Dom Pérignon 1993 samedi, 16 novembre 2019

Ma fille vient déjeuner à la maison et j’ouvre un Champagne Dom Pérignon 1993. Lorsqu’il est apparu et commercialisé, il était précédé par de belles années comme 1988 et 1990. Il a été un peu ignoré. Je ne le trouvais pas très vibrant, mais aujourd’hui, à 26 ans, le temps a eu sur lui une influence très positive. Le pschitt n’est pas très marqué, la bulle est discrète mais active et la couleur est d’un or généreux. En bouche il est d’une grande sérénité, accompli et très représentatif de l’esprit Dom Pérignon dans une expression qui est d’une belle discrétion. Son équilibre fait qu’on l’adore. Il y a des pommes de terre cuites avec des citrons et un poulet cuit avec des oignons. C’est un régal qui se prolonge par l’accord créé entre le champagne et un camembert Réo de belle personnalité. Ce champagne de 1993 est dans une belle phase de maturité.

19ème dîner des amis de Bipin Desai au restaurant Laurent, 239ème dîner dimanche, 10 novembre 2019

Le 19ème dîner annuel de vignerons que j’organise, appelé ‘dîner des amis de Bipin Desai‘, se tient comme chaque année au restaurant Laurent. Les participants de ce dîner sont : Margareth Henriquez (Champagnes Krug) – Aubert de Villaine (Domaine de la Romanée-Conti) – Brice de la Morandière (Domaine Leflaive) – Frédéric Barnier (Maison Louis Jadot) – Jacques Devauges (Clos des Lambrays) – Jean-Luc Pépin (Domaine Comte Georges de Vogüé) – Marc Hugel (Maison Hugel) – Rodolphe Péters (Champagnes Pierre Péters) – Thomas Seiter (Maison Bouchard Père & Fils) – Vincent Chaperon (Champagne Dom Pérignon) – Bipin Desai et moi. Pierre Trimbach a dû se désister après m’avoir envoyé son vin, qui, à sa demande, sera présenté au dîner.

J’étais venu il y a deux mois étudier la cuisine de Julien Schmitt, le nouveau chef du restaurant Laurent, et j’avais apprécié son ouverture d’esprit lorsque nous avons conçu ensemble il y a quelques jours le menu de ce dîner. La forme du repas étant celle d’un de mes dîners, il en sera le 239ème. Le menu est ainsi composé : araignée de mer dans ses sucs en gelée / blanc-manger de langoustines, caviar Impérial de Sologne / homard de nos côtes cuit au bois sucré, butternut fondant voilé d’une marmelade citronnée, sucs au jus de volaille réglissé / ris de veau doré et glacé, condiment de péquillos, carottes Chantenay, crème de laitue au beurre noisette / volaille Culoiselle au foie gras, variation automnale autour des cèpes / Saint-Nectaire / poire en texture, poivre sauvage d’Andaliman / madeleines à la réglisse.

C’est un peu avant 16 heures que je me présente au restaurant pour ouvrir les bouteilles et Ghislain, l’excellent sommelier, a déjà aligné les bouteilles qui avaient été livrées il y a quatre jours, pour que je puisse les photographier. Beaucoup des bouteilles fournies par les vignerons ont été reconditionnées avec des bouchons neufs. Lorsque je retire le bouchon du magnum de Clos Sainte-Hune 2012, je sens que le bouchon sent le bouchon. J’ai peur qu’il en soit de même du vin aussi je verse un peu de vin qui ne montre aucun défaut mais est très chaud. Je fais goûter à Ghislain qui ne comprend pas que le vin soit chaud alors qu’il l’a mis en chambre froide. Le magnum de Trimbach est tellement haut qu’il se pourrait que la partie supérieure de la chambre froide assure moins de froid.

Les parfums de tous les autres blancs sont superbes. Le Clos des Lambrays 1971 et le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1959 ont des bouchons qui sont tous les deux surmontés par une sorte de bulle assez plate en plastique ou en cire qui assure une étanchéité du bouchon sous la capsule. Les parfums des rouges sont aussi parfaits mais pour le Clos des Lambrays, le parfum de la bouteille reconditionnée et au niveau plus que parfait me donne l’impression que le vin a été un peu fortifié au rebouchage. Jacques Devauges me dira que le protocole de rebouchage interdit un tel phénomène car les bouteilles ne sont complétées que par le vin d’une bouteille du même millésime.

Le Traminer de Riquewihr Maison Hugel 1900 a été rebouché il y a quelques années et le bouchon Diams en liège aggloméré porte l’adresse internet de la maison Hugel ce qui fait anachronique. Le nez est très discret et je n’ai pas envie de vérifier le vin, pour ne pas le heurter. Nous verrons.

Ghislain ouvre les champagnes à 18 heures. Les amis arrivent à 19h30. Vincent Chaperon a dû prendre un train un peu tard du fait d’une grève. Il ne sera pas là au moment où son vin est servi mais nous rejoindra assez vite. Le Champagne Dom Pérignon P2 magnum 1995 me rebute un peu car je ressens la force du dosage. Les excellents amuse-bouches vont permettre au champagne de devenir plus fin et raffiné. J’ai gardé mon verre à table et le champagne a réussi à me convaincre de l’intérêt de faire un « P2 » pour un vin que je considère comme jeune, ayant du mal à imaginer qu’il a 24 ans.

Ayant la charge de la bonne ordonnance du repas et discutant avec des vignerons passionnants, je n’ai pas pris de notes et ma mémoire des vins sera de ce fait relativement succincte.

Nous passons à table. Rodolphe Péters explique le concept du Champagne Pierre Péters Cuvée Héritage. Rodolphe avec l’accord de son père et de son oncle a fait un assemblage de vingt millésimes qui existaient dans l’œnothèque de la maison, allant de 1921 jusqu’à 2010. J’avais été l’un des premiers il y a trois ans à goûter cette cuvée qui n’était pas encore au point et le fait de mélanger des 1921 et des 1947 avec des vins plus jeunes heurtait un peu ma sensibilité. Mais en goûtant ce champagne, je suis conquis, car il est d’une grande complexité et d’un foisonnement d’évocations de tous les millésimes. C’est un très grand champagne. On peut s’amuser à essayer de retrouver le goût d’une décennie et avec un peu d’imagination, on le trouve. L’araignée de mer lui convient parfaitement. Cette cuvée Héritage est une réussite.

Sur le blanc manger de langoustine nous avons deux vins, comme sur presque tous les plats. Le Clos Sainte-Hune Riesling Domaine Trimbach magnum 2012 ne me semble pas offrir la vivacité et le caractère cristallin et précis qui est une caractéristique de ce grand riesling et Marc Hugel partage mon analyse, mais d’autres vignerons me diront plus tard qu’ils l’ont trouvé parfait. Le Bourgogne Blanc Domaine Comte Georges de Vogüé 2006 est en fait le Musigny blanc qui ne retrouvera son nom que sur le millésime 2015 lorsque les vignes replantées dans les années 80 ont un âge suffisant justifiant cette appellation. Le vin est à la fois vif et complexe, riche et entraînant. Je suis conquis par ce vin énergique aux multiples évocations. Il est enthousiasmant comme le champagne Péters.

Le homard accueille deux blancs. Le Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1992 est d’une couleur d’un or marqué. Le vin est riche, puissant et conquérant. A côté de lui le Montrachet Bouchard Père & Fils 2002 est plus aérien et fluide. Il est subtil et n’a pas la puissance habituelle des montrachets. J’aime ce vin tout en évocations raffinées.

Le ris de veau est délicieux et convient bien aux deux vins. Le Gevrey-Chambertin Les Combottes Louis Jadot 1969 paraît jeune pour ses cinquante ans mais a bien la sérénité et la plénitude des vins de 1969. Il est très équilibré et riche et le ris de veau lui convient bien. Le Chambolle-Musigny Les Amoureuses Domaine Comte Georges de Vogüé 1993 est très différent mais aussi très complémentaire. Il est vif, cinglant et j’adore ses saveurs multidirectionnelles. Les deux vins se complètent sur le plat comme dans les séries précédentes.

La volaille est douce et superbe et accompagnera deux vins rouges et un champagne. J’ai voulu en effet séparer dans ce repas le Dom Pérignon et le Krug qui sont de la même année. Il ne serait pas opportun de les mettre en compétition. Le Clos des Lambrays 1971 est à un moment de plénitude. Il est riche et d’une belle longueur, serein. A côté de lui, le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1959 est d’une fraîcheur et d’une subtilité rares. Je ne trouve pas, ou juste en trace, le sel qui est un marqueur des vins du domaine, mais le vin est exceptionnel. La volaille met les deux vins en valeur, qui encore une fois ne se nuisent pas et au contraire accroissent le plaisir de les boire.

Le Champagne Krug magnum 1995 est éblouissant de richesse et de complexité. Il est au sommet de son art. C’est un champagne accompli et le passage des vins rouges au champagne et inversement se fait naturellement quand on prend soin de prendre une bouchée de l’excellent plat d’une douceur extrême.

Le Traminer de Riquewihr Maison Hugel 1900 est inconnu de tous, même de Marc Hugel. Sa couleur est un peu foncée ce que Marc impute à un léger botrytis. Le vin est résolument sec, avec une petite pointe de douceur. Marc pense qu’il pourrait y avoir un peu de riesling dans ce vin qui ne lui paraît pas totalement Traminer. On ne peut pas imaginer que ce vin fluide et profond puisse avoir 119 ans. Marc, voyant le dessert pensait qu’il ne conviendrait pas au vin et a reconnu que son appréhension n’est pas justifiée car la fraîcheur du dessert d’une belle douceur met en valeur le vin délicat et émouvant.

J’ai apporté deux bouteilles de Vin de Chypre 1870 dont j’avais senti les parfums dissemblables à l’ouverture. Je pensais faire servir chaque bouteille à une moitié de table mais Aubert de Villaine m’a suggéré que chacun puisse goûter les deux. Il a eu raison. La première est très épicée et riche de réglisse. C’est un vin lourd et capiteux de grande palette aromatique. La seconde bouteille est plus légère, les épices étant moins présentes et le vin étant plus fluide. J’ai tendance à préférer la seconde et plusieurs amis préfèrent la première. Dans les deux cas les vins sont de longueur infinie. Bipin Desai dit que des personnes qui offrent à ce dîner un vin de 1900 et deux vins de 1870  »ne peuvent pas être de mauvaises personnes ». Les madeleines à la réglisse conviennent à ces deux vins doux naturels de grande intensité.

Tous les vins apportés par les amis vignerons ont été de haute qualité et ont permis de faire un programme cohérent, appuyé par une cuisine particulièrement adaptée. Le chef a fait un repas apprécié par tous, d’une grande justesse. Les accords ont tous été pertinents et le rythme du repas a mis en valeur les vins. Le service de sommellerie a été attentionné et efficace. L’atmosphère du repas a été extrêmement amicale. Chacun a été heureux de bavarder avec ses amis. Ce fut une soirée très réussie.


Les vins dans ma cave (sauf le Montrachet 2002 non encore arrivé)

Les vins au complet au restaurant Laurent

Champagne Dom Pérignon P2 magnum 1995

Champagne Pierre Péters Cuvée Héritage

Clos Sainte-Hune Riesling Domaine Trimbach magnum 2012

Bourgogne Blanc Domaine Comte Georges de Vogüé 2006

Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1992

Montrachet Bouchard Père & Fils 2002

Gevrey-Chambertin Les Combottes Louis Jadot 1969

Chambolle-Musigny Les amoureuses Domaine Comte Georges de Vogüé 1993

Clos des Lambrays 1971

Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1959

Champagne Krug magnum 1995

Traminer de Riquewihr Maison Hugel 1900

Vin de Chypre 1870

Vincent Chaperon, Aubert de Villaine et Bipin Desai

 

Photos du dîner de vignerons dimanche, 10 novembre 2019

Le menu du repas

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Sur la photo de gauche à droite :

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

François Audouze / Brice de la Morandière (Domaine Leflaive) / Rodolphe Péters (Champagnes Pierre Péters) / Marc Hugel (Maison Hugel) / Jacques Devauges (Clos des Lambrays) / Aubert de Villaine (Domaine de la Romanée-Conti) / Jean-Luc Pépin (Domaine Comte Georges de Vogüé) / Bipin Desai / Thomas Seiter (Maison Bouchard Père & Fils) / Margareth Henriquez (Champagnes Krug) / Frédéric Barnier (Maison Louis Jadot) / Vincent Chaperon (Champagne Dom Pérignon)

Quelques photos d’ambiance des participants (crédit photos : Laurence de Terline)

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent – Nov 2019 © Laurence de Terline

Casser les codes dans les accords mets et vins anciens vendredi, 8 novembre 2019

Le texte qui suit est le récit du déjeuner au restaurant Pages rédigé par Romain, mon compagnon de table.

Je suggère de lire d’abord mon compte-rendu et ensuite celui de Romain ci-dessous :

« Déjeuner avec François Audouze en compagnie de vins anciens est toujours un moment unique car on voyage réellement avec les vins et les accords qui les transcendent. J’en ai fait une nouvelle fois l’expérience au restaurant Pages pour un déjeuner où la plupart des approches traditionnelles sur les associations mets et vins ont volé en éclats, laissant la place à un ballet improvisé où l’intuition de François a permis de créer des accords impensables mais brillants. J’ai tellement été marqué par ce déjeuner que j’ai décidé d’en faire le récit tel que je l’ai vécu.

 

J’arrive à 11h pour ouvrir mes vins et je découvre alors les deux vins choisis par François qui est déjà sur place : un Pétrus 1958 et un Richebourg 1963 domaine de la Romanée Conti (avec en renfort un autre Richebourg du domaine de la Romanée Conti du millésime 1953 et un Hermitage 1978 De Vallouit « au cas où »). Autant dire que mon sang ne fait qu’un tour tant c’est le rêve de tout amateur que de réussir à boire un jour ce type de flacon de légende. C’est un immense cadeau qui montre la profonde générosité de François et qui annonce nettement la couleur du déjeuner que nous allons partager. J’y joins mes apports : Y d’Yquem 1968, Beaune Grèves Vignes de l’Enfant Jésus 1989 Bouchard Père et Fils, demi-bouteille de Chambolle-Musigny Les Amoureuses 1966 domaine Ropitot (qui sera écartée car l’opulence est déjà au rendez-vous) et un Cognac Grande Champagne de la fin du XIXème siècle où seuls les deux premiers chiffres du millésime apparaissent (#18??). Nous déjeunerons donc avec 4 vins (un blanc et trois rouges) et un cognac.

 

François s’arme de ses outils pour ouvrir les bouchons et le voyage commence. Le bouchon de l’Y est parfait, son parfum est divin. Le bouchon du Pétrus est comme rongé par un champignon qui l’effrite en poussière sur le contour extérieur, laissant une couche sale à l’intérieur du goulot, ce qui explique la baisse de niveau. Avec un bouchon pareil, n’importe quel professionnel du vin et amateur non averti condamnerait la bouteille à l’évier. J’assiste alors au traditionnel nettoyage manuel de l’intérieur du goulot (avec un doigté qui porte en lui le mystérieux fluide résurrecteur de François) et l’on découvre alors un parfum riche et intense, avec une violette subtile. C’est une surprise tellement inattendue que François décide de reboucher le Pétrus est de le placer en apéritif. Un Pétrus en apéritif, ce n’est certainement pas un cas d’école… Le bouchon du Beaune Grèves est nettement moins qualitatif que celui de l’Y et le parfum discret montre que l’aération lui sera profitable. Enfin, le bouchon du Richebourg est une épreuve, collant au goulot à cause d’une surépaisseur. Le parfum est incertain, comme voilé par un masque poussiéreux mais l’on sent un changement possible. Voilà une autre bouteille qui pourrait rapidement être écartée d’une table pour finir à l’évier. Mais nous verrons avec l’aération lente. L’enchaînement des vins est annoncé comme suit : Pétrus 1958, Y d’Yquem 1968, les bourgognes avec le Beaune Grèves 1989 et le Richebourg 1963 et enfin le Cognac. François ayant un instinct hors normes pour visualiser des accords avec les vins anciens (ce qui frise l’ésotérisme), le menu est revu en un éclair. Les plats sont simplifiés, les ingrédients et amuse-bouches non compatibles sont écartés et de nouvelles consignes sont données à l’équipe qui les accueillent et s’y adaptent avec une agilité remarquable.

 

A midi, la deuxième partie du voyage commence avec en guise d’amuse-bouche un carpaccio de Daurade simplifié (huile d’olive et sel) pour accompagner le Pétrus 1958. Débuter un repas avec un Pétrus sur du poisson cru est aux antipodes de tout ce que l’on peut concevoir dans la gastronomie traditionnelle. On est en droit de se dire que jamais un sommelier ne recommanderait cela. Et pourtant l’accord est éblouissant… Il existe toutefois un protocole pour en jouir : commencer par la Daurade, bien mâcher, garder en mémoire le goût du poisson puis déguster le Pétrus. C’est là que la magie opère car la fraîcheur et la mâche épurée du poisson se combinent au grain riche du Pomerol et lui apportent un coup de fouet et une dimension en bouche qu’on ne soupçonnerait pas. C’est une combinaison inédite qu’il faut vivre pour vraiment la comprendre. L’accord est tellement saisissant que l’amuse-bouche est doublé. C’est mon premier Pétrus et je ne pouvais rêver mieux comme intronisation. Vient ensuite un carpaccio de bœuf Ozaki légèrement brûlé au chalumeau. Alors qu’on pourrait nous recommander un vin rouge, plutôt tannique et charpenté pour supporter le brûlé de la viande, François se tourne instinctivement vers l’Y en disant « c’est l’Y qu’il nous faut ». Un blanc sur une viande presque crue est une nouveauté pour moi, je n’arrive pas à imaginer que cela puisse fonctionner. Le protocole est réitéré. On mâche un petit morceau de viande qui est excellente et une fois la mémoire du bœuf en bouche on goûte l’Y. Pour moi l’accord est encore plus incroyable que le précédent car le gras de la viande va épouser la trame de l’Y et lui donner une largeur aromatique impressionnante. L’Y est d’une tension folle pour son âge, avec un équilibre parfait entre acidité et douceur du botrytis. Il semble bâti pour trancher le palais. La viande étant fine, elle n’écrase pas l’Y mais supporte son message, le gras s’associant à l’acidité et le fumé au botrytis. C’est saisissant. Nous poursuivons le repas avec un risotto aux champignons et Ormeau qui appellerait en théorie un blanc. Une fois encore, François sort des sentiers battus en choisissant intuitivement le Beaune Grèves 1989. Une fois de plus, l’accord fonctionne diablement. Même si le Beaune possède un léger voile de bouchon au nez, la bouche n’en est pas affectée et l’Ormeau va fournir un vrai tremplin gustatif au Beaune qui serait beaucoup plus discret et sévère sans son aide. L’accord s’oppose à toute logique. La sauce du risotto est excellente et donne la tension qui manque au Beaune pour rayonner, c’est magique. Arrive ensuite le moment le plus incroyable du repas. François demande spécialement un morceau de bœuf Ozaki grillé (non prévu initialement) et propose une expérience inédite : manger la moitié du bœuf avec l’Y d’Yquem et la seconde moitié avec le Richebourg 1963. Les deux accords sont fabuleux. La viande est d’une qualité exceptionnelle et son gras convient parfaitement à l’Y qui s’envole à des hauteurs folles. L’accord est également superbe avec le Richebourg qui n’a plus un gramme de défaut et devient riche et solide. La viande lui donne une opulence et stimule sa finale salée. Un sel que je ressens vraiment pour la première fois de ma vie. Si j’ai souvent lu les commentaires de dégustation de François évoquant le sel dans les vins du domaine de la Romanée Conti, je n’avais encore jamais goûté ni ressenti cette singularité. C’est chose faite aujourd’hui et c’est une émotion intense. Le voyage ne s’arrête pourtant pas là car c’est au tour du Cabillaud d’entrer en scène pour accompagner de nouveau le Pétrus. Pétrus et poisson sont décidément faits pour s’entendre alors que la théorie professerait l’inverse. Même si la sauce du cabillaud n’est pas adaptée pour le vin, la chair seule, divine, est le support idéal pour le Pomerol truffé. C’est à se damner. Le lièvre à la royale succède ensuite au poisson pour accompagner le Richebourg qui va à nouveau briller royalement, plus même que pour l’accord avec le bœuf Ozaki. La saveur marquée du lièvre (quoique manquant un peu de panache sauvage) va littéralement rehausser le Richebourg, lui donnant une touche fumée qui, mariée au sel, le rend sublime. Comme si les codes des accords n’étaient pas suffisamment cassés, François propose d’essayer le Cognac sur la sauce seule. Le Cognac étant ouvert depuis plusieurs mois, il est légèrement éventé, ce qui le rend plus doux et accueillant pour créer un accord « ton sur ton » avec la sauce. Mes certitudes sur l’apparition normale d’un Cognac au cours d’un repas sont mis en branle. Alors qu’arrive l’assiette de fromage, l’intuition de François ne perd rien de sa performance et les accords sont immédiatement trouvés. Le Saint Nectaire avec le Richebourg, la Couronne de Poitou avec le Beaune Grèves et la Tome de Brebis avec le Cognac. C’est un sans-faute. Le Cognac se termine enfin avec le dessert Marron Tatin et met un point final à ce voyage éblouissant.

 

Ce déjeuner n’était semblable à aucun autre car je n’ai jamais ressenti des accords aussi intenses et brillants, alors même qu’ils sont à des années lumières des associations classiques. Lire les écrits de François sur les accords qui vous transportent est une chose, mais le vivre en est une autre qui fait taire tout soupçon. Il y a quelque chose de magique avec François qui ne s’explique pas mais qui transforme résolument la vision que l’on peut avoir du vin et de la gastronomie. C’est par l’expérience que François réussit à convaincre et les sceptiques des vins anciens sont bien malchanceux de rester en dehors de ces expériences fantastiques. Il me tarde de récidiver car c’est un réel plaisir de casser les codes avec François tant sa compagnie, sa générosité et son approche des vins anciens sont authentiques et sincères. »

Texte de Romain. Les photos sont jointes à mon compte-rendu.

Dîner au siège de Kaviari sur la cuisine de Christophe Moret jeudi, 7 novembre 2019

La Manufacture des caviars Kaviari a pris l’habitude de recevoir des grands chefs qui cuisinent sur place en créant des menus où le caviar joue un rôle important. Ce soir ce sera le chef Christophe Moret, chef du restaurant l’Abeille de l’hôtel Shangri La qui fera la cuisine avec des membres de son équipe.

Les participants au dîner sont accueillis avec une coupe de Champagne Billecart-Salmon Brut Réserve fort agréable et de belle soif, et peuvent aller en salle de dégustation réfrigérée goûter le caviar baeri qui est de Sologne et a une très belle longueur, le caviar osciètre délicieux qui est plus clair que d’habitude, et le caviar Kristal, le ‘rouquin’ de la bande, de belle personnalité.

Le menu composé par le chef est ainsi rédigé : caviar Kristal et oursin en délicate royale / caviar osciètre, coquillages et ormeaux rafraîchis, condiment iodé / araignée de mer du Cotentin en chaud-froid, concombre, amandes, caviar baeri fermier / homard de nos côtes nourri de vanille, potirons et châtaignes en cocotte lutée / miel de maquis corse givré au parfum de cédrat et d’eucalyptus.

Trois petits amuse-bouches sont à déguster avec le champagne, un à base de saumon, un autre de langoustine et le troisième de foie gras. Les goûts sont précis et clairs et le champagne est gastronomique.

Pour l’oursin, nous goûtons un Saké Junmai Daiginjo – Nanbubijin Shuinpaku qui titre 16°. Le goût du saké est très intéressant, cohérent, agréable et facile à boire, mais sa force fait qu’il écrase le plat alors que le champagne n’éteint pas le goût du plat.

La mâche des ormeaux est particulièrement dure. Le caviar adoucit le plat accompagné du champagne.

Pourquoi avoir mis tant de concombre autour de l’araignée de mer qui n’en a pas vraiment besoin ? Le Condrieu ‘Amour de Dieu’ JL. Colombo 2017 très jeune et un peu perlant montre une belle personnalité qui va s’affirmer. Il est riche et convaincant même s’il n’est pas très complexe.

Le homard est bien traité et le Chassagne-Montrachet ‘Abbaye de Morgeot’ Olivier Leflaive 2014 fort gouleyant lui donne une belle réplique.

Le dessert au miel offre des saveurs cohérentes et plaisantes. Le champagne se montre à son contact absolument charmant.

Le chef est multiplement étoilé dans les nombreuses adresses prestigieuses où il a officié, dont Lasserre ou le Plaza Athénée. Son amour des produits se sent. Mais – et c’est une opinion personnelle – j’ai trouvé que s’il y a une recherche dans les combinaisons de produits, la mâche des plats est le parent pauvre des constructions. On est plus en recherche de dextérité que de plaisir de croquer un plat à pleines dents.

L’atmosphère du lieu est particulièrement chaleureuse, Karin Nebot reçoit avec talent et les discussions sont passionnantes avec des amateurs éclairés. Le caviar a été mis à l’honneur et le chef est hautement sympathique. Ce fut une belle soirée.

Déjeuner au restaurant Pages avec des innovations dans les accords jeudi, 7 novembre 2019

Romain est un des plus généreux des membres de l’académie des vins anciens. Il ne peut pas venir à la prochaine séance de l’académie aussi me propose-t-il de nous retrouver au restaurant Pages à déjeuner avec des vins apportés par chacun. Il m’annonce un Y d’Yquem 1968, une demi-bouteille de Chambolle-Musigny 1er Cru Les Amoureuses 1966 domaine Ropiteau et un Beaune Grèves Vignes de l’Enfant Jésus 1989.

Je lui propose d’apporter des vins de bas niveau car c’est avec un amateur comme lui que je peux prendre des risques, et j’en choisis quatre en cave, un Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1963, un Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953, un Pétrus 1958 et un Hermitage L.De Vallouit 1978. Nous choisirons sur place ce que nous ouvrirons.

Revenant du sud en avion ce matin je me présente au restaurant Pages peu avant 11h et je suis vite rejoint par Romain. Nous laisserons de côté la demi-bouteille de Chambolle-Musigny, le Richebourg 1953 et l’Hermitage 1978. Il reste quatre vins pour nous deux, plus un fond de Cognac Grande Champagne. Nous avons décidé d’utiliser l’un et l’autre des crachoirs, face à cette profusion.

J’ouvre l’Y d’Yquem et son parfum est d’une richesse prodigieuse. Il sent le botrytis à pleins poumons. Lorsque je tire le bouchon noir du Pétrus 1958, je constate que le bas du bouchon a perdu de sa substance comme s’il avait été mordu par un animal qui l’aurait grignoté, sachant que cette hypothèse est impossible. Le bouchon est si affaibli que les plus grandes craintes traversent mon cerveau. Je sens le vin et c’est incroyable que le parfum soit celui d’un riche Pétrus parfaitement pur. Nul ne croirait qu’un bouchon aussi blessé fermait une bouteille au vin épanoui.

Le bouchon du Beaune Grèves s’est fendu en deux en remontant mais je discutais avec Romain et j’ai sans doute manqué d’attention. Le bouchon du Richebourg 1963 est d’un noir gras. Il a tellement tapissé le goulot que la couche épaisse de gras noir m’impose d’utiliser mes doigts pour enlever cette exsudation du vin. Le nez du vin à l’ouverture me fait craindre le pire. Je subodore qu’il me faudra ouvrir une autre bouteille.

Le menu s’est composé petit à petit sur mes intuitions qui pourraient laisser croire que je voulais « casser les codes », ce qui n’était pas mon intention. Ainsi, comme le parfum du Pétrus 1958 m’était apparu très supérieur à ce que j’attendais, nous allons prendre l’apéritif avec lui, pour éviter un déclin possible, et je commande à Ken, le chef qui travaille aux côtés de Teshi, de préparer des fines tranches de poisson cru. Il y a de la daurade royale, ce qui semble parfait. Le Pétrus 1958
est puissant, riche, follement truffé. Et l’accord avec le poisson cru est pertinent, au point que je le fais goûter à tous les membres de l’équipe de Pages. Le vin va nous accompagner tout au long du repas, quand sa présence est pertinente, et il ne faiblira pas, la puissance de la truffe s’accompagnant d’un velouté charmant dans la suite de la dégustation.

Pour l’entrée en piste de l’Y d’Yquem 1968, je demande des tranches fines de carpaccio de wagyu, et la cuisine lee prépare légèrement brûlées au chalumeau. L’Y d’une belle couleur claire et ensoleillée est un vin riche qui évoque un Yquem devenu sec. Il y a en effet de belles traces de botrytis qui égaient ce vin charmant et généreux. C’est probablement l’un des Y les plus puissants qui soient. L’accord avec le wagyu est encore plus spectaculaire que l’accord du Pétrus avec le poisson cru.

Le plat suivant présente des ormeaux avec un risotto aux champignons. Dès que je le vois, j’ai l’instinct de l’associer au Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père et Fils 1989. Le vin a un léger nez de bouchon qui ne gêne pas le milieu de bouche, sauf à le rendre un peu plus strict, et se ressent surtout dans le finale un peu amer. Et de ce fait, l’accord avec les ormeaux se trouve encore mieux que si le vin avait eu plus de charme. Le vin va progressivement s’élargir et nous offrir un peu plus de pureté et d’émotion. Le plat est délicieux.

J’ai demandé qu’on nous prépare des petits steaks de wagyu pour accompagner l’Y. Mais quand je vois le plat arriver, je suggère que nous mangions une moitié du steak avec l’Y et une moitié avec le Richebourg. L’accord avec l’Y est parfait car le gras de la viande élargit le côté sauternais du vin de Graves.

Je sers le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1963 et Romain me regarde. Il est persuadé que ma façon d’ouvrir les vins fait des miracles, mais là, que le vin se présente aussi brillant, ayant effacé toutes les imprécisions de senteurs, tient de la magie. Je suis moi-même très étonné d’un retournement aussi imprévisible. Le vin est riche, et la trace de sel si caractéristique apparaît surtout dans le finale. Et le wagyu par son gras équilibré efface toute imperfection. Le vin est guéri de toute éventuelle maladie. Et l’accord est sublime.

Le cabillaud a une sauce à base de bisque et c’est mon erreur car j’aurais dû demander une sauce viande, car le vin qui accompagne le poisson est le Pétrus. Malgré la sauce l’accord se trouve et le Pétrus 1958 gagne maintenant en velours, ce qui adoucit ses accents truffiers.

La sauce du lièvre à la royale est absolument divine, et à mon goût, la chair manque du côté gibier que j’aime dans ce plat emblématique. Le Richebourg se régale de la sauce, et devient quasiment parfait. C’est un grand vin romantique au sel qui m’émeut toujours autant. Pour la sauce j’ai envie d’essayer la Grande Champagne Cognac du 19ème siècle et l’accord se trouve.

Pour continuer avec nos vins nous prenons du fromage, un saint-nectaire, une couronne du Poitou et une tomme de brebis. Je m’amuse à désigner les vins qui conviendraient, Richebourg pour le saint-nectaire, cognac pour la tomme de brebis et Beaune Grèves pour le fromage du Poitou et les trois accords fonctionnent.

On peut dire que, sans le vouloir, nous avons ‘cassé les codes’ et que tous les accords se sont montrés pertinents. Les vins ont brillé et je classerais ainsi en premier l’Y car il est un Y parfait, riche d’un botrytis affirmé toute en gardant une belle vivacité. En second je mettrais le Pétrus 1958, d’une richesse accomplie et d’une grande présence, puis le Richebourg joliment romantique et d’un sel racé. Enfin le Beaune Grèves a bien accompagné les ormeaux mais il lui a manqué d’un peu de pureté.

La complicité avec l’équipe de cuisine est un grand bonheur pour moi, car je peux laisser libre cours à mes audaces culinaires. Romain est le plus aimable des convives en plus d’être généreux. Ce déjeuner fut un grand moment de plaisir.


j’ai apporté quatre bouteilles basses

les bouteilles retenues

le Pétrus avec cet incroyable bouchon

la grande Champagne du 19è siècle

Déjeuner au restaurant Cédric Gola lundi, 4 novembre 2019

Dans le sud, une amie nous invite avec son fils à déjeuner à La Londe-Les-Maures au restaurant Cédric Gola. Elle avait eu de bonnes informations sur ce restaurant et sur le menu à la truffe qu’il propose. La salle est petite mais agréablement décorée.

Le menu ‘truffes’ est le choix de notre amie et moi. Il est ainsi rédigé : ‘Autour de la truffe’ : velouté de homard aux truffes / foie gras poêlé sur une pomme de terre fondante, rosace de truffes et crème de truffes / pigeonneau entièrement désossé servi dans un feuilletage au foie gras et à l’étuvée de choux verts, jus de truffe / ou / homard juste saisi et crème de truffes / brie de Meaux truffé, mesclun et râpé de truffes / fondant au chocolat, crème fouettée aux truffes. Alors qu’un choix est possible pour le plat principal entre pigeonneau et homard, on indique curieusement sur le menu que ceux qui ont choisi le menu ‘truffe’ doivent choisir le même plat principal. Il faut donc s’accorder entre convives.

Nous choisissons un Champagne Gosset Celebris Extra Brut 1998. Sa couleur est d’un bel or blond. La bulle est presque inexistante et la femme du chef qui est en salle nous explique que la raison est que les verres à vin sont très propres. Le champagne est très vif, puissant, incisif. Il a une forte personnalité virile. Il est idéal pour le velouté et le foie gras. C’est un très bon champagne encore très jeune alors qu’il a 21 ans.

Le Château de Pibarnon Bandol rouge 2014 est impressionnant de velours. Il est riche de ses 14°, très équilibré et son velours le rend charmant. Il est idéal pour le pigeonneau et l’excellente truffe très goûteuse.

Le chef Cédric Gola fait une cuisine de très bon niveau. Les cuissons sont exactes, les produits de bonne qualité. C’est probablement une des cuisines les plus raffinées d’Hyères et alentours. Nous avons passé un très agréable moment avec des vins de qualité.

Joël a fait des recherches sur la bouteille de Madère 1770 samedi, 2 novembre 2019

Joël m’a envoyé des photos de bouteilles de trois périodes

1700 – 1720

1720 – 1740

1740 – 1760

Joël pense que la bouteille que nous avons bue est dans le deuxième cas : 1720 – 1740.

Je penserais plutôt que le haut de la bouteille est proche de l’exemple de 1720 – 1740 et le bas de la bouteille est proche de l’exemple de 1740 – 1760.

Alors, on pourrait dire que le Madère que j’ai estimé de 1770 est en fait plus proche de 1740. On est donc du temps de Louis XV.

Dîner au restaurant de David Toutain vendredi, 1 novembre 2019

Bipin Desai, célèbre collectionneur américain a été l’initiateur des dîners de vignerons que j’organise depuis 19 ans. Il vient d’arriver à Paris, en provenance de Los Angeles, et m’avait demandé de réserver une table pour nous deux au restaurant de David Toutain. Je suis heureux de cette occasion de revoir un chef que j’apprécie. Lorsque j’arrive, le chef prend l’air sur le pas de la porte et nous bavardons quelques minutes. La décoration a changé. Elle est plus souriante. Je reconnais des personnes familières car j’ai vu Gautier, responsable de salle, et la sommelière Suzanne en d’autres lieux comme le Crillon.

Bipin arrive assez fatigué par son voyage mais je le trouve en très bonne forme pour ses 84 ans. C’est lui qui va décider ce que nous boirons sur la carte des vins et manifestement, son regard va dans des zones tarifaires que j’essaie d’éviter. Comme nous partageons l’addition, son choix pèsera lourd, car les coefficients du restaurant sont élevés sur certains vins.

Nous commençons par un Champagne Bollinger R.D. 2002. Le champagne est évidemment très grand mais je suis fort gêné par sa bulle insistante. Ce midi j’avais bu un Laurent-Perrier 1981 sans bulle et délicieux. J’ai du mal à m’adapter à ce saut dans la jeunesse où la bulle est envahissante et limite mon plaisir, même si le champagne joue dans la cour des grands.

On nous donne le choix entre deux menus, l’un à onze plats et l’autre à huit plats. Le petit menu s’appelle Reine des Prés. Le grand menu s’appelle Lierre Terrestre, pour une raison qui n’apparaîtra pas dans ce que nous mangeons. Mais ce titre est poétique.

Le texte du menu Lierre Terrestre n’est donné qu’à la fin du repas. Du bout des doigts : salsifis épeautre / topinambour bœuf fumé / betterave oxalys chocolat / huître échalote / Au fil du temps : caviar avocat banane / brioche beurre demi-sel / foie gras butternut clémentine / céleri rave foin truffe blanche / foccacia sapin / choux asperge Saint-Jacques douglas / poisson cèpe noix / homard genièvre pamplemousse / anguille sésame noir / viande Celtus curry / lièvre cacao / bleu de Séverac poire / Instant T. : cédrat marron livèche / pistache poivre Timut pomelos / mignardises.

On peut soupçonner qu’un chef qui coup sur coup nous offre salsifis, topinambours et panais a l’envie de susciter des symphonies intestinales…

Suzanne nous a conseillé de prendre un vin blanc compte tenu de l’orientation du repas. Ce sera un Meursault Charmes Domaine Comtes Lafon 2014. Bipin et Suzanne sont des admirateurs du millésime 2014 dont j’avoue ma faible connaissance. Ils ont raison car ce vin blanc est divin, riche, plein, joyeux, virevoltant et nous offrant des éclairs de génie. C’est un très grand vin.

La cuisine de David Toutain est inspirée et de haute précision. Le plat que j’ai adoré, c’est l’anguille cuite avec une justesse extrême. C’est délicieux. Ensuite vient le homard remarquable. Mais pourquoi le présente-t-on avec la pince dans une coupelle devant soi et la queue dans une coupelle commune où les deux morceaux à se partager reposent sur des branches de pin. La présentation parfois confuse des plats rebute un peu. Ensuite vient le foie gras au goût exceptionnel. Le seul plat qui ne m’a pas convaincu est le lièvre à la royale selon la recette du sénateur Couteaux, car la crème ne fait pas ressortir la richesse de la viande au goût profond. Comme c’est une question personnelle je veux bien admettre que je n’ai pas raison, mais je n’ai pas été séduit.

Il y a dans la cuisine de David Toutain une grande recherche des présentations qui fait penser à celles de René Redzepi du restaurant Noma. C’est parfois un peu compliqué, mais ce qui compte c’est la cuisine très précise d’un chef de talent. Le dîner à huit plats eut été un meilleur choix car nous avons Bipin et moi de lourds programmes. Ce furent d’agréables retrouvailles de la cuisine de ce chef.

quelle imagination créatrice !

Déjeuner au restaurant Laurent avec des vins italiens vendredi, 1 novembre 2019

Un ami des dîners, de l’académie des vins anciens et des casual Fridays veut partager avec moi un Gaja 1999 qu’il avait gardé depuis longtemps pour une future rencontre. Un autre ami m’envoie un message suggérant qu’on se voie. J’avais réservé une table pour moi seul au restaurant Laurent pour vérifier les plats du menu du dîner de vignerons qui se tiendra dans une semaine en ce lieu. La solution la plus cohérente est que j’invite mes deux amis à ce déjeuner.

Luc a apporté un Champagne Laurent Perrier Vintage Brut 1981. Sa couleur est d’un or orangé. La bulle est quasi inexistante. Le champagne est une corbeille de fruits de sa couleur. Il est confortable et il s’installe en bouche dans sa largeur. Il est horizontal et n’a rien de vertical. C’est un très agréable champagne aux vertus gastronomiques évidentes du fait de sa cohérence.

Philippe juge le Gaja Barbaresco 1999 beaucoup trop jeune par rapport à ce qu’il attendait, mais ce vin très vif et très jeune est d’une belle énergie. Luc dit qu’il est soyeux.

J’ai apporté un Sassicaia Tenuta San Guido 1987 pour accompagner le Gaja annoncé. Il y a une réelle différence de maturité entre les deux vins italiens. Luc dit du Super Toscan qu’il est velouté. Il est riche et très élégant. Il ne montre aucune puissance démonstrative, il est serein.

J’ai commandé le blanc-manger de langoustines, caviar impérial de Sologne condimenté et coulis de laitue, plat qui sera servi dans une semaine. Je voulais essayer ce plat en ayant peur de l’influence de la laitue sur les vins mais en fait la laitue est très discrète. L’épaisseur du blanc-manger rend presque inaudible le caviar. Cela doit pouvoir facilement se corriger. La volaille Culoiselle au foie gras, variation automnale autour des cèpes est parfaite. Il n’y a pas un iota à changer, sauf à servir la semaine prochaine des demi-portions car c’est un plat copieux.

Il est évident que l’entrée ne met pas en valeur les vins rouges qui chuchotaient leurs messages alors qu’avec la volaille les deux italiens se sont montrés brillants, le Sassicaia épanoui et jouant sur sa délicatesse subtile et le Gaja très vif promettant des merveilles lorsqu’il aura vingt ans de plus.

Nos discussions animées sur l’avenir du monde se sont poursuivies bien tard longtemps après que les autres tables se sont vidées. Un bien beau déjeuner d’amitié.