Archives de catégorie : vins et vignerons

Dégustation de vins de Bouchard et Henriot mercredi, 14 mars 2007

Comme chaque année, dégustation des vins de Henriot, Bouchard et William Fèvre à l’hôtel Plaza Athénée. Dès 11h30, ça sent le vin jusque dans les couloirs, car il fait chaud. Le succès de cette manifestation va grandissant, et il va falloir écarter les murs. Je suis guidé dans ma dégustation par Stéphane Follin-Arbelet, directeur général de Bouchard et Michel Bettane qui m’impressionne toujours autant par la justesse de ses commentaires. N’ayant pas un immense besoin de juger les 2005, qui seront buvables après ma mort, mon cerveau ne garde que quelques uns des signes de la générosité de mon hôte. Car il n’y a qu’avec Joseph Henriot et son équipe que l’on propose des vins de cette qualité à un public aussi nombreux.

Beaune du Château Bouchard Père & Fils 1990 beau, charmant, au final mentholé élégant, puis Beaune du Château Bouchard Père & Fils 1949, au nez splendide, à l’attaque chantante, et au final léger, aérien, follement sympathique. C’est un immense cadeau.

On me fait goûter la gamme des champagnes Henriot. Même si la Cuvée des Enchanteleurs 1995 est un grand champagne, c’est la Cuvée des Enchanteleurs 1964 qui récolte tous mes suffrages. Il n’y a ni ballottage, ni deuxième tour de scrutin. C’est un champagne de pure gastronomie, qui peut jongler avec toutes les saveurs. Intense, puissant, sensible, il est au sommet de son art.

Les blancs sont spectaculaires. Le Montrachet 2004 est déjà chatoyant, mais c’est le Chevalier-Montrachet La Cabotte 2005 qui me séduit par son inventivité. C’est un vin créatif, un des plus beaux blancs que je connaisse. Les Chablis Grand Cru, aussi bien Bougros que Les Clos 2005 sont de solides représentants de cette grande maison de Chablis.

Ayant retrouvé des amis, nous grignotons dans le hall de l’hôtel, sur un Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus 2005 qui m’est difficile d’accès, car il est loin d’être encore structuré. Une chose est sûre, c’est que dans ce bel endroit très people, le souci du client est la dernière des préoccupations. Il y a beaucoup de choses à reprendre – si l’on s’en aperçoit – pour rattraper l’accueil et le sens du client du George V.

Charles Heidsieck Brut millésimé 1985 dimanche, 11 mars 2007

Je viens de boire Charles Heidsieck Brut millésimé 1985 que j’ai dans ma cave depuis pas mal d’années.

Couleur de miel clair, bulle active, même très active.

En bouche, c’est absolument charmant, et tout le charme des champagnes qui ont pris de l’âge s’expose.

C’est tellement agréable.

Je me suis dit que l’on devrait laisser ces champagnes tranquilles pendant 15 ans pour en profiter au mieux.

A noter que je l’ai partagé avec un propriétaire de plusieurs magasins de grande surface, qui a l’habitude d’acheter du vin. Il m’a dit : "ce ne serait pas commercialisable, mais qu’est-ce que c’est bon".

Sur des toasts au foie gras, un bonheur.

Jeroboam Mouton Rothschild 1945 : $310,000 jeudi, 1 mars 2007

Philippine de Rothschild has organised with Sotheby’s a public sale of many wines coming from the cellar of the castle.

Which are the reason for such a sale ? Probably to make people talk about Mouton, and reinforce the prices for future years.

A Jeroboam (4.5 litres, or 6 bottles) of Mouton 1945 was sold for $310,000. Taking in accounts the extras, it values a single bottle for approximately $60,000. Of course, there is a premium for the extraordinary size of the bottle, surely authentic as it comes from the castle. This justifies this extraordinary value.

As I intend to open Chateau Mouton-Rothschild 1945 in April 2007, every drop will be appreciated as a diamond !

A buy which excites me jeudi, 15 février 2007

Here are 11 Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer which I have bought today :

1978 – 1986 – 1987 – 1988 – 1989 – 1990 – 1991 – 1992 – 1993 – 1994 – 1995

 It is certainly one of the buys which excites me enormously.

Salon Professionnel des Vignerons indépendants de France lundi, 12 février 2007

Le Salon Professionnel des Vignerons indépendants de France se tient au Carrousel du Louvre. Beaucoup de vignerons souvent inconnus viennent faire la promotion de leurs vins à des cavistes, sommeliers, restaurateurs et journalistes. L’ambiance est très professionnelle. Bien que je n’achète pas de vins jeunes, j’aime venir saluer des vignerons qui défendent leur vin avec courage. Château Caillou qui fait un très joli Barsac, Clos Haut-Peyraguey, un très joli sauternes, Mas Amiel, présent à tous les salons. Je commente avec Olivier Decelle son achat récent du château Jean-Faure, idéalement placé le long de de Château La Dominique, à une portée d’arbalète de Château Cheval Blanc. Je bavarde avec Philippe Tissot du domaine Jacques Tissot de la Percée du vin jaune, et il m’offre un de ses vins, geste sympathique et apprécié. Je ne goûte pratiquement pas, mais je découvre un joli Château de Beaulieu en Côte du Marmandais, pour lequel l’adjonction de syrah aux cépages bordelais donne un vin intéressant, Le Château les Palais, Corbières des coteaux de Cabrerisse, dont le Randolin 2001 est très expressif. Je reconnais avec plaisir Christian Landreau producteur de cognac qui me fait goûter un cognac millésimé 1990 d’une grande pureté. Voilà un passionné.

Ce salon est aussi le prétexte d’aller déjeuner au restaurant Dauphin dont j’ai déjà vanté les qualités. Un abondant foie gras en terrine est un accueil roboratif. Un assortiment de viandes du boucher fait briller un Sassicaia Bolgheri 1997, vin italien chaleureux, direct, franc, à l’équilibre rare, souriant en bouche. Un très grand vin au charme naturel comme une Laetitia Casta.

visite à la cave Jean Bourdy à Arlay lundi, 5 février 2007

La cave Jean Bourdy possède une très belle collection de bouteilles anciennes. Ici, une bouteille de plus de 200 ans de la manufacture de Vieille Loye, disparue depuis des siècles.

Un espace de très vieilles bouteilles vides :

 J’ai acheté l’une des bouteilles de Chateau Chalon Bourdy 1895 ce jour. C’est celle de la deuxième rangée à gauche. La verrerie est très ancienne.

 

Deux vins de paille qui ne sont pas à vendre. J’espère un jour y mettre mes lèvres.

 

Les deux plus vieilles pièces de la cave Bourdy ne sont pas à vendre. La fine 1784 et le Chateau-Chalon 1781.

D’après Jean-François Bourdy, ce Chateau Chalon est le plus grand qu’il ait jamais goûté. Or il a tout goûté !!!

Percée du vin jaune, le deuxième jour dimanche, 4 février 2007

Au petit déjeuner, lecture des journaux qui racontent la Percée du samedi. Je suis abondamment cité. Les femmes ayant peu d’envie d’affronter les navettes et la foule nous partons visiter Château Chalon, pèlerinage obligé, et l’abbaye de Baume-les-Messieurs, où l’on se retrempe dans une atmosphère mystique qui ramène un millénaire en arrière. Nous déjeunons au restaurant Le Grand Jardin, étape sans prétention mais très sympathique où une tarte aux oignons et des raviolis de champignons au foie gras ont accompagné un Château Chalon de la Fruitière Vinicole de Voiteur 1997 qui nous a réchauffé le cœur. Bel accord sur un vin flexible et accueillant.

Dans une belle salle voûtée de l’hôtel, il est temps de faire une belote. Quand on a Dom Pérignon 1998 et des toasts au foie gras, on pousse mieux la carte. Nous avions commandé la veille deux poulardes de Bresse cuites en terrine lutée, suprême sur un gratin de pommes de terre au vin jaune, cuisse en salade comme un lendemain de pot au feu. Le jeune sommelier que je consulte m’oriente évidemment vers les vins jaunes. Mais la carte n’en a que de jeunes. Une intuition m’impose de commander un vin qui se révélera absolument fabuleux sur la poularde : Château d’Yquem 1989. Le vin est sublime, d’un caramel tendre, et la chair de la poularde chante avec lui. L’accord est magique sur la première chair, mais ne convient pas au deuxième service. Qu’importe. Le sommelier ayant douté de la pertinence de l’accord, je vais voir le chef en cuisine pour lui faire goûter le sauternes avec un peu de chair blanche. C’est une révélation pour le chef qui avait le même doute que le sommelier.

Je demande au chef pâtissier de poêler quelques tranches de pamplemousse rose pour l’Yquem. Mais ça ne marche pas, car cet Yquem est caramel et miel et n’est pas agrume. Tant pis.

Le lendemain matin, je me rends aux Caves Jean Bourdy pour acheter de très vieilles bouteilles. Je prends une des dernières Château Chalon de 1865 et de 1895 qui seront les vins vedettes de futurs dîners. Le séjour dans un Jura baigné de soleil est un souvenir de grand bonheur.

 L’assassin revient toujours sur le lieu de ses crimes…..

Percée du vin jaune, le premier jour samedi, 3 février 2007

Après notre nuit à Dôle, par un beau soleil, nous retrouvons le Château de Germigney, délicieux hôtel à la décoration raffinée. Les femmes resteront à l’hôtel et nous allons à la première journée de la Percée du Vin Jaune qui se tient à Salins. Les navettes sont attendues par une foule dense dans un froid attisé par le vent. La ville est toute occupée par près de 70 stands de vignerons qui font goûter leurs vins. Nous allons voir les 356 lots de la vente aux enchères de ce jour, objet principal de ce voyage. Il y a relativement peu de Château Chalon, et seulement deux bouteilles du 19ème siècle, estimées à des prix que je trouve insensés. Je le dis aux organisateurs et j’insiste. Je retrouve mes compétiteurs traditionnels, amateurs comme moi de ces vins passionnants. Un ami suisse sera un calme adversaire alors que nous avons souvent lutté dans de précédentes éditions de cette vente.

Ayant scruté les lots, nous flânons en ville mangeant ici du Comté en barquette de plastique, là les saucisses de Morteau offertes par des jeunes chrétiennes. Dans une cour, une femme du Morbihan propose des huîtres. Mon gendre commande six huîtres. Nous passerons bien vite à douze, puis à 24, car entre-temps, j’ai dégoté un Château Chalon 2000 de Salins (vigneron que je n’ai pas noté) qui révèle la noix des huîtres de la plus belle façon. Ce 2000 un peu fumé est très expressif.

Nous retournons prendre place dans une église désaffectée de toute beauté qui sert d’écrin à cette vente qui attire une foule de curieux. Je viens lire à nouveau ce qui est écrit sur les deux bouteilles du 19ème siècle.

Sur celle de 1893 : « 1893. oui 1893. Cave de M. J. B. Guyon à Perrigny. Reçue en été 1955 et remis un bouchon : le 25 septembre 1995 ». Tout ceci est écrit sur un papier d’écolier avec une improbable machine à écrire.

Sur celle de 1865, il y a une vieille étiquette et une étiquette analogue à celle de la 1893. Sur la première étiquette : « 1865. 1865. Cave de M. Guyon de Perrigny. Remis en bouteille en 1955 ». Sur l’étiquette plus récente : « 1865. oui : 1865. Cave de M. J. B. Guyon – Perrigny. Remis en bouteille par moi dès la bouteille reçue le en été 1955 et donc bouchon neuf. Vu le 26/10/95 ». Pour acheter ainsi, il faut la foi du charbonnier.

La vente commence. Mon gendre fait ses premières armes. J’achète quelques lots, voyant que les prix grimpent à des hauteurs rares. Des journalistes viennent m’interviewer et me demander ce que je viens chercher.

Vient le moment de se placer sur les deux bouteilles phares qui intéressent les organisateurs et les journalistes. Je fais quelques tentatives sur la première bouteille, la 1893, puis je décroche. Sur la deuxième, je suis plus pugnace et je l’obtiens. Ce sera le grand titre des journaux du lendemain. La vente se poursuit sur des vins plus jeunes. Tout s’arrête. Les organisateurs sont gentils car ils retiennent les acheteurs pour déguster des vins qui n’ont jamais été revendiqués par ceux qui les avaient acquis dans des ventes anciennes. Et nous goûtons des vins fort bons dont un vin de l’Etoile du Château de l’Etoile 1961 délicieux. Un vin de l’Etoile 1972 et un Château Chalon 1972 sont intéressants à essayer et un Côtes du Jura rouge 1964 me plait énormément.

Pendant ce temps là, on fait les décomptes des acheteurs qui prennent leurs lots. Je passe en dernier, car mon bordereau est copieux et je constate que plus de la moitié des vins sont encore sur la table. Ce qui s’est passé, c’est que les vendeurs ont fixé des prix de réserve déraisonnables. Beaucoup de lots qui m’intéressaient sont restés invendus, faute de réalisme. La 1893 n’a pas été vendue. Et la 1865 que j’ai achetée a atteint son prix de réserve parce que je me suis battu contre un fantôme. Il n’y avait dans la salle aucun enchérisseur contre moi. Je ne suis évidemment pas content de cette tentative qui a été faite et que j’avais signalée longtemps avant la vente, de surestimer les vins du Jura.

J’ai acquis la 1865. Elle est à moi. Je la voulais. Je suis donc responsable de ce que j’ai fait. L’âme heureuse, nous rentrons à l’hôtel, et c’est d’un Dom Pérignon 1998 que nous avons besoin. Dans la belle salle à manger où une vaisselle rouge sang anime la décoration aux tons pastel, le chef Pierre Basso Moro fait une cuisine bien exécutée mais qui devra gagner en sensibilité. Le sablé à la fleur de sel cohabite vraiment bien avec la noix de coquille Saint-jacques, pomme verte et vieux comté, mais le jus de carotte cannelle et citron vert fait chambre à part. Ces deux parties du plat ne se parlent pas, ce qui ne gêne en rien le Dom Pérignon aux accents floraux qui parade avec bonheur. La poitrine de porc confite de longues heures, gâteau de blettes et cardons, chips de betterave et vitelotte, jus aux truffes noires écrasées est un plat délicieux. La poitrine a un goût d’une pureté extrême. Et le Dom Pérignon lui convient. Les portions étant petites, il faut du fromage. Une moelleux au chocolat et praliné, croustillant de pâtissière impose un Mas Amiel 15 ans d’âge, Maury de belle qualité, même si je le trouve un peu assagi. Ses accents de griotte ravissent l’âme.

Immense verticale de Krug Vintage et Clos du Mesnil mardi, 23 janvier 2007

Les Caves Legrand accueillent Rémi Krug qui fait une des dernières grandes dégustations de ses champagnes, pour marquer 42 ans passés au service du vin qui porte son nom. Il est fier que certains champagnes portent sa marque et que de nombreux millésimes futurs seront influencés par le travail qu’il a fait, dans le cadre d’une vision à long terme. C’est la première fois qu’il fait une dégustation où sont comparés le Krug « Vintage » au Krug Clos du Mesnil, pour huit années où ont été produits à la fois le Vintage et le Clos du Mesnil. Le Vintage est un vin d’assemblage alors que le Clos du Mesnil est le petit bijou d’une parcelle ceinte de murs, de la taille de la parcelle de la Romanée Conti, voire un peu plus petite. Rémi est passionné, et décrit ses vins avec amour, comme s’il les découvrait à chaque fois. Il dit que sa stratégie n’est pas de faire de Clos du Mesnil un vin meilleur que le Krug Vintage, mais au contraire de faire de chacun le meilleur de ce que l’on peut faire, dans sa définition.

J’ai pris, comme d’habitude dans ces dégustations verticales, des notes sur un petit cahier, ce que je ne fais pas lors de dîners, et je vais les reproduire dans leur « jus », pour que vous viviez ces émotions comme je les ai vécues. Les redites sont laissées, car c’est au fil de la plume.

Le Krug Vintage 1995 est déjà très doré. Le nez est très chaleureux, de caramel. En bouche, il est déjà très fumé, bacon. Belle longueur, belle maturité, déjà. On sent l’iode et le citron vert.

Le Krug Clos du Mesnil 1995 est un peu plus rose. Le nez est très vineux et salin. En bouche il fait très peu assemblé. Je sens les fruits roses, les fleurs, le sel et les agrumes. Il est plus rêche mais il promet plus. Il va exploser dans quelques années. Le final est très agrume, avec un peu de miel, ce qui apparaît plus lorsque l’on a un peu grignoté.

Le Krug Vintage fait plus solide, carré. Le Krug Clos du Mesnil est plus romantique.

Le Krug Vintage 1990 est très doré, au nez intense. Quelle puissance ! On a une structure très carrée, très solide.

Le Krug Clos du Mesnil 1990 est plus pâle. Le nez est un peu coincé. En bouche, je marque un petit recul. Il n’est pas à 100% ce qu’il devrait être. Rémi vient sentir mon verre et ne voit pas d’anomalie. Mais en revenant sur ce millésime après avoir goûté d’autres années, l’imperfection est nette, même si le nez ne le révèle pas.

Le Krug Vintage 1989 a une belle couleur. Son nez est l’exacte définition d’un nez de champagne. En bouche, c’est déjà plus assagi, plus tranquille.

Le Krug Clos du Mesnil 1989 a une belle couleur dorée intense, voire foncée. Le nez est discret. La bouche est de fruit confit. Plein de soleil, ça, c’est du champagne. Mon voisin signale un final de menthe que je reconnais quand il me le dit. Avec un réchauffement dans le verre, on reconnaît du miel et du loukoum, tout en ayant cette fraîcheur qui est une signature de Krug.

Le Krug Vintage 1988 a un nez d’une intensité énorme. Ce qui me frappe dans ce champagne mythique que j’ai bu des dizaines de fois, c’est son côté iodé et salin.

Le Krug Clos du Mesnil 1988 a un nez minéral de pierre à fusil, incroyable pour un champagne à ce niveau d’intensité. Il est complètement exceptionnel. Il est sauvage. Et il rejoint le sauvage bourguignon tel que je l’adore. C’est immense. Je reconnais de la groseille et de la groseille à maquereau dans ce champagne fou. Le Krug Clos du Mesnil 1989 est élégant est bien élevé. Le Krug Clos du Mesnil 1988 est un fou chantant de charme infini.

Le Krug Vintage 1985 est moins doré. Mais en bouche, il est pain d’épices et pain doré. La bulle est forte, il y a du toasté, avec cette permanente fraîcheur.

Le Krug Clos du Mesnil 1985 démarre lentement. Il est d’une subtilité rare. Il glisse tellement en bouche que l’image qui me vient est celle d’une pirogue entraînée sur des rapides qui frotte de lourdes pierres rondes. C’est assez incroyable, et d’une fraîcheur inconcevable.

Avec le Krug Clos du Mesnil 1988 on avait atteint des sommets, mais avec ce 1985 éblouissant, c’est cette fraîcheur qui me paralyse et me laisse sans voix. Le Krug Vintage 1985 est viril, plein. Le Krug Clos du Mesnil 1985 est très huître, subtil.

Le Krug Vintage 1982 est d’un beau doré. Très archétypal, il est à mon sens la définition de Krug. Mais c’est presque trop scolaire. Le Krug Clos du Mesnil 1982 est très évolué. J’aime ce côté évolutif qui pianote sur la langue. Le Krug Vintage 1982 purement parfait est presque trop doctrinal. Le Krug Clos du Mesnil 1982 est du miel, du caramel qui offre parfois de l’huître si l’on passe d’un toast à l’autre du plateau qui nous a été offert pour apaiser une petite faim.

Le Krug Vintage 1981 est le premier à avoir un nez minéral. Que c’est beau. Il est fumé. Le Krug Clos du Mesnil 1981 a un nez magique, oriental. La bulle est puissante. Ce champagne est évolué aussi, mais ici un peu trop. Je sens qu’il est déjà passé sur un autre versant de sa vie. Le Krug Vintage 1981 est fabuleux et me plait par son gras.

Le Krug Vintage 1979 a un nez phénoménal et une bouche phénoménale. C’est grandiose. Le nez évoque le pétrole, la bouche est fumée, de caramel brûlé. Il a une personnalité folle. C’est fou. C’est complètement immense.

Le Krug Clos du Mesnil 1979 a un nez géant. En bouche, c’est de la framboise, des fruits rouges. C’est la béatitude absolue. Comment peut-on faire quelque chose d’aussi grand ? Il y a du fruit confit, de la fraise, mais aussi de l’épice, du poivre. C’est grand et la bulle est forte. C’est le plus grand Krug Clos du Mesnil 1979 que j’aie bu. C’est hors du commun.

Le Krug Vintage 1979 est immense, viril, à la personnalité forte. Les Krug Vintage de ce soir se montraient scolaires et parfaits. Ce dernier est canaille, excitant, grandiose. Le Krug Clos du Mesnil 1979 est magique. Ce fruit rouge est fou et devient lilas.

Rémi conclut cette dégustation par un magnum de Krug Grande Cuvée qui a de l’ordre de six ans et nous dit : « Krug, c’est la Grande Cuvée. C’est ça dont je suis fier ». Rémi a cette parole simple comme je les aime : « si vous voulez vous amuser à faire vous-même une grande cuvée, prenez tout ce qui reste des 16 vins dégustés, assemblez les. C’est ça la Grande Cuvée ».

Rémi Krug parle avec émotion de ses enfants. Il me parait impossible de classer ceux qui m’ont plu au-delà des autres. Ce qui frappe, c’est l’immense complexité des Krug Clos du Mesnil, qui changent d’une année sur l’autre, mais aussi d’une gorgée à l’autre du même verre. Je trouve un peu dommage d’avoir présenté les Krug Vintage à côté des Krug Clos du Mesnil, car ces vins de grande qualité, purs compagnons de la gastronomie, méritent d’être goûtés pour eux-mêmes. Les faire cohabiter avec les Krug Clos du Mesnil les réduit un peu, alors qu’ils sont immenses. Mais cet exercice un peu fou, qui est une première jamais tentée auparavant avait un mérite certain. On aura compris par les termes dithyrambiques que j’ai utilisés que j’ai aimé.

Christophe Navarre, président de Moët Hennessy, venu déguster en ami avec son épouse, a tenu à remercier Rémi pour son apport indispensable au renom de cette icône champenoise. Ecouter un passionné de ce calibre est un régal, presque aussi grand que le charme de ces vins infinis.