Dîner au restaurant La Promesse à Ollioulesjeudi, 6 juillet 2017

Valérie Costa est une jeune femme qui a fait commerce de vins tout en poursuivant son amour pour la cuisine. Elle est venue en 2008 au 106ème dîner par curiosité pour les accords mets et vins. Le plat aiguillettes de joues de veau fondantes, risotto à la truffe blanche d’Alba associé à Gazin 1959 et Pétrus 1967 l’a profondément marquée. Par un hasard comme il y en existe, nous allons connaître ce soir un accord aussi miraculeux que celui d’il y a neuf ans.

Lorsqu’en 2012 elle a créé à Toulon avec son mari le restaurant La Promesse, elle m’en avait informé. Nous continuions d’échanger des mails. En 2015 elle a eu l’opportunité d’installer le restaurant La Promesse à Ollioules, au sein du domaine de Terrebrune, l’un des très grands Bandol. Je l’ai informée de mon désir de venir dîner chez elle avec ma femme et deux amis. Nous arrivons à quatre et notre amie gare sa voiture sur une place libre, la plus proche du restaurant. Deux messieurs d’un certain âge passent sur le chemin et j’entends : « ce n’est pas une place de parking pour le restaurant, mais enfin, tant pis ». Instantanément je leur demande : « êtes-vous du domaine de Terrebrune » et l’un des deux me répond : « j’en suis le propriétaire », ce que j’avais subodoré. Il m’explique que sa première récolte est de 1975, qu’il a passé la main à son fils et ajoute qu’il est propriétaire du restaurant, qu’il apprécie le dynamisme de Valérie et qu’il trouve légitime son ambition d’atteindre une étoile au guide rouge. On peut donc dire des choses essentielles en très peu de temps.

Nous entrons dans la salle du restaurant d’où la vue se limite aux arbres proches. La décoration mériterait sans doute d’être plus joyeuse et la jolie cave vitrée de présentation des vins est trop loin des tables où siègent les clients. Jean-Marc mari de Valérie nous accueille avec un large sourire et nous lui demandons la carte des vins dont Valérie m’avait dit qu’elle a 400 références. La carte des champagnes est assez limitée et je commande un Champagne Cristal Roederer 2005. C’est un champagne de bonne structure, de belle richesse en milieu de bouche, mais il manque un peu d’émotion et de longueur. Il est très politiquement correct avec une belle matière mais ne sait pas sortir des sentiers battus.

Le reste de la carte des vins est beaucoup plus engageant, de belle diversité et avec des prix très raisonnables. Tout amateur de vin pourra y trouver son compte. Valérie et Jean-Marc peuvent en être légitimement fiers. Lorsque j’apprécie l’effort d’une belle carte, je tiens à marquer le coup aussi avec l’accord de mon ami je choisis un Clos Sainte Hune 2006, la noblesse du riesling et un Rayas 2001, l’un des plus sensibles Châteauneuf-du-Pape.

En consultant la carte des menus, mon envie est guidée vers le menu « Aventure » qui laisse libre cours au talent du chef. Comme les vins sont choisis, Valérie va pouvoir déployer sa créativité. Nous ne connaissons pas le menu qui me sera envoyé le lendemain matin : jambon 30 mois d’affinage d’un cochon noir de Bigorre / cœur de saumon au sésame grillé, houmous / fregola sarda à la truffe / langoustines crues confites à l’huile d’olive, caviar osciètre, agrumes, champignon / poulpe à la truffe tuber æstivum, croustilles de parmesan, copeaux de bonite / filet de veau corse bio et foie gras du Gers, fumés « minute » aux herbes de la garrigue / fromages : Testun au Barolo, tête de moine, gorgonzola 100 jours, chèvres de Signes / parfait de mangue au nougat d’Ollioules fondu par un coulis chaud de mangue et passion.

Le Champagne Cristal Roederer 2005 se comporte très bien avec le jambon très fort et aussi avec le cœur de saumon qui divisera la table en deux. Les hommes trouvent que les grains de sésame neutralisent la mâche douce du saumon alors que les femmes sont plus favorables à cette combinaison.

La fregola sarda à la truffe appelle un rouge et Jean-Marc trouve judicieux de ne pas entamer le Rayas avant le riesling. Il nous offre de goûter chacun un verre de Terrebrune Bandol rouge 2003. Le vin est jeune, même s’il a 14 ans, et son fruit est très franc, pur, adapté à la truffe. C’est un vin agréable.

Jean-Marc a tenu à ce que chaque vin ait le verre adéquat. On sent en lui une recherche de perfection. Le Riesling Clos Sainte-Hune maison Trimbach 2006 servi seul est la pureté absolue du riesling. Mais le vin va nous jouer des tours, pour notre plus grand plaisir. Les langoustines sont absolument superbes et le goût de citron vert, comme son parfum, dominent. Et ce coquin de Sainte Hune se met à devenir citron vert. Une osmose incroyable se forme, le vin et le plat se confondent en un accord parfait, donnant cette étrange impression de ne plus savoir si l’on ‘boit’ la langoustine ou si l’on ‘mange’ le riesling. C’est un orgasme culinaire fondé sur un plat goûteux et intelligent.

Le riesling redevient ce qu’il est sur les poulpes très bien traités. L’accord est beaucoup plus classique. Le Châteauneuf-du-Pape Château Rayas rouge 2001 est un immense vin. Il est puissant, solide, affirmé mais en même temps, il pianote ses complexités. Il nous emmène dans la garrigue où les plantes odorantes nous enivrent de leurs parfums. Ce vin est magistral de grâce et d’élégance, virevoltant dans les herbes du sud. Il est fait du même « métal » que le plat délicieux au foie gras de haute qualité, plat de grand équilibre.

Les fromages ne sont pas nécessaires, ne créant pas d’accord notoire. Le dessert est une gentille attention puisque Valérie connait mon amour pour la mangue. Un peu complexe et sans vin qui dialogue avec lui, il a moins marqué nos mémoires.

Lorsque nous étions arrivés, Valérie ne nous a pas salués ce qui est très compréhensible puisqu’elle est seule en cuisine. Elle ne peut pas se permettre de la quitter. Aussi, au moment du fromage, je suis allé très brièvement la saluer et lorsqu’elle a fermé sa cuisine et salué les autres tables, nous avons eu le plaisir de bavarder avec elle. Elle est passionnante, dynamique et ambitieuse aussi est-il normal que le challenge d’une étoile Michelin la titille. Elle a eu la visite d’un inspecteur du guide qui l’a jugée « étoilable ». De ce que nous avons vécu ce soir, deux plats sont au niveau de l’étoile, les langoustines qui ont créé un accord d’anthologie et le veau au foie gras délicieusement goûteux. Et ma femme m’a dit que le poulpe est le meilleur qu’elle ait jamais mangé. Pour atteindre l’étoile il faudra une décoration plus claire et plus gaie, une personne de plus en salle et continuer dans la voie d’une cuisine élégante, précise et claire comme les deux plats parfaits l’ont montré.

On ne peut que conseiller cette adresse chaleureuse où ce couple généreux et attentionné offre de grands repas.