mes vins étaient à Paris car j’avais oublié le rendez-vous du sud, je n’ai pas vérifié dans ma cave parisienne. La veille du rendez-vous, je cherche et je ne trouve aucun des vins prévus pour notre déjeuner. Panique ! Vianney avait prévu d’enregistrer la dégustation des vins de sa famille. Honte sur moi. J’ai envie de me faire pardonner et je choisis des vins que j’apprécie.

Il se trouve que lors de la présentation du livre 1855 chez Christie’s j’ai rencontré un expert en authentification des vins et en protection des données des vins avec lequel j’ai sympathisé. Je l’ai invité à se joindre à nous ce qui me permet d’ouvrir plus de bouteilles. J’apprendrai plus tard que lui aussi est d’une famille de vignerons.

J’arrive au restaurant Pages très tôt, à dix heures du matin. Il me faut bien deux tasses de chocolat chaud pour me réchauffer en ce matin frais. J’ouvre en premier le Château Rayas blanc 1973 dont la capsule était percée et dont le bouchon avait glissé de plusieurs millimètres, recouvert de poussières et très sale. Son parfum est encourageant.

J’ouvre ensuite le Dom Pérignon 1964 et à ma grande surprise, il offre un pschitt peu puissant mais réel. Le nez est superbe.

Ayant demandé à Vianney s’il voulait venir voir l’ouverture des vins à 11heures, j’attends son arrivée en mangeant deux toasts de pain du restaurant qui est croquant et délicieux.

A l’arrivée de Vianney j’ouvre le Chante Alouette 1949 au nez superbe et le Kébir Rosé probablement de 1947 car tous mes achats des vins de Frédéric Lung sont soit de 1945 soit de 1947. Le nez du vin est spécial et Vianney prononce le mot ‘madérisé’ que je réfute car c’est un contresens. Nul mot ne me heurte autant que lorsqu’on annonce de façon péremptoire qu’un vin est ‘madérisé’. Je sens du café et du cigare dans ce vin qui promet beaucoup. Et je n’en veux pas à mon ami.

Avant que Vianney ne vienne j’ai mis au point avec le chef Ken le menu de notre repas qui comportera trois poissons différents en carpaccio, un poisson sauce umami, de la pintade, du wagyu et nous aurons des financiers préparés par un nouveau pâtissier.

Louis arrive à l’heure dite et ce sera la première fois que nous déjeunerons ensemble.

L’idée qui m’est venue est de boire un peu du Old Taylor Kentucky Straight Bourbon Whiskey 43° que j’avais ouvert il y a plusieurs mois pour préparer le palais à goûter le Champagne Dom Pérignon 1964. L’introduction faite par le Bourbon permet au champagne de montrer sa largeur en bouche mais pas sa longueur. C’est de toute façon un caprice amusant. Le 1964 est un magnifique champagne en plénitude absolue. Mes convives sont conquis par ce champagne.

Il est intéressant de noter que le poisson cru qui accompagne divinement le champagne accepte aussi de se marier au Bourbon.

Le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape Blanc 1973 est d’un accomplissement qui fait plaisir. J’avais été subjugué par le Rayas Blanc 2010 exceptionnel. Je suis aussi ravi de ce blanc de grande tension et d’une intensité forte. C’est un grand vin blanc qui est aussi à l’aise sur la sauce umami du délicieux poisson.

Quand le Chante-Alouette Hermitage Blanc 1949 arrive sur scène, la foule en délire (nous sommes trois) se lève et fait chapeau bas. Car l’équilibre de ce vin qui n’a pas d’âge et sa grande puissance donnent un vin ensoleillé et joyeux. Une merveille. Malgré la performance remarquable du Rayas, c’est l’Hermitage qui vole le trophée. Sur la pintade les deux vins blancs sont joyeux mais c’est sur le poisson à la sauce umami qu’ils ont développé leurs extrêmes complexités.

A ce stade, mes deux amis sont bouche bée, car ils n’avaient jamais approché des vins de ce calibre. Ils vont maintenant aller dans l’inconnu. Le Kebir Rosé Frédéric Lung Algérie # 1947 est un rosé très foncé. Le nez de cigare et de café est subtil, déroutant et d’une force certaine. Le wagyu lui donne une ampleur particulière. Je suis évidemment aux anges car j’adore les vins algériens notamment parce qu’ils sont déroutants. Ils ont aussi la force que donnent les ceps qui n’ont pas connu le phylloxera.

J’avais ouvert il y a quelques années une Fine de Mouton qui provenait directement de la cave de Philippe de Rothschild puisque c’était marqué sur le carton dans lequel était la bouteille. Cela donne une idée de l’âge de cette fine que l’on peut situer dans les années 60. Elle a gardé sa vivacité et ponctue, sur des financiers ‘à ma façon’ un repas amical dont je peux être fier du fait des choix de vins et du talent du restaurant Pages.