Déjeuner impromptu au bar de l’Auberge du Père Bise Jean Sulpicelundi, 30 avril 2018

Nous avons pu jouir d’une longue nuit après deux jours où nous n’avons pas mangé pour vivre mais vécu pour manger. La chambre sur le lac d’Annecy est un vrai bonheur. Les plus jeunes d’entre nous ont fait du jogging. J’ai choisi la voie du devoir et raconté nos agapes sur mon blog. Nous nous retrouvons tous dans le jardin de l’Auberge du Père Bise Jean Sulpice. L’amie du sud qui avait dû rentrer à son hôtel car elle se sentait malade est encore patraque et ne déjeunera pas. Les écrevisses ont presque toutes disparu de leur bassin, remplacées par des truites. Les nuages qui surplombent les montagnes tantôt enneigées tantôt découpées comme des dentelles sont lourds et forment des paysages d’une grande beauté.

Je m’enquiers d’une table au restaurant gastronomique mais Margot et Lionel me répondent que c’est impossible car le restaurant affiche complet. Plutôt que d’aller au bistrot nous préférons qu’on nous installe une table au bar, face au lac.

Jean Sulpice vient recueillir nos désirs, mais nous savons qu’il a son mot à dire. Il nous propose une quenelle de brochet. L’ami du sud qui n’a pas dîné hier mais avait vu les asperges que nous avions prises hier en exprime le désir. Le menu sera donc asperges et quenelles. Nous attendons que la table se dresse et je regarde au bar des photos de la période de gloire de cette auberge lorsque les Bise recevaient aussi bien le Shah d’Iran que Richard Nixon ou la reine mère « Queen Mom », mère de la reine Elizabeth. Une photo montre Marguerite Bise avec madame Brazier, Alexandre Dumaine et Fernand Point. Ce qui se faisait de mieux en cuisine française se trouve sur une même photo. Alors, je me plais à imaginer que Jean Sulpice fasse venir en son mythique restaurant l’élite des dirigeants du monde et l’élite de la cuisine mondiale. Il faudra pour cela que son talent extrême de chef, qui est déjà atteint, se double d’une personnalité à la Claude Terrail qui accueillait le monde entier. Ce sera possible quand Jean aura son « outil » en main au point qu’il ne soit pas obligé de régler les questions matérielles du quotidien, ce qu’il fait aujourd’hui de bonne grâce. Dans quelques années, je lui souhaite de diriger le centre culinaire du monde, car il peut en avoir l’ambition, s’il en a l’envie.

La table est mise. Lionel le sommelier nous propose, pour ceux qui boivent, de finir l’Altesse de Roselyne et Michel Grisard 2013 car nous sommes tous à l’eau – du moins au début. Le talent de Jean Sulpice est sans limite lorsqu’il s’agit d’agencer mille herbes et épices vertes avec les asperges.

La quenelle de brochet aux écrevisses avec une tuile de parmesan est un plat gourmand. Le sevrage de vin explose en vol. Il y a deux camps, ceux qui veulent du blanc et les esthètes qui veulent du rouge. Ma fille est dans le camp du blanc qui n’est pas le camp du bien, et elle connaît le vin bio que suggère Lionel, un vin du mâconnais dont la couleur a tout du bio. Apparemment les audacieux du blanc se régalent. A côté d’eux, les esthètes, dont je suis, boivent un Châteauneuf-du-Pape Domaine du Banneret famille Vidal 2015. Lionel nous dit qu’il explore les directions de Rayas et effectivement c’est un vin raffiné et subtil, tout en suggestions. Il est fort de 14,5° mais aussi délicat et charmeur. Nous nous régalons et la bisque est à se damner.

La baguette qui permet de saucer est divine et le beurre au carvi que l’on étale sur le pain est un péché mortel.

Jean Sulpice nous a préparé un vacherin à la framboise très gourmand et des mignardises achèvent le travail de sape de toute tentative de raison.

Le service est d’une implication parfaite, Lionel est un conseiller de talent. On se sent bien à l’Auberge du Père Bise Jean Sulpice.

photo du passé : madame Brazier, Alexandre Dumaine, Fernand Point, Marguerite Bise