Trois repas au champagnesamedi, 11 mars 2017

C’est le dernier dîner en commun du court séjour de mon fils. J’ouvre un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1996. Ce champagne est d’un confort spectaculaire. On se sent bien avec lui. Il est mesuré, a un fruit rassurant. Ce n’est que du plaisir à boire avec de jolis fruits bruns. On grignote encore du jambon et des fromages et il se révèle que le camembert Lepetit est meilleur que le Cœur de Lion car il est plus typé et plus vif.

J’ouvre ensuite un Champagne Salon 1988. Quand je dis « j’ouvre », c’est un bien grand mot. Car je n’arrive pas à faire remonter le bouchon. Mon fils s’en saisit et n’arrive pas non plus, même avec un casse-noix qui sert de clé anglaise. Je reprends sa suite et au bout de longues minutes le bouchon vient, plus long d’au moins un centimètre que celui du Henriot. Le Salon est très différent du Henriot. Il y a une noblesse dans le Salon qui est difficile à appréhender. Il est comme un message à tiroirs. Le Henriot est la joie de vivre et la simplicité. Le Salon nous emmène en montgolfière sur des altitudes parnassiennes qui exigent écoute et attention. Il y a des subtilités extrêmes qu’il faut savoir lire. On n’est pas dans la spontanéité mais dans le recueillement. C’est un très grand Salon qui est entre jeunesse et maturité, dans une phase mystique. Le plaisir est grand pour celui qui sait l’écouter. Je quitte mon fils qui va partir aux aurores sur la mémoire de ce grand champagne.

Le lendemain, il reste l’équivalent de deux verres du Salon 1988 que je vais partager avec une de mes nièces venue séjourner chez nous. Le Champagne Salon 1988 a considérablement évolué. Il s’est élargi, émancipé et son fruit a pris une puissance évidente. Il est devenu beaucoup plus charmeur et reste à un niveau olympien. En fait, il faudrait boire les Salon le lendemain ! Au programme il y a un poulet avec une purée à la truffe, et à la suite des fromages.

J’ouvre un Champagne Selosse Substance dégorgé le 20 mars 2007 comme par hasard un jour d’équinoxe. Ce n’est pas la première fois que je bois des vins de Selosse dégorgés des jours d’équinoxe. Il a un charme immédiat, avec un beau fruit souriant et une belle complexité. Il est vif, de forte personnalité et de belle persistance en bouche. Mais si l’on fait la comparaison en prenant l’image des tapis, le nombre de points du Salon est plus important que celui du Selosse. Malgré cela on se régale avec ce champagne typé. Il est très gastronomique, dans un registre très différent du Salon. C’est un bonheur de boire ces grands champagnes avec tant de caractère.

Le jour suivant, le repas n’est pas prévu pour du vin car il y a une soupe aux herbes vertes. Mais après, un saumon fumé me donne envie d’ouvrir un Champagne Delamotte Blanc de Blancs 2004. Le bouchon ne vient pas facilement, décidément et dès qu’il sort du goulot, il prend un ventre d’une taille au moins égale à celle du chapeau du bouchon. La bulle est active et grosse, la couleur est très claire et immédiatement, on se sent bien avec ce champagne comme avec l’Henriot Enchanteleur récent. Ce que donnait l’Enchanteleur, c’était plénitude et joie de vivre. Le Delamotte s’inscrit dans vivacité et fluidité. Il est vif, claque sur la langue mais donne aussi beaucoup de plaisir. C’est un champagne qui s’ouvre en toute occasion.

la différence de longueur explique sans doute la difficulté pour ouvrir le Salon 1988