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On boit bien de l’autre côté de l’Atlantique vendredi, 1 février 2008

On boit bien de l’autre côté de l’Atlantique.

Un lecteur de ce blog me transmet ce message :

M. Audouze: Je voudrais vous envoyer une photo des bouteilles que nous avons consomme hier soir au restaurant Per Se a New York. Une dizaine de convives (tous membres de la Commanderie de Bordeaux de New York) ont apporte des tresors de nos propres caves, y compris:

1958 Chevalier Montrachet Leflaive (magnum), 1996 Batard Montrachet Ramonet, 1989 Chassagne Montrachet Les Caillerets Ramonet, 1953 Chapelle Chambertin Ponnelle, 1966 Grands Echezeaux Noellat, 1966 Musigny VV Vopgue, 1978 Echezeaux Drouhin, 1967 Petrus, 1971 Petrus, 1953 Cheval Blanc (magnum), 1964 Cheval Blanc, 1982 Cheval Blanc, 1961 Mouton Rothschild,  1938 La Tache (magnum).

Il y a des bouteilles historiques, dont La Tâche 1938 en magnum.

J’ai demandé une photo. La voici

C’est impressionnant. Cela méritait que je le signale sur le blog, même si je n’y étais pas !

Chambertin Armand Rousseau au Petit Verdot jeudi, 31 janvier 2008

Retrouver Hidé au restaurant le Petit Verdot est un de mes plaisirs. Je fais ouvrir un Chambertin Armand Rousseau 1993 ce qui explique sans plus de commentaires pourquoi j’aime retrouver Hidé, l’ancien directeur d’Hiramatsu qui a racheté le Petit Verdot il y a deux ans. Je grimace au premier contact car le vin a des aspects fumés, voire parcheminés. Et nous allons assister tout au long du repas à la lente mais fabuleuse ascension de ce vin merveilleux. Les dernières gorgées me donnent des sourires de pur plaisir. Le fruit étriqué devient joyeux, plein et rebondi. C’est un beau vin manquant un peu de puissance, mais d’une séduction bourguignonne qui ne s’en laisse pas compter. Gésiers, onglet, fromage ont su parler au vin. Ce sont les gésiers qui ont créé la plus belle émotion.

 

C’est le gésier, plus que l’onglet, qui fit briller le Chambertin.

 

déjeuner au Yacht Club de France mercredi, 30 janvier 2008

Notre traditionnel déjeuner de conscrits se tient au Yacht Club de France. Le maître d’hôtel a voulu mettre les petits plats dans les grands, et ce fut réussi. Un Château Lynch Bages 1997 me plait beaucoup par sa délicate subtilité. Certains vins s’expriment bien dans des années plus discrètes. Le Château Beychevelle 1998, plus carré, fait plus convenu. Reconstruire le monde est plus facile sur du homard et de grands bordeaux.

 

dîner à Taillevent – les photos mardi, 29 janvier 2008

Pour une fois, les photos ne sont pas de moi. C’est un ami, Christophe, qui m’a envoyé les siennes.

Trois bouteilles nous attendent, de dates qui correspondent toutes à l’histoire de Taillevent et de Jean-Claude Vrinat.

 

Oeufs brouillés et Meursault 1962

 

 

Epeautre, Bourgueil 1946 et Richebourg 1973

 

Coquille Saint-Jacques et ris de veau

 

Agneau et Lafite 1948

 

Chateau Chalon 1954

 

Stilton et dessert au pamplemousse

 

Merveilleux Yquem 1936

 

Un accord sublime entre le Banyuls 1950 et le dessert au chocolat.

Hommage à Jean Claude Vrinat au restaurant Taillevent mardi, 29 janvier 2008

Dans un forum sur le vin plusieurs personnes ont évoqué le décès de Jean-Claude Vrinat. Je lance l’idée d’un dîner en son hommage au restaurant Taillevent. Des membres du forum souhaitent y participer. Un ami se propose de faire le lien entre la cuisine et les vins. Nous décidons d’apporter des vins dont les millésimes correspondent à des dates importantes de la vie de Jean-Claude Vrinat et de Taillevent : 1936 : année de naissance de Jean-Claude Vrinat, 1946 : création du Taillevent, 1948 : première étoile au guide Michelin, 1950 : installation au 15 Rue Lamennais, 1954 : seconde étoile au guide Michelin, 1962 : prise de fonction de Jean-Claude Vrinat au Taillevent, 1973 : troisième étoile au guide Michelin. Nous arrivons à trouver un vin de chacune de ces années, ce qui n’est pas si facile. Jean-Marie Ancher, le fidèle directeur de salle y ajoutera une autre date : 2002 : prise de fonction du chef actuel, Alain Solivérès.

Autour de notre table sept des neuf convives écrivent sur le même forum, dont un que je n’ai jamais vu et un vigneron que je connais mais avec lequel je n’ai jamais partagé de repas. Les deux autres amis sont des compagnons de belles agapes. J’étais venu ouvrir mes vins à 17 heures, et lorsque je reviens, toutes les autres bouteilles sont ouvertes sauf une que l’on me demande amicalement d’ouvrir, l’Yquem 1936 au nez glorieux d’agrumes et de thé.

Nous passons à table, une jolie table où j’ai déjà fait de beaux dîners et le Champagne Taillevent, Blanc de Blancs 2000 accompagne les classiques et goûteuses gougères et une brouillade d’œufs à la truffe noire. Ce soir, je ne vibre pas trop à ce champagne un peu dosé et sans véritable émotion. Il en va tout autrement du Meursault Villages, Domaine R. Rossignol-Changarnier 1962 d’une couleur bien ambrée, au nez séduisant, qui dégage une chaleur de vivre passionnante. La belle acidité citronnée lui donne un final enlevé. C’est le meursault évolué comme on les aime, d’une année qui en a fait de bons. L’épeautre du pays de Sault en risotto, cuisses de grenouille en persillade est délicieux, le vin blanc répondant magnifiquement à la chair des grenouilles. Un de nos amis n’ayant pas trouvé de vin d’une des années jalon, avait apporté un vin dont Jean-Claude Vrinat vantait les qualités et qu’il suivait fidèlement, le Meursault 1er Cru Perrières, Dom. J-F. Coche-Dury 2000. Joyeux, très jeune, ce grand vin dont le léger fumé constitue une signature du domaine prestigieux dans le monde des blancs de Bourgogne accompagne de goûteuses coquilles St Jacques, beurre demi-sel, purée de céleri rave et cresson de fontaine. L’association est très belle et le plat sobre est précis. Le vin ravit tout le monde.

J’avais choisi des années plutôt difficiles et mes deux vins ont bien eu besoin de la noix de ris de veau meunière pour donner quelque plaisir. Lorsqu’on me sert en premier du Bourgueil Domaine P. Marchand 1946, un nez de bouchon m’assaille puis disparaît, et le vin paraît plat, salé, fatigué. Des amis sympathiques ont trouvé que ce vin est pur et intéressant. Je pense que c’est l’amitié qui a commandé leurs remarques. Un ami fut en revanche nettement plus critique envers le Richebourg Domaine Charles Noëllat, 1973 dont j’ai apprécié quelques vibrations, malgré un message fatigué.

Nous allons fort heureusement changer de monde car le Château Lafite-Rothschild 1948 est absolument divin. Ce qui m’a conquis, au-delà d’un joli fruité, c’est la précision de la trame et l’élégance de la structure. Il y a des années plus riches. Celle-ci est élégante. Nous succombons à son charme sur une selle d’agneau rôtie, jus à la truffe noire écrasée magnifiquement réalisée par Alain Solivérès, aussi fumes nous plutôt marris de voir notre ami vigneron insensible à ce vin. Comment peut-il faire ses vins avec l’ambition de les voir bien vieillir et ne pas comprendre la réussite de ce 1948 ? Cela restera une énigme.

Sur un vieux Comté trop fort à mon goût, le Château Chalon Jean Bourdy 1954 que je connais bien rappelle comme les goûts des vins jaunes sont une récompense. Celui-ci n’a pas une chant de stentor, mais il parle d’une voix juste. Le vin qui suit, ajouté par Jean-Marie Ancher, nous est servi à l’aveugle et nous ne trouvons pas. C’est un Vin de Paille Berthet-Bondet 2002, qui accompagne une tartelette poire-Stilton. Alors que je ne suis pas un fanatique des vins de paille jeunes, j’ai été agréablement surpris par la légèreté agréable de celui-ci.

Un des grands moments du dîner, c’est l’apparition de Château d’Yquem 1936. Le nez est d’une poésie extrême. Intense, subtil, il est ravissant. La couleur est d’un or clair. En bouche c’est l’image fidèle de l’Yquem de cette année et l’un d’entre nous fit un parallèle avec Jean-Claude Vrinat né cette année. Intelligence, finesse, discrétion, subtilité et équilibre, tout cela s’applique à l’homme et au vin. C’est un très grand Yquem si l’on accepte qu’à cette décennie le sucre est discret, les notes de pamplemousse et de thé étant plus suggestives qu’explosives. Pour mon palais c’est un Yquem parfait dans cette acception. Le dessert, gourmandise au pamplemousse et au thé vert est très agréable, mais seul le pamplemousse répond vraiment à la subtilité du vin.

L’accord qui suit est une véritable leçon, car on mesure à quel point un mariage réussi peut transcender le plat et le vin. Le croustillant au chocolat et aux fèves de Tonka est le partenaire idéal du Banyuls Domaine C. Raynal 1950. Sans ce chocolat, le banyuls serait assez conventionnel. Avec lui, c’est de la luxure. Et le vin a un final tellement frais qu’on a l’impression d’une totale légèreté. Le sommelier Manuel Peyrondet, meilleur sommelier de France, qui commenta avec nous certains des vins, joyeux de notre communion à l’histoire de la maison nous servit un Calvados Domfrontais 1968 qui n’a pas que de la pomme mais aussi de la poire. Comme c’est l’année de naissance de l’ami qui détermina le menu et l’ordre des vins, un sourire illumina son visage heureux d’avoir créé de belles harmonies.

Les discussions allaient bon train, parfois un peu lourdes quand on ne parlait que de techniques vinicoles ou d’érudition œnologique, mais chacun était porté par la ferveur de ce moment de reconnaissance envers un grand personnage de la restauration. L’équipe qui nous entourait a toujours la même motivation et ce sens unique du service. Alain Solivérès est venu nous saluer et nous l’avons félicité pour une cuisine franche, solide, conforme à ce que Taillevent doit continuer d’offrir. Notre message de fidélité à cette grande maison a fait, ce soir, des heureux.

dîner au Bristol – les photos jeudi, 24 janvier 2008

Ils seront 13 à table, mais ce sont les vins !

 

 

photos de groupes, et la jolie capsule de Mouton 1964

 

les bouchons, anciens et récents. Deux beaux bouchons pour Pétrus et Yquem.

 

la jolie salle de restaurant d’été, rien que pour nous !!

 

plats délicieux (voir menu)

 

Le Parmentier est très goûteux et ce dessert osé sublime.

 J’aime quand il ne reste vraiment rien dans les verres. Certains convives ont pourchassé les fonds de verre !!!!

95ème dîner de wine-dinners au restaurant de l’hôtel Bristol jeudi, 24 janvier 2008

Le 95ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant de l’hôtel Bristol. Des amis italiens de passage à Paris ayant exprimé le souhait de participer à ce dîner, j’ai porté la taille de notre groupe à douze, ce qui semble la limite pour bien déguster des vins. Une table de douze serait difficile à placer dans la magnifique salle du restaurant d’hiver, aussi Eric Fréchon nous fit la gentillesse de nous accorder la salle du restaurant d’été que nous avons pour nous seuls. Lorsque j’arrive pour ouvrir les bouteilles déjà présentées sur une table en attente de cette opération je constate la beauté du lieu et le confort de disposer d’un si grand espace. Mon ami italien qui loge à l’hôtel vient voir comment se passe la cérémonie d’ouverture. Quand il sent le Mouton 1964 extrêmement poussiéreux et voit ma sérénité, il fait des yeux ronds. Il doit se demander si je suis sain d’esprit en restant calme devant un vin à l’odeur particulièrement inamicale. Il eut un large sourire quand il constata la perfection du parfum de ce vin au moment où nous le bûmes. Les bouchons ne me posent pas de difficulté particulière. Une fois de plus je vois que le bouchon de La Tâche 1964 est recouvert d’un sédiment noir poussiéreux qui sent la terre de la cave de la Romanée Conti. Les senteurs les plus belles à l’ouverture sont dans l’ordre : Yquem 1918, Clos Sainte-Hune 1990 qui est une bombe olfactive, et Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974. Le Pétrus 1994 a une odeur très élégante, et le vin d’Algérie que j’avais annoncé d’un niveau très bas, en dessous de ce qui est considéré comme « vidange », et qui était surnuméraire, a une odeur très agréable, légèrement torréfiée.  

Les convives arrivent presque tous à l’heure mais c’est le « presque » qui est gênant, car il est quasi impossible d’accueillir l’ensemble de la table à l’heure dite. Nous prenons l’apéritif debout avec un Champagne Laurent Perrier Grand Siècle années 60 qui est une belle introduction dans le monde des vins anciens. La couleur est très ambrée, la bulle est moyennement active. Le parfum est intense et en bouche c’est un vin délicat, avec des évocations de caramel. C’est délicieux si, comme je le suggère, on entre dans la logique d’un vin qui n’a pas grand-chose à voir avec un Grand Siècle actuel.

Nous passons à table et voici le menu créé par Eric Fréchon et Jérôme Moreau : Saint-Jacques à la plancha, gnocchi à la truffe noire, jus de mâche et beurre noisette / Macaronis farcis truffe noire, artichaut et foie gras de canard, gratinés au vieux parmesan / Oignon rosé de Roscoff carbonara, royale de lard fumé, truffe noire et girolles / Parmentier de queue de bœuf, sauce vin rouge / Pamplemousse en sorbet, écume de combava, meringue à la poudre d’amande / Café, friandises et chocolats. Lorsqu’Eric Fréchon m’a envoyé son projet de menu, il a considérablement chamboulé l’ordre des vins que j’avais indiqué. Il y a dans son schéma des séries particulièrement osées. Je me suis dit : « pourquoi pas ? ». Il faut savoir oser de telles nouveautés pour vérifier si mes repères peuvent être élargis.

La table est particulièrement jeune et enjouée, quatre femmes illuminant la pièce de leur beauté. Les compétences œnologiques sont variées, la moitié de la table étant formée d’habitués et l’autre de novices de ces exercices.

Sur le premier plat, le Champagne La Grande Dame, Veuve Clicquot Ponsardin 1990 est présenté en même temps que le Champagne Dom Ruinart Blanc de Blancs 1961. Le plus jeune est d’un jaune clair et fait gamin, alors qu’il a 17 ans, à côté de son aîné qui est ambré comme le Laurent Perrier, avec un peu plus d’orangé clair. Le champagne la Grande Dame est très bon, mais l’intérêt se concentre sur le Dom Ruinart dont j’aime la bouteille de toute beauté, qui représente, à mon sens, la perfection du champagne. Tout est exact dans le goût de ce champagne évolué mais parfaitement équilibré. Ce pourrait être le sauvage compagnon de folies gastronomiques car je le sens prêt à s’adapter à toutes les situations. Il est long en bouche, imprégnant, et je l’adore.

Au lieu des blancs qui suivent généralement les champagnes, nous allons démarrer par une première série de rouges, et c’est particulièrement étonnant que l’on mette en scène aussi tôt un vin de la Romanée Conti. Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974 est associé, pour mon plus pur plaisir au Morgon Champy 1970. J’aime ces unions morganatiques et ce d’autant plus qu’un ami à qui j’avais montré la liste des vins de ce dîner auquel il n’assisterait pas m’avait prédit que le beaujolais n’aurait pas d’intérêt. Il faut tuer les préjugés. Le Grands Echézeaux a un nez qui est typiquement de la Romanée Conti. Nous en sourions avec un convive dijonnais qui connaît bien les vins du Domaine. Le nez est subtil, raffiné et en bouche les évocations partent dans d’innombrables directions feutrées. Tous les convives qui boivent leur premier vin du Domaine en sont émerveillés. Le sel, la terre, sont des racines du goût de ce vin bien épanoui. Pendant ce temps là, le Morgon montre une joie de vivre, une assise en bouche d’une folle jeunesse. Il y a tant de gouleyant dans ce vin simple que l’on est séduit. Ah, bien sûr, on est loin de la complexité du bourguignon, mais c’est joyeusement bon. Le plat de macaronis est divin, dionysien, et l’accord est d’une franchise rare.

Oser l’association de trois stars aussi disparates est un moment que je suis content d’avoir vécu, même s’il faut une flexibilité du palais particulièrement affutée. C’est un peu comme mettre sur scène en même temps Diam’s, Lino Ventura et Sarah Bernhardt. Ça pulse ! J’ai cependant retardé l’arrivée sur scène du troisième, pour qu’il n’écrase pas les deux premiers. Sur l’oignon se présente le Pétrus 1994 qui a un nez d’une délicatesse folle. En bouche, ce sont des gymnopédies. Il déroule tant de finesse que l’on est emporté comme dans une valse étourdissante. Quand on passe au Montrachet Bouchard Père & Fils 1999 il faut attacher sa ceinture, car ça démarre en trombe, avec une palette aromatique dont il est impossible de faire le tour. Ça change tout le temps. On peut y voir des milliers d’évocations de fleurs blanches, de fruits frais, et c’est, malgré la puissance, d’une délicatesse particulière. Aussi, quand le Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 1990 arrive, c’est une bombe aromatique et gustative dont le potentiel s’exprime en mégatonnes. S’il y a une belle distribution complexe, la première impression est quand même monolithique. C’est le pack de rugby qui avance sans se poser de question. Je suis amoureux de ce vin parfait, envahisseur du palais au-delà de l’imaginable. Alors, repasser de l’un de ces vins à l’autre est un exercice de gymnastique difficile, mais je suis reconnaissant à Jérôme Moreau de nous avoir suggéré de le tenter. Ces trois vins sont si différents qu’il est très difficile de juger de leur adaptation au plat d’autant qu’ils ont un calibre supérieur au sien. C’est sans doute le Pétrus qui convient le mieux.

J’expliquais à des convives la différence que je fais entre les « accords de surf » et les « accords de boxe », ceux où vins et mets voguent ensemble ou au contraire se provoquent et j’en fis discrètement l’expérience en goûtant un peu du Parmentier avec le Sainte-Hune. C’est tout simplement prodigieux. Mais ce plat est conçu pour d’autres vins.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1964 a un nez salin qui ressemble à celui du Grands Echézeaux, mais il fait plus fatigué. Ma voisine qui est avec son époux une fidèle parmi les fidèles considère les vins du Domaine comme des mythes dont elle est l’adoratrice. Aussi est-elle un peu frustrée de voir que certains de ces vins peuvent ne pas être au firmament. Moins gênés que d’autres, le dijonnais et moi savons lire entre les lignes et nous en profitons. Mais La Tâche est ici en jeu un peu faible. Tout-à-coup, comme si un réveil avait sonné, La Tâche se met à délivrer des fulgurances de perfection qui sauvent l’opinion que je commençais à me forger. A côté de lui, le Château Mouton-Rothschild 1964 au parfum totalement opposé à ce qu’il avait délivré il y a six heures, déborde de joie folle. Il m’évoque le velours et une goûteuse confiture de fruits rouges. Il est joyeux, juteux, jeune d’esprit et se complait en bouche. On le boit comme on goûte un bonbon. Pas franchement dans le style de Mouton il a cependant une caractéristique de ce vin : il ne laisse pas indifférent, et quand on l’aime, on l’adore.

Le vin de la même série mais servi en léger décalage est un Osmara Dom. De Feudeck, Comte Hubert d’Hespel Prop. à Jemmapes (Algérie) 1945. J’avais annoncé son niveau très bas ce qui fait que Jérôme Moreau n’avait même pas fait imprimer son nom sur le menu. D’une odeur agréable à l’ouverture, il se présente comme un grand vin au moment où nous le buvons. Il serait servi seul dans un repas, on l’apprécierait énormément. A côté des deux autres il fait même belle figure. Il évoque un peu un porto légèrement sec, en donnant au mot sec une connotation qui n’est pas péjorative. Très goûteux, très dense, légèrement fumé, il ressemble à un vin lourd du Rhône. Si le Mouton évoque les fruits rouges, l’Osmara rappellerait un peu la figue. Sa longueur en bouche ne dévie pas ce qui démontre que sa baisse de niveau ne l’a pas blessé. C’est un vin particulièrement intéressant car on a peu de repères. Le Parmentier est un joyau de cuisine bourgeoise.

Le dessert qui accompagne le Château d’Yquem 1985 est une merveille d’intelligence. La justesse de ton pour cet agréable Yquem est remarquable. On sent tout le travail qui est fait entre Eric Fréchon et Jérôme Moreau pour coller aux vins. Certains novices qui découvrent Yquem sont conquis. C’est un Yquem classique, très rassurant.

De convention entre Eric et moi, le Château d’Yquem mise Van der Meulen 1918 est servi seul comme un dessert à part entière. Au moment où nous l’appréhendons, le vin confirme le parfum inoubliable qu’il disperse autour de nous, halo de bonheur. Nous sommes à un sommet de ravissement. En bouche, l’agrume et le thé sont si présents que je demande à Sébastien, le maître d’hôtel particulièrement zélé de nous faire apporter des tranches de pamplemousse rose. Et l’association est divine. L’Yquem est d’un or d’airain, tout en agrumes et en thé, peu sucré et le bonheur de boire cet Yquem est comparable au charme d’une geisha pratiquant l’art de la conversation.

La tradition du vote a été particulièrement intéressante, car aucun des convives n’aurait pu imaginer une telle diversité des votes. Cela devrait donner beaucoup d’humilité aux experts qui pensent qu’il y a un goût universel ou pour le moins consensuel. Car sur les treize vins du repas, onze ont figuré dans les quartés. Et les deux qui n’y figurent pas sont de très bons vins : le Veuve Clicquot la Grande Dame 1990 qui brillerait en un autre endroit a été étouffé par le Dom Ruinart 1961, et le délicieux Morgon 1970 était entouré de trop de merveilles. Autre sujet d’étonnement et de fierté pour moi, sept vins ont eu droit à un vote de premier. Ce qui fait que sur douze convives, sept ont choisi différents chouchous pour leur soirée. C’est une leçon sur la diversité des goûts. Les vins qui furent nommés premiers sont : Yquem 1918 quatre fois, Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974 et Pétrus 1994 deux fois, Dom Ruinart 1961, Clos Sainte-Hune 1990, Montrachet Bouchard 1999, Yquem 1985 une fois. Le vin le plus fréquent dans les votes est le Grands Echézeaux, suivi du Mouton. Le vin d’Algérie au niveau bas a figuré dans quatre votes, ce qui est spectaculaire.

Le vote du consensus serait : 1 – Yquem 1918, 2 – Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974, 3 – Clos Sainte-Hune 1990, 4 – Mouton-Rothschild 1964.

Mon vote a été beaucoup plus difficile que d’habitude. Car il y a tellement de vins que je voudrais encourager comme le Pétrus 1994 si joli, le Montrachet ou le Grands Echézeaux. J’ai eu comme mes convives de longues hésitations. Le vote que j’ai retenu est : 1 – Yquem 1918, 2 – Clos Sainte-Hune 1990, 3 – Mouton-Rothschild 1964, 4 – Dom Ruinart 1961. Tout le monde a compris qu’il y a une cohérence entre le fait de demander de ne pas juger les vins lorsqu’on les boit et de procéder à des votes, car ces votes ne constituent en aucun cas une critique des vins. C’est un exercice ludique qui montre sur quels vins chacun a le plus vibré. La personne qui a voté en numéro un pour Yquem 1985 et n’a pas cité dans son quarté Yquem 1918 a un palais différent du mien. Vive la différence ! Une autre question que l’on peut se poser : si pour des vins très disparates les préférences sont aussi variées, à quoi cela sert-il de donner des descriptions analytiques d’une précision confondante, si cela ne sera pas perçu de la même façon par des dégustateurs ?

Nous avons eu ce soir la cuisine épanouie d’un Eric Fréchon au sommet de son art. Les goûts sont francs, lisibles, et cela convient parfaitement aux vins anciens. Jérôme Moreau a suggéré des audaces et je lui en suis reconnaissant. Dans cette belle salle que nous avions pour nous tous seuls, au milieu des rires, nous avons passé une soirée raffinée et mémorable. Une preuve de plus : plus d’une heure après la fin du repas, personne ne voulait quitter la table.

les vins du dîner du 24 janvier 2008 jeudi, 24 janvier 2008

Champagne Laurent Perrier Grand Siècle (ancien)

Champagne La Grande Dame, Veuve Clicquot Ponsardin 1990

Champagne Dom Ruinart Blanc de Blancs 1961

Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 1990

Montrachet Bouchard 1999

Pétrus 1994

(l’étiquette est détachée)

Château Mouton-Rothschild 1964

Morgon Champy 1970

Osmara Dom. De Feudeck, Comte Hubert d’Hespel Prop. à Jemmapes (Algérie) 1945

Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1964

Château d’Yquem 1985

Château d’Yquem mise Van der Meulen 1918

 

 Il est à noter que ce qui est écrit est Chateau Yquem et pas Chateau d’Yquem, ainsi que la mention "premier des grands crus", qui n’a jamais été revendiquée par Yquem.