Archives de catégorie : dîners ou repas privés

repas gastronomique chez des amis du sud lundi, 1 novembre 2010

Des amis de notre villégiature du sud nous invitent à dîner. L’apéritif se grignote sur un Champagne Bollinger 2000 qui est très agréable. Il n’est pas aussi typé que les champagnes de la veille, mais il tient très agréablement son rang de champagne. Il y a un fruité et un fumé qui sont délicatement dosés.

Notre hôtesse a réalisé des recettes complexes puisées dans la mouvance bio, et nous sommes admiratifs de sa dextérité. Un rouleau de poivron rouge bio au potimarron, chèvre frais et aneth, tuiles aux graines de lin, gomasio et paillettes d’algues, crème de spiruline au sésame colle avec une adéquation saisissante au Château de la Nerthe Chateauneuf-du-Pape blanc 2008 qui épouse le poivron miraculeusement. Le vin est profond tout en n’en faisant pas trop, et l’accord est élégant. Je n m’attendais pas à un équilibre aussi délicat de la part de ce jeune Châteauneuf. Voilà un vin blanc de grande tenue.

J’ai apporté deux vins sans connaître le menu. Le plat suivant est une papillote translucide de saumon fondant, girolles, confit d’oignons au miel et vin rouge. Le vin est un Château Canon Saint-Emilion 1971 dont le niveau était dans le goulot. La couleur est belle, intense, d’un rouge joliment noir. Le nez est incisif, et ce qui me marquera tout au long du voyage de ce vin, c’est la profondeur de la trame de ce vin riche. On pense aux tapis les plus nobles dont le nombre de points est quasi infini. On a cette impression avec ce saint-émilion profond aux tannins présents. L’accord avec le saumon se trouve mieux qu’avec les girolles trop imprégnés du jus fort. Ce Château Canon est une petite merveille.

Le plateau de fromage avec un Saint-Félicien bio, avec un époisses et un Livarot n’est peut-être pas le partenaire idéal pour le Gevrey-Chambertin Clos Saint-Jacques Armand Rousseau 2001, mais tout le monde est prêt à se conformer à ce casting. Car le vin de Rousseau est un plaisir majeur, au fruit rose et rouge, à la mâche délicate, et au parcours en bouche charmant. C’est un vin que l’on déguste, essayant de lire tous les sourires qu’il nous propose comme le fait un jeune enfant. Ce vin bien fait, riche, plein et équilibré joue sur un registre de distinction calme. J’adore cette expression tranquille assumée.

Nous finissons sur une crème brûlée recouverte d’une fine couche de chocolat qui réclame de l’eau pour en suivre les subtilités.

Nous avons refait le monde, car la période s’y prête, en ponctuant ce beau repas d’une cuisinière qui a réussi à jouer la complexité avec succès, par des vins de grands niveaux.

Vive le sud !

champagne, suite dans le sud samedi, 30 octobre 2010

Le lendemain, le ciel est à la pluie. Le temps fraîchit, et vers 19 heures, au bord de la mer, le marin a soif.

J’ouvre un Champagne Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1999. C’est la première fois que la vibration de ce champagne m’atteint avec cette intensité. Ce champagne est foncièrement dense. Je le considérais comme un champagne intellectuel et voici qu’il est capable d’émotion. Il prend des intensités de fleurs et fruits roses et blancs, sur une profondeur rare. C’est un vrai plaisir.

Il paraît alors intéressant de voir ce que donne le Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en 2007. Et la complémentarité est évidente. Le champagne de Selosse est plus typé, plus fumé, plus concentré sur des fruits bruns. Mais la densité aromatique est de la même lignée. Voilà deux champagnes qui se caractérisent par leurs densités, et se différencient par des couleurs blanches pour le Bollinger, et brunes pour le Selosse.

Deux grands champagnes assurément, aux longueurs infinies.

retrouvailles du sud ! vendredi, 29 octobre 2010

Nous descendons dans le sud après toutes ces grèves et nous y trouvons ma fille et mon gendre qui nous ont précédés.

Après un alibi sportif sonne l’heure de l’apéritif, car il nous faut reconstruire le monde, dont nous avons les clefs de son renouveau.

Pour philosopher, rien de tel qu’un magnum de Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1995.

Un long filet de chorizo va accompagner le champagne qui est le George Clooney du champagne : c’est le gendre idéal. Le champagne est serein, goûteux, avec une petite trace d’un dosage fumé, et il enchante l’âme, avec un goût de revenez-y insistant. Voilà un bien beau champagne, dans une acception rassurante.

La magie du sud, c’est bien sûr la mer, dont les couleurs s’adaptent aux saisons, mais c’est aussi ces champagnes scouts, "toujours prêts" à nous ravir.

restaurant de Jacques Le Divellec jeudi, 28 octobre 2010

Il y a longtemps que je n’étais revenu au restaurant de Jacques Le Divellec. Ayant rencontré un ami que je n’avais pas revu depuis plus de six ans, c’était l’occasion d’une double retrouvaille.

L’ambiance du restaurant est toujours aussi agréable, réglée dans l’intemporalité comme les crêpes Suzette qui mettront un point final à un beau repas.

Olivier le fidèle sommelier me conseille un Beaune Clos des Mouches blanc Joseph Drouhin 2008 et son choix est le bon. Le vin est souriant, avec une belle minéralité et une jolie longueur. Il cohabite bien avec des huîtres qui sont d’une personnalité qui écrase celle des huîtres de Saint-Louis en l’Ile. Le cabillaud est très bien cuit, c’est-à-dire peu. Et les desserts maison en chariot reconstituent dans le plaisir les bourrelets auxquels on ne pense pas quand l’ambiance est amicale à ce point.

Un beau moment.

déjeuner au restaurant Pierre Gagnaire jeudi, 21 octobre 2010

L’ami qui m’avait demandé d’organiser un dîner au Yacht Club de Monaco m’invite pour un déjeuner avec épouses au restaurant Pierre Gagnaire. La salle aux jolies boiseries de bois clairs a un aspect assez strict heureusement égayé par de belles porcelaines blanches. Le service est attentif, original et très concerné. Pierre Gagnaire vient nous saluer au fur et à mesure des arrivées à notre table, et c’est très agréable. Le menu du déjeuner, axé sur la terre et la mer puisque les betteraves et le cabillaud auront une place de choix est un ébouriffant kaléidoscope du talent du maître.

Il est des moments clairs où l’on sent le génie culinaire de ce dompteur de saveurs. Il est des moments troubles où les montagnes russes de saveurs contraires désorientent toutes nos boussoles. Mais au bout du compte, la sympathique profusion du chef emporte notre adhésion. On se souvient du peintre Matthieu, filmé en train de peindre, qui donnait l’impression de se battre avec la toile. Pierre Gagnaire a tellement à nous dire qu’il rajoute un mot de plus à chaque phrase. Et l’on n’est pas insensible à ce discours.

Une chose est sûre, c’est qu’une fois la profusion acceptée, on est heureux d’errer dans ce chemin de folles saveurs. Voici le menu tel qu’il est rédigé : Cocktail de poche : Merlan brillant, crumble vert de moelle / Palourdes Belle-Ile / Opaline au raisin liqueur et figues / Royale d’étrille, moules de bouchot et tiges de fenouil / Queue de boeuf à la cuillère, fondue de poireaux à l’huile de sésame / Déclinaison de betteraves du jardin de Monsieur Thiebault / tranche de cochon grillée / laquée à l’épine vinette / Darne de cabillaud rôtie à la peau puis assaisonnée d’un mélange de mélasse de caroube / champagne / nuoc-mâm / Crème de chou-fleur parfumée de bonite, râpée de maïs frais et cocos de Paimpol / Les desserts de Pierre Gagnaire.

J’ai adoré la variation sur les betteraves et la chair du cabillaud. Et les desserts sont un nirvana de douceur alanguie.

Le champagne Comtes de Champagne Taittinger 1999 est charmant. C’est un vrai champagne. S’il existait une définition archétypale du champagne, ce Taittinger serait au centre de la cible. Il se boit bien seul et accompagne bien les amuse-bouche, mais les variations de saveurs sont trop rapides pour que l’on puisse saisir la réactivité du champagne.

Le vin du repas est un Corton Charlemagne Bonneau du Martray 2000. J’avais demandé au sommelier s’il avait une autre année. Il me rassura sur la qualité de ce 2000 et il eut raison, car ce vin est passionnant. Son nez est tonitruant et en bouche, la complexité est extrême. J’adore ce vin riche. Il est à noter que lorsqu’on boit le champagne juste après avoir bu le Corton Charlemagne, il prend une profondeur spectaculaire. Le vin blanc exhausse le champagne. Voilà une conjonction inattendue et spectaculairement positive.

Ce déjeuner amical au foisonnement culinaire est un beau repas.

vins brésiliens, cognacs et restaurant Laurent mercredi, 20 octobre 2010

L’ambassade du Brésil organise à l’Office International du Vin une dégustation de vins brésiliens. Des professionnels étudient consciencieusement les vins de cinq ou six producteurs. Je butine ici et là et certains vins sont très forts en alcool, boisés, et lourds. C’est le goût international qui s’exprime. Parfois les vins sont bien faits et un merlot m’est apparu vraiment plaisant, avec une belle délicatesse.

Je m’éclipse avec mon fils avant les discours afin de rejoindre ma femme pour dîner au restaurant Laurent. Nous sommes en avance, aussi Philippe Bourguinon nous propose de goûter des cognacs Grosperrin, cognacs de collection d’un "courtier-collectionneur".

Le 1958 est un modèle de cognac. Sa légèreté et son final en fraîcheur sont enchanteurs. Un deuxième cognac est fait de 1922 à faible teneur alcoolique mélangé à du 1924 qui a rehaussé le degré d’alcool. C’est un cognac assez joli, mais dont le final n’est pas tonitruant. Le cognac de 1914 est extrêmement plaisant pour moi, car l’on sent tout ce que l’âge apporte de sérénité. J’adore ce cognac équilibré, calme et engageant. L’atmosphère étant à partager de belles émotions, M. Grosperrin sort religieusement de son coffret un cognac de 1820 mis en bouteilles en 1919. Ce cognac a tout d’un rhum. Il est d’un charme fou. Ce parfum de près de deux siècles m’enivre et me conquiert. C’est fou, atypique et émouvant.

Nous quittons la dégustation au moment où ma femme arrive. Nous dînons toujours aussi agréablement dans ce restaurant que nous aimons en compagnie d’un Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 1995. Son fruité est extrêmement marqué. Ce riesling bien dessiné est riche et élégant. Il a accompagné une salade de homard et un turbot de bien belle façon.

soirée chez des amis – photos samedi, 16 octobre 2010

Champagne Clos d’Ambonnay Krug 1995

Château Pétrus Ricard et Doutreloux négociants à Bordeaux 1948 (on remarque la cire verte)

Bonnes Mares collection du docteur Barolet, Henri de Villamont négociant éleveur 1933

On remarque le niveau bas du 1933

Les bouchons, celui du 1933 est très noir

Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 1/2 bt 2000

Vosne Romanée Henri Jayer 1972

Les coquilles Saint-Jacques et Tomo aux fourneaux

Foie gras et pièce de bœuf à la truffe blanche

La couleur merveilleuse du Pétrus 1948

La glace à la truffe blanche et Hibiki 30 ans d’âge, whisky Suntory japonais

Clos d’Ambonnay Krug 1995 et Pétrus 1948 vendredi, 15 octobre 2010

Tomo est cet ami japonais avec lequel nous avons ouvert deux Romanée-Conti, une 1996 et une 1986 lors d’un reportage filmé suivi d’un déjeuner mémorable au Grand Véfour. Tomo et son épouse vont cornaquer un voyage que nous ferons à quatre à Tokyo, Kyoto et Fukuoka dans un mois.

Tomo nous invite à dîner chez lui pour préparer le programme de nos festivités au Japon. Sans savoir ce qui se passerait, je lui dis qu’il me ferait plaisir d’apporter une bouteille à ce dîner. Tomo me propose de choisir des vins que j’aimerais goûter chez lui, et dans la liste il y a le Clos d’Ambonnay Krug 1995. Cette bouteille est aujourd’hui, et de loin, le champagne le plus cher à sa sortie de cave. S’agit-il d’un coup de marketing ou d’une réelle perle, il est tentant de le vérifier. J’indique donc mon désir de boire ce vin.

Mon désir étant accepté, il me semble indispensable d’apporter quelque chose de rare. Et mon choix porte sur un Château Pétrus 1948 Ricard et Doutreloux négociants à Bordeaux. La mention "château" n’est pas de moi, elle figure sur l’étiquette qui n’a rien à voir avec les mises du domaine. La bouteille est coiffée d’une cire verte, le verre est teinté d’orange brun. Voilà une curiosité à découvrir ensemble.

A 17 heures, nous nous présentons au domicile de Tomo. Je porte un lourd bouquet de fleurs d’automne composé avec l’aide d’un fleuriste qui m’a suggéré les tendances qui plaisent à un couple de japonais vivant en France. Le bouquet plait. Le fleuriste a eu raison. Les roses odoriférantes d’automne ont touché le cœur d’Akiko.

L’ouverture des vins m’attend. Le Pétrus 1948 a un nez tellement extraordinaire que je remets son bouchon pour fermer le goulot et garder intacts les parfums voluptueusement truffés de ce vin. Le Bonnes Mares Collection du docteur Barolet 1933 a une couleur clairette qui fait soupçonner qu’une partie du pigment est tombée dans la lie. Le nez est incertain. Il est trop tôt pour savoir ce que ce vin va devenir. Dans la foulée, j’ouvrirais bien un Vosne Romanée Henri Jayer 1972, mais Tomo m’arrête, car nous ne sommes que deux à boire.

Nous allons au salon pour étudier le programme du voyage, et Tomo nous sert le Champagne Clos d’Ambonnay Krug 1995. Ce vin est un blanc de noirs aussi les évocations du Bollinger Vieilles Vignes Françaises (VVF) abondent car ce champagne rare est aussi un blanc de noirs. Le champagne est riche, très intellectuel, comme les VVF. Il y a une belle acidité, un fruit jaune délicat, mais on s’interroge : où est l’énigme, où est l’émotion ? Car nous buvons un champagne scolairement parfait, mais qui ne dégage aucune étincelle de génie. Je demande à Tomo si un peu de nourriture pourrait l’exciter. Il revient avec un saucisson truffé qui n’est pas exactement ce qui réveillerait cet éphèbe endormi. Pendant ce temps notre programme japonais s’affine. Tomo qui cuisine ce soir va préparer les coquilles Saint-Jacques. Il manque un blanc. Nous hésitons entre les nombreux vins alléchants qu’il me propose. Nous retenons un Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 1/2 bouteille 2000. Nous le goûtons avant son entrée en scène, et il y a plus d’émotion dans ce vin que dans l’Ambonnay.

Nous passons à table et les coquilles Saint-Jacques sur un lit de légumes en dés avec une sauce au Xérès sont délicieuses. Le riesling est serein. Ce n’est pas une grande année, mais il est si bien fait que le plaisir est au rendez-vous. C’est sa finesse de trame combinant le citronné délicat et les fruits blancs qui est remarquable.

Sur le foie gras poêlé au potimarron, le Bonnes Mares collection du docteur Barolet, Henri de Villamont négociant éleveur 1933 n’arrive pas à survivre. Comme tous les mourants il aura de temps à autre des signes de vie. Mais le vin est mort, et c’est sans appel. Aussi le Vosne Romanée Henri Jayer 1972 apparaît au bon moment, porteur d’un message authentiquement bourguignon. Ce n’est pas un grand cru, c’est un "Villages", mais il a la patte d’un grand. L’année 1972 a fait des vins subtils. Celui-ci est dans le lot. Je le préfèrerais volontiers à l’Echézeaux Leroy 1972 bu il y a moins de deux jours.

Tomo a cuit une pièce de bœuf aux pommes de terre, dont la sauce est faite avec les vins les plus rares, Echézeaux ou chambertins. Les tranches fines de truffe blanche recouvrent le plat, explosant leurs saveurs dans nos narines. Le Château Pétrus Ricard et Doutreloux négociants à Bordeaux 1948 épouse la truffe blanche, même si sa structure olfactive est faite de truffe noire. L’accord avec le plat est naturel et convaincant. La couleur du vin est noire, avec un rouge sang qui n’a pas la moindre trace de vieillissement, et ce vin en bouche conduit au paradis. Si les marins ont l’habitude de faire des phrases, celle qui me vient immédiatement à l’esprit est que ce vin synthétise tous les Pétrus que j’ai bus. Il a la perfection des Pétrus anciens et la fougue des jeunes Pétrus, avec une truffe noire qui sert de colonne vertébrale. A cet instant d’émotion, il m’apparait évident que ce Pétrus mérite le 100/100 Parker, car il atteint la plénitude absolue de Pétrus. Tomo vibre autant que moi. Nous savons que nous goûtons un vin exceptionnel, la définition absolue de Pétrus. Alors, il est tentant de prolonger l’instant, ce que je fais.

Tomo nous présente un Mont d’Or et c’est l’occasion de revisiter deux vins. L’accord avec le Vosne Romanée 1972 se trouve très bien. Avec le champagne 1995, l’accord est très joli. Le champagne n’arrive pas à se départir de son acidité. On trouve des fruits jaunes et une structure très ciselée. Mais jamais nous n’aurons l’étincelle d’émotion qui nous aurait permis de l’aimer.

Les dernières gouttes du Pétrus sont versées dans mon verre, et s’il fallait une preuve de l’existence de Dieu, elle serait dans ce verre. Le nez est parfait, sans âge, le vin est riche, ciselé, et je succombe à son charme. Une densité comme celle-là n’existe pas.

Une glace à la truffe blanche me permet de finir le champagne dont le charme existe. Tomo me tente et je succombe à une Fine de Bourgogne Domaine Georges de Voguë puis à un Hibiki 30 ans d’âge, whisky Suntory japonais qui a des accents de rhum. Le coup de grâce est donné par le cognac Paradis, véritable perle du cognac.

Notre programme de voyage se précise. Le Clos d’Ambonnay n’a pas atteint notre cible. Mais le Pétrus 1948 d’une mise de négociant bordelais s’est montré l’un des plus brillants Pétrus de ma vie. Tomo a cuisiné comme un vrai chef des produits de grande qualité. Tout cela présage un beau voyage au Japon.