Archives de catégorie : dîners ou repas privés

au restaurant La Toque à Napa dîner de grands vins vendredi, 9 octobre 2009

Photos prises dans la cave du restaurant

Champagne Krug Grande Cuvée en magnum

Champagne Laurent Perrier Grand Siècle 1959

Champagne Krug 1952

Château Haut-Brion blanc 1998

Château Haut-Brion blanc 1928

Château Margaux 1929

Château La Mission Haut-Brion 1947

Château Latour 1945

Château Latour à Pomerol 1945

Château Cheval Blanc 1926

Château Haut-Brion rouge 1926

La Romanée Leroy 1955

La Romanée Leroy 1962

Château la Tour Blanche 1898

Château Suduiraut 1921

Tokaji Eszencia 1912

Le menu conçu par Ken Frank :

Crab croquette – foie gras as a « Corn Dog »

Rosti potato with Russian Osetra caviar

Sea scallop with pearl tapioca and squid ink

Alaskan halibut with celery root mousseline and mushroom parmesan broth

Nilgai antelope with braised lentils and root vegetables

Angus beef braised all day in Napa Valley red wine

Wolfe farm quail with chanterelles

Chick pea ravioli with fresh Burgundy truffle

Fourme d’Ambert

Quelques ratés au restaurant Aqua vendredi, 9 octobre 2009

Sur le forum de Robert Parker, j’avais fait la connaissance virtuelle d’une femme propriétaire d’un vignoble dans la Napa Valley. Elle semblait intéressée par mes écrits et montrait une grande connaissance des grands vins anciens qui jalonnent l’histoire. Lorsqu’elle est venue à Paris avec son frère, un rendez-vous était prévu avec eux, mais elle vint seule. Par un biais que j’ignore, elle a su que je venais en Californie, aussi m’a-t-elle invité à dîner avec l’un de ses amis. L’ami ne se présentant pas alors que nous allions attaquer le plat principal, je me suis pris à penser à un « coup monté » (en anglais dans le texte). Mais l’ami apparut.

Le dîner se tient au restaurant Aqua, où je me rends à pied. Samantha arrive en même temps que moi. Elle a dans un petit carton trois bouteilles. L’une, de son vin, est un cadeau au sommelier de l’endroit. Les deux autres ont été achetées en catastrophe pour ce dîner, car, n’ayant pu retourner à son domicile du fait de ses rendez-vous, elle a cherché ce qui pouvait être intéressant à gouter ce soir. Le maître d’hôtel qui connaît bien Samantha, puisqu’il est l’ami de son maître de chais, nous propose une coupe du champagne Pierre Moncuit à Mesnil sur Oger, non millésimé. Tout ce qui vient de Mesnil-sur-Oger est grand, aussi nous régalons-nous de ce champagne direct, précis, sans grande émotion mais très agréable. Un petit amuse-bouche à la Saint-Jacques couverte de caviar sur un lit de légume manque d’équilibre, car les légumes castrent le tout, le caviar restant quasiment muet.

Le maître d’hôtel ouvre le Champagne Louis Roederer 1966. La couleur est d’un rose légèrement brun. Le nez est à peine doucereux mais surtout délicat. En bouche, une belle acidité donne au champagne à la bulle chiche une intéressante jeunesse. Ce qui fascine dans ce champagne, c’est que chaque gorgée fait visiter de nouvelles saveurs. Le champagne est insaisissable tant ses facettes sont nombreuses. Des fruits jaunes orangés, des agrumes discrets, du thé parfois jalonnent son parcours. Le tartare de thon est pointillé de pignons qui eussent dû ne pas être grillés. Un poivre intense empêche le champagne de collaborer avec la chair douce qui eût pu surfer sur ce champagne délicat.

Une coquille Saint-Jacques très épaisse est goûteuse, mais les petits pois et haricots en grains sont trop forts pour que le champagne en profite. Sur un soufflé qui sert d’intermède, je demande que le rouge soit servi, mais il n’a pas été ouvert depuis notre arrivée. Le Chambertin Clos-de-Bèze du domaine Prieuré Roch 1996 a une couleur trouble. Le nez évoque un étron de cheval qui évoluera au fil des minutes vers l’odeur de pieds sales. Le vin est mort, quelle que soit l’analyse que l’on pourrait faire autour.

Le maître d’hôtel alerté nous suggère un vin dont il vante le prix. On ne devrait jamais suivre l’avis d’un sommelier ou d’un maître d’hôtel lorsque l’argument du prix est mis en avant. Je suis inquiet quand il apporte une bouteille d’un vin rouge, qui sort d’un réfrigérateur, plus froide qu’un champagne. Le Gevrey-Chambertin 1er Cru Lavaut Saint-Jacques Jean Claude Boisset 2003 n’a pas grand-chose à dire dans cette froidure. Comme mon pigeon est notoirement non-cuit, il est temps d’ouvrir ma mallette diplomatique pour qu’aucun de mes propos ne puisse se retourner contre moi. Car tout ceci frôle gentiment le n’importe quoi.

Sur des fromages et du fait du réchauffement de ce climat de Bourgogne, le vin s’anime un peu. Quelques minutes plus tard, le vin sombre à nouveau dans l’ennui. Samantha qui a invité son ami et moi est fort marrie de ces contrariétés. Comme elle est en période de vendanges qui l’oblige à ne dormir que cinq heures par nuit, la soirée s’abrège rapidement. Le champagne de 1966 restera l’étincelle de ce repas ainsi que la générosité de cette vigneronne qui a voulu nous faire plaisir.

Steve m’a annoncé que demain, nous serons huit pour 17 vins plus rares les uns que les autres. Vite au lit !

dîner au restaurant Aqua de San Francisco jeudi, 8 octobre 2009

Les vins :

champagne Pierre Moncuit à Mesnil sur Oger, non millésimé

Champagne Louis Roederer 1966

Chambertin Clos-de-Bèze du domaine Prieuré Roch 1996

Gevrey-Chambertin 1er Cru Lavaut Saint-Jacques Jean Claude Boisset 2003

le repas ne restera pas un souvenir impérissable

coquilles Saint-Jacques aux légumes trop appuyés

pigeon pas assez cuit

un beau Volnay à La Table de Joël Robuchon lundi, 28 septembre 2009

Un nouveau fidèle des dîners de wine-dinners m’invite à déjeuner à la Table de Joël Robuchon. Il y a apporté deux vins. Nous trinquons sur une coupe de Champagne Bruno Paillard en magnum dont le goût un peu dosé n’est plus dans la gamme de ce que je recherche.

Nous composons le menu pour le vin rouge en choisissant : le pied de cochon sur une tartine gratinée au parmesan / le cabillaud avec une barigoule d’artichaut aux olives noires / le bœuf : la noix d’entrecôte de Normandie ou de Bavière avec une tartine de moelle.

Le Volnay-Caillerets Domaines Jaboulet-Vercherre 1976 est d’une belle couleur où le rose domine le rouge. Le nez est généreux. En bouche, je le trouve beaucoup plus joyeux, rond et généreux que ce que l’année suggère. C’est un très bon vin qui s’anime avec chacun des plats, le cabillaud le rendant plus droit, plus strict, mais aussi plus vibrant, le pied de cochon formant le plus sensuel des accords.

Un essai du Château Doisy-Védrines 1996 sur la chair de l’entrecôte est original mais à ne pas refaire. Ce beau sauternes déjà bien lourd est d’une belle expression. Un soufflé au citron est le meilleur compagnon possible sur la liste des desserts.

La Table de Joël Robuchon est un agréable restaurant dont les plats sont très correctement exécutés. La purée légendaire crée un lien avec la mémoire des repas extraordinaires du « bon vieux temps » de Jamin et la rue Raymond Poincaré. Cette table mérite qu’on y retourne.

un bien beau Figeac 1989 chez Gérard Besson samedi, 19 septembre 2009

Le président de l’association des antiquaires du Louvre des Antiquaires ouvre sa galerie pour la signature du livre « L’histoire de la faïence fine » de Christian Maire, une somme avec des centaines de photos sur les recherches qu’il a conduites sur plus de vingt ans. Comme c’est l’occasion de retrouver l’ami antiquaire, nous nous rendons à cette invitation. Les allées sont presque désertes un samedi après-midi. Vincent a la gentillesse de nous servir un champagne qu’il a commandé au café du premier étage, « le Marengo ». Ce champagne au nom inconnu est particulièrement agréable à boire. Ma femme et moi emmenons ensuite, après avoir acheté le livre, Vincent et un ami écrivain, que nous allons revoir dans peu de jours à « Livres en Vignes » au château de Clos-Vougeot, au restaurant de Gérard Besson.

Le chef nous offre une coupe du champagne Duval-Leroy Blanc de Blancs 1999 bien typé et qui ne fait pas ombrage au « petit » champagne du café Marengo. Après un vol-au-vent au ris de veau, nous profitons des premières grouses qui n’ont pas encore la dureté de chair des volatiles plus tardifs dans la saison. Ces oiseaux sont d’un grand plaisir.

LA GROUSE

Dans la carte des vins très riche mais aux prix parfois dissuasifs, j’ai choisi deux vins. Avec Gilles, le fidèle sommelier au grand savoir, nous hésitons sur l’éventualité d’une décantation qui serait en fait une aération, mais les parfums des deux vins indiquent qu’il ne faut pas transvaser ces vins, à déguster dans le charme de leur fraîcheur. Le Château Figeac 1989 me conquiert instantanément. C’est un beau vin riche mais subtil, élégant, qui profite à plein d’avoir vingt ans. Cette réussite m’enchante. Sa densité est grande, son final est charmant. C’est un bonheur de boire un tel bordeaux.

La Côte Rôtie La Landonne Guigal 1987 mettra plus de temps à se révéler. Je lui trouve un léger voile et une grande timidité, mais quand il se réveille, il délivre les beautés de ces Côtes Rôties, avec toutefois un manque de puissance qui contraint le plaisir. Ce sont surtout les conversations avec un antiquaire et un écrivain, ajoutant leurs éruditions, qui ont fait le bonheur de cette soirée.

sagesse, sagesse, m’as-tu quitté ? samedi, 12 septembre 2009

L’esprit encore empli de la grâce du vin de Constance de 1791 qui me donne encore le tournis, je m’envole vers le sud. Ma fille cadette est revenue dans notre maison avec ses deux enfants dont le nouveau-né tant célébré, qui a puisé au sein de sa mère de quoi devenir un gentil sumo. L’esprit sera à la diète, avec les produits bio dont ma fille est une experte. Son mari la rejoint. Les plus belles bouteilles de l’été, je les ai partagées avec mon gendre. Aussi, quand tombe le soir, vient une interrogation silencieuse : serons-nous à l’eau ? La chair est faible hélas et je n’ai pas lu tous les livres diététiques.

La porte du réfrigérateur s’ouvre, je zyeute le mot « substance ». La messe est dite, nous fauterons. J’ouvre le champagne Substance de Jacques Selosse dégorgé le 20 juin 2005. Ce vin, élevé selon la technique de la solera, qui consiste à incrémenter chaque année les tonneaux de stockage d’un nouveau millésime sans jamais remettre les niveaux à zéro, est d’une couleur merveilleusement ambrée, fort inhabituelle pour des millésimes jeunes. Et en bouche, c’est une extravagante maturité qui s’impose à notre palais. D’une personnalité exceptionnelle, ce champagne est très fumé, riche de fruits entre orange et marron qui seraient fumés. Alors que la trace en bouche est extrême, le vin n’est pas très long, l’attaque étant saisissante mais peu suivie. On imagine mille combinaisons possibles avec ce champagne de gastronomie. Nous grapillons des petits amuse-bouche pour faire virevolter le talent du champagne.

A force d’essais, la bouteille se vide vite. Et quand il faut passer à table, il fait soif. J’ai envie d’ouvrir un autre champagne, je le dis et un œil noir, celui de ma fille, me morigène. C’est péché, mais l’objet du péché fait passer outre. J’ouvre un champagne Dom Pérignon 1995. Immédiatement nos yeux s’illuminent. A côté du champagne extrême de Selosse, nous revenons vers le champagne de plaisir, à la séduction irrésistible. Tout ce qu’il y a de féminin, de romantique, de roses foulées à pied nu par d’évanescentes beautés se trouve dans ce breuvage. Le Selosse a son territoire d’expression, extrême et guerrier, d’un talent rare, et le Dom Pérignon exprime la séduction naturelle. Ce n’est pas que le fait du hasard si Eva Herzigova a été choisie pour en être l’égérie sensuelle. L’abondance de produits bio fait voyager nos papilles sans que forcément nourriture et champagne embarquent sur le même quai mais peu importe. Ce champagne est en pleine possession de sa séduction. Il se déguste sans la moindre modération de notre approbation.

dîner impromptu chez des amis mardi, 1 septembre 2009

Nous rendons visite à nos voisins qui nous accueillent avec un champagne Moët & Chandon non millésimé qui me plait plus que d’habitude. Il a dû se bonifier de quelques mois de plus. Sur un veau très tendre, le Quintessence de Rimauresq 2005 me plait lui aussi beaucoup plus qu’un récent 2004. Ce vin des Côtes de Provence est tout à son aise sur la viande et aussi sur le fromage.

Le dessert est un melon au basilic et mon ami apporte une bouteille que j’avais offerte il y a bien un an, un Tokaji Eszencia Aszu 1988. L’accord du melon avec le Tokaji est absolument saisissant. Le vin se place en continuité parfaite avec la chair orange du fruit marquée par la feuille verte. Avec un peu d’imagination, ce sont les couleurs du drapeau hongrois qui créent cet accord absolument syncrétique, dans son sens fusionnel. La diète restera, comme souvent, un acte manqué.

café chez Yvan Roux mardi, 1 septembre 2009

Les enfants, petits-enfants et cousins sont partis. Il reste une semaine de diète et de sport pour se préparer à affronter une reprise fertile en événements. L’ami fidèle qui était venu me trouver pour partager des vins chez Yvan Roux et chez Mathias Dandine m’annonce qu’il va venir déjeuner avec des amis chez Yvan Roux. « J’aurais mauvaise grâce à y aller sans t’inviter », me dit-il. Je refuse, pour des raisons diététiques.

Il insiste : « viens au moins pour l’apéritif ». Il est sûr que si j’accepte, je resterai à table, aussi ma réponse est : « je viens pour le café ». J’arrive avec dans ma musette un Champagne Perrier-Jouët rosé 1969. Le bouchon resserré a fait disparaître la bulle, le champagne est d’un rose isabelle, le nez est délicat. En bouche, si l’on admet que ce que l’on boit est éloigné du goût du champagne, on profite de saveurs qui sont celles d’un champagne rosé qui aurait fauté avec un muscat. C’est doux, délicat, et extrêmement plaisant. C’est nettement meilleur que le 1966 de la même maison que j’avais ouvert récemment. Les trois jeunes compères sont encore sur une glace vanille qui ne paraît pas adaptée, aussi, fort opportunément, Babette nous apporte des biscuits roses de Reims qui apaisent le goût du champagne. Jonathan me fait goûter l’Ermitage Ex Voto Guigal 2005 qui fait partie des vins qu’ils viennent de partager et je suis très impressionné par la finesse, l’élégance et l’équilibre de ce vin très chaleureux et expressif. Un grand plaisir.

Yvan Roux est fier du Pata Negra qu’il vient de recevoir, d’une qualité très remarquable, Un champagne blanc irait mieux que le champagne rosé, trop faible pour l’amadouer. Aussi est-ce sur l’Ermitage que je me délecte de quelques tranches de cet excellent jambon.

dernier (?) repas de vins dans le sud jeudi, 27 août 2009

Ce sera ce soir, sauf contrordre, le dernier dîner vineux de notre long séjour dans le sud. Nous recevons des amis qui aiment et apprécient le vin, sans en avoir la frénésie encyclopédique des passionnés. Le Champagne Dom Pérignon 1995 a quelque chose de magique. Gracieux, typé, présent, il se montre d’une grande personnalité tout en restant gracile. Nous somme bien sûr dans un registre de fruits blancs, avec un caractère aérien très délié. La poutargue tranchée en lamelles est particulièrement moelleuse, et s’accorde bien au champagne. Mais ce sont les toasts au foie gras qui montrent l’absolue pertinence de l’accord champagne et foie gras. Il faut au plus vite bannir tout mariage sauternes et foie gras, car l’on doit définitivement le pacser au champagne.

Le Champagne Salon 1983 a un bouchon qui me résiste. L’idée de sabrer vient à l’esprit. Lançant le dos d’un grand couteau le long de l’arête du goulot, je tape contre le tête, mais rien ne semble se passer. Je veux reprendre le bouchon à la main pour ouvrir. Par un heureux hasard la cassure n’était pas biseautée, car j’eus été gravement coupé. Je sortis le bouchon collé à un anneau de verre. Le Salon 1983 était sabré.

La couleur est foncée, le nez évoque les champagnes évolués. En bouche l’impression de fumé est certaine. Le vin est notoirement évolué, mais avec une délicatesse rare. Le vin est profond, mais demande une adaptation à ce style nouveau. Ma femme a prévu deux assiettes. Dans l’une, une crème de chou fleur surmontée de dés de foie gras poêlé. Dans l’autre, une crème de céleri surmontée de dés de foie gras poêlé. C’est le céleri qui emporte la mise, car le fumé du champagne et le fumé du céleri sont d’une continuité assez exceptionnelle. C’est un magnifique accord. Le champagne a une longueur appréciable et au moment où j’écris ces lignes, j’ai encore sa pesanteur de très typée en bouche. Il évoque des légumes jaunes fumés, des fruits jaunes aux saveurs calmes. L’accord est très brillant. Il se trouve que 1983 est le millésime qui m’a fait connaître Salon, j’en ai bu beaucoup en y trouvant un grand plaisir jusqu’à ce que d’autres millésimes me ravissent plus encore. Le 1983 entre maintenant dans le monde des champagnes anciens. Ce sera intéressant de vérifier comment il évolue.

Le gigot avec un gratin de pommes de terre caressé virilement par de l’ail accueille un Domaine de Terrebrune Bandol rouge 1995. Ce vin apparemment facile est d’une grande délicatesse. C’est l’archétype du vin d’été, avec ses évocations d’olives et de barbes d’artichauts. L’accord se fait bien. Sa fraîcheur est réconfortante.

Une salade de pêches que l’on pousse en prenant de goûteux macarons est trop forte pour accueillir un vin. C’est donc à l’eau, sous une moiteur de nuit chaude que nous discutons à perte de vue, en reconstruisant le monde qui ne nous demande rien. Mon classement : Dom Pérignon 1995, puis Terrebrune 1995 et Salon 1983. Le rideau du sud se baisse sur ce repas amical.