Le club d’amateurs de vin du siège parisien d’une grande société de conseil internationale m’a contacté pour que j’organise une dégustation de vins de Bourgogne avec la plupart des membres du club. J’ai répondu positivement à leur demande.
Le choix des vins est toujours excitant car j’ai envie de convaincre ces amateurs de l’intérêt des vins anciens et de les faire rêver. Le programme que j’ai conçu m’a excité. Je l’ai communiqué à ma correspondante de ce club et j’ai ajouté un vin mystère dont je n’ai pas communiqué le nom.
J’arrive un peu après 15 heures au siège de cette société où il est impossible de circuler si l’on n’a pas un badge. Les salles qu’on me montre ne sont pas très adaptées à ce que nous voulons faire, mais les consultants étant des personnes foisonnant d’idées, une solution est trouvée.
L’ouverture des vins est un exercice qui demande de la patience. L’un des membres du club et ma correspondante ont assisté à ces ouvertures. En me regardant faire le membre du club est subjugué par le fait que même si le bouchon se brise en mille morceaux, aucune miette de liège ne tombe dans le vin.
Lors de cette ouverture, tous les parfums me sont parus très prometteurs. Aucun vin n’a suscité de doute.
J’avais devant moi beaucoup de temps avant la conférence qui démarre à 19 heures. Julia, très aimablement, est restée avec moi sur la terrasse de l’immeuble d’où l’on voit la tour Eiffel et l’Arc de Triomphe. Nous avons bavardé par un temps clément.
Les membres du club arrivent. Je n’avais pas en tête autant de participants. Nous serons vingt ce qui pose un problème pour servir des bouteilles de façon équitable sans en oublier un. Celui qui a fait cette opération pendant la soirée l’a fait avec succès.
Comme je devais parler et animer la soirée, je n’ai pas eu le temps de prendre de note. Mes commentaires seront succincts.
Le Meursault Goutte d’Or Louis Latour 1995 est un vin doté d’un joli gras, de belle présence avec un finale très long.
Le Meursault Charmes Roulot 1997 me plait par sa grande présence en milieu de bouche. Les deux Meursault sont très différents. Globalement les participants voteront plus pour le 1995 qui est d’une belle fraîcheur et j’ai plutôt préféré le 1997 que j’ai trouvé plus riche et plus prononcé. Mais je peux comprendre que le Louis Latour est un meursault plus archétypal.
Le Corton-Charlemagne Eugène Ellia 1993 apporte plus de complexité et d’expressivité que les deux vins précédents. J’adore son dynamisme. C’est un vin très agréable.
Le Bâtard-Montrachet Veuve Henri Morini 1991 fait encore monter d’une marche sur l’échelle des plaisirs. Alors qu’il est d’une année dite faible et d’un vigneron qui n’est pas des plus connus, ce vin est riche et expressif, glorieux. Il sera largement plébiscité dans les votes.
Dans les fiches que j’avais préparées pour la dégustation j’avais oublié l’un des vins, le Puligny Montrachet Henri Boillot 1959 qui normalement n’aurait pas dû être servi après le Bâtard-Montrachet plus puissant. Et en fait ce Puligny s’est montré très agréable, rond et cohérent. Son âge le rend plus confortable.
Cette série de cinq blancs a été très diverse et plaisante. Un beau voyage dans les vins blancs de Bourgogne.
Il faisait très chaud dans l’immeuble et il n’y avait de disponible qu’un seul réfrigérateur. Aussi les blancs et les rouges étaient ensemble à une température intermédiaire. Aussi lorsque l’on a servi le vin des Hospices de Beaune Pommard magnum 1990, la fraîcheur du vin m’a enthousiasmé, car cela le rendait émouvant, séduisant, d’une longueur infinie. J’ai eu un moment de grand plaisir avec ce vin frais et entraînant. La délicatesse des Pommard.
Je ne me souviens plus très bien du Gevrey-Chambertin Jean Raphet magnum 1983 car je racontais des tonnes d’anecdotes. Il n’a pas tellement marqué les esprits, surtout le mien.
Le Chambolle Musigny 1er cru Les Vignes du château Grivelet magnum 1971 a tout pour lui, un grand vigneron et une très grande année. Et effectivement ce vin est une bombe. Il est généreux, puissant et très expressif. C’est un grand vin.
Le vin qui, à l’évidence, comble l’attente des participants est l’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1994 du fait de la réputation du domaine. Mais la fraîcheur qui avait joué pour le Pommard joue aussi pour lui. Ce vin délicat est en même temps large et profond et il a la plus belle complexité. Ce vin, c’est du bonheur pur.
J’ai dit que j’avais aussi apporté un vin surprise mais je préfère que l’on vote maintenant et nous boirons ce vin après les votes.
Nous sommes vingt votants. Chacun a voté et les résultats sont intéressants. Les neuf vins ont eu au moins trois votes. Cinq vins ont eu des votes de premier. L’Echézeaux 1994 a eu 8 votes de premier, le Bâtard Montrachet 1991 a eu 7 votes de premier, le Chambolle Musigny 1971 a eu deux votes de premier et le Puligny 1959 comme le Meursault Goutte d’Or 1995 ont eu chacun un vote de premier.
Le vote de l’ensemble des participants est : 1 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1994, 2 – Bâtard-Montrachet Henri Morini 1991, 3 – Chambolle Musigny 1er cru Les Vignes de château Grivelet magnum 1971, 4 – Corton-Charlemagne Eugène Ellia 1993, 5 – Meursault Goutte d’Or Louis Latour 1995, 6 – Puligny Montrachet Henri Boillot 1959.
Mon vote est : 1 – Chambolle Musigny 1er cru Les Vignes de château Grivelet magnum 1971, 2 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1994, 3 – Bâtard-Montrachet Henri Morini 1991, 4 – Hospices de Beaune Pommard magnum 1990, 5 – Corton-Charlemagne Eugène Ellia 1993.
J’ai tellement envie de convaincre les amateurs de vins que la « vérité » est chez les vins anciens, que je n’ai pas résisté au plaisir de faire goûter un Corton Clos du Roi L.A. Montoy 1929. A l’ouverture, il avait un parfum très plaisant. Ce vin subtil est adorable. Il n’a pas la puissance des vins jeunes mais il a un joli fruit et une cohésion qui est admirable. Je l’adore. 1929 est une de mes années fétiches.
Les membres du club sont émus évidemment et heureux de faire cette expérience qui repousse de beaucoup l’âge du plus vieux vin qu’ils aient bu.
J’espère par cette dégustation pour des amoureux du vin, les avoir encouragés à chercher à entrer dans le monde des vins anciens.