Archives de catégorie : vins et vignerons

dégustation de 2006 au Cercle Interallié jeudi, 24 mai 2007

Devant organiser l’un de mes dîners, le 88ème, au même restaurant Laurent je peux accepter une invitation de vignerons à venir goûter leurs vins au Cercle Interallié. Le nombre de vignerons est limité mais le lieu est magique lorsqu’il fait beau. Je vais donc goûter des 2006 présentés à des journalistes et des professionnels. Ayant ouvert les bouteilles et le cœur en paix, je vais à pied au Cercle Interallié dans ma tenue d’ouverture des vins : jean et polo. J’imaginais que le protocole du Cercle se détendrait lorsqu’il s’agit de vin, mais pas du tout. Ce que j’ai apprécié, c’est qu’André Fournet, le directeur du cercle, traite le sujet avec humour. Il me fit traverser le jardin somptueux, très semblable à celui qui abrite les canards du Président de la République, et je sortis par une porte dérobée pour revenir quelques minutes plus tard dans mon costume de scène, avec cravate, pour aller déguster quelques grands vins.

Il y a ici quatre producteurs de saint-émilion et Pomerol, Château Rouget, Château La Conseillante, Clos-Fourtet et L’Angélus. Les 2006 sont présentés avec un aîné qui est 2001 pour les uns et 2004 pour les autres.

Ce qui m’a frappé dans cette dégustation c’est que pour chaque domaine, le 2006 est nettement meilleur que le même vin de l’autre année. Nous sommes en mai, les vins ont sept à huit mois et mûrissent en barriques. Cet instant de leur parcours est peut-être celui d’un épanouissement spontané de printemps. A ce stade en effet non seulement ils sont buvables, mais on les verrait bien à table, confrontés à des plats généreux.

Le Château Rouget 2006 est fort agréable, et le 2001 me fait une belle impression. En revanche le Château La Conseillante, vin que j’apprécie énormément et présenté par sa charmante propriétaire paraît assez ingrat aussi bien dans sa version 2006 très courte que dans sa version 2001 qui me semble inachevé en ce moment. On sait que je ne prétends pas être un expert de ces vins infantiles. Il faudrait que je me replonge dans des La Conseillante d’un autre âge.

Le Clos-Fourtet 2006 est plaisant, sans être explosif, et le 2004 me semble sur la réserve.

Si l’on parle de réserve, toutes tombent avec Angélus, dont le 2006 est de loin le plus épanoui et de belle structure et dont le 2004, même s’il n’atteint pas la pétulance de son cadet, est d’un message charmant.

Je mettrais comme gagnant des 2006 le Château Angélus et comme gagnant des années accompagnatrices le Château Rouget 2001. Cette dégustation était surtout pour moi l’occasion de rencontrer des vignerons que j’apprécie et de retrouver comme au point d’eau des professionnels avec lesquels j’aime partager des idées ou des vins.

S’il est un vin que, j’achèterais après cette expérience, c’est Angélus 2006. Mais, convenons-en, ces vins sont tous en formation. Quel candidat embaucheriez-vous pour votre entreprise sur la foi de ses carnets scolaires en classe de 5ème ? Tant de choses peuvent se passer dans les années qui viennent.

C’est cette incertitude qui rend le monde du vin si passionnant et engendre une quantité infinie d’experts, d’analyses et de propos définitifs qui sous-tendent des polémiques. A quoi servirait de faire du vin si l’on ne pouvait se disputer à son sujet ?

dégustation de onze vins prestigieux de l’année 1949 samedi, 12 mai 2007

Alignement des bouteilles de la dégustation.

Les deux Cos d’Estournel 1949 aux étiquettes très peu lisibles, et les dux Cheval Blanc 1949 de deux origines distinctes.

Les deux étiquettes de Pétrus 1949 sont différentes. Quel casse-tête pour les experts. Le seul magnum de la soirée est celui de Lafleur 1949.

Délicieuse entrée avec un biscuit qui ressemble à s’y méprendre à une tranche de truffe. A droite, des plats comme en fait Alain Dutournier qui ne me parlent pas. Le patchwork des saveurs sans cohérence n’est pas aussi excitant que les plats simples que ce chef exécute à la perfection.

Ces deux plats, c’est du grand Dutournier.

Le compte-rendu est fait dans un autre message de ce jour. Beaucoup de commentaires sont faits sur cet événement.

Les vins de 1949 : Cheval Blanc, Lafleur, Pétrus, Mission Haut-Brion, Latour, Lafite-Rothschild, Mouton-Rothschild, Cos d’Estournel, Léoville-Barton, Gruaud-Larose et Hermitage La Chapelle Jaboulet.

onze vins de 1949 – le commentaire samedi, 12 mai 2007

Christie’s m’a transmis une invitation à me joindre à une dégustation de onze vins de l’année 1949 qui se tiendra au Carré des Feuillants. L’homme qui doit animer cette manifestation vendue très cher par une officine basée à Monaco est Dominique Fornage, un grand amateur d’Yquem que j’ai rencontré plusieurs fois à de grands repas à Yquem et que j’ai revu récemment à la grande verticale des Barolos Montfortino à Castiglione Falletto. Dominique fait des repas de prestige à côté desquels mes dîners pourraient passer pour d’aimables réunions Tupperware. Car si le plus vieux vins de mes dîners date de 1828, il faut remonter de près d’un siècle de plus pour le plus vieux des siens. Et l’on y trouve des raretés inestimables qui placent les budgets de ses manifestations à des niveaux stratosphériques. On sera ce soir à un niveau plus terrien pour les vins. Seul le budget que j’ai payé reste dans les hautes couches de l’atmosphère.

Nous sommes 32 pour deux bouteilles de chaque vin. C’est plus élevé que ce qui m’avait été annoncé à l’inscription puisqu’on parlait de quinze convives par bouteille. Ce critère est crucial pour apprécier la valeur de ce type d’événements.

La salle en sous-sol du Carré des Feuillants ne voit jamais le jour et nous sommes serrés comme des sardines. Nous n’avons que du pain pour recadrer notre palais. Nous allons boire onze vins et prendre des notes. C’est un peu sinistre car les vins appelleraient de la gastronomie. Je vais clore cette partie grincheuse avant d’aborder le positif de cette manifestation en signalant que les deux bouteilles de chaque vin ont été fusionnées dans des carafes à magnums. Pour moi c’est sacrilège, car si l’on homogénéise la qualité, on diminue forcément la qualité de la meilleure bouteille des deux, ce qui s’est vérifié par un drame. Dans la précipitation de cet important moment Dominique a dû oublier de sentir une bouteille bouchonnée. Et nous avons eu cette affreuse chose qu’une bouteille bouchonnée de Lafite Rothschild 1949 a détruit l’autre bouteille dans le mélange, donnant des deux une image polluée et empêchant de vérifier si Lafite 1949 fait partie des très grands.

Venons-en maintenant au moment intéressant, la dégustation magistralement dirigée par Dominique Fornage. Il y a autour de la table beaucoup de professionnels du vin et beaucoup de journalistes dégustateurs connus. Tout le monde sera studieux. Je retranscris ce que j’ai noté, avec, comme d’habitude, l’acceptation que je demande au lecteur des redites, raccourcis et redondances.

Château Cos d’Estournel 1949. La couleur est très pâle, à peine tuilée. Le nez est joli mais porte son âge. Il y a du pruneau, un peu de fruit rouge. Le nez est un peu amer et âgé, mais pas trop. En bouche, il y a une très belle attaque. Le fruit est un peu salé. C’est le sel qui domine. Il est un peu râpeux en final. Il n’est pas très long et cela ne ressemble pas à un très grand vin. Il y a de la cerise aigrelette, un peu d’astringence. Il serait mis en valeur par de la nourriture. Il a la sobriété de Cos, puis il commence à s’ouvrir, le fruit s’anime. Plus tard, le nez devient giboyeux.

Le Château Léoville Barton 1949 qui remplace le Montrose 1949 qui avait été annoncé et n’est pas venu (bon, je ne dis rien…) est toujours clair mais un peu plus rouge que le Cos. Le nez est plus franc, où l’alcool domine. En bouche, c’est du vin. Il y a aussi de la cerise mais elle est plus joyeuse. On sent l’alcool et une légère acidité. Ce vin manque un peu de structure. Il y a du fruit, mais il y a un manque d’ampleur. La longueur est assez moyenne mais ça se boit bien.

Il est à noter à ce stade que nous disposons de beaucoup de temps pour chaque vin. Alors bien sûr on s’intéresse à des aspects qu’en un dîner on ne remarquerait pas. Car ces vins sans nourriture dévoilent les défauts de leur cuirasse. Et la solitude face à la page blanche conduit à des commentaires que l’on ne ferait pas à table. Car nous sommes en présence de très grands vins. La froideur de la dégustation ne les avantage pas.

Le Château Gruaud Larose 1949 est d’un rouge beaucoup plus intense. C’est vraiment rouge. Le nez est vraiment un nez de vin. En bouche, c’est du vin. C’est pur, c’est beau, c’est équilibré. Il n’y a pas beaucoup de variété mais c’est franc. Il y a des points communs avec les deux précédents, l’astringence et le caractère salin propre à l’année. Mais là, c’est mieux, le vin est plus flatteur Il y a toutefois une acidité de fin de bouche, une astringence, une trace de poivre. Ce vin assèche la bouche.

Le Château Lafleur 1949 est le seul qui nous est offert en magnum, ce qui garantit l’homogénéité de ce que l’on boit. La couleur est belle, légèrement trouble, un peu tuilée. Le nez est très jeune. En bouche c’est torréfié, confiture, fruit confit. La densité est énorme. Il y a une plénitude du fruit en bouche. C’est un vin immense. Un voisin me signale le final mentholé. Il y a un léger défaut de « sur gras », mais c’est très grand. Il est très Pomerol. Quel dommage de ne pas le confronter à un plat. On note le fruit, le bois, le tabac. C’est une belle expérience et à ce moment j’écris : « là, je suis heureux d’être venu ». Le nez est ample, sexy, chaleureux. Je déguste ce vin.

Arrive Pétrus 1949. La couleur est magnifique. Le rouge est parfait. Le nez est manifestement bourguignon. Ça pinote ! En bouche, c’est complètement étonnant. Le côté bourguignon salé domine. Il y a tellement d’évocations. Il y a le côté salé strict, une certaine absence de fruit mais aussi le pruneau et évidemment la truffe de Pétrus. Etrangement, le charme de ce vin est fort. Il est très étonnant, un peu torréfié, cuit, café. Je ressens que c’est un vin qui a eu un coup de chaud. Mais plus ça va et plus le charme agit. Il prend de l’ampleur, il s’habille. Il est grand. Il est même très grand car il se livre dix fois plus. Il s’épanouit totalement. Il n’a pas le fruit de Lafleur mais il a une ampleur rare et une trace immense. Beau, sensuel, il justifie sa réputation.

Le Château Cheval Blanc 1949 est d’un rouge un peu plus foncé que Pétrus. Le nez est doucereux, charmeur, avec une légère trace d’alcool. En bouche, c’est le vin parfait qui a tout en lui. Il a la structure, l’équilibre, la joie de vivre, l’élégance. Il n’a pas du tout le côté Porto du 1947. C’est un vin remarquable. Tout y est dans ce vin. Le fruit est chaleureux et actif. Ce vin a tout pour lui. Je n’en écris pas plus, car j’en jouis.

Le Château la Mission Haut-Brion 1949 a un rouge dense. Le nez est un peu fumé. En bouche, c’est caramélisé. Je sens un vin qui a souffert. Très caramel, crème brûlée, truffe, torréfié. Ce vin appelle la truffe. Il plombe la bouche.

Le Château Lafite Rothschild 1949 est d’un rouge clair. Il est bouchonné !!! Une bouteille a pollué l’autre. Quel gâchis ! Le nez de bouchon s’estompe. En bouche on sent cette faiblesse même si elle est légère. Le final est plutôt amer. Le vin est insuffisant, l’acidité est trop forte. Il n’y a pas assez de densité. Le goût est altéré par le bouchon. Ce vin n’aurait pas dû figurer.

Le Château Latour 1949 a la couleur d’un beau vin rouge jeune. La couleur est un peu trouble. Le nez est exceptionnel de fruits rouges et roses. En bouche, c’est frais, ça glisse en bouche. C’est même léger. Mais quel vin ! C’est l’attaque en bouche qui est parfaite. C’est frais. C’est incroyablement fluide, ça surfe. La trace est belle. C’est un grand vin, un peu monolithique, montrant un soupçon de fatigue malgré la fluidité. Il a lui aussi un léger accent bourguignon. Il est encore un peu fermé et devrait s’ouvrir. C’est un très grand vin qui s’ouvre lentement. Il devient plus dense, plus construit, plus musclé. Au final c’est un très grand vin.

Le Château Mouton Rothschild 1949 a une couleur d’un rouge foncé. Le nez est d’une personnalité énorme. Il a une expression flamboyante. Il est marqué par la puissance. En bouche, c’est doucereux, soyeux, charmeur de façon infinie. Je note : « c’est sexy, bas résille ». Il y a un peu de fumé de café mais ce qui apparaît, c’est le charme absolu. Je note : « charme ! Passionnant, immense, je suis totalement séduit ».

Après la ronde de dix bordeaux, je fais mon classement : 1 – Cheval Blanc 1949, 2 – Mouton Rothschild 1949, 3 – Pétrus 1949, 4 – Latour 1949, 5 – Lafleur et Mission.

Mais il arrive parfois que des coups de poings vous étendent. L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet 1949 est de ceux-là. La couleur est d’un rouge clair allant vers l’orangé. Le nez est très doucereux, plus macaron. En bouche, c’est la sensualité lascive, les canapés profonds. Il existe un parfum qui s’appelle « après l’amour ». J’appellerais ce vin « avant l’amour », car c’est une invitation à l’amour. Il y a un équilibre entre l’acidité, la rondeur et la douceur. C’est le vin qui m’inspire cette remarque odieusement sexiste : « c’est un vin qui donne de l’esprit aux femmes ». Il est à placer au dessus des dix bordeaux.

Il est temps de bavarder de commenter nos moments d’émotion car il y en eut de grands. Je vide quelques fonds de carafes avec des amateurs avides comme moi. Cette dégustation est suivie d’un dîner aux vins beaucoup plus simples : un Puligny-Montrachet « les Pucelles » J. Boillot 1999 qui a bien du mal à retenir l’attention après ces merveilles et un honnête Château Clinet 1990 qui eût brillé en d’autres circonstances. Le menu est un kaléidoscope : l’asperge verte de Pertuis, truffe en coulis, œuf en coque d’asperges / homard bleu tiède, royale coraillée, nougatine d’ail doux / tendron fondant de veau de lait, morilles, artichauts violets / fougeru briard travaillé à la truffe / fraises des bois andalouses, macaron à la rose et litchis dans leur gelée. Il est très net que le talent d’Alain Dutournier est cent fois plus à l’aise sur la cuisine bourgeoise aux goûts coordonnés que sur les inventions aux goûts additionnés.

Cette manifestation eût été beaucoup plus convaincante si au lieu de nous faire traiter onze vins prestigieux comme des élèves sommeliers ou élèves journalistes on avait demandé à l’immense talent d’Alain Dutournier de nous concocter un repas prestigieux qui eût mis en valeur les aptitudes gastronomiques de ces grands vins. C’eût été possible. L’exercice, tel qu’il fut fait, à quelques défauts près, méritait qu’on s’y intéresse. J’en ai un souvenir heureux.

les capsules de Pétrus jeudi, 3 mai 2007

Sur ces capsules, on voit un château dont le schéma ne ressemble en rien à la bâtisse du siège actuel de la propriété.

 

Sur celle de gauche, il y a marqué : "1er des grands crus" alors que sur les deux autres c’est "grand vin Pomerol".

L’intitulé est à gauche : "chau Petrus", le mot château étant raccourci, alors que sur les deux autres, "château Pétrus" est écrit en entier.

A noter que beaucoup de gens disent que Pétrus n’est pas un "château". Or la capsule l’indique et l’étiquette ne l’indique pas.

"rien n’est simple, tout se complique" pourrait dire le limier qui veut connaître le fin mot de Pétrus.

Caviste lundi, 23 avril 2007

texte : "Personnellement, je vous conseillerais plutôt le Vinjoli à capsule verte à 0,75 euros : moins tonitruant au niveau des tanins, mais tellement plus sur le fruit".

Ce dessin est de Voutch.

Le vigneron lundi, 23 avril 2007

texte : "aujourd’hui, ça tombe mal : j’ai une grosse réunion marketing dans 2 minutes et juste après une visioconférence sur l’oxydation bactérienne dans la microbiosphère".

Toute ressemblance avec un vigneron auquel vous pensez serait purement fortuite.

Ce dessin est de Voutch, l’un des plus brillants dessinateurs de moeurs actuels.

Visite à Chateau Margaux, Mouton et diner à Kirwan mardi, 17 avril 2007

Quittant le château d’Yquem avec le sentiment d’avoir partagé un moment œnologique unique, notre petit groupe qui se réduit de dix à six part pour d’autres cieux bordelais. Nous arrivons à Château Margaux où nous sommes très aimablement accueillis. Tina nous fait visiter les chais, explique le processus de vinification et nous sommes reçus au « musée », salle où Corinne Mentzelopoulos avait reçu à dîner il y a deux ans un groupe d’américains pour un repas à l’émotion rare dont j’ai raconté les magnums de Château Margaux qui coulaient à flot. Paul Pontallier, directeur général de Château Margaux nous explique brillamment, avec une extrême précision, tout ce qui permet de comprendre les vins que nous buvons. C’est Le Pavillon rouge de Château Margaux 2006, brutal retour à la réalité puisque le dernier vin que nous avions en bouche est son aîné de 161 ans ! C’est ensuite Château Margaux 2006, vin de grande classe très plaisant malgré son jeune âge et prometteur, qui ne souffre pas trop d’être suivi du Château Margaux 2005, vin qui sera dans peu de temps un véritable trésor. Malgré son charme qui s’esquisse, Le Pavillon Blanc 2006 est d’un choc trop brutal. Il faut une souplesse d’échine au palais (si je peux dire) que je n’ai pas, pour accepter un tel blanc après ceux d’hier soir. Nous avons fait cette dégustation en même temps qu’un meilleur sommelier danois qui prépare le concours de meilleur sommelier du monde et sera en compétition avec Andreas Larrson, meilleur sommelier suédois que j’avais retrouvé au Club des Professionnels du Vin. Des anglais sont entrés dans la salle, avec qui j’ai bavardé de mes dîners et qui ont montré un intérêt certain car ils sont négociants en vins rares.

Nous filons vers Mouton-Rothschild. Au bureau des visites, six charmantes hôtesses sont tout sourire. Je leur montre le menu de la veille avec les trois vins de Mouton ce qui les assomme comme un coup de marteau. Nôtre hôtesse est sans voix. Nous voyons le petit film d’accueil de Philippine de Rothschild. La visite du musée est un grand moment d’émotion. Philippe Dhalluin est tout sourire, car tout le monde du vin bruisse de la réussite de Mouton 2006. Il nous reçoit pour la dégustation. Nous goûtons les vins de la propriété en 2006. Le château d’Armailhac, le Château Clerc Milon, le Petit Mouton et enfin Mouton-Rothschild 2006 qui est éblouissant de promesses. C’est un vin de très grande classe. Nous évoquons la récente vente de Sothebie’s à New York qui a consacré un jéroboam de Mouton 45 (ce que nous avons bu hier, mais en bouteille), avec un prix de 310.000 $.

Ces glorieux châteaux sont assaillis de demandes de visites et les groupes se succèdent comme dans les musées. Je suis donc particulièrement heureux que Paul Pontallier et Philippe Dhalluin aient pu nous consacrer de leur temps précieux pour présenter leurs 2006. C’est un honneur qu’ils nous faisaient.

Nous avons rendez-vous au Château KirwanSophie Schÿller nous invite à dîner. Le temps a fraîchi et les délicates croupes de la propriété sont belles à voir au soleil couchant. Après une visite des chais où tout a une dimension plus humaine, plus préhensible que ces vaisseaux spatiaux que sont Margaux et Mouton, nous faisons une dégustation de Château Kirwan en remontant les sept millésimes de 2006 à 2000. Mes amis n’ont  pas l’habitude de ces dégustations comparatives où il n’est pas facile de projeter ce qu’un bébé de huit mois deviendra à dix-huit ans. Car c’est un peu de cela qu’il s’agit quand on juge un vin qui n’est pas encore au stade de la mise en bouteilles. Grâce aux explications du nouveau directeur général et au charme de Sophie, nous comprenons bien sur cette période les principes fondamentaux de ce vin et ses constantes. Une belle finesse d’approche, une précision élégante, un poivre assez soutenu lié à la proportion inhabituelle de merlot, et ce romantisme féminin propre aux grands Margaux. Sophie nous raconte divers sujets de fierté qui propulsent à juste titre Kirwan au niveau des grands. En deux mots, car mon avis sur les vins jeunes n’est pas déterminant, le 2006 sera un bon vin, le 2005 est superbe, le 2004 est très au dessus de ce qu’on dit de cette année, le 2003 est taillé pour une longue vie, le 2002 ne me parle pas, le 2001 me plait énormément et le 2000 est grand, sans être au niveau qu’on pourrait imaginer compte tenu des hyperboles qui ont enveloppé cette année. Ce sont de grands vins indéniablement.

Nous nous faisons beaux pour dîner dans la jolie salle à manger d’une maison annexe du château. L’élégance est féminine et je me rends compte que les trois propriétés que nous avons visitées aujourd’hui, Margaux, Mouton, Kirwan, sont des propriétés possédées et gérées par des femmes. Aucune parité dans nos visites ; nous sommes donc coupables. Nous l’assumerons ce soir car Sophie fut la plus délicate, attentionnée et amicale des hôtesses. Elle nous a reçus comme on reçoit ses amis les plus proches. Elle nous a raconté mille anecdotes passionnantes sur des histoires familiales, sur ses choix, sa vie riche en créations nombreuses et porteuses d’avenir. Marie, la cuisinière, a choisi seule le menu. Ce sera crème d’asperges, suprême de volaille aux champignons, fromages et tarte à la rhubarbe. Sophie nous a servi Signatures 2005, un  joli vin simple de négoce de la maison familiale fondée en 1739, il y a presque 270 ans. C’est son frère qui dirige cette organisation. Nous goûtons à l’aveugle Kirwan 1985 dont un de mes amis, d’un ton péremptoire, annonça le bon millésime. J’étais à un an près. Ce fut ensuite Kirwan 1982, que beaucoup trouvent plus charmant que le 1985. J’ai un faible pour le 1985 car une proportion plus forte de merlot lui donne un petit accent de Pomerol que j’adore. Je trouve au premier essai l’année du Kirwan 1966 car c’est une belle année pour les margaux, et il a un charme qui correspond à mon penchant pour les vins d’un certain âge. La gérontophilie est-elle héréditaire ? Je demanderai à l’un des candidats à la Présidence.

J’avais apporté en cadeau Yquem 1983. La tarte à la rhubarbe, délicieuse et peu marquée a bien accompagné l’Yquem majestueux, contrairement à ce que j’avais supposé. Très bel Yquem à la couleur orange, il a une longueur inimitable. J’ai versé un verre à Marie. Voir ses yeux qui brillent me réjouit le cœur. Sophie a réussi la démonstration qu’elle voulait faire de la grandeur de son Kirwan auquel elle se consacre avec une volonté que l’on sentait à chaque mot. Mais c’est aussi une musicienne et une source de projets passionnants dont la description nous a charmés. Nous étions comme à un repas de famille.

Après une douce nuit dans l’annexe du château nous nous sommes quittés avant de repartir vers nos domiciles, forts du souvenir d’une chaleur humaine inégalée.

 

Les chais et la cave des trésors à Chateau Margaux

des millésimes du 19ème siècle, et la tonnellerie à Margaux

Une jolie faïence dans la salle de dégustation à Margaux, et un faune nous accueille au musée de Mouton

 

Le mouton emblématique que l’on retrouve sérigraphié d’or sur la bouteille de Mouton 2000 et le chai légendaire.

la salle de dégustation de Mouton-Rothschild où nous fûmes reçu avec amitié.

 

Chateau Kirwan et la serre qui est classée.

le soir et le matin à Yquem mardi, 17 avril 2007

Après une chaude journée le 16 avril, le soleil se couche (on peut comparer cette image à celle datée du 22 mars).

Le lendemain matin, c’est la brume et une fine bruine sur les vignes d’Yquem, qui fera place à une chaude journée ensoleillée. C’est le climat idéal pour faire un grand vin. Merci Ciron !

Le matin du plus beau jour de ma vie de collectionneur lundi, 16 avril 2007

Ce qui s’avérera le plus grand jour de ma vie d’amateur de vins démarre sous une chaleur impensable pour la saison. Une moiteur lourde pèse sur le paysage sauternais. Je me présente au château d’Yquem le matin, pour redresser les bouteilles du dîner, qui reposent dans le caveau du château d’Yquem depuis un mois. J’ouvre aussi la demie bouteille qui sera le cadeau que je tiens à offrir à ceux qui ont toujours facilité mes contacts avec Yquem. Il s’agit d’une demie bouteille d’Yquem 1893, une des plus fantastiques années d’Yquem, à la climatologie parfaite pour faire un grand Yquem, comme le rappellera ce soir Pierre Lurton pour qui j’avais gardé un verre de ce nectar. « Orgasmique » sera son commentaire.

Dans la petite salle à manger du château, Valérie, Sandrine, Francis, Antoine puis plus tard Pierre-Yves, partagent avec moi ce sauternes divin. Le niveau est bas, la couleur est d’une densité forte, très brune en bouteille et merveilleusement dorée dans le verre. Le nez est incroyablement puissant, ressenti même à trois mètres du verre. En bouche, l’attaque est d’un gras spectaculaire. C’est un signe d’excellence. Le pamplemousse rose signe l’attaque et se prolonge par des évocations de caramel et de café. C’est tellement parfait que je ressens la fierté de chacun. Travailler pour un vignoble qui peut produire une telle merveille permet à chacun d’avoir un sourire épanoui. Cette communion émouvante me remplit de plaisir. La longueur de ce vin se prolonge dans ces sourires. C’est ma joie.

Dans la décapotable décapotée de Sandrine Garbay, maître de chai, nous partons tous les deux à Langon, chez Claude Darroze, pour déjeuner. J’ai demandé à Sandrine de pouvoir boire le rouge d’Yquem, vin qui est réservé à la consommation du château d’Yquem. Sandrine a pris Yquem rouge 1997, vin très ordinaire et de plus légèrement bouchonné mais qui a pour moi un charme  particulier : c’est le vin que l’on boit à Yquem à la fin des vendanges. Il a encore plus de saveur car les vignes ont été arrachées en 2004. Ce vin rouge d’Yquem n’existera plus jamais. J’ai commandé Château Ausone 1960 qui sera accompagné de foie gras et de ris de veau. Comme c’est toujours le cas au restaurant, ce sont les dernières gorgées des vins anciens qui sont les plus belles. L’Ausone à peine ouvert est un peu poussiéreux en bouche, mais promet car sa concentration est remarquable. Au fil du temps il se colore, le fruit s’expose, et les saveurs sucrées du foie gras et du ris de veau délicieux lui donnent de l’opulence. La saveur la plus grande de ce repas c’est évidemment d’avoir pu bavarder dans le calme avec le maître de chai d’Yquem.

 Le rouge d’Yquem 1997 – Sandrine Garbay expliquant le botrytis.