Dégustation des 2013 du domaine de la Romanée Conti et dînersamedi, 17 décembre 2016

Un taxi londonien aux invraisemblables itinéraires me conduit de mon hôtel à la gare de Saint-Pancras pour prendre d’Eurostar et retourner à Paris. La file d’attente pour passer la douane est impressionnante. Quinze minutes avant le départ on signale qu’un problème de sécurité existe sur le train que je dois prendre. Aucune information sur la date de départ n’est donnée. J’espère que ça ne va pas se passer comme à l’aller où le stress de l’absence d’information m’était insupportable. Fort heureusement le retard n’excède pas le quart d’heure. A Paris, pas le moindre contrôle de douane, ce qui est inquiétant. La gestion de la prise en charge des voyageurs par les taxis est un chef-d’œuvre d’inorganisation. On met à peu près cinq fois plus de temps que si l’on saupoudrait trois grammes de bon sens dans cette opération.

N’ayant pas le temps de rentrer chez moi pour déposer mes valises, je me rends directement au siège de la société Grains Nobles où, comme chaque année, la présentation du dernier millésime mis en bouteilles des vins de la Romanée Conti est faite par Aubert de Villaine lui-même. C’est la seule présentation de ce genre qu’il fait en France, par amitié pour les anciens propriétaires de cette société mais aussi pour les actuels. Pascal Marquet m’accueille avec mes lourds bagages et je vois qu’un américain, Bill, m’a précédé, pour avoir la place de choix à l’une des tables de dégustation, juste en face d’Aubert de Villaine. Etant en avance, j’aurai l’autre place de choix qui fait vis-à-vis.

La dégustation démarre à 19h30 avec des fidèles que je reconnais. A la table des orateurs il y a Aubert de Villaine, entouré de Michel Bettane et Bernard Burtschy. Nous allons goûter les 2013 du domaine de la Romanée Conti. 2013 est un millésime difficile avec un début de saison maussade. Le printemps fut mauvais avec 350 millimètres de pluie contre 200 environ habituellement. Le millésime fut chaotique, surtout au début. Le mildiou fut dur à gérer, avec beaucoup de coulure, de raisins qui filent et des baies qui avortent. On a eu très vite la certitude d’une petite récolte avec une floraison tardive au 25 juin, avec trois semaines au moins de retard. Heureusement le temps fut beau à la mi-juillet. Il y a eu un bel été avec un peu de canicule. Des orages catastrophiques ont affecté la Côte de Beaune qui a subi sa troisième année consécutive de grêles, alors que la Côte de Nuits n’a pas été touchée. A fin septembre il y avait déjà une belle maturité. Le montrachet a été grêlé et a été vendangé en premier à cause du botrytis. Le Corton a été vendangé le 3 octobre suivi de pluies orageuses les 4 et 5 octobre. Les vendanges ont repris le 6 octobre et là, un miracle s’est produit, il a fait froid, ce qui a arrêté le botrytis. La vendange s’est terminée le 13 octobre et on a assisté à une très forte élévation des degrés malgré le froid. Il a fallu beaucoup de tris et la vinification fut facile. La clé de ce millésime, c’est la faiblesse des rendements de 15 à 20 hectares. Il a fallu se battre et la biodynamie a aidé à se battre. Aubert signale qu’il y a eu beaucoup de raisins millerands, c’est-à-dire aux grains très petits, qu’il a fallu trier. Comme chaque année, il y a eu des périodes de grande peur et la nature réserve quelques miracles qui sauvent les récoltes.

Nous avinons nos verres et nos palais avec un Vosne-Romanée Vieilles Vignes Dominique Laurent 2013 et si l’attaque de ce vin est agréable, le final est rêche, âpre, et je ne l’apprécie pas.

Le Corton Grand Cru Prince Florent de Mérode Domaine de la Romanée Conti 2013 est un vin fait par le Domaine de la Romanée Conti depuis 2009. Il y a trois cortons, le Clos du Roy, le Renardes et le Bressandes qui sont vinifiés ensemble et Michel Bettane déconseillerait que l’on en fasse trois crus séparés alors qu’Aubert de Villaine en avait évoqué la possibilité il y a quelques années. Le nez est un peu doucereux. L’attaque est aussi doucereuse. Le finale est de beaux fruits. Le vin est gourmand, bon, jeune et solide. Il a aussi de la pureté et un caractère floral. Il est très bon, déjà sur le fruit.

L’Echézeaux Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2013 a une très belle couleur. Le nez est noble, pur et discret. L’attaque me surprend tant elle est puissante. Jamais je n’aurais attendu cela. C’est un grand vin un peu poivré qui a une grande finesse dans le finale. Il a un bel avenir mais me surprend d’être si expansif.

Le Grands-Echézeaux Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2013 a un nez très riche et séduisant. La bouche est plus âpre. Il est plus amer que le précédent. Le toucher de bouche est très proche de celui de l’Echézeaux mais du fait de l’amertume, je préfère l’Echézeaux.

La Romanée Saint-Vivant Grand Cru « Marey-Monge » Domaine de la Romanée Conti 2013 a un nez très puissant. L’attaque est agréable. Ce vin est fait de densité et de charme. J’aime ce vin qui va bien vieillir mais il n’a pas la grâce romantique que j’aime tant. Je suis d’ailleurs un peu troublé car les trois vins à ce stade sont de solides guerriers, ce qui n’est pas leur habitude. Est-ce dû à la faiblesse des rendements ? En tout cas, ce sont des vins à attendre vingt ans au moins.

Le Richebourg Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2013 a un nez impressionnant de richesse. Quelle puissance ! L’attaque est celle d’un fruit immense. Le fruit est fin, précis et joyeux. Le vin est suave, très ouvert. Il combine puissance et finesse. C’est un Richebourg génial qui est en ce moment dans une phase de grâce absolue.

La Tâche Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2013 a un nez très noble. Le vin est noble et parfait. Qu’est-ce qu’il est bon ! Aubert de Villaine utilisera souvent à son sujet le mot « transparent ». La pureté est incroyable et le vin est fluide. Il est élégant et pour moi très au-dessus des autres.

La Romanée Conti Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2013 a un nez fin et racé. C’est un vin raffiné. Mais il a plus de gaz carbonique que les autres. Il y a la richesse du fruit, des épices en fin de bouche mais il est moins facile à boire à cause du gaz. Le vin est plus salin que les autres. C’est le vin qui est le plus typique du domaine de tous ceux que nous avons bus, mais il n’est pas aujourd’hui prêt à boire contrairement au Richebourg et pas assez amical comme l’est La Tâche. La dernière goutte est hélas la plus belle.

Alors que je défends la Romanée Conti bec et ongles je dois dire que mon classement de ce jour est : 1 La Tâche, 2 Richebourg, 3 Romanée Conti. Il faut prendre rendez-vous dans vingt ans pour que la Romanée Conti prenne la première place.

Le Montrachet Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2013 est d’un millésime à botrytis, mais franchement, je ne le sens pas du tout. Le nez a des accents de pétrole et pas de botrytis. La bouche est sèche, d’agrumes. Michel Bettane dit que le botrytis est très noble, mais je ne le sens pas. C’est un vin qui n’est pas opulent qui n’évoque en rien le gras ou le beurré que l’on trouve souvent. Il est minéral, frais, noble. Il va falloir attendre avant de le boire.

Les discussions sont allées bon train avec des questions extrêmement techniques auxquelles Aubert de Villaine a répondu de bonne grâce avec l’appui de Michel Bettane et Bernard Burtschy.

J’ai été étonné de cette dégustation car la Romanée Conti et le Montrachet sont plus discrets que ce que j’attendais alors qu’à l’inverse les autres rouges sont beaucoup plus exubérants.

Selon la tradition, Pascal Marquet retient quelques personnes à dîner dont Aubert de Villaine, Michel Bettane, Bernard Burtschy, un ou deux amis et Claire Gibourg qui dirigeait Grains Nobles il y a quelques années et vit maintenant à Washington. L’ambiance de ce dîner est toujours sympathique et la nourriture est excellente.

Le Champagne Fallet-Gouron blanc de blancs extra-brut a du mal à passer après ce que nous avons bu, très dur pour un extra-brut et au finale imprécis.

Le Meursault Désirée Domaine des Comtes Lafon 2002 est très agréable, hospitalier, gourmand avec une jolie vibration du fruit. Ce n’est pas un cru classé mais c’est un vin de plaisir bu en l’honneur de Christian, participant habituel de ces dîners et qui apportait quasi systématiquement des vins des comtes Lafon et n’a pas pu être présent.

Le Châteauneuf-du-Pape Clos des Papes 2005 est d’une franchise, d’une lisibilité et d’un plaisir de boire qui est particulièrement appréciable. C’est un bonheur de boire ce vin réussi et gourmand. A mettre à sa table absolument.

Le Coteaux du Languedoc Clos des Cistes Peyre Rose 1995 est une très agréable découverte car les vins de Marlène Soria que j’ai bus sont du 21ème siècle. Ce vin de vingt ans est agréable. Il n’a pas une complexité et une longueur extrêmes mais il a un équilibre entre acidité et amertume qui le rend interpelant et plaisant à boire.

Le Coteaux du Languedoc Mas Jullien 2001 est d’un style qui me plait plus car il y a une complexité et une vibration qui me parlent plus. Le vin est plus vif et agréable.

L’agneau se présente avec des pommes de terre violettes dont la mâche est superbe. Il est temps d’aller dormir car mon séjour à Londres fatigant suivi immédiatement de cette belle dégustation et de ce dîner amical imposent mon repos.

Entendre Aubert de Villaine discuter avec Michel Bettane et Bernard Burtschy et comprendre à quel point ils sont sur la même longueur d’ondes, avec une compétence et une culture infinies est un régal pour moi qui surpasse presque le plaisir de boire ces grands vins du Domaine qui sont loin d’avoir atteint ce qu’ils vont donner dans quatre ou cinq quinquennats.

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Aubert de Villaine et Bernard Burtschy

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