dîner chez Yvan Rouxjeudi, 15 juillet 2010

Mon gendre arrive deux jours après par l’avion. A peine sort-il de l’aéroport, quelques baisers à ses enfants et nous voici de nouveau à la table d’hôtes d’Yvan Roux. Le Pata Negra est toujours là pour nous accueillir, petite merveille d’équilibre entre le gras et le doucereux, le sel jouant en sourdine, ce qui est bien. Nous le dégustons sur un Champagne Bollinger Vieilles Vignes Française 1999. Dans le calme du soir, lorsque les nuages rosis de soleil couchant se reflètent sur la mer, le champagne dans nos verres prend des couleurs d’un rose délicat, alors qu’il est blanc comme un diamant. Le nez est un régal de subtilité. Le mot qui convient à ce champagne est grâce et féminité. Nous sommes dans de grandes subtilités et ce qui m’impressionne, c’est que le final, plus il se prolonge en bouche, plus il devient fumé, lourd et marqué d’épices, influencé par la profondeur du jambon espagnol.

Yvan a préparé de nouveau le plat de carpaccio de pélamide avec son pesto et des tomates confites. La chair est toujours aussi délicate, mais l’accompagnement est un peu fort pour le champagne. Yvan nous avait montré deux magnifiques langoustes, et nous avait prévenus qu’il y aurait une surprise. Lorsque les assiettes sont servies, il faut quelques secondes d’accommodation pour comprendre qu’il y a sur chacune d’elles une demi langouste et une demi cigale. Quel bonheur ! Je commence par la langouste à la chair divine. Tout ici combine tendresse et force. Le corps est charnu, mais en même temps délicat. J’adore cette chair immense. Nous essayons le Champagne Krug Grande Cuvée dont la force très juvénile correspond à la langouste. Alors que je suis un amoureux des cigales, avec leur côté noisette, je préfère nettement la chair de la langouste. Peu après le dîner, lorsque j’indique ma préférence à Yvan, je suis bien embarrassé de dire si j’ai préféré la langouste pour sa chair pure, ou pour le fait que je l’ai mangée en premier, dans la fraîcheur de sa cuisson, alors que la cigale a été mangée plus tard, refroidie par la brise venant de la mer.

Le Krug est un bon compagnon des crustacés, même si ce n’est pas un multiplicateur de vibrations. Ce champagne est solide, demanderait quelques années de vieillissement de plus pour atteindre sa plage d’excellence. Je serais bien incapable de dire lequel des deux champagnes est le meilleur, car le Krug joue dans l’affirmation de soi, qui n’exclut pas la complexité, et le Bollinger joue dans l’élégance raffinée, juste suggérée.

Un soufflé à la vanille a trouvé un très joli écho avec le Krug qui a su faire un contrepoint à la richesse expressive de la vanille sucrée par le soufflé. Ce fut un bien agréable dîner de famille chez le prince des cuissons.