Plusieurs repas de famille avec de beaux vinsvendredi, 4 août 2017

Comme au théâtre de boulevard, les enfants et petits-enfants se succèdent, partent et reviennent dans la maison du sud où nous les accueillons. Chaque mouvement d’arrivée est le prétexte à fêter les nouveaux venus. Ce soir, j’ouvre un Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle magnum Brut sans année qui n’est pas très ancien. Ce qui me surprend très favorablement, c’est que ce champagne ne me fait pas penser qu’il devrait avoir quelques années de plus. Il a déjà une sérénité extrêmement plaisante. Généreux, épanoui, avec une acidité bien contrôlée, ce champagne est à la fois grand mais aussi de soif. Il accepte toutes les saveurs auxquelles on l’associe, anchois légers, anchoïade crémeuse, poutargue et olives noires.

Il est suivi par un Champagne Dom Pérignon 2002. Ce champagne est agréablement romantique, mais force est de constater qu’après le Grand Siècle épanoui, il a du mal à s’imposer tant il joue sur un registre de discrétion gracile. Inutile de dire qu’on s’en régale, mais le passage dans cet ordre n’est pas à son avantage.

Deux jours plus tard, il est question de Pata Negra aussi me semble-t-il nécessaire d’ouvrir un Champagne Salon 1996 qui soutiendra le choc de cette viande puissante. Le Salon est glorieux, un peu dans le même esprit que le Grand Siècle, mais avec encore plus d’amplitude. Ce champagne est parfait, aux fruits citronnés et à la douceur combinée à une affirmation de soi. Tout en ce champagne me plait.

Il est tentant alors d’ouvrir un Champagne Krug 1996. Le champagne combine des évocations florales et un fruit rouge très affirmé. La complexité de ce champagne est extrême. Mais une petite acidité en fait un champagne tendu et non charmeur. A l’évidence les deux champagnes sont radicalement opposés. Mon cœur ira vers le Salon, moins complexe mais plus serein. Il est à noter que la couleur du Salon est très claire alors que celle du Krug est déjà s’un ambre marqué.

Sur deux viandes, l’une de charolais l’autre d’Angus, j’ai ouvert un Grange des Pères 2007, ce vin de l’Hérault qui jouit d’une cote d’amour chez les afficionados du vin. Et j’avoue que je ne mords pas à ce vin. Le nez est très pénétrant, de cassis et de bois et en bouche c’est – à mon goût – monolithique et flatteur. Je cherche la finesse et la race et je ne trouve que de la séduction. C’est un vin qui se boit, bien sûr, mais qui n’est pas dans mes recherches. Le charolais est d’une chair intense mais d’une mâche dure. L’Angus est chaleureux et goûteux. Ce soir, le Salon 1996 est mon vainqueur.

La famille va très vite se raréfier aussi ai-je envie de faire plaisir. L’apéritif se fera avec le Champagne Dom Pérignon 1973. Le bouchon vient facilement et le pschitt est très faible. Le champagne a une couleur très ambrée, d’un bel ambre doré. Le niveau en bouteille est quasiment parfait. Le nez évoque de beaux fruits d’été et en bouche, ce sont des fruits comme l’abricot et la pêche qui dominent sur un fond de miel. Nous commençons à gouter de petites sardines et des olives noires mais la douceur du champagne me semble appeler un foie gras. L’accord du foie gras de canard entier mi cuit avec le champagne est absolument divin. Le champagne en sort grandi, opulent, majestueux.

Des côtelettes d’agneau préparées avec des herbes de Provence sur la plancha, accompagnées de petites pommes de terre aux aulx et traces de tomates du jardin, sont associées à une Côte Rôtie La Mouline Guigal 1986. Le niveau dans la bouteille est à moins de cinq millimètres sous le goulot, ce qui est rare pour un vin de 31 ans, et je prends bien garde en extirpant le bouchon de ne pas tirer trop fort, car avec si peu d’air entre vin et bouchon, le risque est que le vin ne jaillisse de la bouteille lors de la dépression. Le nez du vin est une merveille, évoquant la garrigue. Le vin est noble, royal, d’une jeunesse qu’on ne pourrait imaginer. Large en bouche il trouve dans les herbes de Provence des côtelettes un écho de première grandeur. C’est un pur régal.

Ayant en mémoire le récent Grange des Pères, mes réserves sur le vin de l’Hérault sont confirmées, un monde séparant ces deux vins. Le vin de Guigal dégage une émotion qui le place très haut dans l’échelle des plaisirs.

Un grand champagne mature mais fruité avec un délicieux foie gras et des côtelettes aux herbes avec une brillantissime Mouline ont donné à ce repas des accords qui en font un des plus beaux repas de cet été.