Déjeuner avec des amateurs belges mardi, 14 novembre 2023

Il y a plusieurs mois, j’avais déjeuné avec deux jeunes belges amateurs de vins qui avaient proposé de partager de belles bouteilles. L’ambiance amicale de ce déjeuner a donné envie de « remettre le couvert ». Les amis belges sont passés de deux à quatre et le déjeuner se tiendra au restaurant Pages. Il était convenu de se retrouver à 11 heures pour l’ouverture des vins, mais comme je suis arrivé plus tôt, j’ai eu le temps d’ouvrir le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1969.

Le niveau est un peu bas, la capsule est intacte et en enfonçant le tirebouchon, je sens que le bouchon est très serré. Une fois de plus je constate qu’un bouchon très serré ne signifie pas étanchéité. Des bouteilles perdent souvent plus de volume avec des bouchons très serrés qu’avec des bouchons peu serrés ou qui menacent de tomber dans le liquide.

Le bouchon est dur comme du bois sec et sur 80% de la longueur on le voit sec et portant des signes de moisissure, mais heureusement le bas du bouchon est de belle qualité. Et je suis aux anges en sentant ce breuvage qui me semble divin. Mes amis auront le même sourire en le sentant.

Je poursuis avec les vins des amis belges. Le Château Grillet 1979 a un nez de bouchon. Nous verrons. Tous les bouchons viennent entiers et sans problème. Le parfum du Château Lafite 1954 est enthousiasmant et plus riche que ce que j’attendrais de cette année et le parfum de l’Ausone 1937 est glorieux. Celui du Clos de Tart 1953 est beaucoup plus discret et on attendra son éveil.

Je croyais le Château Lafue 1928 reconditionné, un Sainte-Croix du Mont, mais non. Il est étonnamment clairet et annonce un liquoreux devenant sec.

Nous sommes très heureux qu’à part le Grillet, tous les vins n’offrent que de belles promesses. J’ouvre alors le Krug Private Cuvée années 60 au niveau très haut. Le bouchon est d’une qualité exceptionnelle et le nez n’annonce que du bonheur.

Il me semble que l’on devrait commencer par un champagne « de début » avant ‘d’attaquer’ le Krug, afin de se faire le palais. Pierre-Alexandre nous vante les mérites d’un Champagne Marteaux Guillaume Cuvée Esprit Terroir 2016 dégorgé en 2022 fait des trois cépages, non dosé. Il a raison de l’avoir recommandé car ce champagne n’a pas la dureté des non dosés et se montre même joliment gastronomique. Une belle surprise.

J’avais mis au point le menu avec le chef Ken qui sera : mini-barquette de tartare de bœuf et verdure / poisson cru à l’huile / raviole de homard / cabillaud sauce au vin / canard de Challans et endives / wagyu en deux services et gaufres / tarte Tatin.

Le Champagne Krug Private Cuvée années 60 est d’une rare noblesse. Tout en lui est parfait, au goût idéal. J’avais acheté un lot de ce champagne qui se montre chaque fois idéal. Avec le poisson cru, l’accord est magique.

Le Château Grillet 1979 est marqué par un nez de bouchon, mais le milieu de bouche est absolument sain, sans trace de bouchon, qui ne réapparaît que dans le finale. Je me concentre sur le goût du milieu de bouche et le vin me plait beaucoup, très adapté à la raviole de homard. Il est à noter que le nez de bouchon aura complètement disparu environ trente minutes plus tard.

Le Château Lafite-Rothschild 1954 a un parfum irréellement séduisant. Il est raffiné. En bouche je retrouve les marqueurs de Lafite, le charbon comestible et la truffe. Sa densité me surprend car je n’attendrais pas une telle richesse pour un 1954. Avec le cabillaud, l’accord est divin.

Il y a bien longtemps, j’avais profité des ‘reliques’ de cave du restaurant Laurent comptant beaucoup de bordeaux de 1937. Les prix étaient bas car les risques étaient grands. J’ai donc gardé de 1937 l’image d’un millésime incertain, alors que c’est probablement la cave du Laurent qui ne permettait pas un vieillissement de longue durée. J’appréhendais le Château Ausone 1937 avec précaution mais le nez à l’ouverture m’avait rassuré. Servi maintenant, c’est un empereur, c’est César toisant Vercingétorix. Le canard est un compagnon idéal de ce riche et grandiose saint-émilion.

Un des amis demande lequel nous préférons des deux bordeaux et nous sommes tous du même avis : même si l’Ausone est un puissant guerrier, notre cœur balance du côté du subtil et émouvant Lafite.

Le Clos de Tart 1953 pourrait être jugé plaisant, mais je ne reconnais aucune caractéristique d’un Clos de Tart. C’est un bon bourgogne mais qui n’a pas la prestance que devrait avoir ce vin si subtil et rare. Le wagyu l’aide bien mais le cœur n’y est pas.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1969 est une merveille dans un état parfait. Il a les marqueurs des vins de la Romanée Conti, la rose et le sel, riches à l’extrême. J’entre en pamoison. Pour mon goût, ce vin est la perfection de la Romanée Conti. Et le wagyu apporte du gras qui fait éclore la rose.

Le Château Lafue Sainte-Croix du Mont 1928 m’avait surpris par sa couleur très claire annonçant sans doute un liquoreux devenu sec. Il montre en fait un très bel équilibre au doucereux délicat. Combien d’amateurs connaisseurs de vins ne diraient pas Sauternes en buvant ce Lafue à l’aveugle ? Le plaisir de ces appellations de vins doux du bordelais est total. La tarte Tatin revisitée par le chef pâtissier est superbe et met en valeur le liquoreux.

La cuisine du chef Ken a été absolument pertinente et a ébloui mes nouveaux amis, les plus originaux des accords étant avec le poisson cru et avec le cabillaud. Mais le canard avec l’Ausone et le wagyu avec le Richebourg ont été des accords puissants.

Il est temps de voter. Je pensais que le Richebourg serait le gagnant, mais la subtilité délicate du Lafite a impressionné mes convives qui lui ont donné trois places de premier contre deux places pour le Richebourg.

Le vote du consensus est : 1 – Château Lafite-Rothschild 1954, 2 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1969, 3 – Champagne Krug Private Cuvée années 60, 4 – Château Ausone 1937, 5 – Château Lafue Sainte-Croix du Mont 1928, 6 – Clos de Tart 1953.

Mon vote est : 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1969, 2 – Champagne Krug Private Cuvée années 60, 3 – Château Lafite-Rothschild 1954, 4 – Château Ausone 1937, 5 – Château Grillet 1979.

Je suis ravi que mes jeunes amis trouvent normal d’apporter un Ausone 1937 dans un repas partagé. Cela prouve que la reconnaissance des vins anciens a vraiment progressé dans le monde du vin. Et cela m’encourage à continuer à faire la promotion et le partage des vins anciens, si porteurs de plaisirs et de moments mémorables.

Une fois de plus Pages a réalisé un menu idéal pour les vins. La complicité que j’ai avec l’équipe de Pages a eu une récompense. Nous leur faisons goûter les vins du repas, ce qui les fait entrer dans ce monde merveilleux.

Deuxième jour avec mon fils mardi, 7 novembre 2023

Le lendemain, après les agapes de la veille, nous ne ferons qu’un seul repas. Il sera consacré au Wagyu que j’ai acheté en très grande quantité. Pour cela j’ai prévu un Chambolle-Musigny probable Barthod Noëllat 1929 car j’adore ce millésime. Le nom du vigneron n’est pas lisible mais c’est grâce à Instagram que j’ai pu le nommer car quelqu’un a reconnu l’écusson du centre de l’étiquette.

Je l’ouvre vers 13 heures. La bouteille est belle et saine, le bouchon vient dans de bonnes conditions et le parfum promet un grand vin.

Nous commençons avec le Champagne Mumm Cordon Rouge 1937 ouvert la veille et une fois de plus il apparaît que le champagne du lendemain est meilleur que le champagne de la veille. C’est intéressant de voir que ce Mumm est plus large, plus épanoui et plus généreux. On goûte des petits sticks au parmesan et des fromages qui côtoient bien le 1937.

Le repas est essentiellement composé de Wagyu sans aucun accompagnement. Le Chambolle-Musigny probable Barthod Noëllat 1929 est brillantissime. Son parfum est élégant et le vin a une carrure de 1929 serein, fort et élégant. Ce vin, c’est Cary Grant, le symbole absolu de l’élégance. L’accord avec le Wagyu est idéal et le gras de la viande donne une ampleur particulière au vin. Un régal qui me conforte dans l’idée que 1929 est l’année la plus belle du 20ème siècle.

Un époisses trouvera lui aussi le chemin du cœur du Chambolle-Musigny.

J’ouvre pour finir le repas un Champagne Dom Pérignon 1973. J’adore cette année fine et subtile. Ce 1973 est légèrement plus fatigué que ceux qui m’ont ébloui, mais le plaisir est grand. Nous le buvons sur un fromage Jort et aussi sur le Brillat-Savarin jeune et frais.

Il en reste la moitié, que nous envisageons de boire le lendemain.

Mon fils, très occupé dans sa journée ne revient qu’à 23 heures. Il a en main un Mont d’Or que l’on sert à la cuiller. Tous les deux nous avons mangé tout le fromage dont le crémeux a parfaitement convenu au Dom Pérignon, lui aussi meilleur le lendemain.

Faudrait-il ouvrir les champagnes anciens la veille ? Oserai-je le faire ? A suivre.

Ces deux jours avec mon fils ont permis d’ouvrir des vins inhabituels. Juste pour le plaisir voici les dates : 1903 – 1921 – 1927 – 1929 – 1937 – 1957 – 1969 – 1969 – 1973. Quel beau voyage dans le temps.

Dîner du premier jour avec mon fils mardi, 7 novembre 2023

Mon fils est venu de Miami chez moi, nous avons grignoté à l’heure du déjeuner. Il est temps de penser au dîner où ma femme a prévu des pieds de porcs et où j’ai ajouté du Wagyu. Il y aura aussi quelques fromages.

Vers 16 heures j’ouvre une bouteille de Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1927 que j’ai achetée car le niveau bas entraînait un prix attractif. Le vendeur en qui j’ai une grande confiance avait soulevé la capsule et avait pu lire 1927. Quand j’ai voulu vérifier la date, le bouchon était devenu illisible car un peu de moisissure était apparue, sans incidence sur le bas de bouchon.

La bouteille au cul profond rend plausible la période, ainsi que l’étiquette qui était utilisée dans les années 20. J’enlève le bouchon et le parfum est poussiéreux et d’une platitude décourageante. L’espoir d’un retour à la vie est extrêmement faible.

Aussi, à titre de secours, j’ouvre un Clos de Vougeot Château de La Tour Morin Père & Fils 1957. Le niveau est beau et le parfum est très engageant, d’une belle délicatesse.

J’ouvre aussi un Champagne Mumm Cordon Rouge 1937 au magnifique bouchon, au parfum prometteur.

Au moment du dîner nous commençons par le Champagne Mumm Cordon Rouge 1937. La couleur est foncée mais belle et le vin est agréable à boire. L’acidité est bien dosée et du fruit apparaît en fin de bouche. Il montre son âge mais on le boit bien.

La question était de savoir par quel vin commencer. Comme les pieds de porc passent avant le Wagyu, nous commencerons par le Clos de Vougeot Château de La Tour Morin Père & Fils 1957. Son parfum est très expressif et joyeux. Même si le vin manque un peu de corps, il est très agréable à boire avec un goût très franc et précis. Une expression très élégante.

Il est à noter que la sauce des pieds de porc s’entend bien avec le champagne.

C’est sur le Wagyu que va se présenter le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1927. Le parfum est timide, mais acceptable et le goût est discret. Le gras du Wagyu est idéal pour ressusciter ce vin. Progressivement, on voit apparaître des marqueurs des vins du domaine. Il est subtil et complexe. Bien sûr, il est fatigué, mais le gras de la viande le rend beaucoup plus large. C’est de toute façon émouvant de chercher à recevoir le message d’un vin de 96 ans.

Mon fils m’a fait remarquer que les trois vins du dîner étaient de 1937, 1957 et 1927. Une symphonie improvisée en ‘7’.

l’année du Grands Echézeaux est impossible à lire

les deux repas

Premier repas avec mon fils mardi, 7 novembre 2023

Mon fils qui vit à Miami doit passer à Paris pour un sujet particulier et il logera chez moi pendant le week-end. C’est l’occasion rêvée pour ouvrir de grandes bouteilles. Je choisirai quelques vins à risque qui ne trouveraient leur place dans mes dîners, pour des raisons d’aspect ou de niveau dans la bouteille. J’ai acheté une quantité pantagruélique de Wagyu et ma femme a prévu des pieds de porc.

Le vin de réception de mon fils qui sort juste de l’aéroport est de son année de naissance. C’est un Champagne Pol Roger Brut Extra Cuvée de Réserve 1969 en demi-bouteille. La couleur est très claire et le vin a gardé un peu de bulles. Il a une belle longueur, une acidité plaisante et se montre d’un bel équilibre.

Nous buvons maintenant le reste du Champagne Duc de Roucher Extra Dry Cuvée England 1921 que j’avais ouvert il y a deux jours au restaurant Pages. Quelle transformation en deux jours ! Le champagne est beaucoup plus ambré et montre un fruit d’une présence telle qu’il est largement plus plaisant que le Pol Roger et a atteint un niveau que l’on ne trouvait pas il y a deux jours.

Nous n’avions pas prévu de réellement déjeuner mais ma femme apporte un Brillat-Savarin. Je n’avais ouvert aucun vin aussi je descends en cave, prêt à choisir le premier vin qui se présentera. Je vois un Château Mouton Rothschild 1969. Un vin de l’année de mon fils, je ne vais pas le laisser passer.

Ce vin est immédiatement plaisant riche de truffe et de charbon qui lui donne une belle épaisseur. Le vin est grand et équilibré, au-dessus de ce que j’attendrais d’un 1969.

J’avais acheté il y a quelques semaines une bouteille de Fine Normande Maison du Bonhomme Normand 1903. La bouteille est de la forme des bouteilles de bordeaux, avec un verre transparent. C’est le fait que cette fine a 120 ans qui m’a tenté.

Je pensais l’ouvrir pour Noël, mais comme mon fils est là et ne sera pas avec nous à Noël, je m’enhardis et j’ouvre la bouteille.

Je pense alors que j’ai dans l’armoire aux alcools une bouteille de Calvados que j’ai considéré comme le plus grand Calvados que je n’aie jamais bu. Je l’ai ouverte il y a deux ans et elle a apporté son charme à de nombreux repas. L’histoire déjà racontée est amusante : dans ma société qui vend des aciers à toutes les entreprises qui les utilisent, il y a des centaines de camions de livraison. Un chauffeur que je connaissais, c’était en fin des années 70, avait toujours sous son siège deux bouteilles de Calvados, parce que ses parents avaient le privilège de bouilleur de crus. Une bouteille était pour sa consommation personnelle et une autre pour pouvoir faire des cadeaux. Ce qu’il fit à mon égard.

La fraîcheur de ce Calvados est irréelle, alors c’est l’occasion de le confronter à la fine plus que centenaire. La Fine Normande Maison du Bonhomme Normand 1903 a un goût de calvados mais beaucoup plus raffiné que l’autre. Cet alcool est élégant, racé et a une personnalité plus forte que le calvados de chauffeur. Mais la fraîcheur du plus jeune est toujours aussi séduisante.

Le fait de goûter ensemble ces deux alcools est très enrichissant. C’est un festival de subtilités.

Ces deux alcools suggèrent une sieste, car ce soir, c’est dîner de gala.

Déjeuner avec quatre vins centenaires vendredi, 3 novembre 2023

Il y a juste un an j’avais déjeuné avec Warnet, jeune amateur de vins très compétent et curieux. Il avait apporté Moët 1911 et 1928 et j’avais apporté un Pétrus 1989.Warnet m’envoie un message disant qu’il aimerait partager un Moët des années 1880 avec moi. Pour trouver ce que j’aimerais partager avec lui, je me promène dans les allées de ma cave, attendant qu’un vin me fasse un clin d’œil pour que je le choisisse.

La ‘pêche’ est bonne car je croise le chemin d’un Champagne Pommery & Gréno 1947 étiqueté pour le couronnement de la Reine Elizabeth en 1953, puis d’un Champagne Duc de Roucher Extra Dry Cuvée England 1921 à l’étiquette comme neuve, puis d’un Château Margaux sans étiquette mais dont la capsule très lisible indique le nom du vin, d’une bouteille soufflée bouche ou soufflée main et que celui qui me l’a vendu attribue à 1905 et enfin une demi-bouteille de Beaune des Hospices Clos des Avaux Jolliot Paullin 1904. Ce choix me paraît d’un éclectisme fou.

A 10h30 je suis au restaurant Pages pour ouvrir mes bouteilles. J’avais dit à Warnet qu’on ne boirait pas tous mes apports aussi sans l’attendre je décide de ne pas ouvrir le champagne de 1947. Nous fêterons la Reine une autre fois. Mon convive me dira qu’il aurait fait le même choix qui nous permet de boire ce midi des vins qui sont tous centenaires.

Les deux rouges ont le même comportement à l’ouverture : le bouchon colle à la paroi et ce qui remonte est dissymétrique. Il faut cureter pour enlever ce qui vient en mille morceaux. Le parfum du Margaux ne demande qu’à s’ouvrir et celui du Clos des Avaux est poussiéreux mais moins d’une minute après on sent que le fruit est en train d’éclore.

Les deux champagnes étant anciens, il n’y a aucun obstacle à les ouvrir maintenant. Les deux bouchons sont superbes et viennent entiers. La qualité des bouchons est parfaite, au point que l’on peut lire ce qui est écrit alors que le bouchon très noir du Margaux est illisible.

Warnet peut lire sur le bouchon du Moët « White Seal » et après recherche il datera son champagne en 1887. Sur le bouchon du 1921 on peut lire Extra Dry et 1921. Ce sont vraiment de beaux bouchons. Les parfums sont aussi prometteurs.

Selon la tradition nous allons au 116, le restaurant voisin qui appartient aussi au chef Teshi. Nous buvons une bière japonaise en grignotant des édamamés, récompense après les ouvertures.

Avant que n’arrive Warnet, j’avais fait le menu avec le chef Ken qui se présente ainsi : Ceviche de lieu jaune, espuma lait-ribot / tartelette de tartare de bœuf, oignons caramélisés / carpaccio de daurade royale / cabillaud sauce umami / fricassée de homard grillé, giroles, jus de veau / canard colvert façon lièvre à la royale, purée de panais à l’anis, tubercule de cerfeuil rôti / wagyu maturé cuisson Binchotan, gaufre de pomme de terre et crème de persillade / dessert de Lucas : pignon de pin, extrait de sapin, châtaigne, tuile, chips et crème glacée.

Le Champagne Moët & Chandon que nous pensons de 1880 mais qui est de 1887 a une belle couleur ambrée et un nez délicat et subtil. En bouche, ce qui me frappe, c’est que ce champagne a strictement le goût historique de Moët & Chandon. Les 1911, 1914, 1928 ou 1934 sont absolument dans la même lignée. C’est un champagne chaleureux et réconfortant, au goût que l’on rêverait de trouver pour tous les champagnes. Le carpaccio de daurade est idéal pour le mettre en valeur et le cabillaud goûteux et divinement cuit lui rend sa politesse.

Arrive maintenant un de ces accords fusionnels que je cherche en permanence mais que je trouve très peu souvent car ils sont rares. Le Château Margaux 1905 a un goût qui est en prolongement total avec le goût du homard. Les deux s’emboîtent comme les doigts d’une main avec le gant idéal. C’est saisissant, car quand on atteint une telle symbiose, on la sent au plus profond de soi-même. Le Margaux est très féminin, gracile et subtil comme une jolie femme en crinolines qui joue de son éventail pour cacher les œillades assassines qu’elle délivre alentour. Et le homard répond à ses désirs. C’est un moment exceptionnel, intense, qui nous émeut.

Le canard traité comme un lièvre à la royale est magnifique, mais le bourgogne est plus magique encore. Qui pourrait imaginer qu’un 1904 en demi-bouteille, d’un niveau très bas, puisse être une telle merveille ? Ce Beaune des Hospices Clos des Avaux Jolliot Paullin 1904 est une merveille et du niveau d’un Grand Cru. Il est une synthèse du goût d’un bourgogne Côtes de Beaune parfait. Quel charme et quel accomplissement. Nous restons sans voix car ceci paraît irréel. Une telle plénitude, une absence totale d’âge, cela est confondant. L’accord est superbe et original et plus classique avec le wagyu.

Le Champagne Duc de Roucher Extra Dry Cuvée England 1921 a une couleur ambrée acceptable. Le pétillant est présent au goût, même s’il est faible. Ce qui frappe, c’est le côté extrêmement solide de ce champagne. Il est carré et fait pour l’éternité. On attend d’un Extra Dry un champagne doux et fortement dosé mais l’âge a atténué le doucereux. Le 1921 est plus monotone que le 1887 et n’a pas une aussi forte personnalité. Le dessert est un peu trop doux pour le champagne qui est trop dominant alors qu’il aurait fallu qu’il soit excité par le plat.

Que de merveilles ! Warnet va voter ainsi : 1904, 1887, 1905, 1921. Mon vote est 1904, 1905, 1887, 1921. La palme de l’accord va au Margaux et homard.

Pierre-Alexandre nous a servi des liqueurs « La Gauloise » qui sont faites comme des chartreuses. La jaune est d’une grande séduction et d’une douceur idéale. Nous la préférons à la verte, plus brutale.

Pendant le repas j’ai versé des verres de tous les vins à l’équipe de Pages. Leurs yeux émerveillés faisaient plaisir à voir. Ce n’est pas tous les jours que l’on a à une table quatre vins centenaires.

Ce fut un repas mémorable et très grand.

La pause après les ouvertures

déjeuner au restaurant l’Ecu de France vendredi, 3 novembre 2023

A peine trois jours plus tard, nous revenons déjeuner au restaurant l’Ecu de France où nous avons invité deux de nos petites filles, adultes toutes les deux. Je commande un Champagne Selosse Substance. Depuis peu d’année la date de dégorgement n’est plus indiquée et un code que l’on scanne permet d’accéder à un site de Selosse qui va donner toutes les informations sur cette bouteille. J’avoue que je suis peu favorable à cette pratique, surtout quand on est au restaurant.

La bulle est très active et la couleur est d’un blé doré très beau. En bouche le champagne me séduit par ses complexités. Il est moins sauvage et brutal que dans des expressions antérieures, mais il garde un côté énigmatique très plaisant. Le champagne est vif, cinglant, conquérant, et en même temps très noble et racé. Il est idéalement fait pour la gastronomie, hors des sentiers battus.

Je l’ai apprécié sur des coquilles Saint-Jacques élégantes et gourmandes.

Mon plat est un ris de veau cuit comme il convient. L’Hermitage Jean-Louis Chave rouge 2015 est jeune et puissant. Ce qui frappe, c’est son équilibre serein. C’est un grand vin, sans conteste. Mais comme j’adore cet Hermitage lorsqu’il a un âge affirmé, j’avoue que mon plaisir n’est pas total. Ceci n’enlève rien à la grandeur de cet vin que j’adore, mais plus que d’autres, il me pousse vers les vins anciens sir grands chez Chave.

Le Brie à la truffe s’exprime aussi bien sur l’Hermitage que sur le champagne. Les discussions fusaient. Ce fut un repas familial souriant et affectueux.

dîner au restaurant l’Ecu de France vendredi, 3 novembre 2023

Nous allons dîner au restaurant l’Ecu de France où nous n’étions pas revenus depuis le repas de mes 80 ans. Nous avons notre table habituelle, face à la Marne. L’accueil de la famille Brousse est toujours aussi chaleureux, très familial.

Je choisis un vin devenu rare et cher, un Châteauneuf-du-Pape Château Rayas blanc 2009. Tout dans ce vin est passionnant car il est hors de tout code. Énigmatique mais sympathique. J’aime la fraîcheur, les épices qui sont discrètes. J’aime quand un vin ne veut pas montrer qu’il est grand.

Pendant tout le dîner, cela a attiré mon attention car il était imprévisible. J’aime ça. Sur des coquilles Saint-Jacques et un turbot, un pur plaisir, même si le poisson était plus cuit qu’il ne faudrait.

Je ne dirais pas que ce vin est au-dessus de tout. Mais je l’attendais sauvage et il m’a apporté une émotion particulière.

Damned samedi, 28 octobre 2023

Cet article date du 17 juin 2009 après la parution du dictionnaire amoureux du vin de Bernard Pivot. Je viens de le relire par hasard. je trouve ce texte amusant et j’ai envie de le partager à nouveau.

Comme beaucoup de jeunes, j’ai découvert le mot « damned » dans Tintin en Amérique.

Et ce mot dit bien ce qu’il veut dire.

Bernard Pivot m’a fait l’extrême plaisir de me faire comprendre qu’il aime lire mes bulletins. Leur lyrisme l’étonne.

Aussi, lorsque dans son dictionnaire amoureux du vin Bernard Pivot dit de moi : « c’est le Bossuet des vieux flacons », tel le corbeau de la fable qui ne se sent plus de joie, j’ai imaginé qu’il me voyait en aigle de Meaux ou de mots, en brillant orateur, brillant prêcheur.

Hélas, mille fois hélas, ce n’était pas ça. Bernard pensait que mon rapport aux vins anciens était, au mieux, une sorcellerie qui faisait ressusciter des vins cliniquement morts, au pire un lyrisme aveugle qui me poussait à déclarer vivants des vins défunts.

Et j’ai compris que ce que Bernard Pivot avait retenu de Bossuet, ce n’était pas le talent d’orateur mais les sujets, les oraisons funèbres et l’art d’imaginer vivants des cadavres largement post mortem.

J’étais donc celui qui croyait voir dans des encéphalogrammes plats des réminiscences de vibrations.

Je croyais que Bernard me voyait en Martin Luther King de l’armée des vins anciens. Il me voyait en aboyeur de cimetière.

Chaque fable a sa morale.

Si je déchante (tout est relatif) en découvrant l’image que Bernard avait de moi, je bois mon miel en sachant que Bernard vient de découvrir que mes propos recouvrent une vérité.

Une piqure de rappel s’impose au plus vite.  Car le corbeau ne veut plus lâcher son fromage.

Bernard, ce récent dîner appelle une confirmation.

A future dinner mercredi, 25 octobre 2023

It will be the 279th event of François Audouze.

Champagne Dom Ruinart 1990

1990 is certainly one of the greatest years for Ruinart

Champagne Krug Vintage 1966

1966 is a legendary Krug

Château Laville Haut Brion 1er Cru de Graves white 1971

One of the greatest white wine of Bordeaux, great in 1971

Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990

Not well known producer but his Bâtard is great in 1990

Château Nénin Pomerol 1961

One of the greatest producers of Pomerol, in a legendary year

Magnum Château Margaux 1924

Magnums are rare in the twenties. Bottled by Clossmann & Co

Château Grand Saint Lambert Cru Bourgeois Supérieur 1924 (cave du Chapon Fin à Bordeaux)

Put to have a comparison for two Bordeaux of 1924

Château Pichon Baron de Longueville 1904

Low level, but I have drunk several 1904 which proved to be excellent

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1950

Great year for La Tâche. There was no Romanée Conti in 1950

Chambertin Grand Cru Coron Père & Fils 1929

Coron worked very well at this period. This is a very great 1929, legendary year.

Vin Blanc Vieux d’Arlay Jean Bourdy 1911

Bourdy keeps his bottles with no label and put a label when I visited. 1911 is a legendary year

Château Suduiraut Sauternes 1936

Great Sauternes in a unusual year. Nice level.

Domaine de Bouchon Sainte-Croix du Mont Café Voisin 1900

Café Voisin was one of the most famous restaurant in Paris with a renowned cellar. This Sainte-Croix du Mont is a rarity.

Vin de Chypre 1869

The label is not readable but the bottle belongs to a group of Cyprus wines 1869, which makes the year certain.

Years of wines of this lunch : 1869 – 1900 – 1904 – 1911 – 1924 – 1924 – 1929 – 1936 – 1950 – 1961 – 1966 – 1971 – 1990 – 1990

The list of wines :

Champagne Dom Ruinart 1990

Champagne Krug Vintage 1966

Château Laville Haut Brion 1er Cru de Graves white 1971

Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990

Château Nénin Pomerol 1961

Magnum  Château Margaux 1924

Château Grand Saint Lambert Cru Bourgeois Supérieur 1924 (cave du Chapon Fin à Bordeaux)

Château Pichon Baron de Longueville 1904

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1950

Chambertin Grand Cru Coron Père & Fils 1929

Vin Blanc Vieux d’Arlay Jean Bourdy 1911

Château Suduiraut Sauternes 1936

Domaine de Bouchon Sainte-Croix du Mont Café Voisin 1900

Vin de Chypre 1869

Déjeuner d’anniversaire samedi, 21 octobre 2023

Ma fille vient déjeuner à la maison avec son compagnon et ses deux enfants. L’apéritif se fera avec une tarte aux oignons et le plat du repas sera poulet et gratin de pommes de terre.

Je propose à ma fille de boire soit un Salon 2006 soit un Ayala 1964. Elle irait volontiers vers le plus jeune mais elle préfère me laisser choisir. J’ai envie d’essayer l’Ayala.

Le Champagne Ayala 1964 a un bouchon qui se brise à la torsion et même s’il n’y a pas de pschitt, lorsque je verse le champagne dans les verres, la bulle est extrêmement active.

La couleur est très claire pour un champagne de cet âge. Cet Ayala se caractériserait volontiers par deux mots : jeunesse et cohérence. Car sa vivacité est extrêmement plaisante et sa rondeur est magnifiquement construite. Les oignons légèrement sucrés s’allient parfaitement au champagne.

Si ma fille avait des réserves pour un champagne de presque soixante ans, ces réserves tombent car le plaisir est là et l’âge ne se sent pas du tout. Je savais que les Ayala de cette époque sont grands. En voici une belle preuve.

J’ai ouvert aux aurores le Corton Renardes Michel Gaunoux 1974. Le choix de cette année est directement lié au fait que nous célébrons l’anniversaire de ma fille qui est de ce millésime. Mais il y a une autre raison. Lorsque ma fille était petite, j’avais acheté des vins de son année de naissance en me disant qu’on les boirait pour ses 18 ans. Je n’imaginais pas plus loin ! Et j’avais remarqué à quel point le 1974 de Michel Gaunoux était une spectaculaire réussite.

Ce qui fait que lorsque je me rends aux présentations des vins récents des domaines familiaux de Bourgogne, la plus belle présentation de vins qui soit, je ne manquais pas de dire aux Gaunoux présents : « vos 1974 sont de pures merveilles ». Ils riaient de mon insistance.

Et le miracle des 1974 se poursuit aujourd’hui. Ce Corton est très salin, mais d’un sel très différent de celui des vins de la Romanée Conti. Le sel est ici plus pénétrant et moins vagabond qu’à la Romanée Conti.

Le Corton Renardes est grand, épanoui et une fois de plus, voici un vin qui n’a pas d’âge. Il a atteint une sérénité idéale.

Il faudrait dire et redire que le poulet de qualité est un compagnon idéal des grands vins car il a l’intelligence de s’effacer pour laisser éclore parfums et subtilités.

Le dessert habituel des anniversaires est une reine de Saba, couronne où sont plantées les bougies qui, au fil du temps deviennent moins nombreuses que les années fêtées.

Deux vins superbes pour une célébration débordant d’affection.