Hermitage La Chapelle 1978 au restaurant Dessiriervendredi, 20 mars 2009

Lorsque tout récemment j’étais allé déjeuner au restaurant Dessirier, je n’avais bu que de la Saint-Géron, eau minérale concurrente de la Chateldon. J’avais eu le temps d’étudier la carte des vins et d’y repérer quelques bonnes pioches. Je réservai l’une des bouteilles. De retour de Chine, ayant l’envie de raconter mes aventures, j’invitai le plus fidèle d’entre les fidèles pour un casual Friday minimaliste, c’est-à-dire à deux. Pour le cas où, je réserve au restaurant Dessirier en disant : « pour deux ou pour trois ». La veille, un ami fidèle parmi les fidèles m’envoie un mail : « tu as des choses à nous raconter, j’attends ton invitation ». En un revers lifté je lui réponds que c’est demain à midi. Il me dit qu’il est occupé. Nous serons donc deux.

J’arrive suffisamment en avance pour faire ouvrir l’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet aîné 1978. Ce vin a obtenu 100 points Parker, mais jusqu’à ce jour je n’ai jamais eu l’émotion attendue. Sera-ce le bon jour ? Le personnel du restaurant est en train de déjeuner mais fort sympathiquement, nous bavardons avec le chef pour composer le menu. Nous commencerons par les sandwiches à la truffe de Michel Rostang que l’on fera venir par coursier de son restaurant et je demande un turbot pour l’Hermitage. Il n’y a que des turbotins, aussi n’aurais-je pas la consistance du pavé. Le choix qui m’est suggéré est le cabillaud avec une sauce périgueux et une purée à la truffe. Le décor est planté.

Mon ami arrive et pour commencer, le charmant maître d’hôtel ou directeur me suggère un Chassagne Montrachet. Je n’ai pas l’esprit à cela. Ce sera Champagne Salon 1995. Ce choix est judicieux, car le champagne a une forte personnalité. Il n’est pas d’une folle complexité mais il a une race affirmée comme celle d’un taureau noble. Les tartines de truffe sont puissantes, fortes, et le champagne est à son aise. Mais le gras un peu insistant du pain toasté est trop fort et raccourcit la longueur du champagne. Il ne retrouvera sa longueur naturelle que longtemps après, lorsque la mémoire des toasts s’est éteinte.

Lorsque j’avais goûté l’Hermitage à l’ouverture, j’avais senti une certaine torréfaction qui provient soit d’une cave chaude, soit d’une maturité précoce. Le caractère terrien du vin m’avait conduit vers la truffe. La couleur du vin est très belle, sans signe de tuilage. Le vin est opulent, agréable, mais il n’y a pas du tout l’émotion que le vin devrait avoir. C’est un vin diplomate, dont le langage ne choquera personne, mais ne communiquera aucune émotion. Pendant tout le repas, j’avais mon appareil téléphonique en veille active, guettant l’appel éventuel de l’autre fidèle. L’appel vient enfin et l’ami rejoint notre table pour partager le cabillaud et l’Hermitage.

Nous finîmes sur un millefeuille aux fraises qui réveilla le Salon de nouveau ingambe. Mes récits chinois furent largement chambrés. On n’en attend pas moins de ses amis. Ce fut un solide déjeuner d’amitié.

Le fameux sandwich à la truffe de Michel Rostang

Le cabillaud et sa purée truffée

Salon 1995

Hermitage La Chapelle 1978