séjour à San Francisco – 1er jour (suite)jeudi, 8 octobre 2009

Ma chambre de l’hôtel Mandarin Oriental a trois fenêtres qui donnent une magnifique vue sur la baie de San Francisco. Je compte bien en profiter pour la parade aérienne d’avions de chasse ce dimanche, spectacle extraordinaire. Quand le soleil est vif, vers 15 heures, la chambre a des langueurs d’Honolulu, car l’immeuble, gruyère thermique, ne hulotte pas, du nom de ce Cassandre écologique dont le message est gauchi par des considérations sur le partage des richesses qui feront fuir les plus motivés des défenseurs de l’environnement.

Par un mécanisme assez compréhensible, une vitre qui laisse passer le chaud laisse aussi passer le froid. Par un phénomène météorologique spectaculaire à San Francisco, en milieu d’après-midi un énorme front nuageux au ras du sol progresse à grande vitesse et avale toute la ville de son opacité cotonneuse. Cela m’évoque chaque fois le reflux des eaux après la traversée de la Mer Rouge par Moïse. Très rapidement on se trouve au centre d’un épais brouillard. Et le climat change !

Je suis en froid avec mon climatiseur. J’ai beau manier les Fahrenheit comme si j’en connaissais les valeurs, une moitié de ma chambre est désespérément calée sur la Marche de l’Empereur. Blotti sous les couettes comme le manchot sous ses plumes d’hiver, j’attends de pouvoir aller dîner. Après une douche dont j’ai compris le mécanisme en imaginant qu’il fallait tourner la manette à travers la zone « cold » pour trouver de l’eau chaude, si l’on prend soin de ne pas être sur la trajectoire du jet, je me rends à la réception de l’hôtel à 19h30 (il est pour mon organisme 4h30 du matin d’une journée en continu) pour demander si à cette heure il est possible de dîner. La jeune réceptionniste m’offre de m’accompagner jusqu’au restaurant, ce qui est une attention à laquelle je suis sensible. Arrivé sur place, un serveur me dit qu’il va vérifier si une table est disponible. Peu de temps après, il me demande d’attendre que l’on me dresse une table. Ce cérémonial serait compréhensible si le restaurant n’était aux trois quarts vide.

Il y a dans les restaurants d’hôtel, lorsque le chef n’est pas médiatique, une atmosphère particulière. Car les tables sont plus volontiers réservées par ceux qui couchent sur place que par ceux qui veulent honorer la cuisine du chef. La volonté de compenser cela par un service onctueux voire mielleux est manifeste.

J’ai bien dîné. Car la caille à la polenta est bien cuite et goûteuse, et le flétan à peine cuit se mange de bonne faim. Le dessert, comme souvent, cherche plus l’accroche visuelle que gustative. C’est en fait la décoration des restaurants d’hôtels qui pèse le plus, avec un passe-partout pseudo-chic qui anesthésie toute émotion. J’aurais mauvaise grâce à faire des reproches à un service qui cherche à bien faire et à un chef qui cuisine de façon très honnête.

Comme en un miracle les manchots empereurs ont grimpé quelques latitudes. Perdu dans mes fuseaux horaires, je m’écroule comme une masse pour un sommeil réparateur.