

C’est une fierté de rassembler tous ces grands vins


de beaux bouchons de vins jeunes


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Champagne Salon 1988 et Chateau Latour 1989



Vega Sicilia Valbuena 1980 et Hermitage Jean-Louis Chave 1989


Côte Rôtie La Mouline Guigal 1992

Chateau d’Yquem 1988


C’est une fierté de rassembler tous ces grands vins


de beaux bouchons de vins jeunes


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Champagne Salon 1988 et Chateau Latour 1989



Vega Sicilia Valbuena 1980 et Hermitage Jean-Louis Chave 1989


Côte Rôtie La Mouline Guigal 1992

Chateau d’Yquem 1988


champignons de Paris et foie gras, vaisseau amiral de l’Astrance, homard et légumes croquants

Christophe Rohat a mis ces tartes fines devant moi. A moi de me débrouiller !


rouget sur asperges, paleron sur petits pois, avec une crème à la réglisse


canard croisé, puis gorgonzola avec une fleur de courgette fourrée de framboises

ce sont vraiment des framboises !


malgré l’harmonie de couleurs avec l’Yquem, ce n’est pas le premier dessert mais le second, un blanc-manger, qui a le plus fait briller l’Yquem
Autre dessert délicieux mais moins adapté à l’Yquem.
De temps à autre, avec deux des plus fidèles de mes dîners, présents au centième, ce qui signifie beaucoup, et avec deux membres de l’académie des vins anciens, nous nous retrouvons pour un « casual Friday lunch », afin de partager des bouteilles apportées par certains d’entre nous. L’un des académiciens ayant cinq vins espagnols qu’il veut ouvrir, un des fidèles apportant un champagne et l’autre se chargeant des liquoreux, je trouve opportun de ne rien apporter, une fois n’est pas coutume, afin que le déjeuner ne finisse pas dans la débauche.
Nous nous retrouvons au restaurant Laurent qui, pour les fauves que nous sommes, est notre point d’eau favori. Le champagne apporté par l’un des amis est un champagne Crémant brut blanc de blancs Abel Lepitre 1979. C’est une curiosité, car la dénomination de « Crémant » a été abandonnée par la Champagne au profit d’autres régions mousseuses en 1974. Le vin a perdu toute sa bulle mais pétille en bouche, et plus d’un amateur dirait qu’il est madérisé. Lorsque l’on a accepté une certaine amertume, on voit apparaître des fruits bruns comme des prunes, et, avec un peu d’imagination, on trouverait un cousinage avec un sauternes qui aurait mangé son sucre. Le champagne un peu rebutant au début se domestique sur les petits amuse-bouche délicats.
Nous commençons la série espagnole par un Rioja Marqués de Riscal 1959 qui est un peu fatigué au premier abord mais va ordonner progressivement ses composantes. Il sert de faire-valoir à un Rioja Vina Real Reserva Especial des caves viticoles du nord de l’Espagne 1952 absolument charmant. Ce qui fascine, c’est l’équilibre qu’il a atteint. Sa plénitude est convaincante, et avec un peu d’imagination encore, on trouverait quelques accents de chambertin, mais un cran en dessous.
Sur ces vins nous goûtons une nouveauté, un thon fumé associé à du foie gras, d’un « graphisme » plutôt inhabituel pour Alain Pégouret. Le manque de délié gustatif me laisse un peu au bord de cette expérience.
Le pigeon est fort goûteux sur un Rioja Reserva Especial Martinez Lacuesta 1964 à la personnalité plus virile que celle du 1952, mais avec moins de charme et de complexité. Sur les feuilles de branches de fenouil qui accompagnent le pigeon, l’accord est vibrant car le vin s’excite. J’aime un peu moins l’accompagnement à base de maïs qui représente un vagabondage gustatif quand on aimerait rester sur la tendreté de la chair du pigeon.
C’est maintenant qu’arrivent les deux vedettes espagnoles de ce déjeuner. Le Vega Sicilia Unico 1965 est spectaculairement bon, car il a l’équilibre et la sérénité du 1952, mais sur une structure beaucoup plus noble. C’est un vin riche, joyeux, facile à vivre, sans complication inutile mais une belle palette aromatique. Il est tellement rassurant ! Le Vega Sicilia Unico 1968 est complètement différent. Il a plus de fruit, plus de jeunesse, et sans doute plus de potentiel à terme. Il est un peu plus complexe, mais c’est quand même le 1965 qui gagne, du fait de sa sérénité assumée. Sur le pied de porc, traditionnel succès de la maison, les papilles et les vins se régalent.
Un classement provisoire de ces cinq espagnols serait : 1965, 1968, 1952, 1964 et 1959. Les deux Vega se finissent sur des fromages improvisés.
Lorsqu’on nous sert à l’aveugle les liquoreux, sans boire une goutte, juste au nez, je trouve le vin et l’année. C’est suffisamment rare pour que je m’en vante. Il s’agit d’un Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles Hugel 1981. Il faut dire que je connais ce vin par cœur, ce qui a été compris par mes amis comme un jeu de mots. Mais si l’on comptait le nombre de vins que je connais par cœur et que je ne retrouve pas, ni au nez ni en bouche, on comprendra mon plaisir, auquel s’ajoute le plaisir d’un vin divinement accompli. Tout le monde se moque de mes gloussements de bonheur qu’ils attribuent à mon amitié avec le truculent Jean Hugel, l’un de piliers de l’académie des vins anciens. Mais force est de reconnaître que ce vin a un équilibre, une justesse de ton, une séduction délicate à la Fragonard qui en font un très grand vin.
Le Château Sigalas Rabaud 1967 est résolument opposé. C’est une explosion de fruits tendant vers la mangue teintée de thé. La force est du côté du sauternes alors que la finesse est alsacienne. Ce qui est assez intéressant – et je l’ai pressenti – c’est que le stilton que l’on proposait sur le Sigalas Rabaud, fait un rejet de ce fromage, alors que le Hugel l’épouse. Cette différence de comportement des deux vins est intéressante à constater. Sur un soufflé à la fleur d’oranger les deux liquoreux sont à l’aise.
Mon quarté de ce déjeuner serait : 1 – Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles Hugel 1981, 2 – Vega Sicilia Unico 1965, 3 – Vega Sicilia Unico 1968, 4 – Rioja Vina Real Reserva Especial des caves viticoles du nord de l’Espagne 1952.
Les discussions étant animés, riantes, avec humour, et le jardin du restaurant Laurent nous poussant au farniente, il fut facilement six heures de l’après-midi quand nous levâmes le siège. Chacun des présents, actif le reste de la semaine, a eu sa dose d’appels urgents, mais nous avons profité d’un bel après-midi. Traversant le couloir, nous croisons Philippe Bourguignon qui, perfide, nous lance : « il ne vous reste plus qu’à dîner de soir ». Nous nous regardons, nous sourions avec la folie des écoles buissonnières et nous lançons : « chiche ». Il ne reste plus à cette heure que les fidèles des dîners, les centièmes rugissants. Appels aux épouses, aux baby-sitters, tout s’organise. Je rentre chez moi changer de chemise, et nous revoilà pour dîner. Nous sommes à la même table et une autre à côté accueille quatre enfants des deux couples qui m’ont rejoint. J’ai eu le temps de commander les rouges en attendant les deux familles.
Philippe Bourguignon nous offre un champagne Charles Heidsieck blanc des millénaires brut 1995 qui est fort agréable dans sa simplicité. J’adore les amuse-bouche. L’un des amis a apporté Château Laville Haut-Brion 1951 à la couleur fort ambrée, dont les premières gorgées sont fatiguées. Mon ami sourit et me dit : « si c’était ton vin, tu dirais qu’il est merveilleux, alors qu’ici, tu le trouves fatigué ». Le vin se marie avec bonheur aux morilles et surtout au cappuccino de morilles qui les accompagne. Car ce goût très pur et doucereux ravive et rajeunit le vin. Notre maître d’hôtel, par un zèle assassin m’apporte une deuxième entrée car j’avais hésité avec le foie gras poêlé. Ces deux entrées sont merveilleuses et sont la représentation de tout ce que j’aime dans ce restaurant, fait de goûts purs, de pleine maturité.
Le premier rouge est un Clos de la Roche Cuvée Vieilles Vignes Domaine Ponsot 1983. Je n’ai quasiment jamais bu des vins du domaine Ponsot. Ce qui m’a poussé à le choisir, c’est qu’il existe en ce moment un gros scandale qui agite le monde des vins rares, car monsieur Ponsot a fait retirer d’une vente aux enchères renommée plus de cent bouteilles de son domaine en déclarant que les millésimes mis en vente n’ont jamais existé. Comme le 1983 existe, c’est l’occasion d’essayer. Le nez est spectaculaire. Il est terriblement bourguignon, et avec l’un des amis, nous ferons la constatation d’une similitude assez frappante avec les vins du domaine de la Romanée Conti, par la salinité et l’exacerbation du caractère bourguignon. En bouche, c’est un festival de complexité. La personnalité est sauvage. C’est un cheval fougueux, indomptable. Et l’on se rend compte à quel point un tel vin transcende les espagnols que pourtant j’adore. Il y a une sensibilité, une émotion dans ce Clos de la Roche que seule la belle Bourgogne est capable de susciter. Sur la chair puissante du turbot, le vin réagit avec finesse.
J’avais aussi fait préparer une Côte Rôtie La Turque Guigal 1999. Ce vin est insolent. Il agace tellement tout en lui est facile. C’est Alain Delon quand il avait vingt ans ou George Clooney quand il ne prend pas de café. Le vin a un nez pur, puissant, que confirme la bouche. Il est jeune, pétulant, dans le fruit, au boisé très maîtrisé. Ce qui est insolent, c’est cette fraîcheur incroyable qui le rend désirable comme une boisson désaltérante, et c’est la facilité de lecture qui le montre presque simple alors que le travail est immense. Tel qu’il est, dans sa folle jeunesse, ce vin est parfait. Les fromages ne sont pas vraiment ses amis, mais cela n’a aucune importance.
Mon quarté de la journée serait celui-ci : 1 – Côte Rôtie La Turque Guigal 1999, 2 – Clos de la Roche Cuvée Vieilles Vignes Domaine Ponsot 1983, 3 – Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles Hugel 1981, 4 – Vega Sicilia Unico 1965.
Dans le jardin toujours aussi agréable de nuit même si les femmes sont obligées de se lover sous des châles, les discussions nous entraînent jusqu’à une heure du matin, tandis que les enfants, accrochés à leurs consoles de jeu, rient de bon cœur. En quittant ce lieu, un rapide calcul m’apprend que je viens d’y passer onze heures dans la même journée. Le Guinness Book of Records n’est pas loin. Ce qui prouve qu’avec de bons amis et des grands vins, le temps suspend son vol.


Le cadre du restaurant Laurent est assez unique !


Crémant Abel Lepitre 1979


Les bouchons des vins du déjeuner


Les deux Vega Sicilia, 1965 et 1968, bouchons très peu marqués


Les deux Rioja de 1959 et 1952
Rioja 1964


Les deux Vega Sicilia

Un plat au graphisme assez inhabituel pour Alain Pégouret


La belle cuisine du restaurant Laurent


Le beau vin de Hugel 1981


Tableau final et Sigalas Rabaud 1967


Le champagne Charles Heidsieck démarre le dîner


Laville Haut-Brion 1951 et Clos de la Roche Ponsot 1983


Côte Rôtie La Turque 1999
Demain, nous marions notre fils. Il y a aura la famille courte, très courte des deux côtés, et les amis d’enfance des conjoints. Belle-fille et belle-mère ont pris en charge l’organisation et la logistique. Nul ne m’a contesté le choix des vins. Au dîner de la veille, nous sommes dans notre maison du sud. Pour tester quelques vins du mariage, j’ouvre un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs en magnum 1995. Très distingué, il est rafraîchissant. C’est un champagne de soif, que l’on reprend avec plaisir. Quelques notes fumées lui donnent un charme ravissant. Il est noble. Nous essayons ensuite un Meursault Genévrières Bouchard Père & Fils en magnum 2004. Ce vin qui titre 13,5° impressionne par sa puissance. D’une force dévastatrice, il envahit le palais, et gagne la bataille grâce à une palette de saveurs convaincante. Son fruit puissant nous conquiert, mais j’aimerais bien sûr quelques années de mûrissement de plus.
Nous nous retrouvons, le jour dit, à la petite mairie de la presqu’île de Giens, qui est une annexe de la mairie d’Hyères. Les femmes sont toutes belles, les hommes sont élégants. Les sourires sont sur toutes les lèvres. La salle de la mairie sert aussi de salle d’exposition à des peintres locaux. Il y aurait sans doute une thèse à faire sur le talent des peintres maritimes. Je hasarde l’hypothèse que ces artistes, subjugués par la beauté irréelle des paysages de nos côtes, ont décidé qu’il ne fallait pas lutter avec l’insolente perfection de la nature et ne produisent que des croûtes. Le maire adjoint est guilleret, visiblement impressionné par la beauté des amies de la mariée et gère la cérémonie avec beaucoup d’humour. Au moment de sortir pour être applaudis, les jeunes mariés sont inondés par une pluie de pétales de roses que les jeunes enfants lancent en larges poignées.
Nous nous rendons à notre maison de Giens, pour y tenir une fête qui sera la dernière, à la volonté de mon fils, car cette maison sera vendue dans moins de trois semaines. Le traiteur Matyasy d’Hyères a fait, sur trois repas de suite, un travail absolument remarquable. Les canapés en abondance sont délicieux, goûteux et raffinés et le repas du soir a été exécuté d’une façon qui pourrait rendre jaloux plus d’un restaurateur.
Au buffet du midi, j’ai invité le sympathique maire, à la gaieté si communicative. Nous avons trinqué, et au moment de son départ, lorsqu’il embrassa ma belle-fille, il eut ces mots définitifs, à graver dans le marbre, que je ne peux m’empêcher de rapporter. De famille arbannaise depuis des siècles, avec un accent local chantant comme les cigales, il dit à la mariée après l’avoir embrassée : « lors de la cérémonie, je ne me suis pas permis de vous embrasser, car je ne voulais pas ajouter à l’émotion. Mais j’ai bien senti que nos regards se sont embrassés ».
A table nous goûtons Champagne Henriot en magnum 1996, champagne très agréable, à l’acidité plaisante, qui se boit avec joie. Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs en magnum 1995 est réservé pour le dîner. Nous buvons ensuite un Chablis Grand Cru Les Preuses William Fèvre 2006 très délicat, aérien, très chablisien avec une retenue distinguée. Les rouges n’étaient pas prévus au programme, mais ma fille aînée n’appréciant que cette couleur, c’est un Château Meyney en double magnum 1969, de l’année de naissance de non fils, qui étanche son désir de rouge.
J’avais prévu pour les trois repas, de midi, soir en midi du lendemain, d’ouvrir un Château Raymond Lafon 1985 en impériale, dont l’or presque auburn explose comme un soleil. Il me semblait que trente personnes en trois repas viendraient à bout du volume de six litres de ce sauternes. Nous n’en boirons en fait qu’un peu plus de la moitié. Les évocations du sauternes sont nombreuses. Je mettrais en tête les pâtes de fruit, les fruits confits, et une légère trace de miel. Mais ce qui me fascine, c’est la fraîcheur en bouche de ce liquoreux, qui glisse avec un goût de revenez-y que la demi-bouteille restante – qui est en fait l’équivalent de quatre bouteilles – ne semble pas confirmer.
Le charmant maître d’hôtel eut l’idée aventureuse de mettre en marche une fontaine de chocolat par un vent d’est sournois. Un des amis de mon fils pris d’une gourmandise précipitée fut tagué, entartré par la vilaine machine de la tête au pied. Lorsque tout revint dans l’ordre nous pûmes plonger des petites meringues dans la mer calmée de chocolat pour accompagner un Rivesaltes 1955, compagnon idéal du chocolat avec ses notes de café.
Les plus fous parmi les jeunes allèrent faire du kayak dans une onde remuée d’un fort vent, puis ils se provoquèrent au karting pendant que ma génération récupérait des excès du buffet plantureux.
Le dîner se tient dans la maison de Giens, et nous goûtons les deux champagnes, l’Henriot 1996 et la Cuvée des Enchanteleurs 1995. Si la finesse de structure parle nettement pour la Cuvée des Enchanteleurs, le plaisir donné par l’Henriot 1996 n’est pas très éloigné.
Le Chablis Grand Cru Les Preuses William Fèvre 2006 continue à être apprécié, ma bru l’ayant pris en sympathie active, et le Meursault Genévrières Bouchard Père & Fils en magnum 2004 trouve son public auprès des amateurs de vins puissants, immédiatement évocateurs de plaisir.
Le Château Meyney en double magnum 1969 conquiert par sa subtile grâce, faite d’une attaque assez amère, saline pour certains, suivie d’un final délicat et doucereux. Mais l’assemblée comptant beaucoup de convives nés la même année que ma belle-fille, c’est-à-dire 1966, c’est le Cos d’Estournel 1966 qui étonne la quasi-totalité des amateurs des tables. Car ce vin d’une jeunesse folle évoquerait plus volontiers un vin de vingt ans plus jeune que le quadragénaire qu’il est aujourd’hui. Typé, précis, clair dans son expression, c’est un bordeaux de grande tenue, charnu et plaisant à boire.
Sur le dessert malheureusement inadapté au sauternes, car il s’agit de fruits rouges, le Raymond-Lafon fait malgré tout belle figure, du fait de sa fraîcheur, mais les plus avisés lui préfèrent le champagne pour les fruits. Sous un ciel sans vent mais porteur de rares gouttes de pluie, le temps était à la danse, entre adultes souvent, mais aussi avec les rejetons encore éveillés des jolis couples de ce mariage.
Le lendemain midi, le repas se tient à notre maison « sur le continent », d’où l’on voit en ligne droite la maison de la presqu’île que nous allons abandonner. Des tentes ont été dressées, car la météo n’était pas optimiste. Au moment où les convives arrivent, la pluie est d’une force extrême, nous pressant les uns contre les autres sous la tente protectrice. Les mêmes vins se retrouvent, l’Henriot 1996, la cuvée des Enchanteleurs 1995, le Chablis les Preuses 2006 qui a gagné en courage d’être oxygéné, le Meursault Genevrières 2004 auquel j’ai ajouté un Mas de Daumas Gassac blanc 2001 très vaillant, avec une belle puissance et un fumé convaincant. Le Château Meyney continue de séduire et le sauternes se boit peu après tant d’agapes. Le soleil apparaissant les jeunes actifs se provoquent au tennis, vont ensuite nager en mer.
L’assemblée se quitte progressivement en vastes embrassades. Tout le monde a le sentiment d’avoir vécu un mariage réussi, chaud au cœur, de bonne chère grâce au traiteur et au personnel de service engagé et sympathique et de bons vins, d’un plaisir souriant. Bon départ pour un couple qui s’unit.


Le buffet du midi dans le jardin de notre maison de Giens. Le champagne Henriot 1996 en magnum

Une fontaine de chocolat, ça peut être dangereux !


Les canapés du soir et le buffet du soir

Les jolies tables dressées dans le patio



Impériale de Sauternes Chateau Raymond-Lafon 1985
Rivesaltes 1955 pour accompagner la fontaine au chocolat.
Après une longue semaine de repos, je remonte du sud à Paris le jour de l’anniversaire de mon fils, pendant que ma femme continue de préparer son mariage qui se tiendra à Giens. Je demande au fêté ce qu’il compte faire le soir, et rien n’est apparemment prévu. Il me demande si je veux venir dîner chez lui et j’annonce que je resterai au calme chez moi. Ma fille aînée ayant programmé de lui faire une visite surprise, je me présente chez mon fils et ma bru qui ne s’attendaient pas à me voir. Ma fille aînée et son compagnon nous rejoignent et nous démarrons un happening culinaire très plaisant composé de plats multiethniques goûteux.
Le Château Carbonnieux blanc 2005 a toutes les notes de la gamme sur sa partition. Mais à cet âge ingrat, c’est du Schönberg plus que du Mozart. Les arômes s’entrechoquent dans des dissonances involontaires. On se sent en plein infanticide, tuant dans l’œuf un talent qui ne se révèlera que dans quelques années.
Ma bru a créé un concept qui ressortit aux revendications ouvrières, appuyée en cela par ma fille aînée. Il s’agit du vin de Ginette. Je demande aux Ginette de pardonner cet emprunt de leur prénom. Elles ne méritent pourtant pas une disgrâce de plus. Comme on boit chez moi des vins caciques et dont les poitrails rutilent de décoration, cette dissidence tend à vanter des vins prolétaires. C’est donc un Chianti Classico 2006 d’un producteur inconnu qui prend place sur la table posée dans le jardin par une nuit idyllique d’un chaud printemps. Ma première réaction est de penser que le vigneron a affiché haut et fort qu’il ne voulait pas faire du vin. Il y a du copeau, de la vanille et du poivre, mais du vin, il n’y en a pas. Et cela apparaît hautement revendiqué, comme le fait ma bru avec ses vins de Ginette. Je n’ai jamais chiqué de ma vie, mais j’imagine que les Popeye et autres marins devaient ruminer un jus de chique qui ressemble à ce que je bois.
Alors bien sûr, la Côte Rôtie Brune et Blonde Guigal 2002 peut se réjouir d’apparaître après ce mauvais brouillon. Mais je reste sur ma faim. Quand on connaît le talent que Guigal met dans ses grandes Côtes Rôties, on trouve que celle-ci pianote d’un seul doigt. Il y a une ouverture vers des horizons gustatifs qui satisfont le palais, et entrouvrent les portes du plaisir, mais il n’y a pas l’émotion que l’on pourrait avoir. Ne soyons pas trop difficiles.
Ces trois vins déploient le tapis rouge pour le vin que j’ai apporté, le champagne Jacques Selosse brut 1998. Ce champagne est comme l’apparition de la Vierge dans les Hautes Alpes. On se prendrait à fredonner « il est né le divin enfant ». Il y a des fruits roses et blancs, des pêches de vigne, et une délicatesse quasi indéfinissable. On prend conscience de la volonté du vigneron de faire ce qu’un vigneron doit faire : un vin expressif et juste. Du vrai vin. Nous sommes conscients que ce champagne profiterait de quelques années de plus, mais son charme insistant agit. C’est un très grand champagne. Nous avons reconstruit le monde, joué au président de la république en se mettant à sa place, sport auquel on se livre de plus en plus fréquemment. Les bougies se sont soufflées sur un joli gâteau. Cette soirée impromptue est un fort moment de l’amour familial.
Mon gendre de retour des USA nous rejoint dans le sud, et nous allons tous les quatre, femme, fille, gendre et moi à l’hôtel des Roches au Lavandou. Nous sommes accueillis par Fabien Dandine, à qui je demande la carte des vins. C’est une carte intelligente, avec une stratégie de prix que j’apprécie. La conséquence, c’est que nous prenons de grands vins. Le champagne Krug 1988 que j’ai maintes fois bu est toujours aussi élégant. Il commence par des notes florales, de fleurs roses et blanches, puis récite ses gammes citronnées, et finit sur des notes de miel. C’est amusant de le voir débuter dans le romantisme pour finir dans la solidité sérieuse. De délicats amuse-bouche le font changer de personnalité avec une rare adaptabilité. Des asperges vertes et blanches, cuites et crues, avec un fin velouté et une vinaigrette tiède aux truffes font bien ressortir la noblesse du champagne. Matthias Dandine, connaissant les vins que nous prenons, a prévu un plat où cohabitent de délicieuses langoustines très pures avec de la langouste cuite pour exprimer son goût très fort. Du riz coco avec mangues, un mousseux de carottes, gingembre, achar de légumes et coriandre. Le plat goûteux et élégant fait briller le champagne.
Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1996 est prévu pour un quasi de veau de lait, le foie rosé, sauté de morilles et velouté, jus au parfum d’ail des Ours. Dès le premier instant, le nez plante le décor. On est dans la complexité la plus absolue, avec un éventail aromatique infini. Là aussi, on décline le floral, le mentholé, le citrique, mais aussi le beurre, la crème de lait. C’est un festival absolu. Nous sommes aux anges. Il fallait un accord de confrontation et ce qui se passe est parfait. Sur la chair pure, le Montrachet est à son aise, car il aime le combat. Mais c’est surtout avec la sauce, qui normalement est sur le territoire de chasse des rouges, que l’accord est éblouissant, donnant au Montrachet une longueur et une complexité infinies.
Matthias Dandine nous annonce qu’il a prévu des fraises des bois. La logique oriente vers un champagne rosé. Je lis la carte, et j’hésite. Matthias nous suggère d’essayer le champagne Cuvée Célébris rosé Gosset 2003. Entrer en scène après un Montrachet Domaine de la Romanée Conti, c’est une mission quasiment impossible pour ce rosé à la jolie couleur, qui n’arrive pas à capter notre intérêt.
Tout en cette soirée nous a plongés dans une ambiance de vacances. Matthias Dandine réussit une cuisine sereine, simple à lire et riche de belles saveurs. Grâce à une tarification intelligente, nous avons pu aborder des vins de première grandeur. Une bien belle soirée.


Champagne Krug 1988


Le bouchon et la capsule


Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1996

Plat d’asperges vertes et blanches


Langoustines et langouste

Quasi de veau pour le Montrachet


Bouchon du champagne Gosset Cuvée Célébris 2003

Champagne Gosset Cuvée Célébris 2003


Dessert aux fraises des bois et des madeleines (miam miam !)
Dans le sud, l’ordre du jour est d’arriver à retrouver un peu de calme dans une vie quelque peu chahutée. Mais l’appel de la bonne chère est trop fort. Nous arrivons à la table d’hôte d’Yvan Roux qui nous a préparé le dîner avec son épouse. La vue de la terrasse est un spectacle dont on ne se lasse pas.
Les petits beignets d’encornets se marient délicieusement au champagne Laurent Perrier Grand Siècle qui est un rituel probablement éphémère, car la brusque hausse des cours va rendre ce champagne inaccessible.
Le homard vivant de 2,6 kilos donne un haut le cœur à ma fille qui ne veut pas voir la mort inéluctable de ce crustacé. Yvan ira le préparer à l’extérieur. La cuisson de la chair du homard est certainement l’une des plus réussies que j’aie pu goûter de cet animal, car la profondeur de la chair et sa lourdeur s’accompagnent d’une impression de légèreté, sans remise en cause de l’intensité du goût.
Les pinces viennent dans une autre assiette plantée de gousses d’ail confites. Babette avait ouvert pour elle-même un Rimauresq Côtes de Provence blanc 2006. C’est un vin blanc assez classique. L’ail lui donne un relief et une dimension qu’il n’aurait jamais sans cela.
On nous sert ensuite un saint-pierre d’un kilo, goûteux et simple à la fois, qui comble nos appétits. Des profiteroles avec une glace vanille ponctuent un grand moment de bonheur, où la mer, la cuisine exacte d’Yvan, et la décontraction de l’instant font passer un moment de grande félicité.