Comment est-il possible de boire des vins jeunes ?samedi, 21 mars 2009

Ce titre ne se veut pas une provocation mais plutôt un cri d’amour pour l’action positive de la maturité pour les vins.

Ce déjeuner familial m’a suggéré le commentaire suivant : comment est-il possible de boire des vins jeunes ? Mon fils et toute sa petite famille viennent déjeuner à la maison. Je mets un champagne au frais et je choisis une bouteille de vin rouge que j’ouvre près de trois heures avant le repas. Il s’agit de Château La Lagune Haut-Médoc 1970. Le niveau dans la bouteille est entre un et deux centimètres au dessus du bas du goulot, ce qui est exceptionnel pour un vin de trente-neuf ans. Le bouchon est extrêmement serré dans le goulot et le vin a très fortement imprégné le bas du bouchon. L’odeur à l’ouverture est enchanteresse.

Les enfants arrivent et j’ouvre un Champagne Moët & Chandon Brut Impérial non millésimé qui doit avoir une bonne trentaine d’années, car le bas du bouchon est devenu cylindrique et lisse. Dans le jardin, par un beau soleil, la couleur du champagne est d’un or resplendissant. La bulle est grosse et lourde. Le goût est d’une rare délicatesse et d’une douceur langoureuse. Il se boit avec plaisir et il me emble évident que jamais ce champagne ne pourrait avoir ce charme s’il avait moins de six ans. Car l’équilibre et la rondeur sont déterminants dans la séduction de ce champagne charmant.

Sur un filet mignon de porc aux petites pommes de terre rattes, le Château La Lagune 1970 se caractérise instantanément par une délicatesse et une finesse remarquables. Ce vin est d’un charme assez rare. Il n’en dit pas trop, n’élève pas la voix, et parle juste. On est loin de ce que donnerait un vin plus jeune, anguleux, montrant ses muscles. Ici, c’est le vin précieux, où chaque saveur est parfaitement mesurée et assemblée. C’est ainsi que s’imagine la vérité du vin de Bordeaux. Il lui faut cette délicatesse, cette finesse et l’équilibre que donne l’âge. En ayant bu ces deux vins, la question qui venait était évidente : « comment est-il possible de boire des vins jeunes, quand le temps travaille tellement en leur faveur ? ».