Dîner au restaurant Le Conty à Beaunevendredi, 16 novembre 2018

Le 17 novembre aura lieu le traditionnel dîner au château de Beaune où la maison Bouchard Père & Fils invite des amis juste avant la vente aux enchères des Hospices de Beaune. C’est la même date qui a été choisie par le mouvement spontané des « gilets jaunes » pour manifester sous une forme encore inconnue contre la politique du gouvernement. N’ayant aucune envie de me trouver bloqué sur les autoroutes par des manifestations non contrôlées j’ai préféré venir la veille du dîner prévu.

Heureusement j’ai une chambre, mais il n’y a rien d’inscrit à mon agenda. Les événements des jours qui précèdent se succédant si vite, je n’ai pas eu le temps de passer les coups de fil qui m’auraient permis de me joindre à des manifestations programmées par d’autres maisons. J’arrive donc à l’hôtel de la Paix vers 16h30 avec un agenda vide jusqu’au dîner du lendemain. Le concierge me dit que tous les grands restaurants vont être complets. Par un froid d’hiver je me dirige vers le centre-ville tout proche. Je passe saluer le patron du restaurant Ma Cuisine qui est très affairé et ne pourra pas m’inclure en passager clandestin à l’une des tables. Je vais alors rendre visite aux délicieux propriétaires de l’hôtel des Remparts où j’ai été maintes fois logé et avec qui j’entretiens des relations très amicales. Une collaboratrice de l’hôtel passe un coup de fil et réserve une table au restaurant Le Conty.

Bien qu’ayant la réservation, et ne connaissant pas du tout ce restaurant, je préfère m’y rendre. Il est autour de 18 heures. Le lieu est simple mais sympathique et je demande la carte des vins. Elle est très fournie et certains vins sont à des prix très convenables. Je scrute et mon choix sera un Clos de Tart 2009. Je demande à Johan de payer tout de suite la bouteille pour qu’on puisse l’ouvrir et je reviendrai dans une heure et demie la boire. Johan ouvre la bouteille et le parfum de ce vin est émouvant. Il y a une race sauvage dans ce vin tellement jeune. Je paie la bouteille et je retourne à mon hôtel heureux d’avoir trouvé ce que j’estime un bon plan.

Les rues de la ville sont très animées car partout c’est la fête. Les stands de dégustation se sont installés dans les rues que l’on a condamnées. Ainsi le restaurant Le Conty qui possède deux entrées distantes de quarante mètres sur la même façade, l’une pour le caveau et l’autre pour le restaurant a installé entre les deux portes, le long de la façade, une broche qui doit bien faire entre quatre et cinq mètres. Sur la broche, on cuit le « bœuf de Beaune » qui a été élevé à la gêne de raisins des hospices de Beaune. Je ne connaissais pas la gêne et on m’explique que c’est l’ensemble des résidus secs résultant du pressurage ou du foulage des raisins. C’est la rafle, mais un peu plus.

Je m’assieds à ma table réservée et décide de prendre douze escargots de Bourgogne, puis le bœuf de Beaune rôti à la broche par le chef Laurent Parra. Le Clos de Tart 2009 servi à la température idéale est un vin de grande race. Il a une belle râpe qui évoque le fait que des rafles seraient restées dans le vin et n’aurait pas été utilisées pour élever le bœuf de Beaune. Il soutient très bien la force convaincante des escargots et même leur tient tête. Pour la viande trois sauces sont possibles heureusement servies dans des pots et ne se mélangent pas à la viande délicieuse, goûteuse et fondantes. Je n’en utiliserai aucune.

Ayant pris pour dîner une très belle bouteille, le chef a ajouté pour moi des lamelles de truffe qui conviennent bien au vin. La générosité a toujours une réplique et j’offre au chef un verre de mon vin. Il est sympathique et bon vivant et passe son temps ce soir à la broche car des passants de passage peuvent eux aussi s’offrir des tranches de cette belle viande.

Ce Clos de Tart est un grand vin magnifiquement fait, précis, droit, généreux et de grande longueur et la râpe lui donne de la noblesse. Je suis aux anges. Etant seul, il reste beaucoup dans la bouteille, aussi je commande un demi-pigeon cuit avec une sauce aux vins de Beaune et avec des giroles. Ce qui arrive sur table n’est pas un demi-pigeon mais un pigeon entier car le chef voulait me gâter. La viande est goûteuse, mais la sauce effarouche le vin. Je finis calmement le vin qui reste sans plat et sans dessert et j’en profite au moins autant qu’avec un plat car le vin est de cette Bourgogne noble et sauvage que j’adore. Sa longueur est la signature d’un très grand vin.

En rentrant à l’hôtel, j’ai un sourire de contentement profond, car le hasard m’a souri. J’aurai très certainement le sommeil des gens heureux.