Le chef du restaurant Le Gabriel cuisine à la Manufacture Kaviarivendredi, 19 janvier 2018

La Manufacture Kaviari organise des « repas de chef » en invitant des chefs à venir cuisiner en inventant un menu fondé sur les caviars Kaviari. J’avais assisté à celui fait par Valérie Costa, chef de la Promesse à Ollioules et je vais assister à celui fait par Jérôme Banctel, chef du restaurant Le Gabriel situé au sein de l’hôtel La Réserve à Paris. Etant invité et sachant que l’événement est sponsorisé par la maison Billecart-Salmon, j’ai envie d’apporter un vin dont je pense qu’il s’intégrera bien dans ce type de dîner.

Nous sommes huit à dîner dont Karin Nebot directrice générale de Kaviari qui nous reçoit, Alexandre Bader représentant les propriétaires de la maison de champagne Billecart-Salmon, le directeur de La Réserve, un couple d’amateurs de bonne chère et de bons vins, un photographe qui réalise des portraits de haut intérêt et une personne qui travaille avec Karin. Arrivé en avance, on me sert un verre du Champagne Billecart-Salmon Brut Magnum sans année qui me semble fermé et amer. J’aurais tendance à l’écarter. On me sert un verre du champagne en bouteille au lieu de magnum et je ressens la même amertume, ce qui m’indique que c’est mon palais qui n’est pas réceptif. C’est un appel à goûter un peu de caviar pour remettre en place mes organes sensoriels. Le caviar Kristal Kaviari est légèrement ambré et vient de Chine. Il joue son rôle car le champagne devient plus amène, même si je trouve qu’il est quand même un peu fermé. Mais c’est un très bon accompagnateur du caviar.

Nous bavardons avec les arrivants et lorsque j’annonce à Jérôme Banctel mon apport de vin que j’imagine pouvoir cohabiter avec la volaille prévue au menu, le chef a immédiatement la bonne réaction. Il me dit qu’il fera servir la volaille d’abord sans sauce pour aller avec mon vin, puis avec sauce pour le champagne. J’aime quand on se comprend ainsi à demi-mot.

Le menu composé par Jérôme Banctel est : apéritif et caviar service à la française / œuf coque, caviar, espuma cresson / meringue, tourteau, wasabi, caviar / volaille Cour d’Armoise, coussinets d’épinard, caviar, raifort / saint-nectaire et champignons / grain de café meringué, crème glacée au sirop de merisier / mignardises.

Nous commençons à déguster le caviar Kristal avec gourmandise. Un détail mérite d’être signalé. Alors que nous avons abondamment goûté le caviar sans rien, soit sur des blinis soit juste à la cuiller en bois, je tartine un morceau de pain avec du beurre et le caviar exprime beaucoup plus de sel. Je dis à Karin : « le beurre salé donne un coup de fouet de salinité au caviar » et Karin me répond : « mais, le beurre n’est pas salé ». C’est très intéressant car le beurre bien gras a joué comme un amplificateur du sel du caviar et cela m’a beaucoup plu.

L’œuf coque est un ami naturel du caviar. J’avais peur du cresson mais en fait il est traité avec douceur et l’accord se trouve bien. A côté de l’œuf, une « mouillette » est un bâtonnet de pain épicé assez mou. J’en fais la remarque à Jérôme car j’attendais plutôt un stick ferme mais Jérôme confirme que c’est son choix.

Il est indispensable de manger chaque meringue en une seule fois pour profiter d’un accord sucré/salé très pertinent. Le wasabi et le tourteau forment avec le caviar sur la meringue un accord original très intéressant, peut-être le plus inventif du repas.

Jérôme a ajouté une surprise qui est pomme de terre, crème et caviar. La présentation de la pomme de terre est curieuse et je ne comprends pas ce plat que je me force à manger comme d’autres sans éprouver le moindre plaisir. Personne n’a osé poser de question et je n’ai pas compris ce plat que j’aurais volontiers laissé de côté.

La volaille a une chair d’une tendreté infinie et elle forme avec mon vin un accord sublime. Le Côtes du Jura Robert Jeannin 1973 a une couleur d’un or clair, beau comme une peau de pêche. Le nez exhale une noix luxuriante. Ce parfum est tout en charme. La noix du vin résonne avec la noix du caviar de parfaite façon et la chair tendre et délicate de la volaille bénit cette union. Le plat est magistral et les à-côtés sont très cohérents, même le raifort justement dosé. Le champagne et le vin du Jura se fécondent, le Côtes du Jura élargissant le champagne qui, en retour, donne au vin de la fraîcheur. Cet accord à quatre, volaille, caviar, champagne et vin, est un sommet gastronomique.

L’association entre un saint-nectaire bien moelleux et des tranches fines de champignon de Paris est aussi d’une extrême délicatesse. On peut boire aussi bien le vin que le champagne sur cet intelligent fromage.

Je tombe amoureux de la texture du dessert. Ce grain de café meringué est d’une mâche invraisemblable, marqué par la fraîcheur et la légèreté. Ce dessert est fou.

Le Champagne Billecart-Salmon Brut sans année bu soit en bouteille soit en magnum est un très agréable compagnon pour les saveurs multiples de ce dîner. Le vin du Jura a contribué à lui apporter une vibration positive supplémentaire.

La meringue au tourteau est le plat le plus original combinant sucré/salé et fraîcheur. La chair de la volaille est sublime et a porté l’accord avec le Côtes du Jura. La mâche du grain du café est d’une luxure infinie. Il suffit de ces trois merveilles pour avoir passé un dîner de haute gastronomie sur le support d’un caviar goûteux au sel remarquablement dosé.

Il faut vite revenir !

Le chef Jérôme Banctel jonglant avec le caviar (par le photographe Stéphane de Bourgies présent à ce dîner)