de grands vins à la table d’Yvan Rouxlundi, 3 août 2009

Un jeune homme de 28 ans a assisté à tous mes dîners depuis novembre derniers, à l’exception des dîners en Chine. Mordu de vin, convive délicieux et lecteur assidu de mes écrits, il a une furieuse envie d’essayer la table d’Yvan Roux. Il arrive chez moi les bras chargés de cadeaux et veut qu’on goûte ensemble un Dom Pérignon 1995 qu’il a apporté. Mais la bouteille a chauffé pendant le trajet, aussi ouvrons-nous un champagne Dom Pérignon 1998 que j’avais au frais. L’évocation de fleurs blanches et fruits blancs de ce champagne est toujours aussi séduisante.

Ma femme, mon fils et moi, nous nous rendons avec mon ami et sa fiancée australienne chez Yvan. Le champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill en magnum 1998 est déjà imposant par sa seule bouteille, car on en mesure la rareté. Le champagne est d’une couleur qui commence à s’ambrer. La bulle est très active, et la première saveur qui envahit le palais est celle du miel. Le champagne est masculin, viril avec un tracé en bouche direct et linéaire. C’est un grand champagne qui délivre progressivement ses complexités. Les fleurs de courgette en tempura accompagnent sans converser avec le champagne, alors que la délicieuse friture de jeunes rougets interpelle le Pol Roger et lui tire des accents de sincérité. C’est un accord magnifique.

Yvan a ouvert les deux vins rouges à 16h30, comme je lui ai demandé. Les langoustes sont merveilleusement goûteuses et le Chateauneuf-du-Pape Rayas 1995 leur répond avec exactitude. Ce vin est une splendeur. Plus que d’autres Rayas il est réellement typé Chateauneuf et ajoute cette trace bourguignonne qui le rend si séducteur. Je suis conquis par ce vin de grande plénitude.

Sur deux chapons nous goûtons la Côte Rôtie La Landonne Guigal 2005. La journée fut chaude et orageuse ce qui influence le goût du vin. La dégustation ne serait pas la même un soir d’automne. Car ce soir la bombe aromatique et savoureuse n’a pas la cohérence qu’elle aurait dans une atmosphère plus tempérée. On sent la promesse de grandeur de ce vin immense, mais je n’ai pas le plaisir que pourra donner ce vin dans quelques années.

J’avais prévu un Maury pour le fondant au chocolat mais nous avions déjà tant bu que le Pol Roger accompagna le liquide fondu qui nous plombe de bonheur. A ma grande surprise, mon fils et mon ami ont classé La Landonne en premier de leur vote alors que le Rayas est mon champion, dépassant les autres de la tête et des épaules. Ces deux jeunes hommes sont donc plus accessibles au vin à la folle puissance non encore totalement maîtrisée. La Landonne est une promesse de délices, le Pol Roger est un champagne majeur, et le Rayas me comble de bonheur. Le plus bel accord fut celui des petits rougets sur le Winston Churchill, suivi de la langouste sur le Rayas. La lune bientôt pleine argentait la mer qui ondulait d’un accès de mistral. La vague marine rythmait notre vague de bonheur.