Premier dîner de la Saint-Sylvestre samedi, 30 décembre 2023

Nous descendons dans le sud pour les fêtes de la Saint-Sylvestre. Je commande un plateau de fruits de mer à un restaurant du port, pour demain, le premier de trois dîners.

Les premiers amis arrivent à 13h40 et selon la tradition, j’ouvre un magnum de Champagne Salon, qui est comme le tir au pistolet qui marque le départ d’une course.

Le Champagne Salon magnum 2002 a eu ce matin un pschitt très dynamique. Dans le verre, la couleur est claire. Dès la première gorgée, on sent que le champagne est grand, plus que grand. Il est intense, jeune, vif mais avec une belle rondeur de plaisir. Un régal. Sur un pâté de tête de notre boucher préféré, c’est un bonheur. Avec de fines tranches d’andouille de Guéméné, le plaisir est aussi grand. Le summum est atteint sur un camembert Jort peu affiné qui fait chanter le champagne.

A 16 heures, ce sont deux autres amis qui arrivent. Le Champagne Salon accompagne un gâteau au chocolat, un peu moins compagnon de jeu que les cochonnailles précédentes.

Le plateau de fruits de mer est composé d’huîtres de deux sortes, grasses ou iodées, de crevettes roses, de langoustines et de pinces de crabe. J’ai envie d’associer chaque élément avec un vin différent. Et ce qui chatouille mes méninges, c’est d’essayer un Coteaux du Layon avec la pince de crabe.

Nous passons à table. Le Champagne Perrier-Jouët Belle Epoque 1979 est particulièrement adapté aux deux sortes d’huîtres, offrant deux visages différents. C’est avec les huîtres iodées que je préfère la vivacité de ce beau champagne, alors que sur les huîtres grasses, il fait plus notaire de province.

Sur les crevettes nous buvons un Chablis Grand Cru Blanchot Vocoret 1988. A l’ouverture il m’avait fait un peu peur, mais il a retrouvé sa puissance et sa complexité. C’est un grand Chablis.

Sur les langoustines apparaît un Meursault Charmes Comtes Lafon 2003. Au début, il paraît calme après le vif chablis, mais rapidement il prend de l’ampleur et le mot charme associé à son appellation lui convient parfaitement. Là aussi, l’accord est pertinent. Le meursault paraît plus noble que le chablis mais le chablis est plus vif et expressif que le meursault.

C’est maintenant que je vais savoir si mon audace est justifiée. Le Coteaux du Layon Chaume Domaine La Roche Moreau 1992 est d’une délicatesse infinie. Il est doucereux, mais bien affirmé et l’accord avec la chair de la pince de crabe me ravit. J’adore explorer de telles associations improbables. Je suis aux anges.

Les quatre associations étaient pertinentes. La plus belle me semble être celle du chablis avec les crevettes et la plus originale celle du vin de Loire avec les pinces de crabe. J’ai trouvé le Coteaux du Layon particulièrement élégant. On n’a ni la puissance ni la complexité des sauternes, mais ce vin gracieux est enchanteur.

Des glaces à la vanille ou au caramel beurre salé ont conclu ce repas.

Le premier dîner lance bien l’aventure qui commence.

second dîner de Noël à la maison dimanche, 24 décembre 2023

Le second dîner de Noël se passe aussi à la maison. Deux petits-enfants sont partis tôt ce matin pour rejoindre leur grand-mère lyonnaise. Nous serons sept, tous présents la veille.

Je commence l’ouverture des vins vers 15 heures. C’est la première fois que j’ouvre un vin d’une des allocations que je reçois de la Romanée Conti. C’est un Grands Echézeaux 2001 dont le niveau dans la bouteille a laissé une infime place à l’air. Le vin touche le bouchon quand la bouteille est debout. Le bouchon est de très belle qualité et le parfum très jeune est prometteur.

Quand j’ai fait les photos des bouteilles, j’ai vu que le bouchon du Musigny Comte de Vogüé 1955 est descendu et risque à tout moment de tomber dans le liquide. S’il tombe, il me faudra carafer le vin, ce qui ne permet plus l’oxygénation lente. Avec des gestes très doux j’essaie que le tirebouchon trouve un point d’accroche pour qu’il empêche le bouchon de tomber.

Je réussis à extirper le bouchon qui vient avec beaucoup de difficultés car le cylindre du goulot est très irrégulier et s’oppose à la montée du bouchon. J’ai peur que le bouchon n’ait pollué le vin mais le parfum ne me paraît pas dégradé.

J’ouvre les deux champagnes. Fort curieusement, le Bollinger Grande Année 1982 n’a pas de pschitt alors que le Mumm Cuvée René Lalou 1973 en a un significatif. Les deux bouchons sont cisaillés, le bas du bouchon ne sortant qu’avec un tirebouchon.

Le programme sera : gougères, mimolette et autres amuse-bouche puis à table une poularde de Bresse et gratin dauphinois, fromages et bûche au chocolat et à la meringue.

Le Champagne Bollinger Grande Année 1982 a une petite amertume qui limite le plaisir mais qui va s’estomper au bout de dix minutes et rendre plus large le champagne qui devient plus accessible et charmant.

Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1973 est absolument magnifique. Il a tout pour lui, charme, structure, jolie complexité. C’est le champagne mature parfait.

La poularde de Bresse de taille respectable est d’une tendreté rare. Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2001 est un grand vin noble, riche, vif. Il est épicé et un peu jeune pour moi.

Le Musigny Comte de Vogüé 1955 est très bouchonné ce qui n’était pas apparu à l’ouverture. Ce nez de bouchon ne se retrouve pas dans le goût. Le vin est subtil et un peu fatigué. Ma fille cadette est très rebutée par le nez de bouchon. Et quand au bout de quelque temps ce défaut disparait, ma fille trouve le vin intéressant car il a gardé de belles complexités. Je ne suis pas très content, car sur ces deux jours, trois bourgognes sur les quatre ont été insuffisants. Pour deux d’entre eux j’avais pris le risque mais pour le troisième il y a eu la mauvaise surprise d’un bouchon qui avait glissé.

Pour la bûche au chocolat et meringue j’ai choisi un Champagne Dom Pérignon rosé 1998 qui est absolument idéal. C’est un rosé de belle expression, typé et dynamique.

Les cadeaux ont été nombreux et variés avec de belles intentions. Ces deux dîners de Noël ont été un grand moment d’affection.

Premier dîner de Noël à la maison samedi, 23 décembre 2023

Nous fêterons Noël à la maison en deux fois, le 23 et le 24 décembre en fonction des impératifs des enfants et des petits enfants.

Pour le premier réveillon de Noël le programme sera : à l’apéritif, dégustation de deux caviars, le Baeri français et l’osciètre, puis boudin blanc. Ensuite à table, pommes de terre à la truffe, veau Orloff, fromages et tarte Tatin.

Vers 15 heures je commence à ouvrir les vins. J’ai prévu une bouteille inconnue d’un vin de la Romanée Conti, mais je ne sais pas lequel, d’une année de la décennie 60, mais je ne sais pas laquelle. Le niveau dans le goulot est très satisfaisant et la couleur est très engageante. Le bouchon est beau, d’un liège sain et le parfum timide et neutre peut laisser espérer une évolution positive. Ce qui est inscrit sur le bouchon est très difficile à lire. Je crois reconnaître 1961 mais je n’en suis pas sûr, je crois lire Richebourg mais je n’en suis pas sûr. On peut lire clairement Romanée Conti mais je ne crois pas que c’est une Romanée Conti. J’entrevois Vosne, mais la certitude n’apparaît toujours pas.

J’ai choisi de mettre au programme un Chambertin A. Bichot et Cie 1947 au niveau extrêmement bas. Cette bouteille faisait partie de l’achat de la cave de l’Institut de France. Le bouchon vient en mille morceaux assez sales et l’odeur est particulièrement déplaisante. J’ai choisi cette bouteille car on doit toujours laisser une chance à tous les vins, mais mes espoirs sont faibles.

J’ouvre le Champagne Dom Pérignon 1992 au bouchon parfait qui offre un sympathique pschitt. J’ouvre ensuite le Champagne Charles Heidsieck Finest Extra Quality 1955 qui a mon grand étonnement fait un petit pschitt mais plaisant. La lunule du bas de bouchon est extirpée au tirebouchon. Pendant ce temps je surveille le retour à la vie du chambertin qui est réel mais il me semble prudent d’ouvrir un autre vin. Ce sera un Mouton-Rothschild 1962 au niveau mi-épaule et au parfum puissant et raffiné.

L’ouverture du Château de Fargues 1989 est toujours ‘désespérante’ tant les grands sauternes sont toujours parfaits aux bouchons irréprochables et aux parfums conquérants.

Les invités arrivent. Nous serons neuf, dont deux de ma génération, trois de la génération suivante et quatre petits-enfants. Nous commençons l’apéritif en grignotant des chips au beurre qui sont un tel régal qu’on ne peut s’arrêter d’en manger. C’est alors qu’arrive le Champagne Dom Pérignon 1992 qui est d’un équilibre appréciable et d’une vigueur certaine. C’est un champagne en pleine possession de ses moyens et joyeux. C’est le partenaire idéal des deux caviars que l’on mange avec du pain baguette et du beurre. Tout le monde préfère le Baeri à l’osciètre.

Pour les boudins blancs je sers le Champagne Charles Heidsieck Finest Extra Quality 1955 qui a une bulle active et une couleur encore claire. On a du mal à imaginer que ce champagne a 68 ans, tant il a gardé une belle jeunesse. On ressent l’âge bien sûr mais sa vivacité est impressionnante.

Nous passons à table. Lorsque ma femme avait préparé les truffes dans l’après-midi, la puissante odeur avait envahi toute la maison. Les pommes de terre avec ces truffes intenses sont un régal. Le Château Mouton-Rothschild 1962 est tout simplement parfait. Il a 61 ans mais a la vivacité et la richesse d’un vin de quarante ans.

Le veau Orloff est servi et je verse le Vin du Domaine de la Romanée Conti probable 1961. Une de mes filles l’adore et l’autre ne l’aime pas trop. J’ai à peu près le même sentiment qu’elle car ce vin qui a des esquisses de qualité de la Romanée Conti est un peu trop éteint. On le boit bien, mais l’étincelle de génie n’est pas là.

Je sers le Chambertin A. Bichot et Cie 1947 qui a perdu toutes les mauvaises odeurs qu’il pouvait avoir. On a envie de lui donner une chance et il a un message audible, montrant une certaine subtilité, mais sa fatigue est trop forte. Un époisses guerrier le réveille mais on ne peut que constater que le vin a perdu de sa vigueur. On lui a donné une chance, il le fallait.

Pour les fromages, nous avons repris le Mouton Rothschild 1962 toujours aussi brillant.

J’ai un amour particulier pour le Château de Fargues 1989 que je considère au même niveau qu’Yquem 1989. Ce Fargues est brillant et tout en lui paraît si facile, comme quand chantait Pavarotti, à l’insolente aisance. Avec la tarte Tatin, l’accord est fusionnel.

Les cadeaux ont été échangés avec ceux qui ne seront pas là demain. Les petits-enfants grandissent et les repas de Noël sont de plus en plus passionnants. Quel bonheur de les avoir autour de nous pour ce moment solennel si important.

Casual Friday à la Maison Rostang vendredi, 22 décembre 2023

Il y a longtemps que nous n’avions pas fait de Casual Friday. C’était surtout avec Gérard Besson que nous en faisions car sa connaissance des vins permettait de choisir un menu pertinent, tenant compte des apports variés des convives.

Je contacte quelques amis et une table se forme. La surenchère des générosités fait qu’un des amis pense raisonnable que nous fassions deux repas avec ce qui est proposé. Nous déciderons sur place.

J’arrive un peu avant 11 heures du matin au restaurant Maison Rostang pour ouvrir les vins que chacun a apporté la veille et ouvrir les miens.

Je commence par ouvrir le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1967 qui a un niveau assez bas. Le bouchon est très abîmé. Les odeurs sont assez incertaines mais le vin peut s’améliorer.

Le Chambertin 1966 de Louis Latour qui n’a qu’un an d’écart avec le Richebourg montre un bouchon extrêmement sain et un parfum brillant. Quel contraste entre les deux.

Le Chablis Montée de Tonnerre 1989 a un parfum magnifique et intense. La Côte Rôtie La Mouline 1980 a un parfum plus discret mais prometteur. J’ouvre ensuite le Krug Private Cuvée des années 1960 et à ma grande surprise le bouchon m’a presque échappé des mains tant le pschitt m’a montré sa puissance. Le bouchon était d’une forte noirceur de saleté, mais une fois essuyé, le parfum est apparu remarquable.

Le parfum de l’Yquem 1962 est tonitruant.

Jérémy le sommelier fidèle qui a fait tant de dîners avec moi ouvre un magnum de Veuve Clicquot. Le nez est frais et cinglant.

Les amis arrivent, l’un d’entre eux ayant prévenu qu’il serait en retard. Le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame magnum 1990 est d’une vigueur extrême, tranchant comme un sabre japonais. Il a encore beaucoup de signes de jeunesse et donnerait envie qu’on le garde encore en cave. Il est très grand.

Le Champagne Krug Private Cuvée années 60 est sur un tout autre registre. Tout en lui est rond, charmeur, délicieux. Quel charme, quelle noblesse. Ce champagne est d’un plaisir infini.

Il est servi sur des coquilles Saint-Jacques à peine poêlées en même temps que le Chablis Montée de Tonnerre Premier Cru Jean-Marie Raveneau 1989. Sa puissance est extrême ainsi que sa noblesse. Il s’exprime beaucoup plus en grand cru qu’en premier cru. C’est le chablis parfait.

Nous avons maintenant des quenelles de brochet et ce ne serait pas opportun de les associer à un bourgogne. Jérémy ouvre le Pétrus 1996 d’un des amis et nous sommes ravis. Il est dans un état de maturité idéal car il est fringant comme un jeune gamin tout en ayant acquis une belle opulence. C’est manifestement la belle expression d’un Pétrus jeune de 27 ans.

Trois vins sont servis ensemble, un Richebourg, un Chambertin et une Côte Rôtie. Je suis face à une situation étonnante. Alors que je suis très sensible au nez de bouchon que je détecte aisément, je ne sens aucun nez de bouchon de la part du Richebourg, alors que tous mes voisins de table l’ont détecté. J’essaie de le trouver puisque mes amis insistent, mais je ne le ressens pas. Comment est-ce possible ? La seule solution serait qu’ayant tellement envie que le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1967 brille, je cherchais tous les indices positifs en omettant tout ce qui gênerait ma découverte. Il est vrai que ce Richebourg est fatigué. J’ai reconnu quelques émotions typiques, mais pas de quoi m’émerveiller. Pourquoi n’ai-je pas ressenti le nez de bouchon, ni en bouche, mystère.

Le Chambertin Cuvée Héritiers Latour Louis Latour 1966 est d’une grande élégance, fluide et délicat. Sa fraîcheur est celle d’un chambertin plus jeune de trente ans. C’est un plaisir de le boire sur un lièvre à la royale que beaucoup autour de cette table considèrent comme l’un des plus grands qu’ils aient mangé. Alors que le lièvre est puissant sans être marqué par un goût de gibier, l’association avec le vin subtil est très agréable.

La Côte Rôtie La Mouline Guigal 1980 est une superbe Mouline tempérée, intense mais sans excès. J’ai ressenti un finale qui n’est pas très précis que mes amis n’ont pas détecté. Nos palais n’étaient pas au même diapason pour deux vins. La Mouline est grande et probablement la plus adaptée à la puissance du lièvre. Un régal.

Piqué au vif par la contreperformance du Richebourg, j’ouvre impromptu un Châteauneuf-du-Pape Réserve des Chartes Léopold Ranc 1947. Tout le monde me taquine pour ma religion de l’oxydation lente car ce vin ouvert à la dernière minute est absolument exceptionnel, encore plus adapté que les autres au lièvre et aux fromages. Bien évidemment des vins ont d’emblée un équilibre royal et l’oxygénation lente est justifiée pour ressusciter des vins au réveil lent. Ce vin est d’un charme fou et d’un équilibre rare, suave, charmeur et velouté. L’année 1947 est exceptionnelle pour beaucoup de région dont les vins de Châteauneuf. L’époisses est divin avec ce vin.

Pour le Château d’Yquem 1962 à la belle couleur encore peu ambrée il y aura deux fromages à la pâte bleue, un irlandais et un français. La maturité de ce liquoreux est parfaite. On dirait volontiers que c’est le gendre idéal.

Le soufflé au Grand Marnier est associé à un Champagne Dom Ruinart rosé magnum 2007. Ce champagne est idéal pour le dessert et pour éviter d’être poignardé par l’alcool qui noie généreusement le dessert. C’est un rosé très subtil et de grande personnalité promis à un bel avenir.

Nous avions dit au début du repas que nos apports méritaient d’être répartis sur deux repas plutôt qu’un. Comme nous avons bu l’équivalent de douze bouteilles pour six convives, il va falloir regarnir les réserves pour le prochain Casual Friday de janvier.

Si j’utilise la notation PIME PAME PUME (performs inside my expectation or above or under) je dirais que les PAME, surprises au-dessus de mes attentes sont, sans ordre : Krug Private Cuvée, Chablis Montée de Tonnerre 1989, Pétrus 1996, Chambertin 1966 et Châteauneuf 1947. Cela fait beaucoup de belles surprises, qui n’excluent pas les belles performances plus attendues d’autres vins.

Dans une ambiance joyeuse, nous avons lancé un beau coup d’envoi aux réjouissances de Noël.

Bulletins du 2ème semestre 2023, du numéro 999 à 1013 dimanche, 17 décembre 2023

Bulletins du 2ème semestre 2023, du numéro 999 à 1013

Pour lire le bulletin de votre choix, on clique sur le lien pour ouvrir le pdf de ce bulletin / to read a bulletin, click on the link of this bulletin.

(bulletin WD N° 1013 231219)    Le bulletin n° 1013 raconte : arrivée au château d’Yquem, fin de mise au point du menu du 279ème dîner, ouverture d’un Yquem plus que centenaire, dîner à la maison Darroze à Langon, déjeuner au château d’Yquem avec les cadres qui « font » Yquem et ouverture des vins du dîner.

(bulletin WD N° 1012 231128)    Le bulletin n° 1012 raconte : trois repas successifs avec mon fils et des vins spectaculaires et originaux, déjeuner avec des amis belges au restaurant Pages avec de magnifiques vins anciens.

(bulletin WD N° 1011 231122)    Le bulletin n° 1011 raconte : dîner au restaurant L’Ecu de France, déjeuner au même endroit peu après, déjeuner au restaurant Pages avec quatre vins centenaires, déjeuner avec mon fils conclu par un Calvados de cent vingt ans.

(bulletin WD N° 1010 231114)    Le bulletin n° 1010 raconte : dégustation et dîner à la maison familiale de la maison Krug, déjeuner au restaurant l’Assiette Champenoise pour les 80 ans de notre club de conscrits et déjeuner de famille avec ma fille cadette.

(bulletin WD N° 1009 231107)    Le bulletin n° 1009 raconte : 277ème déjeuner au restaurant Pages, déjeuner au restaurant Relais Plaza, dîner au restaurant Le Procope et arrivée à l’Assiette Champenoise en vue d’un séjour à Reims avec mes conscrits.

(bulletin WD N° 1008 231028)    Le bulletin n° 1008 raconte : visite d’une usine de fabrication de bouchons de la société Amorim, déjeuner dans la maison familiale, interviews sur la donation de bouchons que j’ai faite, dîner chez Antonio Amorim, dégustation à la maison de Porto Niepoort avec Dirk Niepoort, ouverture des vins d’un déjeuner avec des amateurs de Singapour et d’Afrique du Sud.

(bulletin WD N° 1007 231020)    Le bulletin n° 1007 raconte : déjeuner ‘Enigma’ au Sergent Recruteur avec le gagnant d’une énigme, déjeuner au restaurant Abysse, départ à Porto et dîner au restaurant Gaveto du port de Porto avec le président de la société Amorim.

(bulletin WD N° 1006 231012)    Le bulletin n° 1006 raconte : dernier repas de notre long séjour dans le sud et déjeuner impromptu au restaurant Pages avec de très grands vins.

(bulletin WD N° 1005 231006)   Le bulletin n° 1005 raconte : le grand repas du 15 août dans le sud, couscous et vin américain, apéritif au champagne, déjeuner au champagne et déjeuner avec un grand collectionneur de vins.

(bulletin WD N°1004 230926)    Le bulletin n° 1004 raconte : dîner de Rimauresq après la visite au domaine Rimauresq, troisième dégustation des vins de ce domaine, accueil d’amis du 15 août, déjeuner de fruits de mer, et déjeuner chez des amis, préparatoire du repas du 15 août.

(bulletin WD N° 1003 230913)    Le bulletin n° 1003 raconte : déjeuner avec un vin inconnu, dîner avec des amis et un beau Rimauresq, troisième déjeuner au restaurant Alexandre Mazzia à Marseille et visite et dégustation au domaine Rimauresq.

(bulletin WD N° 1002 230906)    Le bulletin n° 1002 raconte : repas dans le sud avec mon fils, dîner au restaurant Tom Cariano, encore un repas avec mon fils et un repas d’anniversaire et dîner au whisky dans une grande villa de Saint-Tropez louée par Moët Hennessy.

(bulletin WD N° 1001 230830)    Le bulletin n° 1001 raconte : curieux déjeuner dans un restaurant de plage, deux repas avec mon fils et de grands vins et déjeuner au restaurant A.M. d’Alexandre Mazzia à Marseille.

(bulletin WD N° 1000 230822)    Le bulletin n° 1000 raconte : quelques réflexions et souvenirs à l’occasion du bulletin 1000.

In English :(Bulletin WD N° 1000 230822 ENGLISH TRANSLATION)

(bulletin WD N° 999 230713)    Le bulletin n° 999 raconte : la 38ème séance de l’académie des vins anciens au restaurant Macéo et déjeuner au restaurant A.M. d’Alexandre Mazzia, trois étoiles à Marseille.

Penfolds Grange à Miami vendredi, 15 décembre 2023

Dans un beau restaurant Doma à la cuisine italienne nous buvons un Penfolds Grange Bin 95 2003 apporté par mon fils. J’adore ce vin comme j’adore Vega Sicila Unico, car les deux combinent puissance, fluidité et charme, avec un finale mentholé. C’est le point final de ce beau séjour américain.

Dinner with friends in Miami mercredi, 13 décembre 2023

Some of my son’s friends want to have a wine dinner. There are six of them, which means we have to have dinner somewhere other than my son’s. We are going to visit a wine merchant, Happy Wine in the Grove which sells wine but also has a restaurant. Upstairs, we could privatize the very pretty large room.

A few days later, the group of six was reduced to two, which changed the program a little but did not prevent us from keeping the pretty room.

When the day comes, at 3 p.m., I open my son’s two Bordeauxs, a Latour 1984 and a Cheval Blanc 1969. Both wines need time for the flavors to blossom. My son adds to his contribution a Charlemagne by Louis Jadot 2003, which will be opened if necessary. My contribution will be an IWA 5 sake that Richard Geoffroy gave me a few days ago when we met, taking advantage of the concordance of our presence in Miami.

There are six of us at dinner, Austin, my son’s friend, who came with his wife Eileen and three lovely wines, Adnan, another friend of my son, and Abdo, the young owner of the shop and restaurant Happy Wine in the Grove, created by his Colombian father.

The unopened wines are opened when the guests arrive, except those from Austin which he had opened in advance as we had done.

We will eat appetizers based on Iberian ham or cheese, tapas, paella, various meats accompanied by fries and other vegetables. The dishes will jostle in no precise order, but this is not a problem.

The Champagne Blanc des Millénaires Charles Heidsieck 2004 is impressively intense. He is lively, sharp and has a very nice personality.

The Champagne Pol Roger Winston Churchill 1990 is the exact opposite of the previous one, because it is all charm and presence. What a great champagne! A delight. The two champagnes are complementary.

The Charlemagne Louis Jadot 2003 is not very powerful but I find it very pleasant. It is not in the class of the greatest, but we can appreciate it with pleasure. It should be noted that if you drink Pol Roger just after drinking Charlemagne, the champagne gains in width and strength. Wine propels champagne.

The Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 2014 is fascinating. It has an incredible length. His message is very fresh and fluid and never ends. It’s pure aesthetic joy. We are all won over by wine of rare nobility. Which length !

Sake IWA 5 now appears. I had tried to read the recommendations for serving temperature for sake, but there are so many possible cases that I preferred to serve it quite cold. None of us has sufficient knowledge to grasp the subtleties of this pleasant, slightly sweet liquid and a sensitive and delicate alcohol. It is imperative that I ask Richard Geoffroy to introduce me to the world of this beautiful sake.

We wouldn’t normally expect much from a 1984 Château Latour due to its vintage, but we know that with time, small vintages improve. This is the case of this Latour, who is not one of the greatest but shows that he is of good lineage. A very pleasant wine.

Château Cheval Blanc 1969 is one of the very great wines, even if its vintage does not suggest it. Rich, structured, intense, it is a very great wine with extreme complexity and a youth which disturbs several guests, still marked by the periods of « drinkability » falsely predicted by Robert Parker.

The Clos de Tart 1985 is acclaimed by everyone at the table, because we rarely drink this legendary wine and in this great vintage. I am the only one who is not won over because his alcoholic strength prevents him from being balanced. We feel the great wine, but not integrated, at least for my taste.

For dessert, Ado opened a Château Rieussec 2001 with a strangely dark color for such a young wine. Its scent and taste of a great year are absolutely delicious.

I told a lot of anecdotes because I felt that my guests appreciated them. My presence on Instagram certainly has influence, to the point that Abdo’s deputies who did the service all wanted to be photographed with me.

It was a great opportunity to vote for the five favorite wines of the nine wines served. The Corton Charlemagne had three first votes, the Clos de Tart two first votes and the Cheval Blanc one first vote.

The vote of the entire table is: 1 – Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 2014, 2 – Clos de Tart 1985, 3 – Champagne Pol Roger Winston Churchill 1990, 4 – Château Cheval Blanc 1969, 5 – Champagne Blanc des Millénaires Charles Heidsieck 2004.

My vote is: 1 – Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 2014, 2 – Champagne Pol Roger Winston Churchill 1990, 3 – Château Cheval Blanc 1969, 4 – Champagne Blanc des Millénaires Charles Heidsieck 2004, 5 – Château Rieussec 2001.

The kindness of everyone and their generosity made this meal a great moment of sharing. It’s extremely pleasant.

Dîner d’amis à Miami mercredi, 13 décembre 2023

Des amis de mon fils désirent faire un dîner de vins. Ils s’annoncent à six ce qui impose de dîner ailleurs que chez mon fils. Nous allons visiter un marchand de vins, Happy Wine in the Grove qui vend du vin mais fait aussi restaurant. A l’étage, nous pourrions privatiser la très jolie grande salle.

Peu de jours après, le groupe de six n’est plus que de deux, ce qui change un peu le programme mais n’empêche pas de garder la jolie salle.

Le jour venu, dès 15 heures, j’ouvre les deux Bordeaux de mon fils, un Latour 1984 et un Cheval Blanc 1969. Les deux vins ont besoin de temps pour que les parfums s’épanouissent. Mon fils ajoute à son apport un Charlemagne de Louis Jadot 2003, qui sera ouvert en cas de besoin. Mon apport sera un saké IWA 5 que m’a offert Richard Geoffroy il y a quelques jours lorsque nous nous sommes rencontrés, profitant de la concordance de nos présences à Miami.

Nous sommes six à dîner, Austin ami de mon fils venu avec son épouse Eileen et trois jolis vins, Adnan autre ami de mon fils et Abdo le jeune propriétaire de la boutique et du restaurant Happy Wine in the Grove, créés par son père colombien.

Les vins non ouverts le sont à l’arrivée des convives, sauf ceux d’Austin qu’il avait ouverts à l’avance comme nous l’avions fait.

Nous mangerons des amuse-bouches à base de jambon ibérique ou de fromages, des tapas, une paella, des viandes diverses accompagnées de frites et autres légumes. Les plats se bousculeront sans ordre précis, mais cela n’est pas gênant.

Le Champagne Blanc des Millénaires Charles Heidsieck 2004 est d’une intensité impressionnante. Il est vif, tranchant et d’une très belle personnalité.

Le Champagne Pol Roger Winston Churchill 1990 est l’exact opposé au précédent, car il est tout en charme et en présence. Quel grand champagne ! Un régal. Les deux champagnes sont complémentaires.

Le Charlemagne Louis Jadot 2003 n’est pas très puissant mais je le trouve fort agréable. Il n’est pas dans la classe des plus grands, mais on peut l’apprécier avec plaisir. Il est à noter que si l’on boit le Pol Roger juste après avoir bu du Charlemagne, le champagne gagne en largeur et en force. Le vin propulse le champagne.

Le Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 2014 est fascinant. Il a une longueur invraisemblable. Son message très frais et fluide et ne finit pas. C’est du bonheur esthétique pur. Nous sommes tous conquis par de vin d’une rare noblesse. Quelle longueur !

Le Saké IWA 5 apparaît maintenant. J’avais essayé de lire les recommandations de température de service du saké, mais il y a tellement de cas possibles que j’ai préféré qu’on le serve assez frais. Aucun de nous n’a une connaissance suffisante pour saisir les subtilités de cet agréable liquide légèrement sucré et d’un alcool sensible et délicat. Il faut impérativement que je demande à Richard Geoffroy de me faire entrer dans le monde de ce beau saké.

On n’attendrait normalement pas beaucoup d’un Château Latour 1984 du fait de son millésime, mais on sait qu’avec le temps, les petits millésimes s’améliorent. C’est le cas de ce Latour, qui ne fait pas partie des plus grands mais montre qu’il est de belle lignée. Un vin très agréable.

Le Château Cheval Blanc 1969 fait partie des très grands vins, même si son millésime ne le suggère pas. Riche, structuré, intense, c’est un très grand vin aux complexité extrêmes et d’une jeunesse qui trouble plusieurs convives, encore marqués par les périodes de « buvabilité » faussement pronostiquées par Robert Parker.

Le Clos de Tart 1985 est plébiscité par toute la table, car on boit rarement ce vin mythique et dans ce grand millésime. Je suis le seul à ne pas être conquis car sa force alcoolique empêche qu’il soit équilibré. On ressent le grand vin, mais pas intégré, du moins pour mon goût.

En guise de dessert, Ado a ouvert un Château Rieussec 2001 à la couleur étrangement foncée pour un vin si jeune. Son parfum et son goût d’une grande année sont absolument délicieux.

J’ai raconté beaucoup d’anecdotes car j’ai senti que mes convives les appréciaient. Ma présence sur Instagram a certainement de l’influence, au point que les adjoints d’Abdo qui ont fait le service ont tous voulu être photographiés avec moi.

L’occasion était belle que l’on vote pour les cinq vins préférés de neufs vins servis. Le Corton Charlemagne a eu trois votes de premier, le Clos de Tart deux votes de premier et le Cheval Blanc un vote de premier.

Le vote de l’ensemble de la table est : 1 – Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 2014, 2 – Clos de Tart 1985, 3 – Champagne Pol Roger Winston Churchill 1990, 4 – Château Cheval Blanc 1969, 5 – Champagne Blanc des Millénaires Charles Heidsieck 2004.

Mon vote est : 1 – Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 2014, 2 – Champagne Pol Roger Winston Churchill 1990, 3 – Château Cheval Blanc 1969, 4 – Champagne Blanc des Millénaires Charles Heidsieck 2004, 5 – Château Rieussec 2001.

La gentillesse de tous et leur générosité ont fait de ce repas un grand moment de partage. C’est extrêmement plaisant.

Séjour à Miami vendredi, 8 décembre 2023

Juste après l’académie des vins anciens je m’envole avec ma femme vers Miami. Accueilli par mon fils avec un Champagne Robert Moncuit Grand Cru Les Chétillons 2015 extra brut dégorgé en avril 2020. Voilà un bien beau départ de séjour qui accompagne des langoustes. Quel bonheur d’être en une cité où tout est propre et joyeux, avec de folles décorations de Noël.

Dans un mail Richard Geoffroy me dit qu’il aimerait beaucoup me revoir. Je lui réponds que c’est difficile puisque je suis à Miami. Il me répond : ‘moi aussi’. Nous nous rencontrons au bar de l’hôtel Biltmore, heureux de nous retrouver. Nous buvons de l’eau (!) et il m’offre une bouteille du saké qu’il produit, le saké IWA 5.

Dans un restaurant sympathique nous buvons un Gaja Sperss 1998 que j’adore pour sa richesse qu’accompagne beaucoup de grâce.

En diverses occasions avec mon fils chez lui, nous buvons un Tibouren Clos Cibonne Cuvée Caroline 1919 pour nous rappeler les vacances dans le sud, un solide Château Léoville Barton 2000 à la richesse distinguée, un Peñas Aladas Ribera del Duero 2016 et un Champagne Krug Grande Cuvée 170ème édition fort subtil.

Une autre fois mon fils ouvre un Champagne Mumm Extra Dry sans année, qui comme son nom ne l’indique pas est très doux et aimable. C’est une belle découverte.

Un grand moment est la visite d’un jardin botanique privé où l’on déjeune végan. La nature luxuriante et dans son état le plus authentique est un bonheur simple et particulier.

39ème séance de l’Académie des Vins Anciens mardi, 5 décembre 2023

La 39ème séance de l’Académie des Vins Anciens est une aventure à rebondissements. Vers le début novembre je m’aperçois avec horreur que je n’ai pas réservé le premier étage du restaurant Macéo où nous avons l’habitude de faire nos réunions. J’en informe Adrian Williamson qui gère l’organisation de nos réunions. Il m’informe que la salle est prise et que le client qui a réservé étant un client fidèle, il est exclu de lui demander de trouver une autre solution.

L’idée qui vient est de réserver la grande salle du rez-de-chaussée mais Adrian nous obligera à supporter une recette minimum. Pour ne pas payer en vain des forfaits la solution est de former un groupe beaucoup plus important que d’habitude. Alors que nous ne dépassons pas 36 personnes à l’étage, il faudrait être plus nombreux. Grâce à l’active réaction de quelques amis, nous arrivons à former un groupe de 45 personnes et à récolter, incluant mes vins, une palette de 57 vins dont quatre magnums, ce qui fait m’équivalent de 61 bouteilles de 75 centilitres.

C’est alors qu’Adrian m’annonce que son client annule sa réservation. La perte de recette s’annonce lourde. Adrian me dit : si vous étiez moins de 40, on pourrait faire la séance à l’étage. J’avais réussi à gonfler le nombre pour être en bas. Il devenait impossible de passer en haut avec le nombre d’inscrits.

Une fée devait avoir pris notre énigme entre ses mains car je me suis rendu compte que trois inscrits n’avaient pas confirmé leur présence. A 42, on pourrait tenter le coup alors qu’Adrian me limitait à 36. Nous partons sur cette idée. L’aide de la fée a deux facettes : une bonne, car le matin du jour de l’Académie, j’ai reçu quatre annulations. Une mauvaise, car il s’agit des quatre mexicains avec qui j’avais fait le 279ème repas il y a deux jours, et qui sont empêchés car l’un d’entre eux, suite à un malaise, est à l’hôpital à Paris pour examen. C’est vraiment dommage pour ces nouveaux amis qui voulaient explorer les deux types d’événements, les repas gastronomiques et l’académie.

Nous voilà donc 38 en quatre tables de dix ou neuf convives. Avec les 57 vins, cela fait une académie particulièrement généreuse.

A propos de générosité, certains académiciens sont allés très loin et j’ai décidé que ma table de dix accueillerait les plus généreux. Qu’on en juge : les apports de vins des inscrits de ma table, plus les miens, représentent 36 bouteilles sur les 57. Généralement, les participants aiment boire les vins qu’ils ont apportés. Il fallait choisir.

Ma table aura 19 vins des apporteurs et les 17 autres vins de leurs apports seraient partagés aux autres tables en plus des apports de chacun des académiciens.

Cela donne le programme suivant :

Les champagnes : Champagne Perrier Jouët Brut sans année, Champagne Veuve Clicquot Brut sans année, Champagne Veuve Clicquot Brut sans année, Champagne Louis Roederer Brut sans année, Magnum Champagne Vranken 1976, Champagne Lanson black label, Magnum Moët et Chandon Cuvée 250ème Anniversaire 1983, Magnum de Champagne Legras & Haas 1995.

La table 1 : Champagne Krug Private Cuvée étiquette olive, Meursault 1er cru Charmes 1931 de Roger Cavin (vidange), Blanc d’Algérie 1956 du domaine de la Trappe, Rosé d’Algérie 1945 du domaine Frédéric Lung, Sidi Brahim Rosé d’Algérie Vin fin Vieux 1961, Le Rabelais Algérie rosé 1952, Lung rosé Algérie 1942, Château Ausone 1937, Château Pichon Baron de Longueville 1928, Charmes Chambertin Louis Latour années 20 (vidange), Gevrey Chambertin 1er Cru Guichard Portheret 1929, Barolo 1912, Rouge d’Algérie 1947 du domaine Frédéric Lung, Moulin Touchais Anjou 1928, Haut Sauternes Boussay Cru Lamothe vers 1900.

La table 2 : Meursault Thomas Bassot 1966, Chassagne Montrachet 1947, Chablis Patriarche P&F 1943, Château Ferrand Pomerol 1983, Magnum de Château La Lagune 1970, Château Durfort-Vivens Margaux 1966, Volnay Lagrive 1953, Clos des Lambrays 1943 (mise marchand), Barolo Riserva Spéciale d’Aldo Conterno 1967, Riesling SGN Cru Eltviller Sonnenberg – Egon Mauer 1967, Château Gilette Crème de Tête 1937, Marc du domaine d’Ott 1929.

La table 3 : Pouilly-Fuissé maison de négoce1948, Meursault Jaboulet Vercherre 1938, Côtes du Jura Rosé 1976, Château Lagrange 1975 (niveau bas), Château TrotteVieille 1964, Château Calon Ségur 1973, Château Mouton Rothschild 1967 (niveau bas), Charmes Chambertin « union vinicole des propriétaires » 1959, Pommard La Commarine 1937, Gewurztraminer SGN Château d’Orschwihr 1989, Sainte Croix du Mont générique 1928.

La table 4 : Champagne Gosset Grand Millésime 1993, Chablis 1er cru Les Vaillons Alain Bayol 1984, Chablis Chanson P&F 1970, Château de Sales 1967, Château Haut-Bailly 1964, Fixin Clos du Chapitre Dufouleur & Fils 1959, Gevrey Chambertin Bouchard père et fils 1967, Château La Gardine Châteauneuf du Pape 1953, Vouvray Grde réserve cuvée Zoë Claude Villain Rochecorbon 1990, Monbazillac Chateau de la Salagre 1945, Massandra White Muscat 1961.

Jamais nous n’avons eu autant de vins. Pour mesurer à quel point cette réunion est exceptionnelle, voici les différents millésimes qui sont présents. Il y en a 31 pour ces 57 vins : 1900, 1912, 1920, 1928 (3), 1929 (2), 1931, 1937 (3), 1938, 1942, 1943 (2), 1945 (2), 1947 (2), 1948, 1952, 1953 (2), 1956, 1959 (2), 1961 (2), 1964 (2), 1966 (2), 1967 (5), 1970 (2), 1973, 1975, 1976 (2), 1983 (2), 1984, 1989, 1990, 1993, 1995, sans année (6). C’est absolument hors norme.

Je redoutais la séance d’ouverture des vins mais plusieurs académiciens sont venus m’aider, accompagnés de vins pour donner du cœur à l’ouvrage aux ouvreurs. Un Champagne Jacquessin 741 ultra brut à dégorgement tardif est rafraîchissant, tandis qu’un Asti Gancia Spumente très ancien est tout en douceur. Un vin russe est, comme on dit, hors de ma zone de confort car je n’ai pas de repère. Un ami alla même jusqu’à venir avec un Madère qu’il estime de 1800. Je le verrai plutôt cinquante ans plus jeune. Avec cette aide et les ‘carburants’ ajoutés, l’ouverture fut rapide et nous avons occupé le temps à boire ces apports généreux et discuter de tout et de rien.

Le menu concocté par Adrian est : carpaccio de Saint-Jacques de Normandie, kiwi et tartare d’algues / terrine du chef, canard, cochon et pistache, sucrine marinée au sésame / agneau de nos plaines confit dans le grenache 12 heures, giroles et purée / trio de fromages affinés par la maison Bordier / chocolat Saint-Domingue, noix fraîches et orange confite.

Ayant un genou qui crie à l’aide lorsque je reste longtemps en position verticale, l’apéritif s’est pris assis, chacun étant à sa table. C’est dommage car les discussions avec l’ensemble des convives sont intéressantes, et on ne sait plus très bien ce qu’on boit lorsqu’on est servi de plusieurs champagnes en même temps. Mais on essaie de se repérer.

J’ai été très impressionné par le Magnum de Champagne Legras & Haas 1995 d’une magnifique présence et par l’originalité extravagante du Magnum Champagne Vranken 1976 tellement atypique et passionnant.

Pour ma table, le grand moment du repas allait être la présence de six vins algériens soit blancs soit rosés. Il convient de rappeler que c’est il y a plus de 45 ans que j’ai découvert chez un épicier du Perreux sur Marne les vieux vins algériens qui m’ont subjugué. J’en ai acheté massivement et quand j’ai écrit sur les vins dès l’an 2000, plusieurs lecteurs intrigués ont eu la curiosité de s’y intéresser. Les prix ont augmenté et ces vins sont devenus presque introuvables et inaccessibles. Les plus curieux sont devenus des fidèles de l’académie ce qui explique cette mise en commun exceptionnelle.

Voici la brochette quasi irréelle que nous avons partagée. Le Blanc de Blancs Vin Fin extra-sec Alger Eschenauer années 50 est un vin d’une grande puissance et persuasif. Racé, son expression impressionne.

Le Domaine de la Trappe Vin Fin Henri Borgeaud rosé Algérie 1956 est un vin plus calme mais lui aussi très expressif. Le Frédéric Lung rosé 1945 est un vin totalement exceptionnel. Il est magique. Il combine la puissance des vins d’Algérie avec des accents gracieux. C’est l’élégance absolue.

Le Frédéric Lung rosé 1942 est presque aussi grand que le 1945. Il joue juste un ton en dessous, mais reste exceptionnel.

Le Rabelais Haut-Dahra rosé 1952 est très original. Il a un charme fou. C’est une autre acception du rosé algérien qui m’intéresse, car je suis plus habitué aux vins de Frédéric Lung. Il y a dans ce vin des notes de café.

Le Sidi Brahim Vin Fin Vieux rosé Vins Vigna Chalon-sur-Saône 1961 pourrait être l’énigme dans un concours de dégustation à l’aveugle. Qui oserait dire Sidi Brahim en buvant ce vin puissant et expressif quand Sidi Brahim avait l’image d’un vin plus qu’ordinaire.

A ma table, nous sommes tous conscients de vivre un moment unique qui a toutes les chances de ne pas pouvoir se reproduire, puisque beaucoup de ces vins sont devenus introuvables. Mon classement de ces six vins est : 1 – Lung 1945, 2 – Lung 1942, 3 – Rabelais 1953, 4 – Blanc de Blancs années 50, 5 – Sidi Brahim 1961, 6 – La Trappe 1956.

Autour de la table l’émotion est palpable. L’intensité de ces vins puissants et riches est étonnante. C’est un moment de l’histoire qui ne peut plus se poursuivre, puisque ces vins ne se font plus. Essayez de dire à vos amis : j’ai bu des rosés, d’abord d’Algérie, ensuite de plus de cinquante ans et on vous regardera comme une bête curieuse.

Il y a à notre table beaucoup d’autres vins. Le Champagne Krug Private Cuvée étiquette olive n’est pas ce qu’il aurait dû être avec énormément de sédiment. Certainement un problème de température de stockage.

Le Meursault 1er cru Charmes 1931 de Roger Cavin au niveau très bas s’est montré très au-dessus de mes attentes, avec une personnalité préservée.

Le Château Ausone 1937 est une merveille. Son parfum est d’une noblesse certaine et le goût intense et racé signe un vin au sommet de son art. Le Château Pichon Baron de Longueville 1928 est lui aussi d’un magnifique accomplissement, millésime oblige. J’avais apporté ces deux bordeaux et je suis heureux qu’ils se soient montrés d’un niveau aussi grand.

J’ai moins de souvenirs du Charmes Chambertin Louis Latour années 20 et j’ai le souvenir que le Gevrey Chambertin 1er Cru Guichard Portheret 1929 représente dignement le caractère mythique de son année.

Le Barolo 1912 est un très beau Barolo qui n’a pas l’émotion d’un Barolo 1920 qui m’avait subjugué. Il est toutefois de belle prestance.

Le Rouge d’Algérie 1947 du domaine Frédéric Lung me donne un coup de poignard dans le cœur car il est absolument parfait, riche, ample, une merveille.

Les deux liquoreux, Moulin Touchais Anjou 1928 et Haut Sauternes Boussay Cru Lamothe vers 1900 ont joliment joué leur partition mais le Haut-Sauternes qui n’avait aucune étiquette est apparu pour nous tous comme plus probablement des années 30 du fait de sa fraîcheur gracile.

Pour faire un classement global des vins de ma table il faudrait mêler les rosés algériens avec les autres vins, ce qui me paraît difficile aussi hors rosés je classerais : 1 – Frédéric Lung 1947, 2 – Ausone 1937, 3 – Pichon Baron 1928, 4 – Barolo 1912.

Si je mêlais les deux classements, ce serait : 1 – Lung rouge 1947, 2 – Lung rosé 1945, 3 – Ausone 1937, 4 – Lung rosé 1942. On l’aura compris, j’aime les vieux vins algériens.

Cette académie fut exceptionnelle pour toutes les tables, dans une ambiance amicale et attentive. Vivement la 40ème séance de l’académie des vins anciens.


Voici le compte-rendu d’un ami à qui j’avais demandé de prendre des notes et de me les envoyer pour m’aider à faire mon compte-rendu. En fait, j’ai rédigé un compte-rendu sans avoir de notes et sans avoir lu les siennes.

Il est donc intéressant de lire sa vision, très différente de la mienne. C’est ça la magie du vin qui qui n’émeut personne de la même façon.

Voici son texte.

Note préliminaire : J’exprime ici, aussi simplement que possible, les mots qui me sont apparus lorsque j’ai senti et goûté les vins. J’essaye de les analyser, en mettant les mots qui correspondent selon moi le mieux à ce que je sens à l’instant présent. Cela ne veut pas dire que d’autres mots sont malvenus. Mais que si je veux tenter de retranscrire ce qui m’est apparu, ces mots sont les plus indiqués.

Je dinais la veille avec le sympathique propriétaire du domaine Leflaive. Il me racontait une histoire que je trouve pleine de bon sens. Lors d’une dégustation avec M. de Vilaine, M. de la Morandière et lui s’amusaient à associer chaque vin bu à quelqu’un de leur famille. Ils disaient ainsi : « celui-ci est un peu austère, pas forcément plaisanteur, mais dans le fond il est comique. », pour décrire à la fois le vin et la personne. Il m’indiquait que ces descriptions avaient suscité des rires très enjoués. En l’absence d’esprit de sérieux, j’associe donc en gras une phrase d’un personnage ou d’une situation qui correspond à mon émotion.

Champagne Veuve Cliquot-Ponsardin non millésimé : un vin fin et sans âge, d’un pétillant plaisant. De la truffe blanche apparaît au nez et se conjugue avec un miellé très classique. La bouche est plus traçante, initialement un peu acquise avant de se développer gentiment sur des notes d’embrun marin. Je le pense des années 1990, il permet d’entamer correctement le repas.

Moet et Chandon 1983 (Magnum) : Le premier champagne servi à table est d’une grange noblesse. Il est incroyablement pur, sa robe est claire or, unie, brillante, sans dépôt. Le vin présente encore une petite bulle dans le verre. Il est très iodé et huitré au premier nez, puis viennent des senteurs originales et rafraichissantes de miel d’acacia, de pin et de gingembre. La bouche est tout à fait joyeuse, le pétillant contrastant avec l’impression sérieuse et ferme de l’ensemble. C’est un vin terrestre, qui amène par des amers à une finale longue et crayeuse d’un grand raffinement. Le champagne est divin avec des gougères. C’est un aristocrate, corseté mais à l’aise dans son corset. Il est désirable.

Vranken 1976 (Magnum) : Le vin est légèrement plus orangé, notamment sur son disque. Il est nettement plus miellé avec du gras et des fleurs blanches. Il commence à faire son âge. Du chocolat blanc apparaît, et un peu de pruneaux.

En bouche, la bulle est fine et légère mais encore vivace. Le vin surprend par un caractère citrique, comme un chablis d’une année un peu froide. C’est curieux pour 1976. Il est légèrement plus fatigué et poussiéreux, un peu chloré notamment, mais passons.

Lanson sans millésime fin années 1950 début années 1960 : La robe est maronnée et assez profonde. Elle est marquée. Le nez est d’une immense gourmandise, du pur chocolat. Il est très plaisant avec des notes de tabac brun. En bouche, le vin n’a pas de bulle, il est un peu chloré. Il développe une mâche presque bourguignonne ; Meursault n’est pas loin. Il a les pieds dans le sol. Par rapport au vin qui va suivre, il est plus largé, comme un pruneau confit avec du lard.

Krug Private cuvée étiquette olive 1982-1986 : c’est un vin tout à fait curieux, et qu’il vaut mieux boire un vin plus que comme un champagne. Hors de l’académie, des esprits chagrins ne termineraient pas leur verre, alors que c’est sans doute le plus raffiné de l’ensemble. Sa robe est très foncée et marronnée, plus encore que le Lanson. Il y a du dépôt en suspension. Le chocolat noir est envoutant, mais s’y ajoute un poivre d’andaliman qui apporte une touche d’exotisme exubérante. Il est pur et cohérent en bouche, pleinement assemblé, sans bulle, avec une finale sur une légère pointe d’amande. La bulle n’existe plus que comme fantôme. Le vin est ample, franc et pierreux. Il développe des notes d’embruns marins et se déploie de la même façon que la forme d’une trompette, exponentiellement vers la fin. Sa finale sur la noix de coco est divine, couplée à de la morille et de la noix qui en font une riche expérience. Il paraît bien plus âgé, mais qu’importe. C’est Saint-Augustin passé du manichéisme à la sainteté.

Legras et haas 1995 (dégorgé en 2001) (Magnum) : Legras est tout le contraire de Krug. On lui donnerait cinq ans. Il est clair, léger, brillant avec des reflets verts. Il a un fort pétillant et un nez incroyablment jeune de mirabelle, de fruits jaunes et de pêche. En bouche, son gras est pénétrant et les notes de sel et de poivre se conjuguent merveilleusement. C’est un champagne qui irait divinement bien avec une carbonara, si tant est que la viande utilisée soit bien du guanciale, cette joue de porc confite dans le poivre et le sel. C’est un jeune fougueux.

Mon classement est : Krug, Legras, Moet, Lanson, Vranken, Cliquot.

Le Meursault 1er cru 1931 Charmes Roger Cavin est presque la raison d’être de l’académie. Le vin est absolument horrible lorsque je l’apporte. Sa couleur est noire comme du charbon, l’étiquette est tout à fait désuète, le bouchon suinte, la bouteille a perdu 11 centimètres et le millésime, 1931, est l’un des cinq pires du siècle avec entre autres 1910, 1930 et 1977. Bref, c’est pour la gloire et bien parce qu’il faut ouvrir un jour ce genre de vieux vins. Et pourtant…

La première surprise viendra en début d’après-midi du bouchon qui était venu entier et avait laisser émaner des odeurs pénétrantes de vanille et de coco. Assurément une grande surprise.

La robe est ocre. Le nez est immédiatement sur les fruits blancs, ce qui frappe, car il paraît nettement plus jeune. C’est du café fraichement moulu avec des notes de poivre blanc de kampot d’une grande finesse. Il s’ouvre avec le temps sur la rose, l’encens, le bois de santal. Puis viennent une myriade de senteurs d’un beau jardin : la menthe, le thé, la fleur de cerisier, le feu de cheminée. La bouche se déploie merveilleusement avec un gras pénétrant avant de laisser place à une finale terriblement saline. Avec les saint-Jacques et une compotée d’herbes en salaison, le vin est à tomber. C’est un jardin devenu une jungle florissante. Un très grand moment d’enseignement pour moi, car ce vin sur lequel je me vantais de ne jamais placer la moindre espérance m’aura surpris tout au long de soirée, m’empêchant à chaque fois de lui infliger la dernière gorgée.

Le blanc de blanc Algérie années 1950 est curieux, car on ne l’attend pas en Algérie. On imagine un vin du rhône tout à fait gras et opulent, sur la violette et l’abricot, avec peut-être même un peu d’amertume en moins. Il est légèrement oxydé mais développe de jolies notes de pomme au four, de confit, de mandarine et de citron. Il se fatigue, mais on se dirait que ce vin a été « hermitagé », dans le sens où on a mis de l’hermitage dans un vin d’Algérie ! C’est un inconnu en son propre pays. La bouche est légère, ample, mais le réchauffement ne viendra qu’apporter de détestables notes de bouchon et de carton.

Rosé d’Algérie, domaine de la Trappe 1956 était annoncé comme un blanc, mais sa couleur est bien trop orangée ou brillante pour ne pas y voir un rosé. Tout de suite, on est en Algérie. Il explose d’orange, de mandarine. Il est opulent, avec quelques notes marines presque envahissantes. La bouche est puissante, comme une compotée de fruits rouges. Puis la finale laisse place à des épices et des plantes, notamment du fenouil, de la cardamome verte et de l’anis étoilé. Il est tout à fait sirupeux en bouche. C’est un agriculteur qui nous accueille sur ses terres et nous offre le gîte et le couvert.

Rosé d’Algérie 1945 domaine Frédéric Lung est d’un tout autre bois. La robe est moins marquée, plus grâcieuse. Le vin est très léger, parfois presque timide. Le nez est une compotée de fraise, d’ananas et de vanille. Il a le fumé d’un grand Bourgogne rouge. La framboise apparaît avec le temps et avec une précision qui me saisit. En bouche, passé une première impression poussiéreuse qui va vite disparaître, il se déploie énormément par cercles concentriques et ne révèle toutes ses beautés qu’au fil du temps. Il est impérial, comme un roi qui choisirait de lui-même s’imposer l’étiquette pour n’en être que plus grand.

Rosé d’Algérie 1942 du domaine Frédéric Lung est encore d’une autre nature. La robe est plus profonde mais tout aussi pure et limpide. C’est le jour et la nuit avec le 1945. Il est austère sur le cassis, l’herbe coupée, le cornichon et l’endive. Il est calcaire à souhait, terrien comme jamais. En bouche il est poivré mais laisse vite la place à une fantastique mache et une acidité minérale tout à fait magistral. Il me fait penser dans son équilibre à un muscadet. Ce n’est pas un empereur, mais un duc qui vit dans sa terre.

Le Rabelais Algérie rosé 1952 n’est pas sans me rappeler le Rabelais rouge 1951 bu à l’académie précédente. Il est d’une fumée pénétrante. Il est de café, de barbecue, de tomates confites. On y trouve presque des notes d’umami et de poisson fermenté. Il est opulent. En bouche, il est très liquide mais grâcieux. Il a des tanins et fait petit à petit apparaître un ensemble d’épices, de poivre, de girofle et de cannelle, merveilleusement soutenu tous ensemble par un alcool fort proche du Marc. C’est Rabelais avec un turban.

Sidi Brahim Rosé d’Algérie vin fin 1961 . La robe est la plus profonde de cette glorieuse série. Elle est marronnée. Le premier nez est surprenant, de cola et de cerise. Il est si jeune. Il est opulent comme un vieux sauternes perdant ses sucres. La bouche est légère puis austère, avec une finale sur les encens, la girofle et le poivre vert merveilleuse. La finale le déséquilibre complètement et le fait vaciller, on passe d’une gorgée à une autre d’un amer terrible à une acidité claquante. C’est tout à fait curieux. Il est dans le charme de l’inaccomplissement, dans le plaisir de l’inachevé.

Château Ausone 1937. Qu’un Bourguignon en vienne à dire que les Bordeaux sont formidables, c’est vraiment qu’ils étaient à la hauteur…

Ausone est d’une robe rouge encore légèrement foncé. Il est presque opaque avec des reflets ocres. Son premier nez évoque la fraise, la pierre, les bais roses et le piment rouge. Puis vient l’évidence : Ausone 1937 est un fumeur de havane. Tout sent en lui le cigare. La bouche est ample, cohérente, avec du fruit écrasé du plus bel effet. Les tanins ont fondu, le vin a une belle acidité. Il aime la viande. Avec le temps hélas, le vin développe des notes de champignon, de cisal et d’humidité que j n’aime guère.

Pichon-Baron 1928… Que dire. La robe est opaque. Le vin est teinturier, la couleur accroche la parroi. Il est à peine tuilée et a du dépôt en suspension. Il est fait de cirage, de poivron rouge. Il est terrestre, évoquant à peine le sous-bois. Si ce n’est pas un prêtre en soutane, on pourrait presque l’associer à l’Angélus peint par Millet. Il a en bouche une grâce et une amplitude merveilleuse avec des notes de violette à se damner. La girole fumée lui convient tout à fait. Surtout, ses tanins sont âpres et puissants, sans équivalents. C’est un excellent 1988, à 60 ans près. Absolument étonnant.

Charmes-Chambertin Louis Latour années 1920 réalise presque la prouesse dont le Meursault a été capable. Il était aussi au niveau vidange, et le bouchon était venu en mille morceaux. La robe est marron trouble, mais le premier nez est tout aussi chocolaté que le Krug. Il a quelques notes de pommes qui soulignent de l’oxydation, mais la grande cohérence du nez invite à goûter. En bouche, les notes d’Ajowan ont envahi le vin, la bouche est austère et puissante mais ne délivre son message que dans la longueur. Il a des tanins, il ne cherche pas à plaire. On pourrait presque dire qu’il est rustre et qu’il est désagréable, mais sa violence et ses faiblesses le rendent paradoxalement attachant. Sa finale de fumée et de cacahuète me passionnent. C’est le vieux Salamano et son chien dans l’Etranger de Camus.

Gevrey-Chambertin 1er cru Guichard-Portheret 1929 est une franche réussite, car tout en lui est éternel. Sa robe est rouge brillante. Il ne vieillira jamais. Il a une grande acidité, mais évoque le cirage, le poivre noir, la rhubarbe. Il est fait de cardamome et de plantes vertes. En bouche, sa masse tannique est énorme, et il évoque comme un souvenir lointain les fruits rouges comme un pinot noir fraichement vendangé. Avec le temps, il laisse apparaître des notes de rose tandis que la bouche s’affine est devient saline. C’est un empereur.

On m’apporte tour à tour des verres de Clos des Lambrays 1943 et de Pommard La commaraine 1937. Ils sont plaisants, surtout le Pommard 1937 qui a une bouche de poire et de pain grillé envoutante. Mais même par rapport au Charmes-Chambertin, ils sont un peu à la traine !

Le Barolo 1912 est sans doute l’énigme de la distinction. Comment un vin de 110 ans peut être sans aucun manque ? La robe est rouge orange, sans disque d’une couleur dégradée. Il est cohérent, clairet, filtré, avec des reflets dorés. Le premier nez s’offre sur la noix, le gorgonzola, l’écrasé de menthe. En bouche, il est evanescent, un pur jus d’orange qui se déploie avec des notes ça et là de poivre vert. Il est d’une grande finesse, car rien ne lui manque et son message est infiniment simple et clair. Il n’y a aucune fioriture. C’est comme Horowitz à la fin de sa vie : lorsqu’il joue Rachmaninov, il ne bouge plus que les doigts, tout autre mouvement du corps est devenu superflu et a disparu. Il n’y a plus d’écart, plus d’embellissement, rien de baroque, seulement le pur mouvement sans aucun faux-mouvement… Comme il est difficile de faire simple, disait Van Gogh !

Rouge d’Algérie 1947 domaine Frédéric Lung est le dernier rouge, et il n’est pas sans lien de famille avec les rosés du même vigneron qui l’ont précédé. Sa robe est rouge profonde, assez opaque. Il a des notes de café enivrantes, de cannelle de ceylan. On est chez un marchand d’épice. Il invite au voyage… et à ne pas prendre le volant, car il est largement au-dessus des 13 degrés d’alcool sur l’étiquette. Il est puissant, comme un tank. Il est pénétrant et fait tout sentir plus intensément. Il est un peu huitré et crayeux sur la finale, ce qui limite hélas la magie.

Moulin Touchais Anjou 1928 est d’une robe or brillante, orangée mais aux reflets verts fluorescents. Il a des notes que j’adore : la quiuine, l’orange très amer, le fenouil. Il est médicamenteux, mais dans le bon sens du terme. Il évoque le chèvre frais. On sent plutôt du passerillage au nez. En bouche, c’est très surprenant, car il est gras et ample, avec une certaine lourdeur et densité. Il évoque l’amande, la frangipane. Ce n’est pas l’électricité d’un pur botrytis, mais il est tout de même saisissant.

Haut Sauternes Boussay Cru Lamothe vers 1900 est d’une robe orangée, assez jaune encore. Il est très frais, fait de citron vert. Il est brillant et cohérent, mais il rend confus, car il est trop vivace pour être de son âge. Il évoque la pistache et la rose. En bouche, on sent bien le botrytis, il est d’une belle longueur et d’une acidité clinquante. Il me fait plutôt penser à 1934 ou 1937. Ce qui me surprend aussi, c’est qu’avec le chocolat il réalise un mariage de raison, alors que les vieux Sauternes préfèrent les fruits.

La fin de soirée est prompte aux échanges et aux dégustations. Les moins téméraires dédaignent les vins liquoreux qu’ils n’hésitent pas à apporter. Deux vins surprennent tout particulièrement. Le Massandra 1961 est un pur bonbon à la menthe. Une menthe de bonbon de voiture, extrêmement précise et concentrée. En bouche, c’est une canne à sucre, riche et saisissante. Le Gilette Crème de tête 1937 présente un nez curieusement très proche du Sauternes Boussay cru Lamothe vers 1900, ce qui tend à penser que le second a l’âge du premier. Mais c’est sa bouche qui illumine la soirée et la conclut brillamment, car c’est désormais une menthe marocaine qu’on ressent, avec une densité et un gras qui entoure l’ensemble du palais. L’acidité domine l’ensemble, et donne envie de se resservir, encore, pour la beauté du geste.

Il est difficile d’établir un classement tant les réussites sont nombreuses, mais je dirais : (1) le Barolo, pour sa perfection et la clarté de son message, (2) le Meursault pour l’immense surprise qu’il a fait et son mariage absolument parfait avec l’entrée de saint-jacques et d’herbes en salaison, (3) ex-aequo le Pichon-Baron 1928 et le Gevrey Chambertin 1929 qui représentent chacun leur région et leur millésime à la perfection, (5) le Lung 1945 qui ne se livre qu’avec du temps mais laisse entrevoir un monde tout à fait magique et son homologue (6) Lung 1947 rouge qui reste envoutant au nez. Viendraient ensuite l’Anjou, le Gilette, l’Ausone et l’ensemble des rosés.