Archives de catégorie : vins et vignerons

Les 2007 de DRC avec Aubert de Villaine vendredi, 17 décembre 2010

Chaque année, la société "Grains Nobles" organise une dégustation des vins du domaine de la Romanée Conti.

C’est Aubert de Villaine qui présente ses vins, assisté de Michel Bettane et Bernard Burtschy. Il nous présente les 2007. Le millésime 2007 est un millésime hors normes. On avait l’impression d’être "battus" par la nature, et il y a eu le miracle du pinot noir. Avril a été très chaud et le vent des Rameaux a fait penser à une année sèche. Mai a été très mauvais, suscitant le mildiou, l’oïdium et le botrytis très précoce. La floraison a été très longue et la récolte de moyenne quantité, très millerandée. Il y a eu de très petits raisins, signes de qualité. Les véraisons et les qualités se sont étagées. Il y a eu un fort décalage entre le pinot noir et le chardonnay, en retard de dix jours, alors que c’est normalement très différent. Le botrytis s’est développé en août, freiné par le froid. A partir du 20 août, le soleil arrive et le vent du nord arrête le botrytis. Les raisins mûrissent et la maturation est très rapide ainsi que la concentration, grâce au vent du nord. Les vendanges ont commencé le 1er septembre, sur dix jours. Il y a eu 15 à 20% de botrytis à éliminer à la vigne puis à la table de tri. La vendange s’est faite en deux temps : les raisins les plus fins, puis les plus grosses grappes. Le Montrachet moins attaqué par le botrytis a été vendangé à partir du 17/09, une semaine après la fin des rouges, avec des raisins très sains.

Cet exposé où Aubert de Villaine a jalonné le temps de ses choix successifs est passionnant.

Pour nous faire la bouche, nous commençons par un Bourgogne Générique de Dominique Laurent 2007 à la couleur rose rubis, a nez très pur, de belle amertume, droit. Le vin est très poivré, strict et très vert, mais très prometteur.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2007 est d’un rouge très clair et très pur. Le nez est celui d’un vin très jeune, pas très défini. La bouche est très fruitée mais verte. Michel Bettane dit que les raisins sont plus mûrs que ce qu’on imagine. Le final est très vert avec une astringence nette. C’est un vin pur, sans concession. La mâche est très délicate et l’acidité sera la base de la longévité. Aubert dit que le vin est aérien. C’est un vin marqué par la pureté, la finesse, la droiture, la fraîcheur au final très long.

Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2007 est d’un rouge un peu plus profond. Le nez est plus profond, très droit et pur. En bouche, le strict prend le dessus. Il est poivré, tendu. Lui aussi est très vert et manque un peu de fruit. Je ressens plus la rigueur de la vinification que le fruit. C’est un vin ascétique, très concentré, avec de la matière. Il durera éternellement. Quand le vin s’échauffe, un joli fruit apparaît.

La Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2007 est d’un rouge encore plus profond. Le nez est élégant. On sent plus le sel. Le nez est très fort. Il est Romanée et plus sauvage aussi. Le nez est plus profond. En bouche, il y a une râpe qui est très Domaine de la Romanée Conti. Qu’est-ce que c’est bon ! Il y a un charme énorme. Le fruit est beau. On est dans le domaine de la séduction et de la volupté. C’est la vie sous Louis XV ! Dans le final, il y a le sel que j’adore dans les vins du Domaine.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2007 a un rouge de rubis superbe. Le nez est encore plus profond, mais il est moins Domaine de la Romanée Conti que la Romanée Saint-Vivant. Le goût est plus guerrier, plus viril, et le final est glorieux. Il y a moins de fruit, mais le final est spectaculaire. Il y a le sel du Domaine. J’aime la Romanée Saint-Vivant pour son charme et le Richebourg pour son sel et son final glorieux.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 2007 est fait de vignes qui en 2007 ont une moyenne d’âge de 52 ans. Le rouge est encore plus profond. Le nez est impérial, montrant encore plus d’équilibre. Le nez est beaucoup plus riche. Le fruit explose à l’attaque. Puis le sel arrive et le final est en sel, avec du poivre. Ce vin est une promesse extrême. Il a la puissance, l’équilibre et la trace saline où le fruit va se découvrir avec le temps. Ce vin promet énormément. Aubert évoque vanille et réglisse. Le fruit se développe et ce vin est imprégnant, possessif. Il est très La Tâche. Michel parle de son toucher de bouche énorme.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 2007 est d’une robe plus claire, mais pas si claire que cela, comme elle en a la réputation, Bernard Noblet estimant que pour ce vin, la couleur serait un maquillage trop fardé. Oui, on retrouve au nez les pétales de rose et le sel. On y est ! C’est le charme absolu. Le final fou est plus grand que celui du Richebourg. Même si je suis conditionné pour l’aimer, et je ne peux pas m’empêcher d’avoir un petit frisson quand je bois cette Romanée, ce vin est immense. Il y a le fruit, le sel et surtout la complexité. Il n’est pas facile à comprendre, ne se livre pas tant que cela, et mon voisin d’en face me dit qu’il n’arrive pas à vibrer sur ce vin alors qu’il a compris tous les autres. Le final du vin, c’est le sel et les roses, avec des fruits rouge pâle. Il a le charme et l’équilibre. Il faudra attendre avant qu’il n’atteigne la gloire de la Romanée Conti.

Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2007 est un vin qui ne se fait que depuis 1966. Il est d’un jaune d’or et son nez est opulent. La richesse est exceptionnelle. Les raisins ont été cueillis très mûris, car Aubert estime que cela conserve la fraîcheur. Cela donne des vins au style opulent. Celui que nous buvons est encore fermé mais grand. Il est strict, mais élégant. Il a de la présence et du fruité. Il s’ouvre et montre qu’il est riche, au final merveilleux d’élégance et de persistance. La minéralité (on retrouve le sel) est assortie de poivre, de zestes de citron. Il est grand, sel et épices. Sa fraîcheur est remarquable. C’est un vin sans défaut.

Aubert de Villaine est impressionnant quand il expose sa démarche vers l’excellence absolue, avec humilité et le doute du scientifique. La dégustation est une démonstration éclatante du talent du Domaine de la Romanée Conti en matière de choix des raisins et de vinification. Les vins de 2007 sont graciles, assez stricts, et nous combleront de joie par leur élégance d’une année légère dans au moins une dizaine d’années.

Grand Tasting quelques photos samedi, 11 décembre 2010

Armin Diel et Michel Bettane avec lesquels j’ai partagé la truffe blanche de Michel au Carré des Feuillants

En coulisse, préparation des champagnes Krug

Olivier Krug présentant Krug

Bernard Hervet présentant des chambertins

Pierre Lurton Pierre Trimbach, Jean Merlaut, Bérénice Lurton et Michel bettane et Thierry Desseauve me souriant

Pierre Emmanuel Taittinger présentant ses champagnes rosés

Jean Valmy Nicolas, Catherine Péré Vergé et Nicolas de Bailliencourt présentant leurs pomerols (La Conseillante, Le Gay et Angélus)

Matthieu Kauffmann présentant les champagnes Bollinger

Grand Tasting Master Class Le génie européen samedi, 11 décembre 2010

Le Grand Tasting se tient comme chaque année au Carrousel du Louvre. C’est le rendez-vous incontournable des amoureux du vin, qui permet de parfaire la connaissance des domaines que l’on aime, mais aussi d’avoir accès à des vins inaccessibles pour beaucoup. Il y a de nombreux stands mais aussi une animation assez exceptionnelle de « Master Class » et d’ateliers du goût. Ayant la chance de pouvoir assister aux « master class » aux côtés de Michel Bettane ou de Thierry Desseauve, j’ai usé de cette possibilité.

La première séance est celle du « génie européen du vin ». Le Montevetrano italien 2007 a un nez très jeune, dense, un peu pincé. En bouche, le vin est boisé mais élégant. Il est très construit, au final léger, frais, mentholé. Ce vin du sud de Naples aux cépages bordelais bien utilisés est très tannique. Malgré sa fraîcheur, je le trouve un peu brutal dans sa jeunesse. Le propriétaire voulait faire goûter le 2001 mais du fait des neiges, il n’est pas arrivé.

Le Pingus Ribeira del Duero 2006 a un nez qui est une bombe. C’est de l’espagnol musclé. En bouche il est particulièrement agréable et frais. Il est poivré. Le final est de cassis, poivre et bois, mais de très grande élégance. Ce vin est gourmand et sensuel. Michel Bettane dit "suave". On est dans le baroque, mais très raffiné.

Le Riesling Dorsheim Burgberg Auslese Shlossgut Diel 1998 a un nez de Riesling élégant. En bouche il a du perlant et beaucoup d’acidité. La persistance en bouche est très grande. Il est très « pâtisserie », fruit confit et lait. Le vin sera grand dans quelques années. La fraîcheur est extrême.

Oremus Tokaji Aszu 1999 est un 5 puttonyos. Le nez est complexe et raffiné. Les raisins Aszu sont surmûris et donnent un jus qui est rajouté au vin blanc. En bouche c’est extrêmement élégant. Il y a la complexité, la richesse et la légèreté. La couleur brune est d’une rare limpidité. Le vin est joyeux, fluide, élégant et n’a pas besoin de vieillir pour donner un plaisir sans mélange. Il est d’une totale séduction. Sa trace en bouche est indélébile. C’est un très grand vin.

Le Ramos Pinto, Porto Vintage 2003 est d’une élégance saisissante. Sa couleur est d’un jus de cassis. Le nez est très élégant. En bouche, ce qui marque, c’est la légèreté et la fraîcheur. C’est assez étonnant de la part d’un Porto. La force alcoolique de ce vin fait penser à de la grappa que l’on aurait mélangée à un jus très léger. Les tannins très forts sont liés à une année caniculaire.

Ce voyage en Europe est très convaincant, tous ces vins étant caractérisés par l’élégance et la fraîcheur.

Grand Tasting Master Class Krug samedi, 11 décembre 2010

La Master Class suivante est la présentation de champagnes Krug par Olivier Krug. Commencer par le Champagne Krug Clos du Mesnil 1998 est assez original, car débuter par le plus rare n’est pas habituel. Mais Olivier considère que l’âme de la maison Krug, c’est l’assemblage, qui conduit notamment à la Grande Cuvée. Commencer par ce vin monocépage puisqu’il n’y a que du chardonnay, c’est commencer par le plus facile à faire. Le champagne a une belle couleur. La bulle est à peine visible. Le nez est un peu beurré. Dans le goût il y a de la noisette. La persistance aromatique est extrême, la longueur est grande. On trouve du beurre, de la noisette et quelques fruits secs. Michel Bettane parle de l’autolyse de levures nobles qui explique ses goûts.

Le Champagne Krug 1998 a une bulle fine. Il est plus charmeur que le Clos du Mesnil qui vieillira plus. Il a une belle structure. Il y a moins de persistance aromatique que pour le Clos, mais c’est un vin de grande élégance. C’est un « vrai » champagne. Il est meilleur à ce stade que le Clos, très riche, très vineux et de longueur extrême.

Le Champagne Krug 1995 a une couleur nettement plus ambrée. Il y a peu de bulles et le nez est assez strict. En bouche on sent la crème, le beurre, les levures et les fruits secs, mais aussi des gâteaux comme dans une pâtisserie. Il est très élégant et profond. Je l’aimerais volontiers un peu plus vieux. Le fruit s’élargit, très noble. La persistance aromatique s’amplifie. Le final est beurré. Je l’adore.

Que ce soit Rémi Krug ou Olivier maintenant, leur cœur penche vers le Champagne Krug Grande Cuvée, car c’est le savoir-faire de Krug. Il transcende les millésimes, fait avec 150 vins de réserve dont le plus vieux est de 1995. Je le trouve un peu amer, avec un peu de pomme dans le goût. Il a une belle structure, mais je préfère les « Grande Cuvée » un peu plus âgés.

Nous finissons par le Champagne Krug Collection 1989. Ce champagne est à mon goût magnifique, car on sent l’effet de l’âge. Il y a du champignon, du sous-bois exposés délicatement. C’est un millésime qu’Olivier Krug aime beaucoup.

Cette présentation de champagnes rares est d’une extrême générosité si l’on pense aux quantités produites de ces vins d’exception.

Grand Tasting Master Class Le génie du chambertin samedi, 11 décembre 2010

La Master Class suivante à laquelle j’assiste a pour nom : « le génie du Chambertin ». La présentation est faite par Bernard Hervet, l’un des plus compétents vinificateurs de la Bourgogne.

Le Latricières Chambertin est le moins chambertin des chambertins car il est au sud, proche du Clos de la Roche. Le Latricières Chambertin domaine Louis Rémy 1999 a une couleur rose claire, et un nez subtil. En bouche, c’est très élégant. C’est un vin très fin. D’une grande précision et très délicat, il est déjà très bon à boire. Bernard Hervet dit que c’est un vin à boire jeune.

Le Mazis-Chambertin domaine Faiveley 2008 est du Mazis Haut. Il est d’un rose rubis. Le nez est puissant. Le vin est très pur, au joli fruit. Il est très bien fait, avec un peu de poivre et ne demande qu’à s’ouvrir. Il est de belle fraîcheur, un peu sec. Il va bien vieillir. Le mot qui lui convient est précision.

Le Clos de Ruchottes Chambertin domaine Armand Rousseau 2005 est plus coloré que le Mazis. Le nez est divin. Quel charme ! En bouche, il est d’une folle élégance, d’un charme inégalable. Il est grand. De bel équilibre, c’est un vin de plaisir.

Le Chambertin domaine Rossignol Trapet 2005 a une couleur encore plus dense. Le nez est un peu plus fermé mais séduisant. Il est encore dans les limbes, mais il annonce une puissance énorme. Il en a sous la pédale comme on dit. Moins précis que le Rousseau, c’est un grand vin riche, fait de beaux raisins.

Michel Bettane avait annoncé en début de séance que le Chambertin Clos de Bèze domaine Pierre Damoy 2002 n’est pas arrivé. Mais comme la cavalerie américaine qui arrive toujours à la fin des films de John Wayne, nous allions plier nos affaires quand on nous crie : « il est là ». Le temps de l’ouvrir et nous découvrons un vin d’un rose gris mais très beau, au nez très affirmé et riche. Voilà un vin souple, voluptueux, rond et riche. C’est un vin plein qui nous laisse deviner les ébauches de pétales de rose qui apparaîtront dans quelques années.

La comparaison de ces expressions de climats des grands crus du Chambertin est absolument passionnante.

Grand Tasting Master Class Le génie des grands bordeaux samedi, 11 décembre 2010

Il faut faire un virage gustatif complet pour aborder la Master Class « le génie des grands bordeaux avec la Commanderie du Bontemps, du Médoc, des Graves, Sauternes et Barsac » qui présente quelques vins représentatifs choisis par Michel Bettane.

Le Château La Tour Martillac blanc 2006 a un nez très riche et pur. Sa couleur est d’un beau jaune. En bouche, il est très sec, mais je n’ai pas le palais encore prêt à l’accueillir. Le fruit est joli et l’œnologue du château confirme que sa volonté est de mettre en valeur le fruit. Il y a un goût de zestes d’agrumes. C’est un bon vin assez strict, très bien fait.

Je sens un léger bouchon dans le château Pape Clément rouge 1996. La couleur fait "vieille". Le vin est astringent, fumé, truffe. En fait il n’y a pas de bouchon, mais un vin plus évolué qu’il ne devrait. Michel Bettane signale qu’en général, Pape Clément est le plus séducteur des Pessac Léognan.

Le Château Mouton-Rothschild 1989 est d’un brun foncé. Son nez est très élégant. On retrouve cette élégance en le buvant. Il est déjà très intégré, équilibré. Son astringence montre une jeunesse réelle. C’est un vin riche qui va bien vieillir.

Le Château Montrose 1998 est d’une couleur très noire. Le nez est discret. C’est un vin riche et bien fait. Je trouve un côté rive droite dans ce vin. Il est viril et vineux et me plait plus que le Mouton. Il est d’une belle fraîcheur.

Le Château Suduiraut 2001 est d’un or déjà foncé. Le nez est riche. Ce vin superbe est d’une rare richesse, faite de fruits confits.

Je n’ai assisté qu’à la fin de la Master Class "le génie de la Loire", car je ne voulais pas rater le Vouvray le Haut Lieu domaine Huet 1989. Ce vin est une réussite éblouissante du chenin, avec une espérance de vie qui dépassera le siècle.

Grand Tasting Master Class Le génie du vin samedi, 11 décembre 2010

La grande Master Class, c’est "le génie du vin". La salle n’est pas pleine et le prix a peut-être dissuadé des amateurs.

Le Champagne Mumm cuvée R. Lalou 1998 est issu de douze parcelles vinifiées séparément, dont les vignes ont de 40 à 60 ans. Il est présenté par Didier Moretti, chef de cave, à qui j’ai raconté la relative déception du vin bu l’avant-veille. Celui qui nous est présenté retrouve ce que j’en attendais. Le nez suggère un vin très tendu. La bulle est active. Le vin est fumé, concentré, de belle fraîcheur. Il est dosé à 6 grammes. Il y a de la noisette et du fumé. Michel Bettane signale que l’assemblage est réussi quand on ne peut pas distinguer le pinot noir du chardonnay, ici à 50 – 50.

Didier a ajouté au programme le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1985 en magnum. Le nez est puissant, expressif et minéral. Le jaune est profond, presque encore vert de jeunesse. C’est un champagne parfait. Il a l’équilibre et la plénitude, il est rond, concentré, presque fumé et à l’évidence, gastronomique. Il a été dégorgé il y a six mois et dosé à 4 grammes. Il est d’une belle puissance et Michel Bettane dit qu’avec ce final, il est fait pour de la gastronomie lyonnaise lourde.

Le Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 2000 est présenté par Pierre Trimbach. Il a une belle couleur jaune d’or. Le nez est superbe de raffinement. Fait dans une année solaire sur un sol calcaire, il a connu une vendange précoce. Le goût est très fumé. On sent le tabac, la minéralité et le vin est long. Jeune, il était dans le fruit et maintenant, c’est la minéralité qui apparaît. Dans dix ans il sera encore plus grand. Il n’a pas de sucre et le moelleux existe car les raisins ont été cueillis mûrs. Le parti pris de faire un vin sec est une réussite.

Le Clos de la Roche domaine Dujac 2004 est d’un rose rubis. Le nez est très riche, exprimant l’alcool et le fruit. En bouche, le vin est d’une élégance extrême. Il est beau dans sa jeunesse. Tout est subtil. Michel Bettane parle de toucher de bouche extrême. C’est la finesse qui caractérise ce vin. Il est assez acidulé, le bois est bien dosé. L’amertume et l’astringence sont bien maîtrisées. Quand le verre lui permet de s’épanouir, on sent un fruit plus joyeux. C’est une leçon d’élégance et de vinification. Je dois dire que c’est un des vins que j’ai le plus adoré de ce Grand Tasting, avec le Ridge Monte Bello 1997.

Le Château Gruaud Larose Saint-Julien 2000 est présenté par son propriétaire Jean Merlaut, qui pratique le tri à la vigne et est adepte de la cuve en béton. La couleur du vin est un peu trouble et fraise. Le nez est profond mais doux. En bouche, le vin est très boisé, et c’est le bois qui s’impose en premier. Le fruit est masqué par les tannins. Le final est sec. Michel Bettane nous dit que dès que les arômes faisandés se dispersent, se révèlent le côté floral et les épices. Ce vin est dans une phase intermédiaire. Il faudra y revenir dans dix ans.

Le Château Angélus Saint-Emilion 2000 est d’une belle couleur. Le nez est élégant et profond. C’est un vin brillant comparé au Gruaud-Larose. Il y a une belle harmonie entre le bois et de beaux fruits frais et rouges. Le final est riche. C’est un vin lourd, bien installé qui se boit avec plaisir. Hubert de Boüard parle de tannins cachemire. La fraîcheur est mentholée, l’équilibre est sensible. Le vin est vraiment bon à boire alors que le Gruaud demandera encore dix ans pour briller.

Le Vieux Télégraphe, Chateauneuf-du-Pape 1998 a une couleur qui évoque les bourgognes un peu âgés. Le nez est très doux et un peu évolué. Le goût fruité et les fruités indiquent un vin déjà évolué. Le boisé est présent et élégant. Les fruits sont un peu cuits. Thierry Desseauve parle d’un millésime mythique, un des plus brillants de ces 25 dernières années. Progressivement, le fruit devient magistral. Il faut savoir que tous les vins de ces Master Class sont servis très frais. Le vin est chaleureux, séducteur. C’est un vin aux arômes tertiaires fait pour le gibier. Il rappelle un peu les Barolos.

Le Ridge Monte Bello 1997 est élevé sur des vignes qui culminent à 900 mètres. Il a une très belle couleur rouge rubis. Le nez est riche et évoque le fruit noir, les épices mentholées et l’eucalyptus. En bouche il est rond et charmeur. Ce vin équilibré est d’une séduction extrême. Il a une finesse soyeuse, une pureté totale. Pour moi, il est immense, car sa fraîcheur eucalyptus cohabite avec une puissance sans égale.

Vient maintenant un cadeau de Pierre Lurton, non inscrit au programme. Le Château Cheval Blanc 1975 a une couleur très jeune et pure. Le nez est très jeune, rare et élégant, plein de finesse. En bouche l’attaque est très légère et agréable. Le final est un peu camphré, un peu sec et herbeux. C’est un grand vin mais un peu sec et herbeux. Pierre Lurton fait beaucoup d’humour et je vois sa cousine Bérénice Lurton qui le regarde avec des yeux marqués d’étonnement. Il dit que la texture en bouche est soyeuse et que l’on sent le tabac et le pain d’épices, ce qui ne m’apparaît pas aussi évident. Le vin s’ouvre et c’est un vin fin, comme on disait à une époque. Il a l’élégance et la longueur. Sa présence en bouche est infinie.

Le point final de cette Master Class, c’est le Château Climens Barsac 1989. Sa couleur est déjà dorée mais très jeune. Le nez est raffiné. Le vin est d’une jeunesse rare, marquée par la finesse et l’élégance. Il est joyeux et séducteur, d’une fraîcheur extrême. Je le trouve plus beau que le 1990 que j’avais goûté avec Bérénice à la présentation de Climens à Sciences Po.

Avec un journaliste gastronome italien nous nous livrons à l’exercice d’imaginer les plats qui iraient avec ces vins et cela m’a inspiré une jolie brochette de plats, dans l’ordre de dégustation des vins : carpaccio de coquilles Saint-Jacques, truffe blanche, bar, veau rosé basse température, rognon de veau, gigot d’agneau, cailles, oreiller de la belle Aurore, épaule d’agneau confite, homard.

Des vignerons souriants nous on fait goûter des trésors des vignes françaises et un vin californien exceptionnel, sans doute le plus excitant pour moi.

Grand Tasting Master Class les 2002 de Bollinger vendredi, 10 décembre 2010

Une autre Master Class est consacrée aux 2002 du champagne Bollinger. Les vins sont vinifiés et mûrissent dans des fûts de chêne pour les grands vins. L’assemblage est fait d’une majorité de vins de réserve.

Le Coteaux Champenois La Côte aux Enfants rouge Bollinger 2002 a une couleur de bourgogne. Le nez est délicat. Son goût est léger, un peu amer, avec une astringence finale. Il n’y a pas de grande longueur. C’est un vin difficile pour moi, même s’il a le charme de la curiosité. C’est lui qui entre en partie dans la composition du Grande Année rosé.

Le Champagne Bollinger Grande Année 2002 est d’une année exceptionnelle. La couleur est d’un beau jaune de blés en épis. Le nez est discret et la bouche très fine. En bouche, l’image qui me vient est celle d’une boulangerie où le pain vient juste d’être fait et sort tout chaud des panières. Le champagne est riche, cake, pâtisserie, pain chaud convivial. C’est un vin de garde. Mathieu Kauffmann dit que c’est un vin de garde. Il est dosé à 8,5 gr.

Le Champagne Bollinger Grande Année rosé 2002 est d’un rose léger, à la bulle lourde. Il est très joli et très différent des rosés de Taittinger. Sa persistance aromatique est extrême. Il est riche, fruité, fin élégant et très typé. Ce rosé parfait a beaucoup de personnalité.

Le Champagne Bollinger Récemment dégorgé 1976 a une couleur encore très claire. Il est à peine plus foncé que le 2002. Ce RD est resté en cave de 1977 à 2007. Il n’a pas bougé pendant trente ans sur lattes, ce qui est extrêmement rare. Le nez est minéral et le goût est minéral, un peu astringent, très complexe au final fluide. Il y a de la noisette, du beurre et du pain grillé, de la gelée et des zestes d’agrumes Pendant ce temps, le rosé qui a perdu sa bulle montre à quel point il est élégant. Michel Bettane parle du 1976 comme ayant des couches de complexités successives. Il y a une petite amertume finale mais une grande complexité. Je préfère le Grande Année blanc 2002.

Grand Tasting Master Class les rosés de Taittinger vendredi, 10 décembre 2010

La Master Class suivante présente les rosés de Taittinger. Même sans boire, je viendrais pour écouter Pierre Emmanuel Taittinger qui est un orateur brillant, charmeur comme ses vins. Il est accompagné par Damien Lesueur son directeur, et comme tous les grands patrons charismatiques, il dit : "Damien vous dirait que …" et il continue. Le rosé de Taittinger est fait de pinot noir rouge auquel on ajoute du vin blanc. Le rosé de saignée est fait en laissant la peau du raisin noir. Ici, le rosé est le fruit d’un mélange de deux vins. La méthode est plus coûteuse mais donne une couleur persistante et des fragrances plus prononcées.

Damien cite les acidités des quatre champagnes : 7 gr pour le 2004, 10 gr pour le 1996, 9 gr pour le 1995 et 8 gr pour le 1993. Les quatre champagnes ont été dégorgés il y a un an. Ils sont tous les quatre dosés à 9 grammes.

Le Champagne Taittinger rosé 2004 est d’un rose peu saumoné d’une rare élégance. On parle de couleur œil de perdrix ou gorge de pigeon. Pierre Emmanuel dit que cette couleur est la couleur originelle des champagnes du 18ème siècle qui n’avaient pas le blanc d’aujourd’hui. La couleur est très belle et lumineuse. Le nez est doucereux. Le goût est très doux, sensuel, délicat. Pierre-Emmanuel Taittinger parle de "seamless", sans couture, pour désigner un grand assemblage, quand on ne peut différencier les composants, trop imbriqués entre eux. Il ya des fruits roses confits et un final élégant plein de fraîcheur.

Le Champagne Taittinger rosé 1996 est d’une couleur rosée plus jeune. Le goût est fluide. Le vin pulse, coule en bouche. Il est extrêmement délicat, chaleureux. C’est la perfection dit Pierre-Emmanuel Taittinger. Ce 1996 est exceptionnel. Il n’est que charme et douceur. Le vin est souple et son nez délicat.

Le Champagne Taittinger rosé 1995 a une couleur plus rose que le 1996. Il est moins séducteur, plus strict. Plus janséniste, plus intellectuel. Et à mon grand étonnement Michel Bettane dit que le 1995 est plus rond que le 1996. Dans le 1995, le vin rouge ressort plus que le blanc.

Le Champagne Taittinger rosé 1993 est d’un rose très élégant, ni rose ni jaune ni blanc, mais un peu des trois. Le nez est subtil. Le champagne est magnifique, très joli, intéressant. Je le trouve déroutant, insaisissable. J’adore son côté très gastronomique. Il est très grand.

Alors, est-ce le charme de Pierre-Emmanuel Taittinger qui m’a fait aimer ces champagnes rosés ? Le charme était dans les mots et dans les verres.