Déjeuner au restaurant Les Climats dimanche, 26 janvier 2020

Déjeuner au restaurant Les Climats. Le lieu est toujours aussi beau et spacieux. La carte des vins est impressionnante. Nous sommes deux et nous prenons le même menu à base de poisson, mais mon invité préfère boire du vin rouge.

Je choisis dans l’impressionnant livre de cave un Nuits-Saint-Georges Premier Cru Clos de la Maréchale Jacques-Frédéric Mugnier 2008. Le sommelier ouvre le vin loin de notre table ce que je n’aime pas particulièrement. J’aime bien voir ce qui se passe. Il nous sert en nous disant qu’il a un léger goût de bouchon. Il nous laisse juger. Le nez de bouchon est à peine perceptible et en bouche c’est aussi un défaut léger, mais on sent quand même que le vin n’est pas dans l’expression qu’il devrait avoir. Il a une imprécision et un manque de fraîcheur. Nous décidons d’abandonner cette bouteille qui devait être la dernière de 2008 en cave. Nous allions nous tourner vers 2014 mais heureusement, une autre 2008 a été retrouvée en cave.

La différence est spectaculaire. Ce vin est délicat, soyeux, tout en suggestions subtiles. Il me semble qu’aucune autre région viticole ne serait capable de produire des vins d’un tel raffinement. Je suis transporté par la finesse de ce vin. Sur les deux plats de poisson, le vin est suffisamment persuasif pour que l’accord se trouve. Le vin devient doucereux et nous décidons de prendre le plateau de fromages pour finir la bouteille. Le vin est chaleureux et aimable, même sur des pâtes très affinées.

Le dessert qu’on nous a proposé avec insistance ne s’imposait pas, même s’il est bon et léger. Le lieu est charmant et atypique, le service est efficace et le sommelier très compétent. C’est une table à conseiller aux amoureux des vins de Bourgogne, mais aussi aux autres.

Dîner au restaurant Taillevent avec des vins inconnus dimanche, 26 janvier 2020

Parfois, lorsque je prends une bouteille en cave, j’ai l’impression que cette bouteille m’a demandé de la choisir. Et je pense à ce poème :  »Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? » C’est ainsi que Lamartine parlait de sa maison natale. Ces objets inanimés qui dorment en cave auraient-ils une âme qui s’attache à la mienne et me forcent à les aimer ? Le dîner de ce soir a pu me conduire à cette passagère divagation.

Depuis très longtemps je connais l’un des plus grands commissaires-priseurs américains avec lequel j’ai déjà fait de nombreuses dégustations. Il a un palais très sûr. Il m’invite à dîner et je choisis le lieu. Ce sera le restaurant Taillevent car je souhaite m’imprégner à nouveau de la cuisine de David Bizet. Etant invité, je vais apporter des vins. Cet homme a tout bu, et surtout les bouteilles les plus mythiques. Il ne faut pas chercher à l’impressionner. Dans ma cave il existe une zone de plusieurs cases où sont regroupées des bouteilles non identifiables. Elles n’ont pas d’étiquette et parfois pas de capsule. Je m’approche d’une case et je prends en main un vin blanc. Sur la capsule il y a marqué Chassagne Montrachet Girard Père & Fils. Il n’y a pas d’étiquette et pas d’année. La couleur du vin à travers le verre me séduit. Je pense que ce vin doit être grand. Je le choisis alors que c’est le premier que je prends en main. La case où sont ces bouteilles est plus haute que la hauteur de mes yeux. Je ne vois donc que des fonds. L’un des fonds est très creux, le bord du verre est très fin. Il s’agit très probablement d’une bouteille du 19ème siècle. Je la prélève. Cette bouteille est fine au col très fin et très haut et sa forme ne correspond à rien de connu. On dirait une bouteille de Haut-Brion, mais plus fine et légèrement tordue du col. La capsule est neutre, probablement en plomb compte-tenu du grisé que je vois et la capsule est gravée d’une grappe et de feuilles qui ressemblent plus à du lierre qu’à de la vigne. Le niveau est très haut dans la bouteille qui est chemisée, tant le dépôt collé au verre est important. L’idée de boire des bouteilles inconnues avec mon convive me plait.

J’arrive peu avant 19 heures au restaurant Taillevent et j’ouvre les deux bouteilles. La bouteille du vin blanc est très ancienne et le bouchon se brise en mille morceaux pour une raison simple, il y a une surépaisseur de verre au milieu du goulot qui interdit de lever le bouchon sans le briser. Le parfum du vin est une bombe de fragrances intenses. Quelle puissance et quelle richesse ! Tiendra-t-il ce niveau brillant, nous verrons. Contrairement au bouchon du vin blanc, le bouchon du vin rouge vient entier, conique, le bas du bouchon étant plus étroit, épousant la forme du verre. Le bouchon est tout petit, comme c’était le cas pour les bouteilles de la première moitié du 19ème siècle. L’odeur est discrète mais semble raffinée. Je pense à un vin délicat de Bordeaux. J’avais imaginé bien sûr la possibilité que mes bouteilles se montrent décevantes et nous aurions pris des vins de la carte des vins très vaste du restaurant, mais il apparaît que cela pourrait ne pas être le cas.

Avant l’arrivée de mon hôte, j’ai le temps d’aller saluer David Bizet en cuisine et de bâtir avec lui ce qui pourrait être notre menu : produits de la mer variés, épaule d’agneau et chevreuil.

L’ami arrive et choisit trois champagnes. Il me demande de décider de l’un des trois. Ce sera un Champagne Charles Heidsieck cuvée Charlie 1985. Ce champagne est absolument délicieux, fin, vif, avec de petits accents lactés très agréables et une vivacité de bon aloi. Le choix était bon. Mon ami ayant un peu peur des saveurs de la mer nous prenons des langoustines au caviar absolument délicieuses et à peine cuites, presque crues, ce qui est d’un grand plaisir. Le vin blanc est servi maintenant. Le nez est explosif et racé. En bouche, la richesse du vin est impressionnante. Mon ami dit que ce vin est forcément un grand cru. Il est incroyable de richesse et de persuasion. Il a pour mon goût les belles caractéristiques des grands crus du Domaine Leflaive. Qui aurait pu imaginer un tel niveau ? Ce doit être plus qu’un Chassagne-Montrachet, peut-être un Chevalier-Montrachet Girard Père & Fils. A la couleur j’avais pensé années 40. La bouteille est plus vieille, sans doute de réemploi. Le vin pourrait être plus vieux mais gardons l’hypothèse de Chevalier-Montrachet Girard Père & Fils années 40. Le vin va rester parfait jusqu’à la fin du repas.

Les deux plats de viande sont absolument excellents et gourmands. Mon ami goûte le vin en ayant encore la mémoire du blanc, sans avoir mangé de viande et croit reconnaître un vin du Rhône, alors que je suis persuadé qu’il s’agit d’un bordeaux. J’ai eu par moment des parfums de Latour, à d’autres des intonations de Lafite. Ce n’est probablement pas un premier grand cru classé, mais c’est un grand vin. Il a des suggestions de vins de 1900 mais je crois qu’il est plus vieux, peut-être de 1880, alors que le bouchon correspond à un vin plus vieux d’au moins trente ans. Nommons ce vin inconnu Pauillac vers 1880. Mon ami abandonne la piste du Rhône pour confirmer un bordeaux.

La cuisine a été superbe et le service toujours aussi chaleureux. Alors revenons à mon imaginaire. Si ces vins se sont montrés si brillants, est-ce parce qu’ils m’ont demandé de les choisir dans ma cave ? C’est une sensation piquante de l’imaginer…

en fait, c’est bien des feuilles de vignes sur la capsule de ce vin centenaire

Préparation d’un dîner à l’Auberge de Bagatelle au Mans jeudi, 23 janvier 2020

Il y a un an, j’avais organisé pour un ami un dîner dans un restaurant du Mans, Le Beaulieu. Cet ami me demande de faire un nouveau dîner au Mans, au restaurant l’Auberge de Bagatelle tenu par le chef Jean-Sébastien Monné et son épouse. Quinze jours avant le dîner, je me rends à cette auberge pour étudier avec mon ami la cuisine du chef, pour mettre au point le menu qui accompagnera les vins.

Le lieu est spacieux, avec une décoration simple mais de très bon goût. Je suis accueilli avec des sourires. On me montre la salle où se tiendra le dîner. Elle est confortable. Je dépose mes vins dans une cave à bonne température.

Installé à table j’ouvre le vin que j’ai apporté pour le déjeuner, avec mes outils. Mon ami me rejoint et nous trinquons avec un Champagne Pommery Cuvée Louise 2004 qui est servi au verre. Il a une jolie couleur dorée et son goût est raffiné, avec suffisamment de fraîcheur et de belle noblesse. Il fait partie des grands champagnes.

Le chef a carte blanche pour nous faire découvrir sa cuisine et voici les intitulés des plats : dégustation d’huîtres creuses de pleine mer de la baie de Quiberon, l’une avec agrumes et poivre Timut, une avec du caviar Daurenki et voile de crème double et la troisième avec du beurre d’algues et seigle / noix de Saint-Jacques fumées au feu de bois, rosace de céleri boule aux feuilles de cerisier, pommes dauphines de patates douces, beurre blanc au vinaigre de sakura / intermezzo ay cédrat confit et granité café-génépi / pigeon de Mesquer mitonné sur un lit de châtaignes dans une cocotte lutée, salsifis et racines de cerfeuil, jus de rôti au whisky tourbé / Espuma de Mont d’Or, cecina et mesclun d’hiver / ellipse de pomme granny smith et yuzu, blanc vaporeux à la vanille Bourbon de Madagascar ; sablé au charbon végétal et sorbet yuzu.

Tout est intelligent et de grande maîtrise. Nous buvons selon les plats le champagne ou mon vin, un Château Mouton Rothschild 1990 au nez intense, à la mâche très belle de truffe, et profond. C’est un vin qui a été critiqué à une époque, mais qui, à trente ans, a trouvé sa voie. Il est riche, dense, et gastronomique.

Les amuse-bouches sont pertinents et montrent bien le talent du chef, une moule dans une boule, une olive comme en cromesquis, c’est un agréable début. Les huîtres sont divines et seront dans le menu futur, les Saint-Jacques y figureront aussi mais avec des aménagements, comme pour tous les plats qui seront gardés. Jean-Sébastien a tout-à-fait admis que la cuisine pour les vins anciens ne peut pas être la même que celle qui est faite pour une carte où les plats existent pour eux-mêmes. J’ai été ravi de voir comment la composition du menu s’est faite en harmonie avec le chef, son épouse et Matthieu le sommelier.

Chose amusante, l’intermezzo prévu comme une respiration en milieu de repas, sera conservé mais à la fin du repas, pour accompagner un Sherry de 1862, car j’ai trouvé son goût d’une grande séduction.

Tout semble réuni pour réussir le prochain dîner. A suivre.

Saint Vincent de vignerons à l’Assiette Champenoise avec 5 chefs totalisant 14 étoiles mercredi, 22 janvier 2020

Un groupe de vignerons comprenant les maisons Alexandre Chartogne, Bérêche et Fils, Frédéric Savart et Pierre Péters organise la célébration de la Saint-Vincent au restaurant de l’Assiette Champenoise à Tinqueux. Les vignerons invitent leurs distributeurs, des professionnels du monde du vin et leurs amis pour des dégustations à partir de 17 heures, un apéritif à partir de 19 heures et un dîner dans la grande salle du restaurant.

Pour la cuisine, les organisateurs ont fait très fort, car le menu est réalisé par cinq chefs étoilés cumulant 14 étoiles ce qui est assez impressionnant. Il y a Arnaud Lallement, le chef du restaurant qui nous reçoit, Arnaud Donckele le chef du Cheval Blanc Saint-Tropez et bientôt du Cheval Blanc Paris à la Samaritaine, Christophe Bacquié le chef de l’hôtel du Castellet, Emmanuel Renaut le chef du Flocon de Sel à Megève et Olivier Nasti le chef de l’hôtel Le Chambard à Kaysersberg.

Je suis invité par Rodolphe Péters qui organise à partir de 17 heures une dégustation des champagnes rosés de sa maison. Nous pouvons boire les Champagnes rosés Pierre Péters sur des bases de 2014, 2013, 2012, 2010, 2008 et 2007. Il y a donc six champagnes différents qui ne renferment pas de pinot noir dans leur construction, pour garder l’esprit du Mesnil, Mecque du blanc de blancs. Ces champagnes ont été dégorgés au bout de deux ans pour les trois plus anciens et au bout de trois ans pour les plus récents.

De cette dégustation je retiens le 2014, qui me plait pour sa fraîcheur joyeuse et sa spontanéité, et le 2008 pour la richesse de sa construction. Autour de moi beaucoup ont aimé le 2013 qui est très prometteur mais demandera quelques années pour s’exprimer. Tous ces rosés montrent des aptitudes gastronomiques certaines, du fait de leur précision.

A l’apéritif qui suit on peut boire le Champagne Ambonnay Grand Cru Bérêche et Fils 2014, le Champagne Accomplie Frédéric Savart sur base 2009 et le Champagne Chemin de Reims Alexandre Chartogne 2013. Il y avait tellement de gens à rencontrer et avec qui discuter que je n’ai pas eu une attention suffisante aux bons champagnes qui nous ont été proposés. J’ai le souvenir d’avoir été très favorablement impressionné par le Chartogne. J’ai discuté avec des invités du Canada, de Suède, des Etats-Unis vivant en France, des asiatiques vivant aussi en France, des restaurateurs de Montpellier, un vendeur de vins de Monaco, un gestionnaire d’hôtels des Maldives et beaucoup d’autres encore.

Nous passons à table et nous sommes 62 répartis généralement en tables de huit. Je suis à la table de Rodolphe Péters et son épouse où il y a une majorité féminine. Avant le repas, les vignerons font ensemble un discours de bienvenue en se présentant et ensuite chaque chef annonce le plat qu’il a conçu. Le menu ne sera donné qu’en fin de repas, aussi est-ce l’aventure malgré les présentations initiales.

Voici le menu avec entre parenthèses le chef qui a conçu chaque plat : endive en pleine terre D. Grifffon, condiment fruits secs, jus de saké (Arnaud Lallement) / langoustine royale, citron caviar M. Bachès, nage réduite (Arnaud Lallement) / homard bleu, miel de châtaignier et romarin, artichauts et grenailles délicates au jus (Arnaud Donckele) / cardon épineux de Plainpalais, comme un risotto, truffe noire du Périgord (Emmanuel Renaut) / merlu de ligne en filet, cuisiné au beurre mousseux, pomme de terre ratte aux éclats de truffe noire (Christophe Bacquié) / dos de biche des chasses d’Alsace, griottes, sauce rouennaise (Olivier Nasti) / gnocchis de pomme de terre, vin jaune, comté (Arnaud Lallement) / faisselle de Megève, fine coque de meringue suisse, salade de fruits et légumes (Emmanuel Renaut) / vanille, feuilletage craquant (Grégory Masse de Reims).

Ce fut un festival de talents variés. Avec trois ‘trois étoiles’, un ‘deux étoiles’ et trois MOF (meilleur ouvrier de France) sur les cinq chefs, on a la crème de la crème de la gastronomie française. L’endive est une magnifique réussite, savoureuse tout en étant fortement typée et le Champagne Les Montjolys Grand Cru Pierre Péters magnum 2012 se marie très bien au plat dans un accord viril.

La langoustine royale est d’une cuisson exceptionnelle et d’une tendreté admirable. Le Champagne Heurtebise Alexandre Chartogne 2016 a déjà une maturité surprenante. C’est la première fois que je bois un champagne de ce millésime si jeune et je suis conquis. Beaucoup d’autres vins auraient convenu à ce plat emblématique.

Le homard bleu est d’une rare subtilité. Le Champagne Les Noues Premier Cru Frédéric Savart 2015 est agréable, mais le plat aurait demandé un champagne plus ancien ou un vin blanc vif.

Le cardon, légume ancien proche de l’artichaut m’a surpris, car il est coupé en minuscules dés, comme la truffe, et la mâche est difficile, ce qui ne rend pas le plat plaisant, du moins pour mon goût, avis partagé par plusieurs à ma table. Le Champagne Le Cran Premier Cru Bérêche et fils magnum 2008 est riche et plein mais à ce stade du repas, un champagne ancien m’aurait plu. Heureusement, il va venir.

Le merlu de ligne est présenté dans une énorme coque noire qui a conservé tous les arômes du plat délicieux, d’une belle cohérence. Jean-Marc Roulot, présent à cet événement, nous a fait un cadeau appréciable car toutes les tables ont été servies d’un Meursault Les Perrières Jean-Marc Roulot magnum 2009. Quel beau vin ! Il est riche, fluide, à la minéralité bien maîtrisée. Le format magnum lui donne de l’ampleur et son âge est idéal. L’accord est superbe car la présentation de la chair du merlu en gros pavé lui donne une mâche idéale.

Le dos de biche avec ses accompagnements est, à mon goût, le plus beau plat du repas car c’est le plus gourmand et généreux. La vigneronne toute menue et souriante qui est assise à la droite de Rodolphe Péters, Maria Teresa Mascarello, a apporté des magnums de Barolo Bartolo Mascarello magnum 2009 qui est un vin très féminin comme la vigneronne, d’une délicatesse extrême, comme la vigneronne, avec des accents superbement bourguignons. Tout en ce vin est subtil et fin. Il est ensorceleur.

Les gnocchis sont d’un goût virevoltant. Le plat interpelle et on l’adore. Le Champagne Réserve Familiale Blanc de Blancs Pierre Péters 1969 est magnifique, d’une grande personnalité et incisif et dompte les gnocchis pour un accord enthousiasmant. Accord subtil et grand champagne.

Le dessert à la fine meringue est frais et enjoué. Il est accompagné d’un alcool surprenant, une liqueur d’abricots, L’Abricot du Roulot. Et l’accord se trouve très bien avec la salade de fruits et légumes mais aussi avec la vanille.

J’avais apporté dans ma musette un Muscat Mas d’Eu mis en bouteille en 1889. J’ai fait préparer au bar une vingtaine de verres de ce muscat, afin qu’il soit bu par ma table bien sûr, mais aussi par tous les vignerons présents et par tous les chefs. Tous ceux avec qui j’ai parlé de ce muscat sont surpris de sa force, de sa puissance et de la richesse de ses évocations. C’est un muscat qui rappelle pour certains de très vieux madères. Ce vin a une longueur infinie. J’ai fait des heureux, ce qui était l’objet de mon apport.

Après le repas, les vins ont coulé à flot car les vignerons avaient apporté de très nombreuses bouteilles à partager. J’ai discuté avec quelques convives et je me suis éclipsé alors que d’autres convives insatiables ont continué à boire et à deviser jusque tard dans la nuit.

Que dire de cet événement unique à plus d’un titre ? Il faut tout d’abord signaler la générosité de ce groupe de vignerons, la générosité de Jean-Marc Roulot et de la charmante piémontaise Maria Teresa Mascarello. Ensuite la visible complicité entre des chefs talentueux, heureux de se trouver ensemble pour créer des plats formant un repas inoubliable. Ensuite encore le caractère cosmopolite de cette assemblée d’amis ou partenaires de vignerons. Ensuite encore l’implication de tout le personnel de cuisine et de service, car d’un part l’immense cuisine d’Arnaud Lallement, envahie par cinq chefs et leurs adjoints, ce n’est plus une ruche, c’est une manif ! et un service de 62 personnes lorsque les cuissons sont faites à la seconde près, cela implique un personnel de service surnuméraire pour que chacun profite de la cuisson parfaite des plats au même moment.

De tels événements font honneur à la gastronomie française. Tout fut amitié, complicité et talent. Vive la Saint-Vincent de ces chaleureux vignerons.


la dégustation des rosés de Pierre Péters

les vignerons et les chefs présentent le programme du dîner

mon apport

belle photo des chefs

Déjeuner au restaurant Pages avec des vins inhabituels, dont deux centenaires dimanche, 19 janvier 2020

Philippe, un ami de l’académie des vins anciens, n’avait pas pu venir à la dernière séance de l’académie et comme Romain il y a quelques semaines, il a souhaité que nous déjeunions ensemble. Comme avec Romain, on peut envisager d’ouvrir des bouteilles non conventionnelles.

Philippe a annoncé un Château Le Jura Saint-Emilion 1913 et je sais qu’il apportera beaucoup d’autres vins. Je choisis en cave une bouteille étrange, sans étiquette ni capsule, certainement du 19ème siècle, dont la couleur vue à travers le verre assez opaque semble rose, pouvant indiquer un vin blanc ou un liquoreux, mais plutôt un blanc quand on agite un peu le vin, car il paraît plus fluide qu’un liquoreux.

Je choisis ensuite une bouteille sans étiquette, au très beau niveau, dont la capsule indique clairement Jacques Bouchard & Cie. Tout indique que la bouteille est des années 40 ou plus vieux. La couleur m’indique que ce vin doit être grand. Le troisième vin que j’ajoute est un Loupiac, Château Pageot 1943.

J’arrive le premier au restaurant Pages et sachant qu’il y aura surnombre de vins, j’ouvre celle qui me paraît avoir les plus belles chances, le Bourgogne Jacques Bouchard. Le bouchon vient classiquement et tout laisse penser à un vin des années 40. Le nez est superbe.

Philippe arrive avec une valise comportant une dizaine de vins. Ce n’est pas raisonnable. Nous choisissons sur ses conseils, une demi-bouteille de Graves Supérieures blanc 1919, le Château Le Jura 1913 bien sûr, et une bouteille que Philippe suggère d’un Tursan, vin blanc du sud-ouest des années 50. Cela fait un programme raisonnable. Le fait que Matthieu, sommelier du Pages connaisse ce vin m’impressionne, car je n’en ai jamais entendu parler.

Je mets un temps infini à ouvrir le vin de 1913 qui résiste à toutes les tentatives. La raison est simple, il y a une très forte surépaisseur dans le goulot qui empêche de lever. Il faut cureter, briser le bouchon en mille morceaux. Le parfum du vin me plait. Le vin devrait être bon.

Le bouchon du Graves 1919 vient facilement et entier. Le nez est très engageant et on peut supposer que le vin n’est pas sec, mais que la douceur est très atténuée. Le Tursan n’a pas d’étiquette, sa couleur à travers le verre est d’un citron légèrement ambré mais à peine. Le bouchon vient en se brisant. Le nez est très neutre.

J’avais conçu avec Ken, le chef du Pages sous l’autorité du chef Teshi, le menu du déjeuner sans savoir exactement le programme des vins. Il n’est pas nécessaire de le changer. Ce sera :  »Otsumami » velouté de céleri-rave, amandes / tartare de bœuf et anchois / tartelette au sablé parmesan et panais // carpaccio de bar de ligne de Noirmoutier, coques d’Utah Beach / Ormeau sur un risotto de riz gluant / cabillaud confit, sauce au Nuits Saint-Georges Cave de la Reine Pédauque 1949 / pigeon de Vendée, raisins, jus de volaille réduit / dégustation de bœuf, Normande 5 semaines, Charolaise 9 semaines, Wagyu Ozaki 5 semaines / meringue tropicale / galettes des rois de Yuki.

Le Graves Supérieures 1919 est d’une bouteille qui est plutôt de 50 cl que de 37,5. Il n’y a aucune indication de vigneron ou de négoce. Ce doit être une étiquette passepartout de caviste, très jolie. Le vin est d’une belle couleur claire. Le nez est très droit et franc. En bouche le vin est très agréable, doucereux peut-être mais qui est devenu sec. Il est gastronomique et se plait bien avec les amuse-bouche dont le beau tartare à l’anchois discret mais incisif. Une telle vivacité pour un vin de cent ans en petit format est la preuve de la solidité des vins.

Le Tursan blanc années 50 vient de la cave coopérative de Tursan, mais le centre de la capsule comporte la mention ‘Beaune’. Le vin est très sec, trop sec et trop simple. Il peut se boire, mais sans dégager d’émotion. Nous avons suffisamment de vins et nous pouvons nous consacrer aux autres.

Le carpaccio de bar est superbe et les coques sont extrêmement puissantes. On pourrait en mettre un peu moins. Le 1919 convient parfaitement à ce plat. Pour l’ormeau absolument parfait, le bordeaux, Château Le Jura Saint-Emilion 1913, est idéal. Il trouve sur ce plat une belle énergie. La couleur du vin ne porte aucun signe d’âge. Il a tout d’un saint-émilion fait de truffe et de charbon. Il se comporte beaucoup mieux que ce qu’on pouvait attendre de 1913 qui ne fait pas partie des grandes années. Il est velouté et séduisant, confortable et à la longueur infinie.

Le pigeon est délicieux et peut cohabiter avec les deux rouges, le saint-émilion et le Bourgogne Jacques Bouchard & Cie années 40. Le vin a lui aussi une couleur sang de pigeon, sans signe d’âge. Son nez est riche et noble, très complexe. En bouche, il a tout d’un grand cru tant il combine puissance et des complexités rares. La première idée qui me vient spontanément est Echézeaux. Il en a la grandeur. Mais si l’on me disait que c’est un Musigny, je ne contredirais pas. En tout cas, il est de la Côte des Nuits. Il est d’un équilibre rare, d’une grande pureté sans défaut et d’une belle longueur. C’est le prototype des vins réussis des années 40, peut-être 1943 ou 1945 (?).

Il a l’énergie suffisante pour accompagner les trois bœufs goûteux et intenses, tous de belle personnalité, le Wagyu beaucoup plus gras et de belle tenue.

Le prédessert est d’une rare fraîcheur. Il est magnifique. Lorsque j’ai échafaudé le menu avec toute l’équipe, on m’a largement forcé la main pour que je demande la galette des rois pour deux, car c’est le dessert fait par la charmante et talentueuse pâtissière Yuki, au très beau design, qui s’impose. On ne refuse pas. La fève est un éléphant bleu. Elle est comme par hasard arrivée dans ma moitié de galette. Le Graves Supérieures 1919 s’est très bien comporté avec le beau dessert. J’ai refusé de porter la couronne prévue pour les rois. C’est mon côté sans-culotte.

Le classement n’est pas difficile à faire : 1 – Bourgogne Jacques Bouchard années 40, 2 – Graves Supérieures 1919, 3 – Château Le Jura 1913, 4 – Tursan blanc années 50. Les trois premiers se sont comportés remarquablement.

La cuisine du restaurant est parfaite. Je n’ai pas osé prendre les grains de raisins qui accompagnaient le pigeon pour préserver la continuité gustative de la chair exquise avec le vin de 106 ans.

C’est agréable de déjeuner avec un amoureux des vins anciens, car on peut oser choisir des bouteilles à risque et s’apercevoir de la capacité de vins qui ont plus de cent ans de se montrer fringants. Le vin est beaucoup plus solide dans le temps que ce qui se dit depuis des décennies, bien loin de la réalité. Comme nous avons bu trois bouteilles de Philippe pour une de ma part, je lui ai offert le Loupiac 1943 que bien sûr nous boirons ensemble.

Voilà un beau déjeuner.


les vins que j’avais préparés

les galettes des rois de Yuki et celle avec la fève

Dîner à la Manufacture Kaviari avec le chef Samuel Lee Sum du Shangri-La Paris dimanche, 19 janvier 2020

Régulièrement, la Manufacture Kaviari reçoit des chefs qui viennent réaliser un dîner où évidemment les caviars Kaviari jouent un rôle. Ce soir, ce sera Samuel Lee Sum, le chef du restaurant Shang Palace de l’hôtel Shangri-La à Paris qui sera aux fourneaux.

Je suis venu avec ma fille aînée qui découvre la jolie décoration du lieu. Avant le repas, on peut déguster trois caviars dans la salle de dégustation réfrigérée de la Manufacture. Le caviar Transmontanus est d’un gris presque noir. Il est intense mais un peu trop salé pour mon goût. Le caviar Osciètre est celui que je prends généralement. Il est d’un gris plus clair et me semble d’un très bel équilibre. Le caviar Kristal est d’une couleur rousse. Il est extrêmement typé et beaucoup de ceux qui dégustent avec nous préfèrent ce caviar, mais si son attaque est belle, je le trouve un peu court alors que l’osciètre maintient sa vibration pendant plus longtemps.

On peut se désaltérer avec le Champagne Billecart-Salmon Brut sans année qui est d’un bel équilibre et joue parfaitement son rôle. Avec le caviar il joue sur du velours.

Nous passons à table et nous retrouvons des habitués de ces dîners. Le chef apporte au centre de la table une grande assiette où, sur les légumes rangés en fines lamelles reposent des poissons crus. Il nous demande de prendre nos baguettes et de soulever chairs et végétaux en l’air et de les laisser retomber pour que tous ces éléments se mélangent. C’est, je le suppose, une coutume de bienvenue. Le chef reprend le plat mélangé et va préparer les assiettes pour chacun.

Nous nous asseyons et le dîner commence. Le menu est ainsi rédigé : mises en bouche du chef / sashimi du chef et caviar Kristal / œuf onctueux, langoustines et caviar Kristal / bouchées de porc et crevettes, bouchées aux crevettes, bouchée Saint-Jacques et calamar, bouchées de porc, crevettes et betterave / rouleaux de chou chinois avec poulpe et boutargue / homard bleu, riz fermenté à la sichuanaise / nouilles de riz, émincé de porc, champignons et caviar pressé / sphère de fruits frais à la crème montée.

L’assiette préparée par nos brassages comprend des légumes extrêmement épicés, qui étouffent complètement le caviar qui leur est associé. C’est dommage, car le caviar est bon et les légumes aussi. Les plats qui vont suivre sont très intéressants, car on entre dans une gamme de saveurs dépaysantes. J’ai vraiment adoré la présentation des quatre bouchées dont les goûts et la couleur associée se répondent. Il y a souvent des saveurs dont la texture rappelle la guimauve. On a l’impression de mâcher des mets tout en douceur. C’est exotique et passionnant.

François, l’homme qui a choisi les vins d’accompagnement, a réussi à trouver des vins qui se sont montrés pertinents sur les plats. Un riesling Bio  »terroir » du domaine Zinck, un Condrieu Invitare Michel Chapoutier, un Chassagne-Montrachet Abbaye de Morgeot Olivier Leflaive 2014, un Chiroubles Maison Trenel. Mais pour la complexité des plats, j’ai préféré suivre tout le repas avec le délicieux champagne qui s’accommode mieux de saveurs qui mêlent le piquant et le doucereux. Dans beaucoup de plats et surtout le pain ou les desserts on trouve des textures et des mâches de chamallow. L’œuf onctueux est inhabituel et très intéressant à découvrir.

Dans une ambiance sympathique et enjouée, cette cuisine m’a donné envie de mieux la connaître. Elle est légère et les quatre bouchées m’ont conquis.

Dîner avec deux Romanée Conti préphylloxériques vendredi, 17 janvier 2020

Mon ami Tomo et moi avons en commun un fournisseur de vins, qui est par ailleurs un grand amateur. Il nous avait proposé à la vente deux Romanée Conti préphylloxériques. J’ai suggéré que nous nous organisions tous les trois pour boire ces deux bouteilles ensemble. Un ami se joint à nous. Nous partagerons ces deux bouteilles à quatre et nous échangeons des mails pour définir les vins complémentaires d’un dîner qui se tiendra au restaurant Michel Rostang.

J’arrive le premier au restaurant pour ouvrir les vins qui ont déjà été livrés au restaurant. Tomo n’étant pas encore là je commence à ouvrir la bouteille de Chambolle-Musigny Amoureuses Domaine G. Roumier 1976. La capsule est percée en son milieu et le bouchon a baissé de deux centimètres dans le goulot. Je prends mes outils en main, j’ouvre la trousse et, oh stupeur, ce n’est pas celle que j’utilise d’habitude mais une autre de la même couleur qui contient divers outils. Il y a de quoi faire, mais ce ne sont pas les outils habituels. Et comme si un ange gardien veillait sur moi, ce sont ces outils qui vont se révéler les plus adaptés pour soulever un bouchon très abaissé. Le haut du bouchon paraît solide comme un roc mais il s’est rétréci. Je prends une mèche fine dont le pas est au moins deux fois plus long que celui d’un tirebouchon normal. C’est comme si l’on avait pris un tirebouchon et qu’on l’ait étiré à l’extrême. Par le petit espace que me laisse le haut de bouchon rétréci, je peux piquer la fine mèche. Mais il faut la remonter et je n’ai aucune prise. Or il y a dans cette trousse une fourchette qui n’a que deux dents et dont les deux dents sont très rapprochées. Je peux faire levier sur le goulot avec cette fourchette pour que la mèche remonte avec le bouchon. Mais cette opération a des limites aussi il faut maintenant piquer un tirebouchon classique pour tenter la remontée. Les deux outils se gênent, la mèche et le tirebouchon. Il me faudra plus de dix minutes pour que le bouchon soit sorti.

L’odeur du vin est jolie et fruitée, mais quelques secondes plus tard je sens que le vin pourrait surir. Il est opportun de mettre un bouchon neutre sur la bouteille pour éviter toute dégradation du vin.

J’ouvre ensuite le Clos Haut-Peyraguey Sauternes 1947. Le bouchon se brise en de nombreux morceaux mais ne pose aucun problème. Le parfum est noble et précis et annonce un sauternes plutôt sec mais plaisant.

Tomo arrive avec son apport qui est un Meursault-Charmes Paul Roulot-Hervé 1959. Je ne pouvais pas imaginer que le grand-père de Jean-Marc Roulot pût avoir un humour aussi particulier. Que lit-on sur l’étiquette ? Confrérie de la Pochouse avec cette mention : agréé et recommandé par le Grand Conseil de l’ordre de la Confrérie de la Pochouse. On peut supposer que les membres sont d’aimables pochtrons. Et la devise dans l’écusson est :  »J’ons de la Gueule & J’savons nager ». Tout un programme ! On devait bien rigoler avec Paul. L’ouverture est facile car le bouchon vient entier, tout beau et frais. Le nez est très prometteur.

Il est temps maintenant d’ouvrir les deux Romanée-Conti. La 1942 a son étiquette et l’étiquette du millésime qui sont intactes et la cire qui couvre le haut du goulot porte clairement l’indication  »vigne originelle française non reconstituée ». La 1940 n’a plus d’étiquette et plus de cire. Elle est toute nue et l’on peut voir clairement le bouchon à travers le verre, ce qui permet de lire le millésime et l’inscription en plus du nom du vin de  »vigne originelle française non reconstituée ». Aucun doute n’est possible sur l’authenticité de ces deux bouteilles dont nous sommes tous les quatre les copropriétaires. Le niveau de la 1940 comme de la 1942 est d’environ 8 centimètres sous le bouchon. Les bouchons se déchirent et viennent en morceaux mais sans vrai problème. Le nez de la 1940 est magnifique. Celui de la 1942 est prometteur. Il n’y a pas de place pour le doute.

La bouteille que j’ai apportée n’est pas en reste en ce qui concerne l’abondance des écritures. Il s’agit d’un Champagne Jacquesson Perfection 1947. Pourquoi Perfection, je ne le sais pas. Une étiquette en losange dit :  »as originally supplied to Napoleon the Great ». Et pour enfoncer le clou, on dit  »médaille d’or donnée en 1810 par Napoléon à la maison Jacquesson pour la beauté et la richesse de ses caves ». En 1947 le sens du marketing était déjà fort poussé. Elle sera ouverte tout-à-l ‘heure.

Le troisième compère nous rejoint et le quatrième viendra plus tard. Pour tuer le temps, j’ouvre une bouteille dont je n’avais parlé à personne, mais l’idée d’ouvrir une bouteille de vignes préphylloxériques en même temps que les deux Romanée Conti m’avait plu. C’est un Champagne Bollinger Blanc de Noirs Vieilles Vignes Françaises 2000. Le bouchon est évidemment sans histoire. Le liquide a une couleur légèrement ambrée, à peine, et un nez puissant. Le vin est riche, viril car c’est un blanc de noirs conquérant comme un chevalier teutonique. Ce vin se montre nettement supérieur à ce que j’attendais, même si ce que j’attendais était grand. C’est sa richesse et sa puissance de conviction qui me conquièrent.

Pendant que j’officiais pour ouvrir les vins, le chef Nicolas Beaumann est venu me voir pour composer le menu. Comme nous nous connaissons bien il n’a pas fallu longtemps pour se mettre d’accord à la fois sur les plats mais aussi sur les accompagnements. Le menu conçu par Nicolas Beaumann est : la Saint-Jacques et la truffe noire / la sole petit bateau / la volaille de Bresse truffée sauce Périgueux / la côte de veau contisée à la truffe noire / la poire conférence rôtie.

Le fait que pour les deux Romanée Conti le veau soit contisé est un clin d’œil qui ne me laisse pas indifférent. Contiser, c’est glisser sous la peau ou la chair fine des lamelles de truffe comme en un demi-deuil.

Nous sommes maintenant quatre et nous passons à table. On nous sert des tout petits sandwichs à la sardine dont le goût est délicieux et fort et qui tirent du Bollinger des notes merveilleuses. C’est éblouissant.

Baptiste, le sympathique sommelier, connait mes habitudes et me laisse ouvrir le Champagne Jacquesson Perfection 1947. Le bouchon se cisaille et le bas du bouchon vient au tirebouchon. Le vin est nettement plus ambré que le précédent. Le nez est sympathique. Il n’y a pas de bulle, mais le pétillant est bien là. Le champagne est doucereux à l’attaque et le milieu de bouche est plus vif, car le champagne n’est pas trop dosé. Il va gagner en énergie avec les coquilles coupées en strates séparées par des rondelles de truffe. J’adore ce champagne aux myriades d’évocations de fruits rouges, blancs, et de noix. Il est doté d’une belle longueur et ne donne pas de signe d’âge, dans la plénitude de sa maturité.

Sur la délicieuse sole, on sert le Meursault-Charmes Paul Roulot-Hervé 1959. Le nez de ce vin est un tel trésor d’intensité et de volupté que l’on pourrait se contenter de sentir sans boire. Ce nez est renversant. En bouche il est riche d’une minéralité exemplaire car elle est très présente sans brider la générosité du vin de belle longueur. Ce parfum m’a conquis.

Le Chambolle-Musigny Amoureuses Domaine G. Roumier 1976 va diviser la table en deux, ceux qui comme moi acceptent avec joie le message d’un vin joyeux au beau fruit rouge, sans grande complexité mais très droit et ceux qui trouvent le vin un peu dévié. Je l’ai reçu tel qu’il se présente, franc et bien dans son appellation. Il faut dire que le temps passant, l’envie de passer aux deux vedettes de la soirée se faisait de plus en plus forte et me rendait plus tolérant. La volaille est absolument délicieuse et faite pour mettre en valeur tous les vins.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1940 est servie en même temps que la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1942. La 1940 a une couleur un peu terreuse, alors que la 1942 a une couleur d’un rouge plus vif et plutôt plus foncé que les couleurs des Romanée Conti. Ce qui est amusant est qu’il va y avoir deux clans opposés pour ces deux vins. Tomo et moi sommes subjugués par la 1940 qui a l’âme de la Romanée Conti avec cette présence si nette de sel et cette absence de concession. Ce vin est terrien comme sa couleur, et dégage une impression d’ascèse. C’est un moine cistercien dans sa longue robe de bure dont il a la couleur. De l’autre côté, nos amis sont sensibles à la richesse fruitée du vin de 1942, à son opulence et sa largeur. Le vin est glorieux, mais si je n’avais pas la certitude de l’authenticité de la bouteille que j’ai ouverte, je me demanderais si le vin n’est pas trop ample pour une Romanée Conti. C’est curieux qu’il y ait deux camps aussi nettement opposés. Le veau avec une sauce riche et une abondance de truffes est parfaitement adapté à la force préphylloxérique des deux vins. La deuxième partie de la bouteille de 1942 va être une illumination pour moi. Car dans sa deuxième moitié, a priori la plus dense, la 1942 devient miraculeusement la Romanée Conti que j’attendais. Le sel imperceptible jusqu’à présent se montre et se renforce et la trace miraculeuse des Romanée-Conti apparaît comme par enchantement. Et la lie sera d’un plaisir sans pareil. Les deux Romanée Conti se retrouvent, mais la 1940, plutôt plus marquée par le poids des ans, est transcendantale. Et nos amis du clan de la 1942 vont nous rejoindre pour convenir que la 1940 est de loin la plus émouvante, avec cette âme qui se fond dans la nôtre.

Si l’on avait besoin de se rassurer de la complexité des deux Romanée Conti, il suffit de prendre une goutte du Chambolle-Musigny pour mesurer à quel point un monde les sépare. La rencontre avec la 1940 fait entrer dans le paradis de la Romanée Conti, où les vins sont de recueillement. Nous sommes conscients que nous vivons un moment unique. Je suis content que la 1942 ait fini par délivrer ce que j’espérais. Les lies des deux vins sont une entrée au paradis. Les Romanée Conti préphylloxériques racontent une histoire qui ne se reproduira plus jamais.

Le roquefort n’est pas le meilleur ami des sauternes, mais celui-ci a suffisamment de délicatesse pour accompagner le Clos Haut-Peyraguey 1947 à la couleur incroyablement sombre. Le nez est celui d’un sauternes qui a mangé son sucre et la bouche est raffinée et d’une puissance que l’on n’attendrait pas de ce vin. Il n’a pas la largeur des plus grands mais il est très incisif et poivré, riche et tout en longueur.

La poire est un dessert parfait pour ce beau sauternes.

Nous avons fait goûter quelques vins à Baptiste et au chef. Le service est toujours aussi attentionné, la truffe fut abondamment coupée en lamelles au-dessus de nos assiettes et Baptiste a officié – quand je l’ai laissé faire – avec tact et bienveillance.

La pertinence des plats m’a impressionné. Les goûts d’une pureté extrême m’ont laissé penser que l’on est dans la zone qui flirte avec les trois étoiles. Tout est réuni pour qu’il en soit ainsi.

Nous votons pour les sept vins du repas et sans la moindre surprise c’est la Romanée Conti 1940 qui est nommée première par nous quatre. La Romanée Conti 1942 est nommée deuxième par mes trois compères et troisième pour moi car je mets le Meursault en second. Ledit Meursault est troisième pour eux trois. Nous différons pour le quatrième vin. Celui qui a apporté le Roumier 76 vote pour lui. Tomo vote pour le Bollinger VVF 2000, et nous sommes deux à mettre en quatrième le Jacquesson 1947.

Des soirées émouvantes comme celles-ci sont des cadeaux du ciel et un cadeau aussi de ceux qui ont réussi ces beaux vins.

le chiffre 1940 est visible à travers le verre, avec l’inscription Vignes originelles françaises non reconstituées

la cire de la Romanée Conti 1942 porte aussi la mention de vignes originelles françaises non reconstituées

le Meursault n’est pas sur cette photo de groupe. L’ordre sur la photo : Jacquesson 1947, Chambolle Musigny Roumier, Romanée Conti 1942, 1940 et le sauternes.

couleurs du Bollinger, du Jacquesson et de la Romanée Conti 1942

Bulletins du 2ème semestre 2019, de 837 à 857 lundi, 6 janvier 2020

Cliquez sur le bulletin de votre choix ci-dessous :

(bulletin WD N° 857 191231)   Le bulletin n° 857 raconte : au Grand Tasting un atelier gourmand, une Master Class du Château Grand Corbin-Despagne, des visites aux stands, la Master Class de prestige « Le Génie du Vin », une Master Class consacrée aux champagnes Charles Heidsieck et d’autres visites aux stands.

(bulletin WD N° 856 191226)   Le bulletin n° 856 raconte : dîner de gala de l’Académie du Vin de France au restaurant Laurent, 33ème séance de l’académie des vins anciens au restaurant Macéo et au Grand Tasting de Bettane et Desseauve, Master Class consacrée au vin Penfolds Grange.

(bulletin WD N° 855 191217)   Le bulletin n° 855 raconte : dégustation verticale extensive des champagnes Legras & Haas au siège de cette maison de champagne et dîner au restaurant Le Millénaire à Reims à l’invitation de Jérôme Legras.

(bulletin WD N° 854 191210)   Le bulletin n° 854 raconte : au siège de la maison Bouchard Père & Fils, dégustation de nombreux vins de 2018 et dîner au château de Beaune avec des vins magistraux.

(bulletin WD N° 853 191203)   Le bulletin n° 853 raconte : déjeuner avec ma fille, soixantième anniversaire du domaine Méo-Camuzet au château du Clos de Vougeot, retour sur un merveilleux riesling, déjeuner de conscrits au siège du Yacht Club de France.

(bulletin WD N° 852 WD 191126)   Le bulletin n° 852 raconte : dîner à la Manufacture des caviars Kaviari, sur la cuisine du chef étoilé Christophe Moret, 19ème dîner des amis de Bipin Desai, dîner de vignerons, au restaurant Laurent, 239ème dîner.

(bulletin WD N° 851 191119)   Le bulletin n° 851 raconte : dîner au restaurant David Toutain, déjeuner à La Londe-Les-Maures au restaurant Cédric Gola et déjeuner au restaurant Pages, avec des accords extrêmes.

(bulletin WD N° 850 191105)   Le bulletin n° 850 raconte : déjeuner au restaurant Saint-Germain de l’hôtel Lutetia, déjeuner dans ma cave avec un Tokaji vers 1840 et un Madère vers 1740 qui est probablement le plus grand vin de ma vie, dîner chez des amis et déjeuner au restaurant Laurent.

(bulletin WD N° 849 191029)   Le bulletin n° 849 raconte : déjeuner au restaurant Le Petit Sommelier, déjeuner au restaurant Chiberta, apéritif aux Caves Legrand, nouveau déjeuner de conscrits au restaurant Le Petit Sommelier.

(bulletin WD N° 848 191022)   Le bulletin n° 848 raconte : nouveau déjeuner au restaurant Le Train Bleu, apéritif brunch, déjeuner de conscrits au Yacht Club de France, accident d’un Yquem 1967, déjeuner au restaurant L’Ecu de France et déjeuner de famille avec un beau champagne.

(bulletin WD N° 847 191015)   Le bulletin n° 847 raconte : dîner de famille avec des vins inhabituels, déjeuner au restaurant Pages avec une sauce irréellement parfaite, dîner de famille, colloque sur l’avenir du vin en relation avec l’hôtellerie et la restauration et déjeuner de presse au restaurant Marsan d’Hélène Darroze en l’honneur d’un vignoble du Rhône.

(bulletin WD N° 846 191008)   Le bulletin n° 846 raconte : déjeuner de presse à la manufacture des caviars Kaviari, dîner au restaurant Le Train Bleu, dîner de famille, déjeuner à l’Auberge du Bonheur, déjeuner à la brasserie La Rotonde, dîner avec mon fils avec des vins atypiques.

(bulletin WD N° 845 191001)   Le bulletin n° 845 raconte : plusieurs repas lors du séjour d’une amie américaine dans le sud, réception chez des amis, déjeuner au restaurant Laurent et dîner au restaurant la Vague d’Or à Saint-Tropez (Cheval Blanc), à quatre mains avec Arnaud Donckele et Arnaud Lallement.

(bulletin WD N° 844 190924)   Le bulletin n° 844 raconte : déjeuner puis dîner de ‘gala’ à la maison, pour les festivités du 15 août, déjeuners et dîners avec une américaine fidèle de mes dîners et bien sûr de grands vins.

(bulletin WD N° 843 190917)   Le bulletin n° 843 raconte : nouveau déjeuner au restaurant L’Hemingway à La Londe des Maures, dîners avec mes enfants, apéritif de préparation des dîners du 15 août, déjeuner de 15 août chez des amis, dîner au Cheval Blanc Saint-Tropez, d’Arnaud Donckele.

(bulletin WD N° 842 190910)   Le bulletin n° 842 raconte : présentation officielle du Champagne Salon 2008 et déjeuner au siège des champagnes Salon et Delamotte, déjeuner et dîner avec mon fils et des amis, déjeuner au restaurant l’Hemingway à la Londe des Maures, dîner à la Vague d’Or de Saint-Tropez dont le nouveau nom est « Cheval Blanc Saint-Tropez ».

(bulletin WD N° 841 190903)   Le bulletin n° 841 raconte : le 238ème dîner de wine-dinners au restaurant Garance, dîner dans le sud avec une femme chef à Tahiti, déjeuner avec des amis parisiens et dîner avec des amis régionaux dans notre maison du sud.

(bulletin WD N° 840 190827)   Le bulletin n° 840 raconte : Déjeuner de conscrits au Yacht Club de France, dîner au restaurant Michel Rostang avec une magique et sublime Romanée-Conti, dîner avec mon fils.

(bulletin WD N° 839 190820)   Le bulletin n° 839 raconte : déjeuner au restaurant Penati Al Baretto sur le thème de la Sardaigne, dîner avec mon fils et des vins d’âge canonique, dîner d’amis au restaurant Le Gaigne.

(bulletin WD N° 838 190709)   Le bulletin n° 838 raconte : deuxième dîner à l’Auberge du Vieux Puits de Gilles Goujon, déjeuner avec des amis polytechniciens de ma promotion et déjeuner au restaurant l’Escudella.

(bulletin WD N° 837 190702)   Le bulletin n° 837 raconte : déjeuner à Narbonne à La Table Saint-Crescent, restaurant une étoile, dîner à l’Auberge du Vieux Puits à Fontjoncouse, où Gilles Goujon a trois étoiles et cassoulet au petit-déjeuner !

Livre sur Gevrey-Chambertin vendredi, 3 janvier 2020

Jacky Rigaux et Christian Bon publient aux éditions Terres en Vues le livre « Gevrey Chambertin, joyau des climats de Bourgogne« .

Jacky est connu pour ses travaux sur la dégustation du vin mais aussi pour son amitié avec Henri Jayer qui a donné lieu à des récits passionnants.

C’est un livre qu’il faut lire pour comprendre encore mieux la fascinante Bourgogne, décrite par un passionné érudit.

Souscription :SOUSCRIPTIONS PUBLIC (1) livre de Jacky Rigaux

Dîner de la Saint-Sylvestre 2019 mercredi, 1 janvier 2020

A quatre heures de l’après-midi, j’ouvre les vins du dîner de la Saint-Sylvestre. Le bouchon du Montrachet 1997 paraissait sain, mais le bas se brise en mille morceaux d’un liège léger et des petits morceaux restent dans le liquide, car je n’ai pas dans le sud des outils aussi performants qu’à Paris. Le Pape Clément 1982 d’un ami, au niveau entre mi-épaule et basse épaule n’est pas très glamour, mais l’oxygénation lente devrait le reconstituer. Tellement confiant en le Richebourg 1988 je n’ai pas senti le nez de bouchon que je découvrirai à table. Les autres vins s’ouvrent sans histoire.

Pendant l’après-midi la cuisine bruisse de préparations plus sophistiquées les unes que les autres dans la recherche de leur simplicité. A 20 heures précises notre groupe de huit est formé.

L’apéritif commence par des petites tranches de foie gras mi- cuit posées sur du pain aux céréales qui accompagnent le Champagne Lanson Red Label 1964 qui se présente dans la belle bouteille en forme de quille. Le bouchon est venu en deux morceaux car la torsion l’a cisaillé. Le champagne est d’un bel or acajou clair, la bulle est active. Ce champagne est une explosion de fruits exotiques. Il projette ses complexités comme en un feu d’artifice. C’est un champagne joyeux, dynamique et impressionnant par son fruit généreux et ces complexités innombrables. Une poutargue bien grasse n’apporte pas la continuité gustative qu’offre le foie gras.

L’ami qui a apporté le Champagne Exquise de Jacques Selosse souhaitait que son champagne apparaisse en second alors que l’inverse eût été préférable, car ce très joli champagne dégorgé en avril 2011 et dosé à 20 grammes, ce qui en fait un champagne presque doux, s’il apporte du plaisir, n’a pas les complexités du Lanson. Il est associé à des tranches de boudin blanc à la truffe et c’est un véritable régal. Ce qui est curieux, c’est que ce champagne encore jeune a une couleur ambrée très proche de celle du Lanson, montrant une évolution qu’il ne devrait pas avoir tant il est jeune. Son goût est agréable et inhabituel du fait de son dosage. Nous l’avons aimé.

Selon la tradition j’ai préparé des charades introuvables pour que chacun essaie de repérer sa place autour de la table. C’est l’occasion de rires. J’avais pressenti que les deux champagnes ne seraient plus en piste à la fin de l’apéritif, aussi pour le premier plat au caviar, je vais vite ouvrir un Champagne Salon 1997. Il est d’une couleur très claire. Le nez est superbe et la bulle active. Ce champagne depuis quelque temps est dans un état de grâce absolu. Il est d’une vivacité extrême, tranchant mais aussi très noble. Sur chaque assiette il y a neuf tranches de coquilles Saint-Jacques crues surmontées de caviar osciètre prestige Kaviari et un petit monticule de caviar à manger seul. Qu’y a-t-il de plus grand que l’accord du sucré de la coquille avec le salé du caviar ? Cet accord est divin et le champagne est idéal pour sceller cette union. Le caviar seul est évidemment plus salin et excite le palais. Le Salon 1997 s’adapte et montre sa grandeur. Il a révélé toutes les nuances iodées du plat.

Le plat suivant est de coquilles Saint-Jacques juste poêlées qui accompagnent un Montrachet Louis Jadot 1997. Le vin est servi beaucoup trop froid aussi nous aurons du mal à en profiter pleinement. Le vin s’épanouira quand même un peu et montrera qu’il a la fierté des montrachets. C’est un vin riche et complexe, solaire, formant un accord naturel avec les délicieuses coquilles, cuites à la perfection, à la seconde près.

Pour les suprêmes de pigeon, j’ai prévu deux vins. Le Château Pape Clément 1982 est d’une densité extrême. Il est truffe, il est charbon, avec une structure forte. Il se boit bien et l’accord se trouve, de bonne mâche.

Le Richebourg Anne Gros 1988 hélas est bouchonné. On cherche à lire entre les lignes et à retrouver l’âme de ce richebourg raffiné, mais quelle que soit notre ouverture d’esprit, le fait est là, le goût de bouchon tue le plaisir. La chair des pigeons est magnifique et la cuisson parfaite. Tous les plats jusqu’à présent sont fondés sur la qualité des produits.

Notre ami boucher, partenaire de belles agapes nous avait réservé une belle pièce de bœuf Wagyu qui a été cuite selon ses instructions données au téléphone. La viande est magnifique. Le Vega Sicilia Unico 1969 est d’une couleur très foncée et jeune. Le parfum est intense et lui aussi très jeune. En bouche ce vin est exceptionnel. Il a la vivacité habituelle des Vega Sicilia mais il y ajoute cette cohérence de saveurs que donne l’âge. C’est un vin majestueux. Et l’accord est d’une pertinence absolue, comme si viande et vin étaient fait l’un pour l’autre. Ce vin espagnol est exceptionnel ce que confirmeront les votes. La décennie des années 60 est une des plus glorieuses pour ce vin qu’on appelle parfois « la Romanée Conti d’Espagne ».

Il y a une telle profusion de fromages dont un imposant saint-nectaire apporté par des amis que j’ouvre vite un vin non prévu au programme initial, un Vega Sicilia Unico 2005. Et c’est amusant de pouvoir goûter ces deux vins, le 1969 et le 2005, qui se complètent plus qu’ils ne rivalisent. Le 2005 est un cheval fou de jeunesse, avec cette fraîcheur mentholée dans le finale qui est si caractéristique, mais il sait se montrer respectueux de son aîné beaucoup plus complet et intégré.

Une fois de plus nous vérifions que le Vega Sicilia Unico forme avec un camembert Jort un accord parfait. Avec le saint-nectaire, c’est un bonheur complet.

Le stilton est servi maintenant, seul en piste, pour accueillir le Riesling Famille Hugel Vendanges Tardives, Sélection de Grains Nobles 1976. Une amitié profonde s’était forgée entre le regretté Jean Hugel et moi. Jean me confiait souvent que sa grande fierté était d’avoir réussi les vins de 1976. J’en avais donc acquis sur la foi de ses confidences et le vin que nous buvons est absolument exceptionnel. Il est doux, mais on le sent plutôt sec que doux, il a une acidité merveilleuse, et c’est un immense bouquet de saveurs raffinées. Je suis aux anges et j’ai évidemment une pensée émue pour ce grand vigneron. Le stilton est un des meilleurs que j’aie mangés, avec un gras noble. La combinaison est superbe et l’émotion est grande. La finesse de ce riesling m’a impressionné et mon vote le confirmera.

La mousse au chocolat accompagne (ou est-ce l’inverse ?) un Maury des Vignerons de Maury 1947. Ce vin doux qui titre 16° est d’une fraîcheur rare. Il est riche, mais fluide, et même subtil. L’accord est d’une évidence indiscutable. En le buvant, on a un goût de chocolat qui appelle le dessert.

Ce dîner ayant été organisé comme l’un de mes dîners de wine-dinners, nous votons pour les quatre meilleurs vins parmi les dix servis. Nous sommes sept à voter. Trois vins ont eu des votes de premier, le Vega 1969 quatre fois, le Riesling Hugel 1976 deux fois et le Vega 2005 une fois.

Le vote du consensus serait : 1 – Vega Sicilia Unico 1969, 2 – Riesling Hugel Sélection de Grains Nobles 1976, 3 – Vega Sicilia Unico 2005, 4 – Champagne Lanson 1964, 5 – Champagne Exquise Jacques Selosse.

Mon vote est : 1 – Riesling Hugel Sélection de Grains Nobles 1976, 2 – Champagne Lanson 1964, 3 – Vega Sicilia Unico 1969, 4 – Maury 1947.

La cuisine fondée essentiellement sur le produit majeur du plat est idéale pour les vins. Caviar, coquilles, pigeons, Wagyu, saint-nectaire, stilton, mis en valeur par eux-mêmes ou par la préparation et la cuisson ont été de la plus belle qualité. Le plat qui m’a le plus ému par sa délicatesse est celui des coquilles juste poêlées. Tout a été réuni pour que nous entrions dans une nouvelle année et une nouvelle décennie dans une atmosphère chaleureuse, amicale, de belle gastronomie.