Dégustation de vins anciens avec « Rhône Vignobles »lundi, 9 janvier 2017

Le groupement « Rhône Vignobles » a été fondé par une bonne quinzaine de vignerons pour faire ensemble des opérations de promotion de leurs vins. Régulièrement, ils organisent une manifestation « vieux millésimes » sur deux jours. Le premier jour, les vignerons sont seuls et boivent des vins anciens de toutes régions dans une séance de dégustation puis à la suite lors d’un dîner. Le deuxième jour, ils invitent leurs grands clients, notamment restaurateurs et cavistes, pour une dégustation de millésimes anciens de leurs propriétés et un déjeuner gastronomique dans l’un de leurs domaines.

Pour la troisième fois je me joindrai à eux à l’ensemble des événements, seul non vigneron admis avec un caviste lyonnais truculent, Georges Dos Santos. Nous sommes là tous les deux dès le premier jour car nous animons la dégustation des vins anciens. J’avais prévu d’apporter 17 vins mais au cours du transport en avion une de mes bouteilles s’est cassée, un Mascara P. Sorensen 13° blanc ou gris Algérie 1947. Quel dommage ! En ouvrant ma valise un parfum capiteux a envahi tout l’espace et imprégné fortement les affaires que j’avais apportées. Ce parfum doucereux m’a donné des regrets car il aurait brillé lors de cette soirée.

Le rendez-vous est donné à la Bastide de Capelongue à Bonnieux, hôtel Relais & Châteaux tenu par Edouard Loubet qui cuisinera les repas des deux jours. A l’arrivée je me préoccupe d’ouvrir mes vins en attendant que les vignerons et Georges n’apportent les leurs. La salle du restaurant est très longue, voûtée, flanquée de deux cheminées aux deux extrémités de la longueur. Comme il fait très froid des chauffages additionnels surchauffent la pièce aussi je préfère ouvrir mes vins dans ma chambre.

Les vignerons arrivent alors que j’ai ouvert sept de mes vins et nous allons regrouper toutes les bouteilles pour les affecter soit à la dégustation, soit au dîner, et ensuite les classer par ordre de service. Cette tâche m’incombe. Il y a au total 56 vins. Avec Georges nous ouvrons toutes les bouteilles. Quelques odeurs sont peu hospitalières et certains vins doivent être carafés car les bouchons tombent. Il faut dire que ces ouvertures sont faites à un rythme très rapide qui empêche d’avoir tout le soin qui conviendrait. Pour encourager les « travailleurs » qui extirpent les bouchons, on me tend un verre de Champagne Louis Roederer brut simple mais qui convient bien pour donner du cœur à l’ouvrage.

La dégustation commence à 18 heures. Nous sommes plus de 25. Georges qui fera un service du vin absolument remarquable ne servira que 17 verres pour chaque vin, les membres d’une même famille de vignerons buvant dans un seul verre. Nous boirons 25 vins, les autres étant réservés au dîner. J’indiquerai par une astérisque les vins que j’ai apportés quasi exclusivement affectés à la dégustation.

L’air est chaud, lourdement chargé d’odeurs de cheminée qui piquent parfois les yeux. Tout attaché au bon déroulement de la dégustation je n’ai pas pris de notes aussi mes commentaires seront-ils succincts et peut-être une fois ou deux ma mémoire aura fait défaut.

Le *Kebir Rosé Frédéric Lung année probable 1945 est d’une couleur très soutenue. Le vin est lourd, porteur de beaux fruits et intense. Il est hautement gastronomique. C’est une très agréable surprise. Il a des arômes de noix en fin de bouche. Il est d’une belle fraîcheur que jamais son âge ne laisserait imaginer..

Le *Montrachet Grand Cru Domaine Roland Thévenin 1945 est lui aussi une belle surprise car il se présente beaucoup mieux que ce que je pensais. Il manque un peu du gras et de la largeur que l’on attend d’un montrachet mais il est précis et d’une belle complexité, même en étant un peu évolué.

L’Hermitage, Mure de Larnage blanc M Chapoutier 1974 est un vin agréable avec un beau fruit vivant. Il est expressif, de belle fraîcheur. Un vigneron dit qu’il aurait passé de trois à dix ans en barrique, ce qui explique peut-être une pointe de salinité et d’épices.

L’*Hermitage Chante-Alouette blanc M Chapoutier 1955 est un vin large, agréable et gastronomique. Il emplit la bouche de belles complexités. Il est d’un grand équilibre et d’une belle fraîcheur, avec une belle longueur.

L’*Étoile Domaine Veuve Jean Bassard 1976 a tout le charme des beaux vins jaunes. Il est vif, large, fort, imprégnant. Lui aussi est gastronomique, avec une grande ampleur en bouche.

J’avais voulu avec les quatre blancs précédés d’une astérisque montrer des vins de quatre régions distinctes afin de faire un voyage dans le monde des blancs anciens. Je n’avais pas imaginé que le résultat serait aussi brillant car il n’y a eu aucune mauvaise surprise sur ces 5 vins blancs, différents mais beaux.

Nous passons aux rouges avec un *Côtes du Jura Domaine Jean Bourdy 1945. Ce vin va surprendre tout le monde. Car il a une invraisemblable jeunesse et un fruit rouge intact. Il est strict, droit, mais sait ajouter une touche de plaisir grâce à son fruit.

Le Château Clinet Pomerol 1970 est légèrement bouchonné et ne suscite pas beaucoup d’intérêt.

Il en est de même du Moulin à Vent Coron Père & Fils 1964, hélas bouchonné. On cherche à lui trouver des qualités car nous avons le souvenir de superbes beaujolais bus lors d’une récente dégustation en commun.

Le Fleurie Clos de la Roilette Maurice Crozet 1946 a dû être carafé car la bouteille contenait une lie extrêmement fournie. Paradoxalement, malgré cette présentation peu flatteuse, le vin est agréable et vivant. Il a des évocations complexes de café et de sel. Il a un beau fruit rouge et une belle fraîcheur.

Le Grands Échézeaux Ed. Loiseau 1953 est une mauvaise surprise. La bouteille est défectueuse, impossible à boire et lorsqu’on verse, on s’aperçoit qu’il y a un deuxième bouchon au fond de la bouteille, mais qui n’a pas donné de goût de bouchon. Un vigneron suggère que c’est au moment de l’embouteillage qu’un deuxième bouchon a été poussé.

Le *Gevrey Chambertin Duthu père & fils 1949 a une jolie bouteille de vin ancien. Le vin me plait beaucoup, très bel exemple de la Bourgogne. Il m’émeut car il est typiquement bourguignon avec une amertume et une râpe superbe. C’est un vin typé immense d’équilibre et de précision.

Le Bonnes Mares Jacques Sourdillat 1962 est un vin assez déroutant, ne dégageant pas beaucoup d’émotion.

Le *Côte de Beaune Domaine Champy 1945 est un vin qui m’a toujours plu et d’une grande année. Qu’un simple vin Villages soit aussi riche est une belle récompense. Il est agréable sans être complexe.

Le *Pommard Marius Meulien 1923 est une bouteille que je chéris. Comme avec le Côtes du Jura 1945, tout le monde est étonné de voir en ce vin une telle richesse et une telle vivacité. Un participant dit qu’à l’aveugle il situerait ce vin dans les années 70. C’est une des plus belles surprises et c’est un vin que j’ai acheté sur un coup de cœur lorsque j’ai entrevu cette belle bouteille.

Le *Côtes du Lubéron, cave du Lubéron probable 1990 est un petit clin d’œil que j’ai voulu faire à notre hôte de demain, le vigneron du domaine de la Citadelle à Ménerbes, en plein cœur de l’appellation. A l’ouverture ce vin était poussiéreux, avec un nez coincé. Maintenant, même si ce vin ne brille pas par sa complexité, je le trouve très acceptable.

Le *Châteauneuf du Pape domaine de la petite Gardiole 1965 est bouchonné, mort.

Le *Châteauneuf du Pape David & Foillard 1947 est un peu liégeux mais en bouche, on est dans le domaine du possible. Et l’année 1947 le révèle assez bien.

Le *Châteauneuf du Pape Domaine Paul Jean 1971 est très bouchonné.

Le *Châteauneuf du Pape Les Olivets Domaine Roger Sabon 1971 est un vin sympathique qui compense la mauvaise série précédente. Il est d’une belle fraîcheur, avec des évocations de Rhône nord, vin riche et fumé.

La *Côte Rôtie Brune et Blonde M Chapoutier 1949 est un vin solide et riche. Il est très agréable à boire. Il est fin, élégant, c’est un grand vin. Il pinote comme un bourgogne. C’est une très belle bouteille.

Le Chianti Pillo 1958 dans un joli flacon ressemblant à une petite dame-jeanne d’environ trois litres avec verseur est hélas mort.

J’ai été moins attentif aux trois vins espagnols, sauf le plus vieux, le Viña Réal Rioja 1981, le Cune Rioja clarete 1928 que j’ai trouvé superbe et élégant, lui aussi un grand vin et le Gran Coronas Reserva Torres 1962 aussi très agréable.

Terminer par le *Royal Kebir Frédéric Lung Algérie 1947 après avoir commencé par un rosé de la même maison est une coquetterie de ma part pour montrer que le monde des vins anciens doit être exploré tous azimuts. Ce vin est superbe, riche, avec de jolies évocations de café, un peu comme le Vega Sicilia Unico espagnol dont c’est la signature.

A la lecture de ce qui précède, on voit que le taux de vins à problème est significatif, mais cela n’a dérangé personne. Nous avions 25 vins. Les quinze meilleurs suffisent pour faire de cet événement un grand moment dont émergent le Côte du Jura rouge 1945, le Pommard 1923, le Côtes de Beaune 1945, le Royal Kébir 1947, le Gevrey-Chambertin 1949 et le curieux rosé algérien des années 40.

Au cours de la dégustation, Edouard Loubet, intéressé par ce que nous faisions et nos commentaires, nous a fait porter des assiettes de charcuteries, de délicieuses petites tartes en forme de pizza à la truffe noire goûteuse, et des pissaladières.

Il est temps de faire une pause et de laisser préparer la table du repas. Georges ouvre un Champagne Dom Pérignon magnum 1959. Ce champagne est un rayon de soleil, subtil et facile à vivre. Un très grand champagne, noble et de belle longueur. Nous poursuivons par un Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1985 dans un état glorieux. Il est au sommet de son art.

Au dîner nous sommes plus de trente et il n’y a pas loin d’une trentaine de vins encore à boire. Comme nous sommes tous autour de la même table, nous ne boirons pas les mêmes vins et nous ne portons pas autant d’attention aux différents vins qui nous sont servis. De beaux canards ont accompagné des vins de tous horizons comme un joli magnum de Château Talbot 1950, quelques vins espagnols et beaucoup de vins que je n’ai pas notés. J’aurais bien aimé goûter le Bandol domaine d’Ott blanc 1985 à la jolie couleur claire, le Clos Joliette 1979 et le Mouton Baron 1961 mais ces bouteilles ne sont pas venues jusqu’à ma place.

J’avais apporté aussi un *Vieux Marc du Clos des Lambrays 40 ans d’âge 41,8° d’avant 1970. C’est un très beau marc, viril, sans concession, de très belle qualité. Le restaurant nous offre de goûter une Chartreuse verte V.E.P. J’ai commis l’erreur de succomber au charme de cette liqueur. Ces deux alcools et une chambre assez froide du fait du gel qui entoure l’hôtel ont eu un effet assez néfaste sur mon sommeil. Aussi quand je me présente le lendemain matin pour prendre mon petit déjeuner, j’apprends que tous les vignerons sont déjà partis.

Par un grand froid ensoleillé, je me rends au Domaine de la Citadelle à Ménerbes qui est la propriété de Yves Rousset-Rouard et exploité par son fils Alexis. Il y a déjà une foule importante de clients des vignerons qui peuvent goûter des vins anciens de tous les domaines. Les millésimes vont de 2008 à 1977. Cette dégustation est intéressante car on peut approcher des vins qui sont réellement prêts à boire. Un Châteauneuf-du-Pape blanc Jéroboam La Janasse 2006 est absolument excellent et profond. Une Côte Rôtie du domaine Gérin 1985 est superbe. Un Châteauneuf-du-Pape blanc domaine Beaurenard 1986 est aussi très goûteux et épanoui. Les vins de Courbis, Cuilleron, Villard, Voge, Gérin, et tant d’autres sont superbes.

D’une façon générale, tous les vins présentés sont d’un grand intérêt et leur âge les épanouit. Il faut espérer que cela donne envie aux cavistes et restaurateurs présents de vendre des vins prêts à boire. J’ai fait une visite rapide du musée du tirebouchon qui possède une collection impressionnante de tirebouchons historiques et Yves Rousset-Rouard m’a emmené sur une colline de sa propriété où il est en train de créer un jardin botanique de plantes aromatiques, médicinales et étranges qui sera bientôt mis à la disposition du public à des fins éducatives et ludiques. C’est aussi une façon de mettre en valeur son domaine.

Le déjeuner se tient dans le chai où deux tables interminables permettent à environ deux cents personnes de s’asseoir. Tous les vignerons font goûter leurs vins dans des flacons de grands formats. Les jéroboams et magnums abondent. On passe d’un vin à l’autre tant les vignerons sont heureux de faire goûter leurs vins.

Le menu conçu par Edouard Loubet est remarquablement exécuté pour cette foule immense. Il y a des petits oiseaux accompagnés de tartines de crèmes d’abats et d’aulx, puis une pièce de cerf très généreuse, un fromage de chèvre frais et un dessert au chocolat accompagné de Rasteau et de vins mutés des participants dont un du domaine Delubac fait de grains de raisins abandonnés quinze ans dans un fût de chêne. Une petite merveille.

Ce qui me plait en Rhône Vignobles, c’est la gentillesse, la générosité, la joie de vivre et le sens de l’accueil de tous les vignerons. Avec de telles qualités, on ne peut faire que du bon vin. Longue vie à Rhône Vignobles et bravo pour l’intérêt marqué pour les vins anciens, que j’essaie, grâce à leur amitié, d’entretenir.


tout d’abord photos de mes vins pris en cave parisienne

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le Mascara hélas cassé dans l’avion

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mon chouchou de 1923

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photo en cave de Paris des vins à ce stade

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apports de ma cave du sud

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mes vins photographiés dans ma chambre

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l’hôtel et ma chambre (arcade de gauche)

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la vue de ma chambre

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tous les vins de la dégustation :

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les vins y compris ceux du dîner (en arrière plan sur la table)

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les vignerons studieux pendant la dégustation de vins anciens

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les canards du dîner

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visite du jardin des plantes aromatiques et médicinales du domaine de la Citadelle

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les tables du déjeuner et les vins préparés par les vignerons

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