238ème dîner de wine-dinners au restaurant Garance jeudi, 20 juin 2019

      Le 238ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Garance. J’étais venu il y a quelques semaines prendre connaissance de la cuisine du chef Alexis Bijaoui que je ne connaissais pas et nous avions bâti avec Guillaume Muller le projet de menu.

A 17 heures j’arrive au restaurant Garance pour ouvrir les bouteilles qui ont été mises debout la veille dans la très jolie cave climatisée du restaurant. Nous sommes un jour de pleine lune, il fait chaud, et je constate que tous les bouchons sont venus entiers, sans se briser, ce qui est rare. Plusieurs odeurs sont encore imprécises ce qui justifie l’aération de plusieurs heures qui va suivre. Pour une fois je pense à ouvrir les champagnes à l’avance, vers 18 heures.

C’est la première fois je crois que je fais un dîner sans connaître aucun des participants. Souvent, lorsque quelqu’un réserve un dîner pour une table entière, je connais le donneur d’ordre. Là, tout s’est fait au téléphone et par échanges de mail. Nous sommes sept, dont trois sont des partenaires dans une société de Capital Risque, deux de la société qui a réalisé une très belle opération de cession, accompagnés de leur conseil. Le succès de l’opération justifie ce repas. L’ambiance sera particulièrement souriante.

Nous sommes installés dans le très agréable salon du restaurant. L’apéritif se prend debout, avec un Champagne Jacques Selosse millésime 2002 Extra Brut dégorgé en 2013. Il y a dans notre groupe deux personnes qui manifestement connaissent bien le vin et quatre autres aux connaissances plus clairsemées. Certains adorent le caractère extra-brut de ce champagne et d’autres moins. Il est puissant, légèrement ambré et évoque de beaux fruits oranges comme l’abricot mais aussi un peu de miel. Ce champagne racé est une belle entrée en matière. Il a une grande force de persuasion ?

Nous passons à table. Le menu préparé par Guillaume Muller et le chef Alexis Bijaoui est : brioche feuilletée et tartelette de légumes / crème à l’araignée de mer / homard à l’huile de rose / rascasse sauce volaille / pigeon, jus corsé / bœuf de la ferme de Garance, champignons, jus de viande / stilton / crème anglaise à la verveine, rhubarbe / petits financiers au café.

Le Champagne Salon 1988 avait à l’ouverture un pschitt tonique et puissant de jeune vin. Son parfum est noble. En bouche il est d’une maturité parfaite, riche et conquérant. J’adore ce Salon accompli. L’araignée de mer est très cohérente pour mettre en valeur le champagne noble.

Le Chablis Grand Cru Blanchot Domaine Vocoret 1988 a un nez assez désagréable comme s’il était camphré. Je l’avais senti à l’ouverture et je pensais qu’il disparaîtrait. Fort heureusement, la bouche ne s’en ressent pas. Le homard est absolument délicieux, d’une cuisson parfaite. Le chablis est opulent mais n’est pas très chablis. Il est en tout cas inférieur à d’autres de ce même vin que j’ai eu l’occasion de boire. L’accord est pertinent.

Pour beaucoup, la couleur intense du Château Ausone Saint-Emilion 1962 est une énigme. Comment est-ce possible qu’un vin de 57 ans puisse être aussi jeune ? Je ressens au nez une infime trace de camphré comme si le parfum du blanc avait déteint sur celui du bordeaux. Heureusement la bouche n’en souffre pas, riche de truffe et de charbon. Saint-Emilion très caractéristique il est riche et forme avec le poisson un superbe accord qui étonne beaucoup de convives par son originalité.

Le Pommard Epenots Joseph Drouhin 1929 est marqué par un fort nez de bouchon. Aïe ! Je joue de malchance. A l’ouverture, rien ne laissait supposer que ce serait le cas. Le nez de bouchon va s’estomper un peu et ne nuit pas tellement à la bouche d’un vin bien vivant, mais on ne peut pas vraiment l’ignorer. Le pigeon est superbe, de belle chair. Dommage que ce pommard au beau message soit entouré d’un voile qui l’inhibe un peu.

Ouf ! Le Châteauneuf-du-Pape Veuve Villars et Fils 1928 est totalement exceptionnel. Il remet en cause toutes les certitudes sur l’effet de l’âge. Certains pensaient que jamais ce vin ne brillerait. Le vin est tout simplement génial, d’une belle énergie et on lui donnerait volontiers 20 ans au lieu de 91 ans. Il est merveilleux de velours. La viande du bœuf de la ferme de Garance est goûteuse et l’accord est superbe. Ce vin superbe fait oublier les déconvenues précédentes.

Le Château Climens Haut Barsac 1966 est d’une couleur abricot. Il est raffiné. Il n’est pas explosif en bouche même s’il a beaucoup d’énergie. L’accord avec le stilton est un modèle du genre. Ce Barsac est d’une élégance qui nous ravit.

Le Quinta do Noval Vintage Port 1975 indique sur l’étiquette 20,6°. On ne sent pas du tout l’alcool tant le vin glisse en bouche avec bonheur. Il a des fruits noirs gorgés de soleil et ce porto est du pur bonheur. La crème anglaise à la verveine avec de petits dés de rhubarbe, dessert décidé au dernier moment, crée un accord de grand raffinement, tout en subtilité.

Le Marc de rosé d’Ott du domaine d’Ott 1929 est d’une jolie couleur rose frêle. Il n’y a que la couleur qui est frêle. En bouche, c’est un bazooka qui arrache tout sur son passage. Les petits financiers l’adoucissent mais c’est un marc de combat, très intense.

Il est temps de voter et nous sommes sept à voter pour cinq vins préférés sur les neuf du repas. Le marc n’a eu aucun vote car il est vraiment à part. Tous les autres ont eu des votes, même le 1929 dont le message de fond a séduit un des convives. Trois vins ont eu les honneurs d’être premiers, le Châteauneuf-du-Pape cinq fois, le Climens une fois, comme le porto.

Le vote du consensus serait : 1 – Châteauneuf-du-Pape Villars 1928, 2 – Château Climens Haut Barsac 1966, 3 – Château Ausone Saint-Emilion 1962, 4 – Champagne Salon 1988, 5 – Quinta do Noval Vintage Port 1975, 6 – Champagne Jacques Selosse millésime 2002.

Mon vote est : 1 – Châteauneuf-du-Pape Villars 1928, 2 – Champagne Salon 1988, 3 – Château Ausone Saint-Emilion 1962, 4 – Château Climens Haut Barsac 1966, 5 – Quinta do Noval Vintage Port 1975.

La cuisine d’Alexis Bijaoui a été raffinée et simple, pour mettre le produit en valeur, et ce fut réussi. Trois accords méritent d’être mis en valeur : la rascasse à la sauce viande et l’Ausone 1962, le stilton avec le Climens 1966 et la crème à la verveine avec le porto.

Le service de Léo des vins a été parfait. Tout était réuni, sauf le parfum du pommard 1929, pour que nous vivions une très belle expérience avec des convives joyeux, souriants et sympathiques. Vive le Châteauneuf de 91 ans !!!


jolie sculpture à l’entrée

un champagne pour soutenir le moral de l’ouvreur !

les vins

 

Dernier dîner avec mon fils lors de son séjour à Paris dimanche, 16 juin 2019

Deux jours plus tard, je dîne avec mon fils sur des restes des approvisionnements récents. Il y a aussi un reste du Champagne Krug Private Cuvée KRUG LIGHT années 40. Ouvert il y a quatre jours, je n’en attends pas grand-chose. Quelle n’est pas ma surprise de constater que la couleur du champagne est très claire et que le vin ne porte aucune trace de l’aération de quatre jours, au contraire. Il est vif, plein, avec un joli fruit et une grande énergie. Le vin est un monde qui réserve toujours des surprises.

Il y a aussi le Château d’Yquem 1954 qui a été ouvert il y a deux jours. Il est épanoui et pimpant comme le premier jour. Nous allons faire une découverte. Avec un kouign-amann l’Yquem est transcendant. Je n’avais essayé cet accord, du fait de la présence d’un sucre intense. Or l’accord est d’une pureté intégrale et le vin est grandiose, large et opulent.

J’ai ouvert un Champagne Dom Pérignon 2002 qui a une bulle extrêmement active et a du mal à se situer à côté des deux autres vins. Il sera bu surtout le lendemain. Il a pris de l’ampleur, mais sa bulle trop forte me dérange un peu. Il est vrai que je bois surtout des champagnes anciens, mais je pense que ce 2002 doit attendre encore dix ans avant de devenir un très grand champagne.

Dinner in restaurant Michel Rostang with a transcendantal Romanée Conti samedi, 15 juin 2019

The evolution of wine prices changes consumer habits. Some wines have become inaccessible. So when I get offers that I cannot handle alone, I call my friend Tomo, to see if he would accept a joint purchase.

This is the case of a Romanée Conti 1954 that tempts me enormously. We know that after the 1945 harvest, the vines of Romanée Conti, prephylloxeric, were about 200 years old. Exhausted, they had produced only the equivalent of 600 bottles, so they were torn off. There was no Romanée-Conti during the six years that followed, and the Romanée Conti 1954 is therefore made by young vines.

Aubert de Villaine had told me that he was surprised that the wines of the 50s, coming from young vines are as complex as wines from old vines and the only non-scientific explanation he gives is that during the uprooting, they left on the spot torn roots which had to form a kind of amalgam which enriched the young roots. Seeing an offer of a 1954 I could not miss the opportunity to verify. Tomo had the same desire. We bought it.

We discussed additional inputs and we quickly agreed. I brought the Romanée Conti and my contributions the day before dinner. Tomo joins me on dinner day at 5 pm at the restaurant Michel Rostang, for the opening of the wines. I had kept from the dinner of the day before a rest of Trottevieille 1943 that we will drink after the champagne. Tomo smells it and he is very happily surprised.

I open the Musigny Count Georges de Vogüé 1943 and the cork comes whole. Very oddly enough, it is inscribed on the cork « Vieilles Vignes » while this inscription does not appear on the label. Who’s right, the cork or the label? A priori it is the label, but we do not know. We will see.

The bottle of the Romanée Conti 1954 shows a very nice color that had played a role in my desire to acquire this wine. The level is very acceptable, 5 or 6 centimeters from the cap. When I pull the cap, the upper half is dry and covered with pale green mold. It’s not very engaging. The second half has no defect, but the bottom of the cap is narrowed, this half being more conical than cylindrical. Life is not simple. The scent of wine is still vague but everything suggests that time will do its work.

The Yquem 1954 has a very nice level and a beautiful dark mahogany color. The cap is broken in its lower part on the one hand because the plug is soaked, but mainly because the top of the neck is tightened and prevents the cap from going out.

Everything is over at 5:30 pm so we have at least two hours left, which allows us to chat. I would like to open the Ruinart 1949 in advance. Tomo is perplexed. It will be open less than an hour before we drink it. Opening it earlier would have been preferable. The cork broke to the twist and was pulled out with a corkscrew, without pschitt.

We build the menu with the kind advice of the butler and Baptiste, the friendly sommelier and we choose: frog legs parsley parsley roasted natural, watercress coulis / duck ‘Miéral’ blood, served bleeding in two courses, red wine sauce with blood and foie gras, consommé of duck / hot soufflé with fresh verbena, caramelized raspberries, raspberry verbena sorbet.

Champagne Ruinart Brut 1949 has a pretty golden color. The bubble is nonexistent but the sparkling in the mouth is well preserved. What is surprising at first contact is that champagne is extremely sweet. He is not a Brut. It is more dosed than a champagne « American taste ». But this sweetness will quickly disappear when the champagne will be confronted with amuse-bouches and the entrance. It becomes lively and reminds me of the Dom Pérignon of the 40s, which have beautiful, caressing subtleties. This champagne becomes with time more and more pleasant and gastronomic.

Three small bites are served as an aperitif, simple and neutral tastes. It adds a nice preparation that gives the impression of eating a green soup while the preparation is solid. It’s extremely elegant but the restaurant should know, when customers go to drink the wines we brought, that this soup will never be compatible with what we drink. This does not prevent this dish from being talented.

The frogs’ legs are delicious, but the cromesquis croquettes have envelopes too thick, which weigh down the chewing of this dish. Château Trottevieille Saint-Emilion 1943 enjoyed a good day after being opened yesterday. It is dense, rich, truffled and very pleasant.

The Musigny Count Georges de Vogüé 1943 has a very beautiful color. His perfect nose is straight and strong, showing a rich burgundy’s image. In the mouth what impresses me is the purity and precision of this wine. It is magnificent and its vigor is that of a wine of twenty years. We are happy. It is likely that it is ‘Vieilles Vignes’ because it is rich and brilliant.

We should have filmed Tomo and I when we took the first sip of the Romanée-Conti Domain of the Romanée-Conti 1954. It was a shock, an illumination and a big smile on our two faces meaning: « That there is, we have one, tonight we are going to have a huge Romanée-Conti « . Because she is wonderful. What happiness. We no longer hold up, we welcome, we are happy. The same morning, speaking with Aubert de Villaine, he told me that 1954 being a rather weak year, the estate had kept a lot of this year’s Romanée Conti. And once, sharing a 1954 with Hubert de Montille, Hubert had kneeled, to signify that he drank a miraculous wine. Well, what Hubert de Montille felt, we feel it. What is fascinating is the salt, the marker so full of Romanée Conti that you cannot go wrong when you drink. This salt is elegant, strong, skeleton of taste. The faded rose, often associated with this wine is not present. Salt transports the wine and gives it complexity and length. I think this 1954 is one of the five biggest Romanée Conti I’ve had the chance to drink. And it is confirmed that this terroir is brilliant in the small years. We check what Aubert de Villaine had suggested to me, is that the complexity of this wine, the infinite range of flavors is not at all that of a wine of young vines.

And we measure the grandeur of Romanée Conti in juxtaposition with the Musigny. We can consider the Musigny as absolutely perfect, joyful rich and fruity, but Romanée Conti is stratospheric and takes us to infinite heights. The gap is breathtaking. We feast like crazy young people.

What is interesting is that it is the Musigny that is most suitable for duck blood. Romanée would have been more at ease on a pigeon or a poached foie gras.

We could ask ourselves the question of our enthusiasm: are we laudatory because it is Romanée-Conti and because we wanted it? The answer is of absolute certainty, given by the Musigny. This Musigny is immense, perfect in its definition, but the Romanée Conti transports us to a hundred cubits above. Doubt is not allowed.

The soufflé is delicious and goes well with the Château d’Yquem 1954. It was dark in the bottle and in the glass it is nicely gilded. He has all the class and the generous complexity of Yquem and is part of the Yquem who ate their sugar a little. I love it. We had so many wonders that we only have one glass of this delicious Sauternes. I will bring it home and Tomo will do the same for the Musigny of which remains a quarter.

Dinner at the restaurant Michel Rostang is a pleasure. Everyone is welcoming in this house that breathes the atmosphere of a family home. Baptiste is a very competent sommelier. The service is attentive and smiling. The chef was kind enough to present the accompaniments separately so that we could enjoy pure tastes. The blood duck is a divine dish based on ducks of unparalleled quality.

This dinner is for Tomo and I the crowning of our passion. We drank one of the most beautiful Romanée-Conti that it is possible to drink, totally typified, a wine that is unlike any other. For four hours we were on a small cloud, realizing a dream. This dinner was a miracle thanks to an anthology Romanée Conti.

(see pictures in the article in French)

Addendum : message received from Aubert de Villaine when he read the bulletin #840 where this dinner is mentioned.

What a shock to see this picture of the label that lived the Romanée-Conti 1954 that you drank with your friend Tomo! What a shock especially because the impression she made you seems to me to have been as strong as the one she made us when we tasted it in the 70s or 80s!

It is wonderful that you followed him with a Yquem 1954, a year that must have been as difficult in Bordeaux as it has been in Burgundy.

I still have a little criticism to make of you, that of having truncated the explanation that I gave you about the strange and even almost implausible complexity of the Romanée-Conti 1954. Explication certainly not scientific, but all of which the meaning comes from the fact that the vine had been carried on all its life until 1945 in provignage, that is to say that a vine to provign was curved in a small pit and gave one, two or three new vines by the eyes of one, two or three of his branches, and that he rotted in the soil at the same time as his roots. Too bad to have skipped this explanation because it is not the rooted roots but even more the decaying vines that have enriched the young roots.

In any case, I am happy for you that you had this experience.

(Since my science of the vine is very weak or even nil, I had poorly memorized the words of Aubert de Villaine, so it is useful to publish his message, which specifies his thoughts).

Une Romanée Conti 1954 inoubliable au restaurant Michel Rostang vendredi, 14 juin 2019

L’évolution des prix des vins change les habitudes de consommation. Certains vins sont devenus inaccessibles. Alors, lorsque me parviennent des offres que je ne pourrais pas assumer seul, j’appelle mon ami Tomo, pour savoir s’il accepterait un achat en commun. C’est le cas d’une Romanée Conti 1954 qui me tente énormément. On sait qu’après la vendange de 1945, les vignes de la Romanée Conti, préphylloxériques, avaient environ 200 ans. Epuisées, elles n’avaient produit que l’équivalent de 600 bouteilles, aussi ont-elles été arrachées. Il n’y a pas eu de Romanée-Conti pendant les six ans qui ont suivi, et la Romanée Conti 1954 est donc de jeunes vignes.

Aubert de Villaine m’avait dit qu’il était étonné que les vins des années 50, provenant de jeunes vignes aient autant de complexité que des vins de vieilles vignes et la seule explication, non scientifique, qu’il donne, est qu’à l’arrachage, on a laissé sur place des racines arrachées qui ont dû former une sorte d’amalgame qui a enrichi les jeunes racines. Voyant passer une offre d’une 1954 je ne pouvais pas laisser passer l’occasion de le vérifier. Tomo a eu la même envie. Nous l’avons achetée.

Nous avons discuté des apports complémentaires et nous nous sommes mis rapidement d’accord. J’ai apporté la Romanée Conti et mes apports la veille du dîner. Tomo me rejoint le jour du dîner à 17 heures au restaurant Michel Rostang, pour l’ouverture des vins. J’avais gardé du dîner de la veille un fond de Trottevieille 1943 que nous boirons après le champagne. Tomo le sent et il est très heureusement surpris. J’ouvre le Musigny Comte Georges de Vogüé 1943 et le bouchon vient entier. Très curieusement il y a inscrit sur le bouchon « Vieilles Vignes » alors que cette inscription ne figure pas sur l’étiquette. Qui a raison, le bouchon ou l’étiquette ? A priori c’est l’étiquette, mais on ne sait pas. Nous verrons.

La bouteille de la Romanée Conti 1954 laisse voir une très jolie couleur qui avait joué un rôle dans mon désir d’acquérir ce vin. Le niveau est très acceptable, à 5 ou 6 centimètres du bouchon. Lorsque je tire le bouchon, la moitié supérieure est sèche et recouverte de moisissure vert pâle. Ce n’est pas très engageant. La deuxième moitié n’a aucun défaut, mais le bas du bouchon est rétréci, cette moitié étant plus conique que cylindrique. La vie n’est pas simple. Le parfum du vin est encore imprécis mais tout laisse penser que le temps fera son œuvre.

L’Yquem 1954 a un très beau niveau et une belle couleur sombre acajou. Le bouchon se brise dans sa partie basse d’une part parce que le bouchon est imbibé, mais surtout parce que le haut du goulot est resserré et empêche le bouchon de sortir entier.

Tout est fini à 17h30. Il nous reste au moins deux heures ce qui nous permet de bavarder.

Je souhaiterais ouvrir en avance le Ruinart 1949. Tomo est perplexe. Il ne sera ouvert que moins d’une heure avant que nous ne le buvions. L’ouvrir plus tôt eut été préférable. Le bouchon s’est brisé à la torsion et a été sorti avec un tirebouchon, sans pschitt.

Nous bâtissons le menu avec les aimables conseils du maître d’hôtel et de Baptiste, le sympathique sommelier et nous choisissons : cuisses de grenouille en chapelure de persil rôties au naturel, coulis de cresson acidulé / la canette ‘Miéral’ au sang, servie saignante en deux services, sauce au vin rouge liée de son sang et au foie gras, consommé de canard corsé / le soufflé chaud à la verveine fraîche, framboises caramélisées, sorbet framboise verveine.

Le Champagne Ruinart Brut 1949 a une jolie couleur dorée. La bulle est inexistante mais le pétillant en bouche est bien conservé. Ce qui surprend au premier contact, c’est que le champagne est extrêmement doux. Il n’a rien d’un Brut. Il est plus dosé qu’un champagne au « goût américain ». Mais cette douceur va rapidement disparaître lorsque le champagne va se confronter aux amuse-bouches et à l’entrée. Il devient vif et me rappelle les Dom Pérignon des années 40 qui ont de belles subtilités caressantes. Ce champagne devient avec le temps de plus en plus agréable et gastronomique.

Trois petites bouchées nous sont servies à l’apéritif, de goûts simples et neutres. On y ajoute une belle préparation qui donne l’impression de manger une soupe alors que la mâche est solide. C’est extrêmement élégant mais on devrait savoir, quand des clients vont boire les vins que nous avons apportés, que jamais cette soupe ne sera compatible avec ce que nous buvons. Ce qui n’empêche pas ce plat d’être talentueux.

Les cuisses de grenouilles sont délicieuses, mais les croquettes façon cromesquis ont des enveloppes trop épaisses, qui alourdissent la mâche de ce plat. Le Château Trottevieille Saint-Emilion 1943 a bien profité d’un jour de plus. Il est dense, riche, truffé et très agréable.

Le Musigny Comte Georges de Vogüé 1943 a une très belle couleur. Son nez parfait est droit et solide, d’un bourgogne riche. En bouche ce qui m’impressionne, c’est la pureté et la précision de ce vin. Il est magnifique et sa vigueur est celle d’un vin de vingt ans. Nous sommes heureux. Il y a toutes chances qu’il soit ‘Vieilles Vignes’ car il est riche et brillant.

Il aurait fallu nous filmer, Tomo et moi au moment où nous avons pris la première gorgée de la Romanée-Conti Domaine de la Romanée-Conti 1954. Ce fut un choc, une illumination et un grand sourire sur nos deux visages signifiant : « ça y est, on en tient une, ce soir, nous allons avoir une immense Romanée-Conti ». Car elle est merveilleuse. Quel bonheur. Nous ne tenons plus en place, nous nous félicitons, nous sommes heureux.

Le matin même, parlant avec Aubert de Villaine, il m’avait dit que 1954 étant une année plutôt faible, le domaine avait gardé beaucoup de Romanée Conti de cette année. Et une fois, partageant une 1954 avec Hubert de Montille, celui-ci s’était mis à genou, pour signifier qu’il buvait un vin miraculeux.

Eh bien, ce que Hubert de Montille avait ressenti, nous le ressentons. Ce qui est fascinant, c’est le sel, ce marqueur si prégnant de la Romanée Conti qui fait qu’on ne peut pas se tromper quand on en boit. Ce sel est élégant, fort, ossature du goût. La rose fanée, souvent associée à ce vin n’est pas présente. Le sel transporte le vin et lui donne complexité et longueur. Je pense que cette 1954 fait partie des cinq plus grandes Romanée Conti que j’ai eu la chance de boire. Et il se confirme que le domaine est brillant dans les petites années. Nous vérifions ce qu’Aubert de Villaine m’avait suggéré, c’est que la complexité de ce vin, la gamme infinie des saveurs n’est pas du tout celle d’un vin de jeunes vignes.

Et nous mesurons la grandeur de la Romanée Conti en juxtaposition avec le Musigny. On peut considérer le Musigny comme absolument parfait, joyeux riche et fruité, mais la Romanée Conti est stratosphérique et nous emmène sur des hauteurs infinies. L’écart est époustouflant. Nous nous régalons comme de jeunes fous.

Ce qui est intéressant, c’est que c’est le Musigny qui est le plus adapté au canard au sang. La Romanée aurait été plus à son aise sur un pigeon ou sur un foie gras poché.

On pourrait se poser la question de notre enthousiasme : sommes-nous laudatifs parce que c’est la Romanée-Conti et parce que nous la voulions ? La réponse est d’une certitude absolue, donnée par Le Musigny. Ce Musigny est immense, parfait dans sa définition, mais la Romanée Conti nous transporte à cent coudées au-dessus. Le doute n’est pas permis.

Le soufflé est délicieux et s’accorde bien avec le Château d’Yquem 1954. Il était sombre dans la bouteille et dans le verre il est joliment doré. Il a toute la classe et la complexité généreuse d’Yquem et fait partie des Yquem qui ont un peu mangé leur sucre. Je l’adore.

Nous avons eu tellement de merveilles que nous ne prenons qu’un verre de ce délicieux sauternes. Je le rapporterai à la maison et Tomo fera de même pour le Musigny dont il reste un quart.

Dîner au restaurant Michel Rostang est un plaisir. Tout le monde est accueillant dans cette maison qui respire l’atmosphère d’une maison familiale. Baptiste est un sommelier très compétent. Le service est attentionné et souriant. Le chef a eu la gentillesse de présenter à part les accompagnements pour que nous puissions profiter des goûts purs. Le canard au sang est un plat divin fondé sur des canettes d’une qualité sans égale.

Ce dîner est pour Tomo et moi le couronnement de notre passion. Nous avons bu une des plus belles Romanée-Conti qu’il soit possible de boire, totalement typée, un vin qui ne ressemble à aucun autre. Pendant quatre heures nous avons été sur un petit nuage, réalisant un rêve. Ce dîner fut un miracle grâce à une Romanée Conti d’anthologie.


j’avais prévu une bouteille de Latour 1943 pour le cas où, qui n’a pas été utilisée

le fabuleux canard au sang

la couleur et la lie de la Romanée Conti

Addendum – message d’Aubert de Villaine après avoir lu le bulletin 840 qui parle de ce dîner :

Quel choc de voir cette photo de l’étiquette qui a vécu de la Romanée-Conti 1954 que vous avez bue avec votre ami Tomo ! Quel choc surtout parce que l’impression qu’elle vous a faite me semble avoir été aussi forte que celle qu’elle nous faisait quand nous la dégustions dans les années ‘70 ou ’80 !

Il est formidable que vous l’ayez fait suivre d’un Yquem 1954 également, année qui a dû être aussi difficile à Bordeaux qu’elle l’a été en Bourgogne.

J’ai tout de même un petit reproche à vous faire, celui d’avoir tronqué l’explication que je vous avais donnée sur l’étrange et même presque invraisemblable complexité de la Romanée-Conti 1954. Explication certes non scientifique, mais dont tout le sens provient du fait que la vigne avait été menée sa vie entière jusqu’en 1945 en provignage, c’est-à-dire qu’un cep à provigner était courbé dans une petite fosse et donnait un, deux ou trois nouveaux ceps par les yeux d’un, deux ou trois de ses sarments, et qu’il pourrissait dans le sol en même temps que ses racines. Dommage d’avoir sauté cette explication car ce ne sont pas les racines arrachées mais bien plus les ceps en décomposition qui ont enrichi les jeunes racines.

En tout cas, je suis heureux pour vous que vous ayez eu cette expérience.

(ma science de la vigne étant très faible, voire nulle, j’avais mal mémorisé les propos d’Aubert de Villaine. Il est donc utile de publier son message, qui précise sa pensée).

Déjeuners de conscrits au Yacht Club de France jeudi, 13 juin 2019

Comme chaque mois, nous nous retrouvons au Yacht Club de France à déjeuner entre conscrits, avec toutefois deux ‘jeunots’ à notre table de huit. L’apéritif est une corne d’abondance comprenant accras et poissons fumés, charcuteries fines, foie gras poêlé, andouille et ‘languouille’ au piment d’Espelette.

La première bouteille de Champagne Ruinart sans année est désagréable, déséquilibrée aux accents lactés. La deuxième n’en devient que plus plaisante, fraîche et coulant bien en bouche.

Le menu conçu par Thierry Le Luc et le chef Benoît Fleury est : homard rôti et mangue ivoirienne / rôti de filet d’agneau sur ananas rôti, pommes paille et sauce diable / fromages / éclair vanillé sur une soupe de cerises.

Le thème est très exotique, mais la façon dont sont traités le homard et la mangue les rend incompatibles. Aussi le Puligny Montrachet 2014 dont j’ai oublié le nom, même s’il est agréable, ne peut pas briller sur ce plat sans homogénéité.

Le filet d’agneau au contraire, trouve un accord superbe sur les ananas délicieux, et le Château Les Carmes Haut-Brion Pessac-Léognan 2002, riche et cohérent se marie admirablement au plat.

Sur les fromages, nous goûtons un Château Patris Saint-Emilion 1998 qui a du mal à passer après le riche Carmes Haut-Brion. Il n’arrive pas à capter notre attention.

Le dessert est superbe et un alcool étant proposé, j’ai bu une Vieille Prune alcool que je n’ai pas goûté depuis probablement plus de vingt ans. Je me suis régalé.

La cuisine et le service sont toujours aussi agréables en cet endroit. Le désaccord mangue et homard ne pèse rien et ne peut contrarier notre plaisir.

apéritif

repas

dîner au restaurant Le Gaigne jeudi, 13 juin 2019

Tim est un des plus fidèles de l’académie des vins anciens. Il me propose de dîner avec la fondatrice d’une société d’authentification des vins et de recherche des fraudes que j’ai déjà plusieurs fois rencontrée. Elle connait tous les acteurs (ou presque) du marché des faux, qui ne cesse de s’étendre. Elle est basée à San Francisco mais donne des cours à travers le monde pour former des amateurs à la reconnaissance des principaux pièges à éviter. Nous serons cinq à dîner au restaurant Le Gaigne dont le chef et son équipe sont des amoureux du vin et acceptent nos apports. Régis m’accueille avec un grand sourire. Je lui avais demandé d’ouvrir à 17 heures mon vin, apporté ce matin, et quand j’arrive à 17h30, je vois que le bouchon du Trottevieille 1943 est sorti entier et le parfum me paraît hautement sympathique.

Tim et les trois autres convives de la société de Maureen arrivent ensemble juste avant 20 heures et Tim me montre que tous autres vins ont été ouverts à 18 heures et rebouchés avec des bouchons de verre. On ne peut pas à proprement parler d’oxygénation lente lorsque l’on utilise cette méthode qui me fait un peu peur, avec les agitations des vins pendant le transport. J’ouvre le seul vin non encore ouvert, un Corton-Charlemagne 1990 au parfum tonitruant.

Nous choisissons le menu qui est présenté sur des tablettes électroniques et je n’ai pas eu le réflexe de noter les intitulés des plats. Nous aurons des gambas aux carottes râpées, des cuisses de grenouilles, un merlan à l’artichaut, une belle tranche de veau et une boule fondante au chocolat à laquelle je n’ai pas touché.

Le premier champagne pris sur la carte du restaurant est un Champagne Joseph Perrier Blanc de Noirs Cuvée Royale 2008 qui n’est pas encore très expressif. Nous décidons de le reporter à la fin du repas et nous aurons raison.

Le Champagne Dom Pérignon 1969 que j’ai ouvert une bonne demi-heure avant qu’il ne soit servi, a une superbe couleur d’un or clair et une bulle active. Il avait fait un sympathique pschitt à l’ouverture. Ce champagne racé est un vrai bonheur. Il a une belle tension, une grande vivacité et une palette aromatique infinie. Les Dom Pérignon de la décennie 60 sont de véritables réussites.

Le Puligny-Montrachet 1er Cru Leroy négociant 1978 est une bombe olfactive et en bouche c’est un Etna de puissance. Il est riche incisif, avec une acidité conquérante. C’est un grand vin.

Il est beaucoup plus puissant que le Corton Charlemagne Bouchard Père et Fils 1990 que j’avais pourtant jugé tonitruant à l’ouverture. Le vin de Bouchard est noble, gouleyant et de grande longueur. On sent le Grand Cru.

Ce qui est étonnant, c’est que le Puligny est plus grand lorsqu’il n’y a pas de plat, et lorsque les cuisses de grenouilles sont servies, c’est le Corton-Charlemagne qui devient le plus brillant. Il crée un accord superbe.

On servira les rouges en deux séries, les deux bordeaux et les deux bourgognes. Le Château Trottevieille Saint-Emilion 1943 est tout en velours. Son parfum est de truffe, et sa bouche est velours, avec une belle intensité.

Le bordeaux apporté par Tom a une étiquette très peu lisible mais on peut lire Château Laroze. La bouteille est ancienne, probablement de la fin du 19ème siècle. Lorsque je goûte, j’ai une intuition : 1923. Pourquoi ? Parce que ce vin est plus que certainement de la décennie 20, mais il n’a pas l’ampleur d’un 1928 ou d’un 1929. Il est un peu en dessous d’un 1926 aussi 1923 me paraît le plus conforme à ce que je bois. Le vin a plus souffert que l’autre Saint-Emilion, mais il y a un charme dans ce vin moins précis que j’adore. Car ce vin « respire » les années 20. Et j’adore ce Château Laroze
Saint-Emilion 1923
. J’aime son émotion et son discours subtil, tout en suggestion. C’est un rêve de 96 ans.

Les bourgognes sont moins racés que les bordeaux. Le Nuits Saint Georges Les Didiers Saint-Georges Cuvée Cabet des Hospices de Nuits A. Bichot 1978 a un petit côté brûlé, qui me dérange car il suggère un stockage dans une cave trop chaude. Il a de l’étoffe, mais la torréfaction limite le plaisir.

Par contraste le Corton Grancey Louis Latour 1979 à la couleur claire fait fringuant et primesautier. Il n’a pas l’assise terrienne de certains de ses glorieux ancêtres des années 40, mais il se boit bien, franc et généreux.

Le Champagne Joseph Perrier Blanc de Noirs Cuvée Royale 2008 a profité d’une longue aération et il se montre très agréable et large, ce qu’il n’était pas à l’ouverture. Il permet de poursuivre les discussions dans une ambiance agréable.

Nous nous amusons à voter. Nous sommes cinq à voter pour nos cinq préférés de huit vins. Tous les vins ont des votes sauf le Joseph Perrier, ce qui est normal car c’est le seul vin jeune. Le Dom Pérignon 1969 recueille trois votes de premier, le Puligny 1978 un vote de premier comme le Laroze supposé 1923.

Le classement du groupe serait : 1 – Dom Pérignon 1969, 2 – Puligny-Montrachet Leroy 1978, 3 – Corton Charlemagne Bouchard Père et Fils 1990, 4 – Château Trottevieille 1943, 5 – Château Laroze 1923.

Mon vote est : 1 – Château Laroze 1923, 2 – Puligny-Montrachet Leroy 1978, 3 – Dom Pérignon 1969, 4 – Corton Charlemagne Bouchard Père et Fils 1990, 5 – Château Trottevieille 1943.

Le chef Mickaël Gaignon a fort opportunément adapté ses recettes pour que les plats soient harmonieux pour les vins. Les cuisses de grenouilles désossées et le poisson sont deux plats remarquables.

Régis et toute l’équipe ont fait un service joyeux et convivial. Ce repas impromptu, organisé sans savoir qui apporte quoi, grâce à la générosité de Tim, fut un très grand repas.

Dîner avec mon fils et un surprenant champagne mardi, 11 juin 2019

Je suis revenu du sud ce matin pour déjeuner avec le journaliste ami dans un restaurant italien et le soir qui suit, je retrouve mon fils pour dîner. Ayant imaginé que le réfrigérateur serait vide j’ai demandé à ma collaboratrice de faire des emplettes et mon fils a eu la même idée ce qui fait que c’est une montagne de victuailles qui nous tend les bras.

Pour l’apéritif, j’ai choisi en cave par un pur hasard une bouteille extrêmement rare d’un Champagne Krug Private Cuvée dont le surtitre est KRUG LIGHT. Cette bouteille doit être des années 40. Le niveau est bas, la couleur est assez grise, vue à travers le verre de la bouteille, et le bouchon semble avoir souffert. Par précaution je l’ouvre une heure avant le dîner et le fil de fer du muselet est si vieux qu’en cherchant à dévisser l’oreille pour élargir le treillis du muselet, l’acier se casse en petits morceaux. N’ayant plus rien à tourner, je suis obligé d’élargir comme je peux le bas du muselet et pendant que je bouge le métal, le bouchon bouge aussi. Ce qui fait que je lève ensemble le muselet et le bouchon qui ne résiste pas. La première odeur est rebutante, un peu viandeuse.

Une heure plus tard au service, le parfum est beaucoup plus sociable. Il n’y a pas de bulle, et la couleur me surprend car elle est beaucoup plus claire et plus dorée que je ne l’attendais. En bouche le champagne se boit bien, ce dont je doutais. Je cherche ce qu’il pourrait avoir de « light » et je ne trouve rien car il a une belle énergie et son finale est riche et extrêmement long. Ce n’est pas un champagne parfait, mais c’est un champagne qui dégage de l’émotion. Avec un foie gras, il se comporte élégamment.

En cours de route, au milieu de bouteille l’acidité augmente mais le champagne donne toujours du plaisir.

Pour un Parmentier de canard cuit au four j’avais ouvert il y a deux heures un vin dont la capsule indique M. Chevillot à Beaune. La bouteille est très ancienne et certainement du 19ème siècle. L’étiquette est quasiment illisible mais je reconnais le mot Chambertin déporté très à droite. Au vu de la typographie et de l’occupation de l’espace, ce pourrait être un Mazoyères-Chambertin ou un Latricières-Chambertin. Pour l’année, je me souviens d’avoir acheté des 1928 de ce négociant mais la bouteille et le bouchon très sec et noirci sur le haut me font privilégier un millésime que je crois pouvoir lire : 1911. Si ce n’est pas ce chiffre je n’exclus pas un vin du 19ème siècle. Nommons-le donc Mazoyères-Chambertin M. Chevillot 1911.

A l’ouverture, le vin exhalait des senteurs peu accueillantes. De l’animal, du vieux. Mais j’avais envie de croire en lui et j’ai pu sentir qu’il se développait bien. La couleur au service est d’un noir intense. Le vin est une bonne surprise car il est bon. On sent un grand vin, noble, qui est comme un athlète sur le banc de touche. Il a toute les capacités, mais il ne joue pas dans l’équipe. Comme mon fils et moi, nous aimons le côté positif des vins, nous percevons son message. En milieu de bouteille on verra même apparaître des fruits rouges, timides, mais ils sont là. C’est sur la fin de bouteille qu’un saint-nectaire va jouer le rôle de docteur miracle, car d’un coup, le vin prend une tension qu’il cachait jusqu’alors. La lie m’a donné un beau plaisir. Il nous a suffi que fugacement il ait des fulgurances pour que nous soyons contents.

Une délicieuse tarte aux pommes a été accompagnée pour mon fils par un Tokaji Eszencia 1988, que je n’ai pas bu. Nous avons conclu ce beau repas par un verre de : Une Tarragone Liqueur des Pères Chartreux des années 20. C’est un élixir, mais en fin de bouteille comme c’est le cas, l’alcool est un peu éventé, tout en donnant, malgré tout une douceur inégalable.

Déjeuner au restaurant Penati Al Baretto mardi, 11 juin 2019

Un journaliste gastronomique qui connait tout de toutes les grandes tables de France et d’ailleurs m’invite au restaurant Penati Al Baretto où le chef italien est l’un des rares italiens de France à être étoilé par le guide Michelin. La raison de son invitation est que pendant quelques jours la carte du restaurant a été composée à quatre mains par le chef du lieu Alberico Penati et par le chef italien Sergio Mei lui-même étoilé en Italie.

Le lieu est joliment décoré dans une ambiance cosy. La jeune et jolie femme qui nous accueille est souriante et professionnelle ce qui est très plaisant.

Nous choisissons nos plats dans cette carte à quatre mains dont le thème est « la Sardaigne à table ». Mon menu sera : pain Ziccu avec herbes amères, sardine, pecorino et poutargue / langouste comme à Castelsardo avec tomates cœur de bœuf, oignons rouges, huile d’olive et citron / Fregula Sarde au safran avec gambas, asperges de mer et pecorino / seadas avec miel d’arbousier et crème glacée au touron de Tonnara.

Le sommelier nous sert les vins prévus pour ce menu, d’origine sarde. Le Villa Solais Vermentino de Sardegna Cantina Santadi 2018 est le premier vin de 2018 que je bois. Au nez, le vin est incroyablement vert. En bouche il est perlant, ce qui limite le plaisir. C’est quand il est plus chaud que ce vin commence à exprimer quelque chose et il se montre rond et joyeux. La sardine est délicieuse et le vin devient presque civilisé.

La langouste est superbe et goûteuse. On sait bien que le plat est italien, mais la tomate n’a aucune faculté pour féconder la langouste qui se porterait mieux sans elle.

J’ai connu des Fregula sardes meilleures que celle-ci qui est toutefois très bien accompagnée d’une gamba à peine cuite délicieuse. Le vin associé est un Grotta Rossa Carignano del Sulcis Cantina Santadi 2017 qui a beaucoup plus de choses à dire que le blanc. Il est riche, encore en formation mais trouve sa voie pour exciter mon palais.

Le sommelier ayant trouvé que je m’intéressais à ces vins décide de me faire goûter un Terre Brune Carignano del Sulcis Cantina Santadi Superiore 2014 qui marque un saut qualitatif certain. Il est riche, de belle râpe et au finale de grand plaisir.

Cette visite de la Sardaigne par des plats locaux exécutés par deux chefs de talent et par des vins très jeunes mais qui ’causent’ est une visite sympathique. Le plat qui a illuminé le repas est le dessert au miel, d’une intelligence et d’un charme rares. Si on veut faire le tour de la Sardaigne sans prendre un bateau, il faut le faire en ce sympathique restaurant.

Un dîner le 28 juin à Aix dimanche, 9 juin 2019

Un dîner le 28 juin à Aix

Un lecteur assidu du blog et grand amateur de vin organise un dîner en présence d’un vigneron le 28 juin à Aix-en-Provence. Tout est dit and le document ci-dessous :

Grand Cru Wine Dinner #02 – Le Pigonnet 2019-06-28

On contacte l’organisateur à ce mail : gc.wineconsult@gmail.com

Manifestez-vous si ce dîner vous fait envie.

Déjeuner de famille jeudi, 6 juin 2019

Trois fois par an nous nous réunissons à déjeuner ma sœur, mon frère et moi et l’invitant est tournant. C’est le tour de mon frère. Je me présente chez lui car il avait envisagé un court apéritif en son appartement avant d’aller au restaurant. Mon frère est surpris quand je sonne et il s’avère que je me suis trompé d’un jour. Nous téléphonons à notre sœur qui ne peut pas changer la date. Après une bière bue à son domicile, nous nous rendons au restaurant l’Escudella. C’est un petit restaurant dont internet donne de bonnes notations et dont le chef a travaillé avec Yannick Alléno.

La fille aînée de mon frère remplace au pied levé ma sœur. Nos commandes sont distinctes. Mon menu sera : tourteau au naturel, gelée de pamplemousse rose, mayonnaise à l’estragon / ris de veau cuit au sautoir, asperges blanches rôties aux agrumes, sésame croustillant / brie de Meaux / miel de thym, gelée à l’orange, ganache dulce de leche, glace au miel de garrigue.

Tout est intelligemment exécuté, je me régale. Dans la carte des vins assez limitée il y a une pépite : Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 2006. Il fallait voir les yeux gourmands de la serveuse lorsque mon frère a annoncé son choix de vin ! Elle nous a demandé de pouvoir sentir le vin. Elle a pu en boire, elle s’en est pâmée. Nous aussi car ce vin riche bien sûr, trop jeune bien sûr, est d’une délicatesse subtile et d’un charme diabolique. Que ce vin est racé. Il est d’une noblesse remarquable.

Voilà une table très simple, sans chichi, que l’on peut recommander.