dîner de wine-dinners au restaurant Laurent jeudi, 24 mai 2007

Le 88ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Laurent. J’ai l’habitude de revenir dans les endroits que j’aime avec une certaine périodicité. J’ai précipité le retour chez Laurent pour deux raisons. L’une, conjoncturelle, c’est qu’au printemps, dîner dans l’agréable jardin est un vrai bonheur. L’autre, plus profonde, c’est de vouloir marquer à Philippe Bourguignon, Alain Pégouret et toute l’équipe que la perte d’une étoile au Michelin n’est pas justifiée. L’expérience de ce soir l’aura confirmé de façon éclatante.

J’arrive un peu avant 17 heures et Daniel, jeune sommelier qui nous servira ce soir avec beaucoup de sens de l’à-propos m’a aidé, sous la supervision amicale de Patrick Lair. Les bouchons s’extraient avec une rare facilité. Les odeurs sont authentiques, saines. La seule qui me fait un peu peur, c’est celle du Laville Haut-Brion, dont la fatigue est certaine. Il y a une chose dont Yquem pourra faire l’économie. Pour vanter de grands parfums, on fait des ponts d’or à Sharon Stone, Charlize Théron ou Monica Bellucci. Yquem n’a pas besoin de cette aide là. Le parfum de l’Yquem 1955 est un danger mortel. On perd son âme devant cette séduction. L’odeur du Tokay m’évoque tellement le litchi que je voudrais qu’on en trouve. Cela eût pris trop de temps, et le foie gras prévu sera encore meilleur.

J’ai le temps d’aller au Cercle Interallié ou quatre vignerons présentent leurs vins de 2006. Pensant retarder le moment où j’enfilerais mon costume car le temps est très lourd, je m’y rends en jean et chemisette. Mais dans ce cadre féerique, et aussi bien dans les jardins qui valent bien ceux dont hérite Nicolas Sarkozy, c’est en cravate qu’il faut être. Je reviens en costume de scène, et l’on m’offre Château Rouget 2006 fort fringant et plaisant et un joli Château Rouget 2001 plein d’élégance. La comparaison n’est pas très favorable au Château la Conseillante, dont le 2006 manque de longueur, et le 2001 manque de vigueur. Le Clos Fourtet 2006 est plaisant, et le Clos Fourtet 2004 est dans une phase renfermée. Le Château Angélus 2006 est absolument brillant, joyeux, et se dévorerait dès maintenant avec un grand plaisir. L’Angélus 2004 est aussi très coincé, dans une phase de discrétion. Ce qui est intéressant, c’est de constater que les 2006 sont à ce moment précis de leur élevage dans une forme éblouissante et se boivent avec une joie goulue. On les mettrait volontiers à table, alors qu’ils sont loin de leur mise en bouteilles. Et les quatre vins de comparaison, soit 2001 soit 2004 sont dans une phase ingrate. Est-ce voulu pour mettre en valeur le 2006 ? Je ne le crois pas.

Je cours vite pour accueillir mes premiers convives. Il y a des habitués et des nouveaux en nombre égal. On compte des origines italiennes, grecques, allemandes en plus des françaises. Les échanges se font parfois en anglais, lorsque le sujet s’y prête.

Le menu, créé par Philippe Bourguignon et Alain Pégouret a toujours une intelligence de la mesure : Toasts au thon fumé et nems croustillants au curry / Salade d’écrevisses aux légumes primeurs, crème acidulée / Flanchet de veau de Corrèze braisé, blettes à la moelle et au jus / Poitrine de pigeon cuite en cocotte, raviolis d’abats, artichauts « poivrade » et fèves / Foie gras de canard poché, bouillon de poule relevé à la citronnelle / Gaufrette fourrée à la crème de lait d’amandes et rhubarbe / roquefort.

Dans le coquet jardin, nous sommes debout dans le bel espace qui nous est réservé quand je donne les recommandations d’usage. Daniel nous sert le Champagne Napoléon à Vertus vers 1975. J’avais donné cette indication d’année, mais le goût et la forme du bouchon me font penser qu’on est plutôt proche de 1966. La couleur est d’un cuivre patiné, la bulle est absente, le nez est délicat. En bouche, il faut une gymnastique intellectuelle aiguisée pour accepter ce champagne, car on est absolument loin de tout goût actuel. Lorsque l’on a admis qu’il s’agit d’un objet champagnisant  non identifié, on commence à comprendre son charme, qui ferait un « malheur » avec du foie gras. Car ce sont ces champagnes évolués (et évidemment non madérisés) qui sont les meilleurs amis du foie gras. Un de mes amis ne cessait de faire part de son étonnement. Et d’un coup, il embrassa ce goût étrange et devint conquis.

La salade a beaucoup de goûts, ce qui égare un peu pour comparer deux vins que tout oppose, le majestueux Champagne Krug Clos du Mesnil 1982 et le Château Laville Haut-Brion 1958. Le Krug est impérial, mais après le Napoléon, il fait presque classique, alors qu’il est d’une complexité qui est l’apanage des grands. Le Laville a une magnifique couleur dorée, d’un or joyeux. Alors que le Napoléon faisait évolué mais sain, celui-ci fait évolué mais fatigué. Je constate que cependant ce vin plait beaucoup autour de moi (il aura même un vote !). Je n’y reconnais pas assez la beauté flamboyante des grands Laville.

Le flanchet goûteux met en valeur deux vins que tout oppose. Le Château La Mission Haut-Brion 1957 est solide, presque noir de couleur, dense comme un fort café, légèrement torréfié, caramel au premier abord. Mais il s’ébroue dans le verre et sa puissance se civilise. La densité est très colorée. C’est un vin beaucoup plus solide que ce que son année évoquerait.

Lorsque j’avais senti à l’ouverture le Pétrus mise Jules Van de Velde 1953, j’avais la narine en éveil, car le risque de faux n’est jamais écarté. Mais l’étiquette d’une banalité à pleurer ne peut être le fait d’un faussaire, et le nez en est une preuve. Cette signature de truffe ne peut tromper. Dans le verre, le vin paraît rose clair si on l’oppose au noir Mission. En bouche le vin est fruité, jeune, joyeux, et ce n’est que progressivement qu’il déclare sa complexité. Ma voisine se pâme tant elle apprécie ce vin raffiné. Il s’agit d’un beau Pétrus. Sans doute pas du niveau du sublime 1959, mais c’est un grand vin.

Le moment de joie le plus intense de ce dîner, c’est d’avoir devant soi trois verres de vins d’un grandissime plaisir. A ma droite, comme on dit dans les combats de boxe, le Pommard « Grand vin d’origine » 1929 bouteille de négoce au niveau irréellement haut dans le goulot, au centre, le Châteauneuf-du-Pape Clos du Roi, Bourgogne Vieux 1955 qui, comme certains princes de la politique de la même longitude, n’a pas su choisir sur son étiquette s’il est bourguignon ou rhodanien. A ma gauche, le vin que j’ai ajouté pour accueillir un convive de plus, Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1964. La couleur du Pommard est invraisemblable. Ce rouge vif appartiendrait à un vin des années 80, soit cinquante ans plus tard. En bouche la clarté du message pur, la joie de vivre évoquent un vin réussi des années 60. Or on est en 1929. Le Châteauneuf-du-Pape est clairement un Châteauneuf-du-Pape. Il a des complexités qui me ravissent, même si sa trame est loin de valoir celles de ces deux voisins. Et l’Hermitage est tout simplement exceptionnel. J’avais bu dans une verticale des 1949 un éblouissant Hermitage la Chapelle 1949. On est dans cette même veine de vins purs joyeux, faciles à vivre, mais capable de titiller les papilles en ajoutant une palette riche en saveurs délicates. Pendant que mes convives s’extasient en faisant des « oh » et des « ah » comme font les enfants les jours de feux d’artifice, je pense que j’ai fait de bonnes pioches en achetant des vins inconnus aussi bien que des connus, qui brillent avec autant de bonheur.

La chair du foie gras est sans doute ce qui se fait de mieux dans ce genre. Et le Tokay Pinot Gris Vendanges Tardives, sélection de grains nobles Hugel 1976 est époustouflant dans son rôle de mise en valeur. Ce vin est éblouissant de complexité. Et il joue aussi bien avec le foie qu’avec le bouillon ce qui laisse pantois mon petit monde. Car il faut essayer le bouillon seul et boire ensuite le Tokay pour comprendre que le vin est capable de mille perfections.

Le dessert à la rhubarbe ne pouvant attendre, nous décidons de le goûter avec Château de Fargues 1989 et de faire, à l’anglaise, l’entrée du roquefort en fin de repas, avec Château d’Yquem 1955. Je n’aurais pas fort parié sur la rhubarbe et le Fargues mais j’ai bien tort. Car l’association dérangeante, surprenante, entraîne dans un tourbillon enivrant. Fargues 1989 est de plus en plus solide. C’est une valeur sûre du sauternais. Mais qui peut oser parler quand sa majesté Yquem 1955 entre en scène. C’est Alain Delon sur scène. C’est l’Yquem parfait qui crée un équilibre entre toutes ses composantes. Il n’et ni trop puissant, ni trop typé. Il est l’expression sereine de ce qu’Yquem doit être. Le niveau dans la bouteille était parfait, le bouchon sain, la couleur de bois de rose, ou de peau de pêche d’une belle vantant les crèmes solaires modérées. En bouche c’est le dixième mouvement de la cantate « Jésus que ma joie demeure ». Dans de tels cas, je ferme mes paupières, je range les osselets de mes oreilles, et je jouis de la perfection de ce qui se fait de plus grand dans le monde du vin.

Toute la table se rend compte que nous avons vécu des moments inoubliables. Le Pétrus 1953 pour certains, la conjonction de trois vins rouges idéaux pour moi, ainsi que l’irréalité de l’accord foie gras, bouillon et Pinot Gris.

Il est temps de voter pour ces onze vins. D’abord,je constate avec un goût de miel suave 9 vins sur onze ont figuré dans les quartés. Je me répète mais je ne cache pas mon plaisir, car cela prouve que l’on apprécie la diversité des vins que je choisis pour ces dîners. Ensuite, et c’est assez extraordinaire, cinq vins ont été votés en numéro un, ce qui est encore plus étonnant, surtout si l’on sait que l’Yquem 1955 a recueilli sept votes de premier sur onze votants. Ainsi, Mission 1957, Pétrus 1953, Hermitage La Chapelle 1964 et Fargues 1989 ont chacun conquis un convive qui aura voté pour eux en premier. Le vote du consensus serait : 1, Château d’Yquem 1955 – 2, Hermitage la Chapelle 1964 – 3, Pétrus 1953 – 4, Pommard 1929.

Mon vote fut : 1, Château d’Yquem 1955 – 2, Hermitage la Chapelle 1964 – 3, Tokay Pinot Gris Hugel 1976 – 4, Pétrus 1953.

Alain Pégouret a travaillé avec talent, le flanchet de veau ayant un goût rassurant confortable et le foie gras surpassant tout ce qui peut se faire. Philippe Bourguignon, Patrick Lair et toute une équipe motivée ont montré un sens du service qui ressemble à s’y méprendre à celui légendaire de Taillevent. La prestation de ce soir vaut largement le nombre d’étoiles qu’on a inopportunément rétréci. La troupe des fidèles de Laurent ne s’y est pas trompée car ils sont tous là. Lorsqu’on y a joute des vins d’une émotion d’un niveau très rare, on se trouve, comme nous le fûmes, au sommet de la gastronomie.

dégustation de 2006 au Cercle Interallié jeudi, 24 mai 2007

Devant organiser l’un de mes dîners, le 88ème, au même restaurant Laurent je peux accepter une invitation de vignerons à venir goûter leurs vins au Cercle Interallié. Le nombre de vignerons est limité mais le lieu est magique lorsqu’il fait beau. Je vais donc goûter des 2006 présentés à des journalistes et des professionnels. Ayant ouvert les bouteilles et le cœur en paix, je vais à pied au Cercle Interallié dans ma tenue d’ouverture des vins : jean et polo. J’imaginais que le protocole du Cercle se détendrait lorsqu’il s’agit de vin, mais pas du tout. Ce que j’ai apprécié, c’est qu’André Fournet, le directeur du cercle, traite le sujet avec humour. Il me fit traverser le jardin somptueux, très semblable à celui qui abrite les canards du Président de la République, et je sortis par une porte dérobée pour revenir quelques minutes plus tard dans mon costume de scène, avec cravate, pour aller déguster quelques grands vins.

Il y a ici quatre producteurs de saint-émilion et Pomerol, Château Rouget, Château La Conseillante, Clos-Fourtet et L’Angélus. Les 2006 sont présentés avec un aîné qui est 2001 pour les uns et 2004 pour les autres.

Ce qui m’a frappé dans cette dégustation c’est que pour chaque domaine, le 2006 est nettement meilleur que le même vin de l’autre année. Nous sommes en mai, les vins ont sept à huit mois et mûrissent en barriques. Cet instant de leur parcours est peut-être celui d’un épanouissement spontané de printemps. A ce stade en effet non seulement ils sont buvables, mais on les verrait bien à table, confrontés à des plats généreux.

Le Château Rouget 2006 est fort agréable, et le 2001 me fait une belle impression. En revanche le Château La Conseillante, vin que j’apprécie énormément et présenté par sa charmante propriétaire paraît assez ingrat aussi bien dans sa version 2006 très courte que dans sa version 2001 qui me semble inachevé en ce moment. On sait que je ne prétends pas être un expert de ces vins infantiles. Il faudrait que je me replonge dans des La Conseillante d’un autre âge.

Le Clos-Fourtet 2006 est plaisant, sans être explosif, et le 2004 me semble sur la réserve.

Si l’on parle de réserve, toutes tombent avec Angélus, dont le 2006 est de loin le plus épanoui et de belle structure et dont le 2004, même s’il n’atteint pas la pétulance de son cadet, est d’un message charmant.

Je mettrais comme gagnant des 2006 le Château Angélus et comme gagnant des années accompagnatrices le Château Rouget 2001. Cette dégustation était surtout pour moi l’occasion de rencontrer des vignerons que j’apprécie et de retrouver comme au point d’eau des professionnels avec lesquels j’aime partager des idées ou des vins.

S’il est un vin que, j’achèterais après cette expérience, c’est Angélus 2006. Mais, convenons-en, ces vins sont tous en formation. Quel candidat embaucheriez-vous pour votre entreprise sur la foi de ses carnets scolaires en classe de 5ème ? Tant de choses peuvent se passer dans les années qui viennent.

C’est cette incertitude qui rend le monde du vin si passionnant et engendre une quantité infinie d’experts, d’analyses et de propos définitifs qui sous-tendent des polémiques. A quoi servirait de faire du vin si l’on ne pouvait se disputer à son sujet ?

Clos Sainte Hune 1976 et Bienvenue Bâtard Montrachet 1999 mercredi, 23 mai 2007

I had met the director of a magazine specialised in wine, and he had considered the idea that I could write in it on old wines as I do regularly in a Swedish magazine. He had insisted that we have lunch together and the day before, his secretary calls me and says : “Mr XX is happy to have lunch with you. Has the place been decided between you ?”. I say no, and she proposes to reserve in a restaurant, and asks me if there is a place where I feel well. I say “Laurent”, and she sends me an email confirming that she has booked.

This morning, the lady calls me and says that Mr XX wants to talk with me. He says that he is happy that we meet, but says : “I would be happy to know who invites whom. Because if it is you, I will be happy to go to Laurent, but if it is me, I will have to choose another place, as we have rules and budgets for invitations”. I say that there is no problem and I invite him.

I arrive first, and I ask Ghislain to prepare a Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 1976, a year that I specially love, and we will choose the other wine with the menu.

I suggest that we have crab with the Sainte Hune, and I propose an unconventional try, which is to associate a pigeon to white wine. Philippe Bourguignon, the remarkable director of the place smiles and says that it should be interesting, and I take a Bienvenue Batard Montrachet Domaine Leflaive 1999.

The Sainte Hune appears a little too cold, so the first sip has citrus and a disagreeable taste of glycerine. But the colour is so nice, of prune gold, that it promises a lot. And the wine expands in the glass and broadens with air and becomes ageless, completely balanced and logically structured. It is a wine of perfection. And the crab enlarges even more the wine.

We are happy.

The Bienvenue has a more pale and green yellow colour, has a smell with a fantastic complexity, and on the taste of the meat of the pigeon, it gains a complexity which is my complete pleasure. My guest is not so much at ease with this association, but personally, I find it quite exciting. The wine has a complexity that is above the one of many Montrachet. It has not the body, the power of a Montrachet, but it compensates it by this extreme variety of directions of tastes. It is obviously a great wine. It is elegant, romantic, playing on its subtlety.

We finish the two wines with cheese and some mignardises.

The restaurant Laurent is obviously a fantastic place which should never had lost one star. We were in the garden and it was delightful. The service is perfect and the food was great. Philippe had added morels to the pigeon to go with the Burgundy.

This was happiness. Will I write in the magazine ? I have probably built the first subject of a future paper, if I forget the beginning of my story.

déjeuner au restaurant Laurent avec un patron de presse mercredi, 23 mai 2007

En plusieurs occasions, j’avais rencontré le directeur de l’une des plus grandes revues du vin en France. Nous trouvant voisins de table au dernier dîner au château de Beaune où furent servis des vins légendaires de la cave de Bouchard Père & Fils, nous convînmes de nous revoir. Je l’invite au restaurant Laurent. Arrivant, comme souvent, très largement avant mon convive et ayant le choix des armes, je cherche dans la belle carte des vins de quoi faire une expérience intéressante. Je demande à Ghislain de préparer un Clos Sainte Hune, riesling Trimbach 1976, d’une année que j’affectionne, et nous déciderons du deuxième vin quand mon invité sera là.

Je propose que nous prenions l’araignée qu’Alain Pégouret prépare si élégamment, et que nous fassions l’expérience d’associer un pigeon avec  des vins blancs. Philippe Bourguignon, le remarquable directeur de cet endroit sourit de l’essai que je veux faire et dit : “ça peut marcher”. Je choisis un Bienvenue Bâtard Montrachet Domaine Leflaive 1999.

Le Sainte-Hune apparaît un peu trop froid, aussi le premier contact est acide et glycériné. Mais la couleur est tellement belle, de prune dorée, que ce vin promet d’être grand. Et quand il s’épanouit dans le verre, il devient intemporel, d’un équilibre rare et d’une structure d’une logique profonde. C’est un vin de perfection que l’araignée élargit encore. A ce stade, nous sommes heureux.

Le Bienvenue a une couleur plus pâle tendant vers le jaune citron. Son nez est d’une complexité fantastique. En bouche, sur le pigeon, il trouve un accélérateur de complexité ce qui me comble d’aise. Mon camarade d’essai n’est pas aussi convaincu de la pertinence de la combinaison, mais à mon goût, c’est une association osée que j’adore. Ce Bienvenue a une complexité qui est très supérieure à celle de beaucoup de Montrachet. Il n’a pas le corps et la puissance d’un Montrachet, le sommet de la gamme des blancs de Bourgogne, mais il compense par l’extrême variété des directions gustatives explorées. C’est manifestement un très grand vin, élégant, romantique, jouant sur sa subtilité.

Nous finissons les deux vins sur des fromages et sur des mignardises. Le restaurant Laurent est un endroit au confort naturel. Il est évident qu’il n’eût jamais dû perdre sa deuxième étoile. Nous étions dans le jardin au charme rare. Le service est parfait, l’équipe souriante. Une attention qui montre où nous sommes : sachant que le pigeon serait goûté sur des blancs, Philippe Bourguignon a fait ajouter des morilles au plat. C’est au guide de s’apercevoir qu’on est là au paradis.

déjeuner cosmopolite chez Yvan Roux samedi, 19 mai 2007

Un australien qui contribue (en français dans le texte) sur le forum de Robert Parker m’annonce sa visite en famille dans le Sud de la France. Il est prévu que nous l’accueillions dans notre maison du Sud en même temps qu’un amateur de vins hollandais d’un autre forum accompagné de son fils. Tout ce groupe arrive à l’heure de l’apéritif et j’ouvre un Champagne Salon en magnum 1995. Etait-ce l’importance du groupe, je n’ai pas trouvé dans ce grand champagne l’émotion que j’éprouve habituellement. Il lui manque sans doute quelques années de cave car il n’est pas impossible qu’il connaisse en ce moment un léger repli.

Yvan Roux nous a dressé une table face à la mer et nous a fait l’immense plaisir de n’accepter aucun autre convive. Nous allons être seuls à profiter de son talent. La cuisine étant ouverte sur l’espace qui nous est réservé, nous avons tout loisir d’admirer ce qu’Yvan a préparé avec sa générosité coutumière. Nous prenons force photos et Yvan nous coupe des tranches de Pata Negra qui accompagnent les restes des vins de la veille, le  Chateau Pibarnon Bandol 1990, doux, civilisé, soyeux, charmant, trouvant sa place exacte en bouche et le Châteauneuf-du-Pape Domaine du Vieux Télégraphe 1990 hautement expressif, talentueux, et vibrant de l’accord avec le jambon gras.

Nous nous asseyons à la grande table donnant à tous une belle vue sur les îles et la presqu’île, et nous commençons par Chateauneuf du Pape “Pure” domaine La Barroche 2004 sur des asperges et du poisson quasi cru. Le « Pure » est une bombe. Il a un taux d’alcool extrêmement élevé que je situerais au dessus de 15° mais il est élégant, franc, facile à vivre, et en aucun cas excessif. Comme je savais que mon ami hollandais Harry, qui prépare un livre sur les Châteauneuf-du-Pape, viendrait avec des vins surpuissants, j’ai apporté « R » de Rimauresq, Côtes de Provence 2003. Ces deux vins sont dans la même ligue, des vins à réveiller les maures. J’ai trouvé que le spectre aromatique du vin régional est plus large que celui du vin papal. Les deux vins sont bons, même s’ils n’appartiennent pas vraiment aux types de goûts que je recherche.

Nous avons sur table de fines tranches de poisson juste poêlées avec des fleurs de courgettes. Sur ce plat et sur le Saint-pierre, c’est l’occasion de goûter Ridge Monte Bello Cabernet Sauvignon 1981, cadeau de mon hôte australien et Châteauneuf-du-Pape Domaine de Saint Préfert 1990 de Mr Serre que j’ai pris dans ma cave. Le charme du Chateauneuf est certain, avec une belle personnalité, mais c’est le Ridge qui me conquiert, faisant de l’ombre au Saint-Préfert. Ce Ridge est si beau ! Il a de la douceur, du sucré, sur un corps solide et structuré. Ce nouvel ami ayant demandé que j’ouvre son second cadeau, le Dominus de Christian Moueix 1987, je le fis, mais ce ne fut pas un service à lui rendre, car le Dominus apparaît strict, fermé, sans référence californienne, offrant plutôt des accents de Pomerol, ce qui ne surprend pas.

Yvan nous prépara à ma demande des tranches de mangue juste poêlées qui firent avec Château d’Yquem 1986 un numéro de trapézistes coordonné au millième de seconde. Mes amis n’en reviennent pas.

Sur le dessert au chocolat, où la croûte solide enserre un fondant le Maury La Coume du Roy 1925 conclut cette « séance » où ce sont les accords qui comptent plus que les valeurs intrinsèques des vins.

Ce déjeuner ayant bien duré quatre heures, nous entreprîmes avec les enfants des uns et des autres de jouer au tennis ce qui acheva de me tuer. Les amis australiens nous quittèrent et nous restâmes avec nos hollandais. Il y avait assez de vins à finir. Le champagne Salon a gagné de l’ampleur, le Saint-Préfert est nettement plus épanoui et expressif, alors que le Dominus reste ronchon. Ma femme refit quelques tranches de mangue pour que nous nous pâmions de nouveau sur le reste d’Yquem 1986.

Ce fut intéressant de rencontrer des amateurs de vins avec qui j’échange sur la Toile. L’atmosphère est dans ces cas-là immédiatement chaleureuse, comme si nous nous connaissions de toujours. Le Ridge, qui m’évoque par certains aspects le charme de Vega Sicilia Unico fut la vedette de cette journée.

Salon, Ridge, Dominus, Yquem, and several Chateauneuf with Loren Sonkin and friends samedi, 19 mai 2007

Loren Sonkin had informed me about a trip that he would do in France. We decided that he would come with his wife and his children to our house in the South of France. As a friend of mine, a Dutch man, Harry, had planned to visit us, we organised a meeting by our house with Loren and his family and with Harry and his son.

They arrived for lunch time and we had for aperitif a Champagne Salon in magnum 1995. The champagne is obviously a great champagne, but I was not so impressed, as it did not give the emotion that I like in Salon. What was missing ? I would be unable to say. Probably just only some years of cellaring, despite a convenient format of magnum.

We went to a restaurant near our house which is completely confidential. No sign, no name, no indication to find the place. The restaurant was booked for us only and as the chef is a friend, we could organise the lunch to our will, with our wines.

We looked at what was prepared as the kitchen opens in the dining room, and we drank with a Pata Negra two wines that I had kept after a dinner of 1.5 day before : Chateau Pibarnon Bandol 1990 which is very sweet, civilised, velvety, charming and filling gently the mouth. The other is Chateauneuf-du-Pape Domaine du Vieux Télégraphe 1990, highly expressive, talented wine matching very well the fat ham.

(the wines among whom we chose the wines of the lunch)

(Yvan Roux was preparing some small tomatoes and he prepared the accompaniement of our fishes)

We sit at the table with a wonderful view on the sea and the islands, and we begin with Chateauneuf du Pape “Pure” domaine La Barroche 2004, on asparagus and fish.

The “Pure” is a bomb. It has an extremely high level of alcohol, certainly above 15°, but it is elegant, frank, easy going, and by no mean excessive. As I knew that Harry would bring a wine of this kind, I had brought with me “R” of Rimauresq Cotes de Provence 2003. It is in the same league of very expressive wines with an enormous power. I found that the Cotes de Provence has a broader spectrum of tastes than the Chateauneuf du Pape. But the two wines were good, even if they do not belong to the usual tastes that I try to find.

(The "Pure" and the Saint-Prefert)

Then we had flowers of courgette with simply cooked slices of grouper. On that and on John Dory fish, we had a Ridge Monte Bello Cabernet Sauvignon 1981, a gift of Loren, and a Chateauneuf du Pape Domaine de Saint Préfert 1990 of Mr Serre that I had brought. The Chateauneuf is an excellent wine, with a very high personality, but the charm of the Ridge conquers me and makes shadow to the Saint Préfert. It is so nice ! It has sweetness, softness, and has a great personality. I loved this wine, and it made Loren happy. So he asked that we open his other gift, Dominus of Christian Moueix 1987. This wine, after the Ridge seems very strict, stiff, with no Californian reference. It is more Pomerol like.

We had then slices of mango with Chateau d’Yquem 1986 (two halves). The combination is fantastic and my friends laughed when I told them so many times : “chew and sip the smallest quantity of wine” (I said that minimum ten times).

We had then a chocolate dessert, with a solid cake including a liquid chocolate. It went with a Maury La Coume du Roy 1925 which was absolutely delicious and completely adapted to the dessert.

After such a long lunch, we played tennis, which finished killing me. Loren and his family drove back to Aix en Provence. Harry and his son had dinner by our home, and we finished the wines of the lunch. The Saint-Préfert was largely better now, and surpassed the Dominus which remained strict and a little too simple. The Yquem was glorious with mango as we had on the lunch.

This was a good opportunity to meet people that I knew only through their messages on the mark Squires forum, and to meet Harry with whom I had shared some dinners in New York and Paris. The wines were pleasant, and the atmosphere was peaceful and smiling. The wine which made me particularly happy is the Ridge 1981, which, in a way, evokes the Vega Sicilia Unico, as it has density, a sharp structure, and a gentleness which makes me feel well.

We have spent a very friendly day, by a wonderful weather along the sea.

des vins de 1990 à l’hôtel des Roches jeudi, 17 mai 2007

Champagne Pol Roger extra cuvée de réserve et un amuse bouche fort apprécié.

.

.

Dans les verres, c’est de gauche à droite : Châteauneuf-du-Pape Vieux Télégraphe 1990, Châteauneuf-du-Pape Chateau de Beaucastel 1990 et Chateau de Pibarnon Bandol 1990.

 

délicieux petit brick à l’huître, et beau morceau de langouste aux morilles.

 

La chair de la langouste est succulente, et voici qu’arrive une daurade aux beaux yeux sous sa croûtede sel.

 

En fait, il y en a deux ! Merci Matthias Dandine d’avoir laissé la chair du poisson seule dans l’assiette. Les délicieux accompagnements peuvent s’apprécier seuls ou associés, mais pour ces vins immenses, la chair seule et un bonheur.

Plateau de fromages gargantuesque.

Quelques photos envoyées par mes amis :

l’hôtel des Roches vu du catamaran par lequel mes amis sont venus.

 

Olivier semble perplexe devant les deux poissons en croûte de sel, mais je prends les choses en mains, ce qui n’attriste personne !

 Matthias Dandine ne semble pas inquiet de ma furtive compétition !

dîner à l’hôtel des Roches jeudi, 17 mai 2007

Des amis viennent passer quelques jours dans le Sud invités par d’autres amis. Ils ont ensemble loué un catamaran pour leur séjour. La solution trouvée pour les rencontrer, c’est d’aller dîner à l’Hôtel des Roches à Aiguebelle lès Lavandou, les deux couples d’amis venant par la mer et nous par la terre. Ce qui donne l’opportunité de retrouver la belle cuisine de Matthias Dandine. Le personnel de l’hôtel a fait la navette entre leur bateau et la terre ferme et recommencera dans la nuit noire après le dîner.

Notre table domine la mer qui est fort agitée depuis plusieurs jours. Pour effacer tout goût salin que nos lèvres pourraient avoir gardé de l’exposition au vent marin, rien de tel qu’un Champagne Pol Roger extra cuvée réserve (non millésimé). Ce champagne joue son rôle mais je ne lui trouve pas une émotion infinie. Le reste du Champagne Dom Pérignon 1998 de la veille, que j’avais pris dans ma musette, montre un écart de séduction entre les deux champagnes, au profit du rescapé d’hier. Ceci semble indiquer que le Pol Roger est un champagne à faire vieillir, comme le Krug Grande Cuvée. Notre repas sera l’occasion de s’amuser à comparer trois vins de 1990. Voici le menu concocté par Matthias Dandine : amuse-bouches, brick à l’huître, langouste aux morilles, daurade aux beaux yeux en croûte de sel, fromages et macarons.

En face de nous, trois verres : Château Pibarnon Bandol 1990, Châteauneuf-du-Pape Le Vieux Télégraphe 1990, Châteauneuf-du-Pape Château de Beaucastel 1990. Nous virevoltons, passant de l’un à l’autre avec un infini bonheur. Chaque vin a son espace de perfection par rapport aux deux autres. Le Bandol est vraiment fait pour la daurade, Le Vieux Télégraphe et le Beaucastel s’amusent sur la langouste. On pourrait bien sûr faire apparaître des écarts entre ces vins, mais à quoi bon. Ils sont riches, heureux, épanouis en bouche. N’est-ce pas cela qui compte.