Déjeuner au restaurant Tom Cariano mardi, 14 septembre 2021

Une amie a repéré un tout nouveau restaurant, ouvert il y a trois mois qu’elle aimerait essayer avec ma femme et moi. Il s’agit du restaurant Tom Cariano au sein de l’hôtel de la mer à l’Ayguade. Comme il fait beau on déjeune dans un joli parc protégé du vent. Nous décidons de prendre le menu homard d’Atlantique avec : amuse-bouche autour du homard / homard et sa bisque, rouille, brioche toastée et orange / pour le plat principal on a le choix entre la volaille au homard : demi-homard, cuisse de volaille farcie au homard, jus de homard ou bien le demi-homard poêlé, risotto au jus de homard / fruit de nos maraîchers, sablé et crème fouettée à la vanille.

Notre amie osera l’association homard et volaille alors que ma femme et moi nous prendrons le demi-homard au risotto.

Le début de repas est accompagné d’un Champagne Dom Pérignon 2010 qui est d’une belle élégance raffinée. C’est un champagne vif qui n’est pas large mais tranchant. Il est très gastronomique.

Si la carte des champagnes offre de beaux choix, la carte des vins est pauvre, car le restaurant démarre. Je commande le seul vin dont je connais le nom, un Château Grand-Puy Ducasse Pauillac 2013 en demandant que le vin ne soit ouvert que lorsque le plat principal sera servi. Le vin arrive donc en pleine éclosion et se montre absolument convaincant, riche et pointu avec des évocations tanniques. L’accord avec le homard est parfait. Notre amie nous donne à goûter de la volaille et son association avec le homard est pertinente.

Le chef Tom Cariano a travaillé plusieurs années dans la Napa Valley. Son approche est très cohérente. Sa cuisine est de belle réalisation notamment les cuissons. Il a tous les ingrédients pour connaître le succès. Il travaillera prochainement à étoffer sa carte des vins, ce qui nous poussera à revenir.

De nouveau au restaurant l’Aventure mardi, 14 septembre 2021

Nous invitons une amie de ma femme au restaurant l’Aventure où nous nous trouvons bien. Le propriétaire du restaurant m’a autorisé à apporter un vin et j’ai choisi un Champagne Laurent-Perrier Grand Siècle qui doit avoir environ soixante ans. Ayant vanté les qualités des délicieuses moules que nous avons plusieurs fois mangées, quelle n’est pas ma déception de me trouver face à des moules insipides sans le moindre intérêt. La fille du propriétaire qui nous sert explique qu’il y a eu un changement de fournisseur de moules. Cela peut expliquer la déception mais je pense que la cuisson est aussi en cause. La langouste avec des tagliatelles est toujours parfaite ainsi que la glace vanille, sorte de dessert obligé lorsque je mande des produits de la mer. Le Champagne Laurent-Perrier Grand Siècle années 60 a le bouchon qui se cisaille, comme d’habitude, le disque du bas sortant avec l’aide d’un tirebouchon, sans aucun pschitt. La couleur est belle. Le champagne est large et complexe, ensoleillé, mais je l’ai trouvé moins dynamique que d’autres du même lot que celui-ci. Sans moules, le plaisir était moindre.

253ème repas de wine-dinners au restaurant Plénitude Arnaud Donckele mercredi, 8 septembre 2021

Le 253ème repas de wine-dinners a eu une longue gestation. Je connais depuis plus de dix ans Arnaud Donckele et lorsqu’il a été décidé qu’il dirigera le restaurant gastronomique de la Samaritaine, l’idée nous est venue de faire un grand repas avant l’ouverture officielle du restaurant. Mais les dates de la fin des travaux pharaoniques dans ce gigantesque immeuble reculaient et reculaient sans cesse. De plus le Covid a mis une incertitude sur les possibilités de faire des repas.

L’horizon s’étant éclairci, la date d’ouverture officielle du restaurant Plénitude Arnaud Donckele de Cheval Blanc Paris a été annoncée et la date du repas que nous ferions ensemble a été fixée à trois jours avant l’ouverture officielle. Nous avons travaillé à la mise au point du menu et nous avions déjà eu avec Arnaud des discussions sur la philosophie des repas. Les voies qu’explore Arnaud ne sont pas celles que j’explore, mais peuvent se rencontrer. Nous avons dû travailler pour en faire une synthèse. J’ai fixé des pistes telles que rouget pour un Pétrus, ris de veau pour un Corton-Charlemagne, pamplemousse pour un Yquem et Arnaud, en visionnaire, a tout de suite compris comment traduire ces pistes en plats cohérents. Et notre complicité a permis de faire un repas structuré.

Le génie des sauces du chef a conduit à des plats extraordinaires. Arnaud a privatisé pour nous le restaurant pour un déjeuner. Il a été omniprésent, servant les plats et servant lui-même les sauces dans nos assiettes, ce que je considère comme un privilège et un signe d’amitié.

Quand les convives sont arrivés, il les a salués en disant : « ce que vous allez manger, ce sont les plats de François Audouze. Moi, je n’y suis pour rien ». Nous avons ri. Et tout au long du repas les participants ont pu voir à quel point il s’est impliqué. Aucun plat n’est un plat de la carte. Ce sont des créations pour cet événement et ils ne sont pas reconductibles. C’est ce que le chef a expliqué au moment où dans le fumoir, nous avons fumé des cigares et bu un Rhum de la Martinique.

Les vins avaient été livrés deux jours avant le déjeuner et redressés la veille au soir. Le jour venu, je me présente à l’hôtel Cheval Blanc Paris un peu avant 9 heures. Emmanuel, le sommelier, me propose d’ouvrir les vins dans le fumoir. Le bouchon du Laville Haut-Brion vient entier comme presque tous les bouchons. Le nez du Laville est noble. Le parfum du riesling paraît fermé. Celui du Corton-Charlemagne de Coche-Dury n’est pas aussi tonitruant que ce que j’attendais mais il est subtil. Le parfum du Pétrus 1989 est miraculeux, celui de La Tâche très discret et celui de l’Yquem 1947 est la splendeur la plus absolue. Il est royal. Je devrais m’agenouiller devant le parfum du Constantia, réel chef d’œuvre. Son bouchon est le seul qui se brise en de nombreux morceaux, car ce minuscule bouchon s’est collé au verre et ne glisse pas dans son petit goulot.

Tout étant rondement mené j’ai le temps de regarder le site merveilleux de la Samaritaine et de saluer Arnaud Donckele, souriant et heureux que nous tentions cette expérience. A 11 heures j’ouvre les deux champagnes. Le bouchon du 1979 est étonnamment court et celui du 1981 libère une belle explosion gazeuse.

Les convives sont tous à l’heure. En trinquant avec un Champagne Krug 1979 je peux donner les « consignes » aux trois nouveaux. Nous sommes huit, avec une condamnable absence de parité.

Le Champagne Krug 1979 a une jolie couleur d’un ambre clair et le premier contact montre une acidité très présente mais je préviens mes convives que les amuse-bouches vont effacer cette acidité. Et c’est le cas, avec des huîtres merveilleuses et des bulots fumés comme je n’en ai jamais mangés. Le champagne est large et opulent, bien typé et c’est un des meilleurs 1979 que j’aie eu la chance de boire.

Voici le menu du repas. Le début de l’intitulé est souvent lié aux suggestions que j’ai faites, et à partir du mot « pour », c’est le génie du chef qui donne au plat une cohérence gustative et un supplément d’âme :

Sandre / chair d’araignée / caviar pour vinaigrette « berlugane »

Homard / choux brulés / pinces pour soupe  »vigne cardinale »

Ris de veau / carottes fondantes pour jus condimenté « dévoyé »

Rouget / céleri / crocus pour bouillon « bravade »

Pigeon / pomme de terre / Peranzane pour sauce « olive giboyeuse »

Bleu ciré dans le vaisselier lacté

Composition satinée pamplemousse / mangue / crème lactique / safran pour sauce « esquisse rose »

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1981 est très différent du Krug 1979. On le sent plus complexe, plus raffiné, plus noble. Le 1979 est un fonceur, le 1981 est un esthète. C’est d’ailleurs l’un des Clos du Mesnil que je préfère, après le légendaire 1979. Le plat gourmand est large et idéal pour ce fin champagne.

Le homard côtoie deux vins. Le Château Laville Haut-Brion Blanc 1950 a une couleur très claire comme le plus souvent pour ce vin qui ne bronze pas avec l’âge. Le nez est impérial et riche et en bouche, le vin est un festival de saveurs riches et inhabituelles. On aurait du mal à dire que c’est un bordeaux blanc tant ses richesses ressemblent à celles d’un Hermitage blanc. Je suis conquis par l’originalité de ce vin qui me semble meilleur que ce qu’aurait donné un Haut-Brion blanc du même âge.

Le Riesling Léon Beyer vers 1950 a hélas un nez de bouchon. Même si le vin n’a pas de goût de bouchon, on est mal à l’aise avec son parfum. C’est pourtant un beau riesling cohérent et minéral, mais le cœur n’y est pas. Le homard est une merveille et embellit le Laville.

Le Corton-Charlemagne Jean François Coche-Dury 1997 n’a pas l’approche tonitruante de certains millésimes riches de ce vin, mais il a la belle sophistication des Corton-Charlemagne d’un domaine qui porte cette appellation au firmament. L’association avec un ris de veau est mon idée et comme au rugby, c’est Arnaud Donckele qui a transformé l’essai avec une sauce à se damner. L’accord est parfait.

Le Pétrus 1989 a un nez impressionnant. Quelle richesse de truffe et de charbon ! En bouche il est tout simplement miraculeux. Un ami présent avait bu avec moi au Château de Saran un Pétrus 1990. Ce 1989 est transcendantal par rapport à son cadet. C’est un vin sublime qui justifie pleinement la réputation dont jouit Pétrus. On est au nirvana et le rouget traité par Arnaud est de la consistance qui fait le génie de cette association qui est une de mes coquetteries. Un rouget servi après un ris de veau n’est pas banal et ce fut réussi.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1990 est d’un des millésimes que je préfère pour La Tâche, le plus grand étant 1962. Le parfum de ce vin n’est pas aussi puissant que ce que j’attendais. C’est un grand vin, en possession de tous ses moyens, mais il a du mal à m’émouvoir après la prestation du Pétrus. Le pigeon est absolument magique, interprété de la plus belle façon. L’accord avec La Tâche est particulièrement réussi.

Le Château d’Yquem 1947 va accompagner deux services, celui du fromage bleu et celui du dessert. Arnaud Donckele a défendu son choix du fromage bleu ciré, mais ce choix qui a été fait par curiosité ne m’a pas fait changer d’idée : Stilton est le fromage qui convient aux vieux Yquem. Ce sera une occasion de nous revoir pour tester les deux. Il y a dans le bleu ciré du gras qui ne colle pas au sublime Yquem. Ce qui me fascine toujours avec ces Yquem légendaires c’est que tout en eux est parfait. Le dessert où le pamplemousse rose est le guide est une merveille.

Nous nous rendons dans le fumoir pour goûter le White Constantia J.P. CLOETE Afrique du Sud # 1862. Arnaud est très fier de cette possibilité de fumoir et il a raison. Nous bavardons avec Arnaud Donckele et c’est un plaisir et un privilège de discuter avec lui de gastronomie. Le Constantia est dans son registre aussi parfait que ne l’est l’Yquem 1947 en lequel tout est dosé pour notre bonheur. Le gras de l’Yquem, sa sucrosité, sa longueur appartiennent aux plus grands des Yquem et à mon goût ce 1947 surpasse le 1921 si chéri des experts.

Le Constantia est tout en douceur, avec des saveurs et des odeurs de mille et une nuits. J’avais demandé des financiers nature et à la rose et ceux que le pâtissier a réalisés mettent en valeur la grâce de ce breuvage divin que Napoléon adorait.

Cela fait trente ans que je ne fume plus, mais j’ai gardé des boîtes à cigares. J’en ai apporté une pour que mes amis et moi fumions ces reliques qui les étonnent car les cigares sont loin d’être secs. J’ai aussi apporté un Rhum de la Martinique Nady années 50 / 60 absolument délicieux et typé avec des petites notes vanillées, qui est un bonheur pour déguster les cigares.

Dans le fumoir nous avons voté pour les vins sans inclure le Rhum. Trois vins seulement ont été classés premiers : Pétrus 1989 a eu quatre votes de premier, La Tâche a eu trois votes de premier et le Constantia a eu un seul vote de premier, le mien.

Le classement du consensus est : 1 – Pétrus 1989, 2 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1990, 3 – White Constantia J.P. CLOETE Afrique du Sud # 1862, 4 – Château d’Yquem 1947, 5 – Champagne Krug Clos du Mesnil 1981, 6 – Corton-Charlemagne Jean François Coche-Dury 1997.

Mon classement est : 1 – White Constantia J.P. CLOETE Afrique du Sud # 1862, 2 – Pétrus 1989, 3 – Château d’Yquem 1947, 4 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1990, 5 – Château Laville Haut-Brion Blanc 1950.

Un tel repas avec la complicité d’un chef du talent d’Arnaud est la récompense de ma démarche gastronomique. C’est ce dont je rêve et nous l’avons fait. Arnaud est le prince des sauces mais pas seulement, car l’architecture du repas a été parfaite.

Les vins se sont montrés très grands. Les accords ont été pertinents. J’ai un petit faible pour rouget et Pétrus, pigeon et La Tâche, dessert et Yquem. Le service a été d’une grande justesse. Ce repas devrait être canonisé au Panthéon de la Gastronomie. C’est un immense bonheur. Merci Arnaud.

la lie de La Tâche

Constantia choisi dans la collection

les vins dans ma cave

les vins dans le fumoir du restaurant

l’entrée de l’hôtel

la salle à manger

la petite pièce où sont gardées des vaisselles de « grand-mère »

la vue sur la Seine

les plats

Débauche de vins au restaurant Pages vendredi, 3 septembre 2021

Un ami m’envoie un message me demandant si je voulais participer à un dîner qui se tiendra au restaurant Pages. Il annonce quelques convives dont Olivier Krug, Charles Philipponnat, Frédéric Panaïotis, les dirigeants de Drappier, le dirigeant de Chartogne, et le directeur général de Vega Sicilia Unico. Un seul de ces grands personnages du vin aurait suffi pour que je dise oui. Je propose d’apporter du vin et mon ami me dit qu’il y en aura beaucoup car une influenceuse du vin vivant à New York veut fêter les 60 ans de son mari né en 1960 dont l’anniversaire n’avait pu être organisé en 2020 du fait du Covid. Nous serons environ seize ce qui rend difficile d’apporter des bouteilles de vins anciens. J’opte pour deux magnums, un Montrachet Guichard Potteret magnum 1988 et un Pommard Grands Epenots Domaine Hubert de Montille magnum 1999. Comme il y aura des vins anciens je propose à mon ami de venir à 16 heures au restaurant Pages pour ouvrir les vins qui seront présents.

Comme convenu je commence à ouvrir les rares vins présents ce qui me laissera un temps mort très long. Le Grands Epenots de Montille a un nez superbe alors que le Montrachet 1988 a un bouchon qui sent le bouchon et hélas le vin sent le bouchon aussi. Quel dommage. J’ouvre deux Château Petit Faurie de Soutard 1960 l’un superbe, l’autre au bouchon que je dois sortir au tirebouchon Durand, nettement moins accueillant. Il en est de même de deux Château Margaux 1934 dont l’un est sublime et l’autre résolument fatigué.

Après les ouvertures, je vais prendre une bière à la brasserie 116 et je grignote des édamamés. Juste avant que l’équipe de cuisine ne prenne leur dîner, je leur offre de goûter le Champagne Dom Pérignon 1983 que j’avais apporté au Pavyllon et dont il restait une belle moitié. Ils ont apprécié la noblesse de ce champagne.

Les invités arrivent et nous sommes submergés par les vins. Sans calcul, en comptant deux bouteilles pour un magnum, nous dépassons les quarante bouteilles pour seize. C’est de la débauche mais surtout c’est assez anarchique car il y a toujours un convive qui vient remplir un verre pour qu’on goûte son vin. De ce fait, ma mémoire me fait défaut pour raconter certains vins de ce programme de folie :

Champagne Krug magnum 2003 : succulent et racé comme il doit être – Champagne Philipponnat Clos des Goisses 2012 dégorgé en avril 2021 et pas encore commercialisé : très prometteur et imposant – Champagne Dom Ruinart Magnum 1990 : l’un des plus grands Dom Ruinart, une merveille – Champagne Dry Monopole Heidsieck & Co magnum 1955 : un peu fatigué mais beau témoignage d’une grande année – Champagne Drappier Grande Sendrée magnum 2002 : superbe – Pommard Grands Epenots Domaine Hubert de Montille magnum 1999 : d’une subtilité infinie, je l’adore – Château Calon-Ségur 1961 : la bouteille que j’ai bue est grande et riche – Château Margaux 1934 : j’ai eu le bonheur de boire la bonne bouteille, un rêve – Vega Sicilia Unico 1964 : un très grand Véga au sommet de sa maturité – Château Petit Faurie de Soutard 1960 : très beau saint-émilion.

Et il y a les vins que je n’ai pas bus ou dont je ne me souviens pas : Chevalier Montrachet domaine Leflaive magnum 2008 – Champagne Chartogne-Taillet Heurtebise 2016 – Vega Sicilia Unico magnum 2006 – Champagne Dom Ruinart rosé 1985 – Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1959 – Corton renardes Paul André 1979 – Champagne Drappier Brut Nature André Michel (fin des années 90) – Champagne Krug Grande Cuvée étiquette bordeaux – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1981 – Corton Charlemagne Louis Latour 1934 – Montrachet Guichard Potteret magnum 1988 qui n’a même pas été servi, mon apport oublié dans une cave de refroidissement – Champagne Dom Pérignon 1969. J’ai certainement raté des merveilles.

Le menu a été une fois de plus parfait : brioche feuilletée, tapenade à l’ail noir / tartelette confits d’oignons, anchois / carpaccio de Joshu Wagyu / salade de homard bleu, burrata, émulsion pastis fenouil, radis mirabelles, caviar Baeri Baïka Royal / anguille fumée, frite ‘Nduja, gel de citron au piment d’Espelette / daurade royale sauce « umami », nectarine confite au sel / dégustation de bœuf de maturation, girolles et gaufre de pomme de terre / pastèque et thym citron / crème brûlée au chocolat, glace à la cardamome.

Le talent du restaurant Pages s’affirme de plus en plus. Ce qui fait la valeur de ce dîner c’est la cuisine, les convives tous intéressants et enjoués et la générosité de participants qui veulent faire plaisir à tous. Ce fut un grand moment de partage. J’ai cru comprendre que les 60 ans allaient se fêter encore chez de nombreux vignerons.

les vins que j’ai apportés

les vins que j’ai ouverts

quelques vins qui arrivent avec les invités

le sommelier regarde si l’alignement des verres est parfait

le repas

les vins

les convives

Dîner au restaurant Le Pavyllon jeudi, 2 septembre 2021

Ma fille aînée me propose que nous dînions ensemble et suggère le restaurant le Pavyllon, créé par Yannick Alléno au rez-de-chaussée du Pavillon Ledoyen. Elle suggère que nous dînions au comptoir, face à la cuisine. Les places sont réservées.

Le jour venu, vers 17 heures, une charmante personne m’appelle et me demande si je vais apporter du vin. Je la remercie de cette charmante attention et je demande pourquoi. Elle me répond que l’on sait que j’ai l’habitude de le faire. Quelle belle proposition.

Peu avant 20 heures, j’arrive sur place et je montre au sommelier ce que j’ai apporté. N’ayant pas pris mes outils, le riesling 1983 est ouvert par le sommelier. Avec le tirebouchon limonadier classique il n’est pas étonnant que le bas du bouchon ne remonte pas et tombe dans le liquide. Le sommelier adroit a réussi à extraire le bas du bouchon. Aucune miette ne reste. Tant mieux.

Il y a un menu à sept plats et un menu à cinq plats. Nous préférons être raisonnables et le menu est ainsi rédigé : moules de chez Morisseau, en soupe froide aux pépins de tomate, crème glacée / soufflé au fromage, à la vapeur, sauce composée au vin jaune, croquant de céleri et râpée de noix de muscade / rouget à la grande friture, à la diable, concassée d’huîtres de claire à l’huile d’estragon / pigeon du pays de Racan, poché au lait d’algue kombu grillée, tanin de betterave et sabayon à l’ail des ours / des fraises des bois, fraîches et mi- confites, glace à la mascarpone et parfum de tagette.

Disons-le tout de suite, ce repas est remarquable. Ce qui m’a impressionné, c’est la pertinence des acidités. Tout est bon et réalisé avec talent. J’aurais préféré l’entrée un peu moins froide, ce qui n’aurait pas entamé sa fraîcheur et j’ai trouvé que l’huître étrangle un peu la chair si parfaite du rouget, la rendant moins lisible, alors que le pigeon est d’une réalisation idéale, la chair étant totalement mise en valeur. Les deux plats les plus brillants sont le soufflé et le pigeon. Un rêve.

Yannick Alléno est présent aussi nous avons pu bavarder avec lui et évoquer quelques idées intéressantes.

Le Champagne Dom Pérignon 1983 a été servi en même temps que le Riesling Réserve Personnelle Hugel 1983. La couleur du champagne est d’un ambre rose. Le pschitt est discret mais réel. La bulle est présente mais rare et le champagne est d’une belle complexité plaisante. Le riesling, quant à lui, a un parfum tonitruant. C’est les trompettes de la renommée. Sa couleur est très claire comme d’un riesling très jeune, et en bouche c’est un festival glorieux. Dans pratiquement toutes les situations le riesling s’est montré le plus adapté au plat. Le champagne est plus en retrait, moins partageur avec le plat. L’accord le plus saisissant est celui du soufflé avec le riesling. On a l’impression que leurs goûts se confondent, dans un prolongement parfait.

Pour le pigeon, nous avons commandé un vin au verre. Je pensais prendre un verre de Barolo et j’ai demandé ce que le sommelier conseillerait. Il m’a répondu : « vous devriez essayer le Barolo de Yannick Alléno ». Je suis émerveillé par le parcours de Yannick Alléno qui officie sous toutes les latitudes du monde, mais j’ignorais qu’il pouvait être vigneron aussi.

Le Barolo Réva 2017 a une belle attaque qui convient au pigeon, mais du fait de son âge, le finale est un peu court.

Yannick Alléno est souriant, le service est impeccable, la cuisine est de très haut niveau montrant un talent à pleine maturité. Ce fut un dîner exemplaire.

Dernier repas avant un retour à Paris dimanche, 29 août 2021

Des amis viennent dîner à la maison. Pour l’apéritif j’ai envie d’ouvrir un vin bien jeune dont l’ami qui me l’a offert en dit le plus grand bien. Le Côtes de Provence Rose et Or Château Minuty 2020 est d’une couleur très claire, a le nez d’un rosé et en bouche a tout d’un rosé jeune. Il n’est pas déplaisant mais il manque de corps. Je suis plus sensible à des rosés riches comme celui du Clos Cibonne qu’à des rosés éthérés et frêles, même si leur expressivité existe.

Pour poursuivre l’apéritif j’ai ouvert il y a une heure un Champagne Comtes de Champagne Taittinger Blanc de Blancs 2006. Je m’attendais à mieux car j’avais le souvenir que 2006 est réussi pour ce beau champagne. Celui-ci a des notes torréfiées, pataudes, manquant de grâce. J’opte volontiers pour un accident de parcours, car je suis un grand amateur de Comtes de Champagne, ou, pourquoi pas, à une mauvaise humeur de mon palais.

Le Châteauneuf-du-Pape Domaine de la Petite Gardiole Charles Establet 1965 ouvert il y a quatre heures m’avait gratifié d’un parfum très prometteur. Sur table, le parfum est moins brillant et une petite acidité empêche d’applaudir la belle tenue d’un Châteauneuf-du-Pape expressif et typé, meilleur que ce qu’on pourrait attendre d’un 1965, année qui a été peu bénie des dieux dans beaucoup de régions.

Etait-ce le temps, était-ce moi, mais ces trois vins ne m’ont pas comblé. Il faudra passer à autre chose.

Un champagne rosé de plus de 50 ans mardi, 24 août 2021

Il y a presque deux mois j’étais allé à une dégustation des vins de la galaxie Reynaud / Rayas au restaurant La Cabro d’Or. J’avais apporté un Salon 1997 dans un sac réfrigéré pour qu’il soit à bonne température. En quittant l’aimable assemblée qui avait participé à ce bel événement, j’ai oublié de prendre ma sacoche.

L’organisateur, Frédéric, avait essayé de me rattraper mais n’avait pas réussi. Hier il m’appelle et me dit que venant rencontrer un de ses amis qui habite à proximité de ma maison d’été, il se propose de m’apporter la sacoche. Je l’invite pour le café. Il m’annonce qu’il viendra avec son ami.

Sur un gâteau au citron meringué je sers un Champagne Perrier-Jouët rosé 1969 que j’ai ouvert il y a environ deux heures. Le bouchon parfaitement cylindrique vient sans difficulté et avec un tout petit pschitt. La couleur n’est pas rose mais plutôt ambrée. Le parfum est beau et noble annonçant un champagne racé. Le goût du champagne est bien celui d’un champagne rosé. Il y a une petite amertume au premier goût, mais le champagne s’élargit et devient charmant. Le finale est sans fin. C’est champagne très cohérent, bien construit et agréable à boire. Ce n’est pas le plus grand des rosés, mais il est bien intégré et offre de belles complexités. C’est une belle expérience d’un champagne de 52 ans.

Je suis heureux d’avoir fait goûter ce champagne à deux amateurs de vins qui n’avaient jamais approché le monde des champagnes anciens.

Rencontre de voisins samedi, 21 août 2021

Lors d’une promenade sur l’avenue où se trouve ma maison d’été, je suis hélé par un voisin qui habite à une centaine de mètres de chez nous et qui me dit : vous êtes monsieur Audouze ? Je réponds oui et il me dit qu’il est heureux que quelqu’un d’aussi célèbre habite dans cette avenue discrète. Et il me parle notamment de ma méthode d’ouverture des vins, ce qui montre qu’il s’est intéressé à son voisin.

Je pense immédiatement à la fable du corbeau et du renard qui dit que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. Son discours vaut bien un fromage aussi le fromage le plus adapté est sans doute de l’inviter à prendre l’apéritif à la maison.

Ils viennent à quatre et nous avons prévu plusieurs petites choses à grignoter : des fraises, un fromage de tête, une rillette de porc, du saucisson moelleux, des chips, des noix de cajou, une mimolette et du gouda au pesto. J’en oublie sans doute.

J’avais ouvert il y a quatre heures un Champagne Delamotte Brut sans année que je devais avoir en cave depuis au moins cinq ans. Il fallait bien tenir en main le bouchon qui n’avait qu’une envie, celle d’exploser en l’air. Le champagne réagit très bien sur les fraises, y trouvant de la fraîcheur. Il est frais, fluide, bien construit et joyeux. J’aime beaucoup les Delamotte avec une petite préférence pour le blanc de blancs sans année.

Il me paraissait quasi certain qu’un magnum ne suffirait pas et je suis allé chercher une bouteille de Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1996. Quel beau champagne ! On mesure à quel point l’âge ajoute des complexités aux champagnes. Celui-ci me plait énormément et mes voisins n’imaginaient jamais qu’un champagne ancien pourrait offrir autant de plaisir.

Nous avons longuement discuté de mille choses dont le voisinage dans notre commune et nous nous sommes promis de nous revoir.

252ème repas dans la maison du sud lundi, 16 août 2021

Depuis une quinzaine d’années, le dîner du 15 août est un point culminant gastronomique de notre été. Deux amis ayant déménagé à plus d’une centaine de kilomètres, j’ai estimé plus prudent de faire ce repas non pas à dîner mais à déjeuner. Nous serons six dont cinq qui boivent du vin.

La mise au point du menu de ce repas ayant donné lieu à tellement de soins et fut une telle réussite qu’il me paraît justifié que ce repas soit compté comme un des dîners de wine-dinners. Ce sera donc le 252ème dîner.

Le repas va commencer après l’apéritif par un foie gras composé par ma femme, avec des gouttes de Porto Quinta do Noval 1964 et des gouttes d’un cognac millésimé 1925. Il y aura ensuite des langoustines cuites à la seconde près, avec une goutte d’huile d’olive associée à une trace de mandarine.

Le clou du repas sera le bœuf Wagyu qui accompagnera trois vins rouges. Du fromage suivra et les dessert sera une tarte Tatin. Le choix des plats a influencé le choix des vins mais l’inverse s’est produit en de nombreuses occasions.

Le matin du 15 août, à 8 heures commence la séance d’ouverture des vins. Le Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive 2002 a un nez relativement fermé mais devrait s’épanouir. L’ami qui a apporté le Château Latour sans étiquette et de niveau entre mi et basse épaule avait suggéré qu’il s’agisse d’un 1972. En fait, en scrutant la capsule du Latour qui a toujours le millésime – belle tradition – on peut deviner 1953 et le bouchon de belle qualité confirme 1953. Le nez est lui aussi un peu fermé mais l’on sent un vin riche.

Le niveau dans le goulot de la Côte-Rôtie La Mouline 1984 est impressionnant, si proche du bouchon. Le nez du vin est subtil et délicat. A l’inverse, le nez du Penfolds Grange 1991 au niveau aussi exceptionnel est une bombe olfactive. Le nez de l’Yquem 2004 est d’un charme fou.

Un peu après 9 heures les vins sont ouverts et il me semble opportun d’ouvrir dès maintenant le magnum de champagne Salon 1999, dont le bouchon a failli m’échapper des mains, tant sa force d’explosion est grande. Le Champagne Initial Jacques Selosse dégorgé le 22 septembre 2011 est le seul vin que j’ai ouvert à 11 heures.

Je me félicite d’avoir deux armoires à vins qui permettent de garder à bonne température les vins ouverts, 15 ° pour les vins rouges et les sauternes et 8 ° pour les vins blancs et champagnes. C’est absolument indispensable de garder les vins ainsi car nous sommes en pleine canicule avec un soleil étouffant. Il faut donc servir les verres et vite remettre les bouteilles au frais.

L’apéritif commence selon un tout nouveau rite : manger une ou deux fraises puis boire le champagne. Avec le Champagne Salon magnum 1999 cela marche à la perfection car le champagne s’imprègne de la fraîcheur de la fraise, alors qu’à mon grand étonnement, cela n’avait pas marché avec le magnum de Dom Pérignon 1992. Viennent ensuite des anchois, des sardines, de la poutargue, du jambon Jabugo, une crème d’artichaut tartinée sur du pain, une anchoïade, des chips à la truffe et une originale combinaison de burrata avec des coquilles Saint-Jacques crues. Ce qui est fascinant, c’est de voir l’adaptabilité du Salon, à l’aise sur toutes les saveurs. C’est un champagne encore jeune mais très solide et qui deviendra dans vingt ans une référence de Salon. Il avait commencé sa vie dans une timide discrétion et depuis il a acquis sérénité et solidité. C’est un grand champagne.

Avec le foie gras, le Champagne Initial Jacques Selosse dégorgé le 22 septembre 2011 montre une personnalité affirmée. Très typé il me plait beaucoup et je le consacrerai dans mes votes. Avec le foie gras si doux il s’exprime de façon tonitruante. Il a acquis une maturité idéale et son expression est digne des meilleurs champagnes de Selosse, et le délai de dix ans entre dégorgement et dégustation me semble idéal.

Les langoustines sont idéalement cuites, à la seconde près et nous pensons tous que ma femme a réalisé un plat qui vaut trois étoiles. Une goutte d’huile parfumée de mandarine ajoute une petite touche qui colle parfaitement avec le Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive 2002. Au premier abord le vin est marqué par un goût de bouchon, qui ne se retrouve pas en bouche. Et ce nez de bouchon va disparaître très vite. Le vin est large, opulent, de belle mâche. J’ai un faible pour les Bâtard-Montrachet que je trouve guerriers. Le plat est absolument divin.

Nous avons acheté sur internet en Belgique deux fois 800 grammes de Wagyu. Ils seront servis en deux fois. Trois vins vont les accompagner. Le Château Latour 1953 a toutes les caractéristiques d’un Latour, avec cette profondeur, cette droiture et un côté incisif. Il est agréable, mais il a un peu souffert de la perte de volume dans la bouteille. Il est agréable mais n’est pas totalement grand.

La Côte Rôtie La Mouline Guigal 1984 est d’une couleur clairette. Le vin est tout en douceur, charmant et élégant. Ceux qui feraient des réserves sur le millésime 1984 en seront pour leurs frais, car cette Mouline est le compagnon idéal du Wagyu. L’osmose est parfaite et c’est ce qui pèsera dans la balance au moment des votes.

Le Penfolds Grange 1991 est une bombe olfactive d’une puissance infinie. J’adore un tel vin extrême qui va encore plus loin que Vega Sicilia Unico dans la richesse. Ce vin me passionne. C’est une réussite dans la richesse. Il sera mon chouchou mais il est évident qu’il joue sa partition sans se soucier du Wagyu. Il vit sa vie, parade, alors que La Mouline s’ajuste à la superbe viande fondante qui collaborerait avec beaucoup d’autres vins, dont des blancs et des liquoreux.

Les vins rouges s’accommodent maintenant de fromages divers dont un camembert Jort fait pour le vin australien et de divers chèvres plus amis du bordeaux.

La tarte Tatin accompagne un beau Château d’Yquem 2004 à la robe encore jeune, et l’on s’aperçoit que le choix d’un jeune Yquem est judicieux, car l’Yquem 1989 qui aurait pu être choisi aurait écrasé la tarte de sa puissance. L’Yquem 2004 me semble promis à un bel avenir.

Nous sommes tous aux anges, tant les accords ont été d’une pertinence totale. Nous sommes ravis de la qualité du Wagyu, qui nous poussera à en recommander.

Il est temps de voter. La Mouline Guigal 1984 a eu trois votes de premier et le Penfolds Grange 1991 deux places de premier.

Le classement final des cinq votants est : 1 – Mouline 1984, 2 – Penfolds 1991, 3 – yquem 2004, 4 Latour 1953, 5 – Initial Selosse, 6 – Bâtard-Montrachet 2002.

Mon classement est : 1 – Penfolds 1991, 2 – Initial Selosse, 3 – Mouline 1984, 4 – Salon 1999, 5 – Yquem 2004.

la bouteille du Latour n’a pas d’étiquette. Le millésime est visible sur la capsule et sur le bouchon