les « anti-voeux » de François Simondimanche, 11 janvier 2009

François Simon,  dans le Figaro du 10/01/09 présente ses vœux sous le titre « Nos antivoeux les plus sincères ».

Ce papier plein d’esprit m’a donné l’idée d’ajouter mes propres idées.

1 – Le choix des pains. François s’insurge contre cette manie de proposer huit pains différents, alors qu’un seul bon pain ferait l’affaire. Je suis de son avis, d’autant que la cérémonie du pain prend un temps considérable quand on voudrait parler avec ses convives. J’ajouterai à cela la même manie pour les beurres. Et, ce qui m’importune le plus, de loin, c’est le choix des cafés. Lorsque l’on discute avec ses amis, devoir lire une carte des cafés avec des explications sur les vertus de chaque haut-plateau inaccessible, c’est franchement insupportable.

2 – La gastronomie à quatre chiffres. François est dans son rôle quand il fustige les additions stratosphériques. Le passage à l’euro a désinhibé les restaurants. Qui aurait pu mettre des plats à plus de 1000 F sur une carte ?

3 – Les billes de betterave. François fustige les légumes à la mode. Il n’aime pas la betterave. Personnellement, ça ne me gêne pas tant que cela. La betterave est un légume au goût très fort, dont il ne faut pas abuser, car il n’est  pas l’ami des vins.

4 – Les desserts d’artistes. C’est vrai que les desserts qui se veulent visuels avant d’être goûteux, ça m’énerve aussi, car le palais est chaviré. Il m’est très difficile de faire passer l’idée que pour les vins, il ne faut pas un dessert d’artiste, mais un goût. La volonté de montrer le talent du pâtissier est trop forte.

5 – Les rythmes de grand-messe. François aimerait moins de chichi. J’avoue que le chichi ne me déplait pas. Ce qui m’agace, c’est de devoir attendre quand ce n’est pas nécessaire.

6 – Les amuse-bouche. François serait pour leur suppression totale. Je ne suis pas d’accord. Mais j’aimerais que l’on introduise une nouveauté. Il faudrait que lorsque l’on s’assoit à table, quelqu’un vienne demander : « seriez-vous sensible au fait de commander votre vin dès maintenant, pour que le vin ait le temps de s’oxygéner ? ».

Dans ce cas, selon le choix du vin du client, un amuse-bouche simple, adapté au type de vin permettrait de bien commencer le repas. L’amuse-bouche est souvent considéré comme la carte de visite du chef. Il annonce son niveau de dextérité. Alors qu’un amuse-bouche considéré comme un prélude au goût du vin serait nettement mieux.

De plus, contrairement à François Simon, je ne tiendrais pas longtemps sans amuse-bouche. Je préfèrerais qu’on enlève le « pré-dessert ».

7 – Le plat star, le client en otage. Ce qui est effectivement agaçant, c’est d’entendre un jeune serveur qui vient expliquer la composition du plat. Il annone un texte appris par cœur, qu’il récite en mangeant ses syllabes. Il ne faut surtout pas lui demander de répéter, car il s’embrouille.

8 – Les vins sans esprit. L’observation de François Simon rejoint la mienne. L’explosion des prix a conduit les sommeliers à rechercher des vins moins chers. Mais dans leur recherche, je trouve qu’ils sont allés vers « ce qui peut plaire », plus souvent que vers « ce qui représente l’appellation ». Et leurs découvertes ne m’excitent pas tant que cela, car il y a trop souvent la recherche de l’originalité plus que de l’authenticité.

9 -Le Michelin va-t-il se réveiller ? C’est là où je diffère le plus de François Simon. Il considère le Michelin comme ringard et convenu. Si l’on cherche un scoop, il y a mille revues qui véhiculent l’information de la découverte des talents. Ce que j’attends du Michelin, c’est la solidité intemporelle du jugement. Que François réclame plus d’objectivité, je le comprends. Mais il faut que le guide Michelin reste une institution et ne devienne pas une girouette.   

A la liste de critiques de François Simon, j’aimerais ajouter les miennes :

10 – les mignardises. Pour diverses raisons, on peut refuser le dessert et demander un café. Pour certains, les mignardises à profusion seront un bonheur. Mais pour d’autres, ce sera le péché de gourmandise que l’on voulait éviter.

11 – le moment de la commande des vins. J’ai abordé ce sujet ci-dessus. Il faut que le choix soit offert le plus tôt possible.

12 – les bavardages excessifs. Pourquoi ne pas donner, pour les plats les plus complexes, des petits cartons explicatifs, que l’on lit si on en a envie, plutôt que d’écouter un énoncé qui tombe toujours au plus mauvais moment.

Mais j’aimerais ajouter une remarque fondamentale. Nous avons actuellement une richesse de chefs de talents, véritables artistes, qui créent des recettes ou interprètent des recettes classiques de la plus belle façon. Et la variété des tendances est spectaculaire. Je suis prêt à payer leur talent, à accepter un certain décorum, même si parfois, c’est vrai, c’est un peu suranné. Ce que je ne supporte pas, c’est de donner des marges sur les vins qui ne devraient jamais exister à ce niveau si les restaurants avaient une gestion de cave à long terme.

Le bilan de tout cela est quand même largement positif, car les grands restaurants, visés particulièrement dans ce billet par François Simon, nous offrent des plaisirs rares. Des petits ajustements sont souhaitables, mais le plaisir est là.