Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Casse-croûte au caviar vendredi, 16 janvier 2015

Dans un couple marié de longue date, il y a des réflexes, des connivences ou des hasards qui surgissent. Nos enfants nous avaient offert des boîtes de caviar. En me levant, je me disais que ce serait bien que ce soir nous les goûtions. Rentrant du bureau où je me rends chaque jour alors que je suis retraité, je vois que deux boîtes de caviar m’attendent pour le dîner. Comme dirait Desproges, « étonnant, non ? ». Il y a une baguette de notre boulanger local qui fait les plus belles que je connaisse, une motte de beurre Bordier puisque c’est le Louboutin du beurre, et les deux caviars. A ma gauche c’est un caviar d’Aquitaine de la maison Prunier. A ma droite, un Osciètre uruguayen. J’ouvre, avec les souffrances d’un accouchement tant le bouchon est collé à son verre, un Champagne Salon 1996. Le champagne est grand, connu, je l’ai mille fois visité, mais je dois dire que s’il est au sommet de sa forme, il m’a manqué la petite étincelle qui fait que je m’extasie. Or il n’a rien à se reprocher, car il est grand. Les deux caviars sont très différents. L’Aquitaine est plus confortable, rassurant, avec des petites notes de noisette. L’uruguayen est plus iodé, de plus grande longueur. L’Aquitaine est plus ample en bouche et l’uruguayen plus vif. Bien malin qui désignerait le meilleur, car ils sont complémentaires et l’on passe de l’un à l’autre avec bonheur. Le Salon joue son rôle, tient sa place, mais trop poliment pour moi. Est-ce lui, est-ce moi, on ne le saura pas. Sur un chèvre coulant de bonheur, il arrive à s’exciter, me donnant un sourire de satisfaction. Ce fut un joli casse-croûte.

DSC00292 DSC00293

DSC00289

DSC00290 DSC00291

Deux vins éblouissants que séparent 101 ans jeudi, 1 janvier 2015

Le repas de réveillon du 31 décembre 2014 est probablement l’un des plus beaux du fait de la conjonction de deux vins extraordinaires. L’histoire commence par les convives. Quatre amis, dont trois sont de grands amateurs et dont la femme de l’un d’entre eux ne boit pas plus que ma femme, mais comme elle, aime sentir les vins, ma fille cadette, ma femme et moi. Sept dont cinq buveurs, c’est un nombre qui permet de profiter amplement de chacun des vins du repas. Ensuite il y a le choix des vins. C’est un moment important, car il conditionnera l’atmosphère du repas. J’ai envie d’ouvrir une Romanée Conti et qu’elle soit jeune et buvable. Car j’ai l’habitude de boire des Romanée Conti soit trop jeunes lorsque c’est une dégustation sur fût ou au moment de la commercialisation, soit d’âge canonique. Une jeune buvable m’exciterait et j’ai demandé à Aubert de Villaine quelle année ouvrir. Il m’a conseillé 2000. Ce sera donc 2000. A côté de ce vin mythique, j’ai envie d’associer un vin complètement opposé et ce sera un Nuits-Saint-Georges dont le domaine ou négociant est illisible, de 1899. Cent un ans d’écart entre les deux, ça me plait beaucoup. Les amis proposent leurs vins, je rajoute d’autres vins en tenant compte de leurs apports. La liste est étudiée avec mon épouse qui va coordonner le menu. Il est établi. Le réveillon est sur les rails.

A 17 heures commence la cérémonie cruciale et indispensable de l’ouverture des vins, du moins les miens, puisque les amis viendront avec les leurs. La Romanée Conti 2000 a un superbe bouchon et son parfum annonce immédiatement des délices. Ce sera un grand vin à boire. Le Nuits Saint-Georges 1899 a un goulot surmonté de cire. Sous elle, le bouchon a légèrement baissé. Je soulève un bouchon très noir qui se brise en plusieurs morceaux. Après avoir nettoyé l’intérieur du goulot, je sens énormément de poussière. Une poussière sèche qui m’effraie car je vois mal comment le vin pourrait s’en débarrasser. Le Rivesaltes 1914 est lui aussi couvert de cire, mais d’une cire plus récente. Le bouchon vient entier, ce qui indique que la mise en bouteille n’est vieille que de quelques décennies. Le parfum est incroyablement fort et chaleureux. L’alcool semble important.

Nous avons convié nos amis pour 20h30 et à 18h30 un SMS me dit que deux amis arriveraient vers 19h30 « est-ce que ça vous dérange ? ». C’est une question à réponse unique ! Mais c’est à 19heures que les amis arrivent. Branle-bas de combat ! Cela me permet d’ouvrir leurs deux vins, le Meursault 1996 au parfum généreux et intense et le sauternes 1937 qui provient directement de la réserve du château, a été rebouché en 2007 et acheté en 2008. Lui aussi est prometteur. Comme il nous reste plus d’une heure avant que les autres amis n’arrivent, je propose que nous buvions un Salon 1996 non inscrit au programme. A peine ai-je enlevé la capsule et commencé à me battre avec le bouchon qui ne veut pas sortir, on sonne à la porte ! Je range vite le Salon qui n’aurait pas été pertinent avant les champagnes prévus pour l’apéritif. Tout le monde est donc là avec une heure d’avance, mais nous sommes prêts.

L’apéritif se fera avec deux champagnes, dont l’un d’entre eux vient juste d’arriver. Pour lui laisser le temps de se remettre du trajet nous commençons par le mien le Champagne Pol Roger 1971. Le bouchon vient facilement et sans aucun pschitt. La bulle est absente mais un ami me montrera son verre où les bulles se forment sur les parois. Le vin, puisque c’est presque du vin seulement que nous buvons, paraît plutôt amer sur la première gorgée. Mais nous avons prévu un foie gras que chacun tartine qui joue un rôle apaisant et adoucissant pour le champagne qui devient vif et plaisant, avec beaucoup de caractère. Tout le monde l’aime, ce qui me rassure, car il faut être averti pour accepter de tels champagnes qui ont évolué vers des notes vineuses et riches d’intensité et de complexité.

Le Champagne Bollinger R.D. Extra Brut 1979 à la bulle très active apparaît plus jeune qu’il n’est, du fait qu’il vient après le Pol Roger. Sa couleur est très jeune sans signe de vieillissement. Il est racé, très coquille d’huître ce qui pousse ma femme qui l’a senti à se demander s’il ne serait pas opportun sur l’entrée où des huîtres figurent. Mais j’ai prévu autre chose, aussi nous nous régalons de ce champagne sur le foie gras. C’est sa vivacité et sa noblesse qui me séduisent. On se sent très James Bond en le dégustant.

Nous passons à table. Le menu sera : huîtres au caviar d’Aquitaine / coquilles Saint-Jacques accompagnées pour cette fête de deux nouilles nœuds papillons zébrées / coraux des coquilles / médaillon de veau, boudin noir et gratin de pomme de terre / pigeon en deux services et purée de pomme de terre / comparaison stilton et bleu de Termignon / galette des rois aux zestes d’orange confits.

Sur chaque assiette il y a deux huîtres recouvertes de caviar et une huître témoin, sans caviar et avec son eau. Le Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1996 a un parfum envahissant. Son attaque est somptueuse. Il est vif, cinglant, combinant douceur et invasion du palais. Il est merveilleux. L’accord avec l’huître et caviar est pertinent et gourmand. Mais il est encore meilleur avec l’huître seule, car l’huître seule est plus iodée, plus vive et rebondit sur le iodé crayeux du champagne. C’est ainsi que le champagne est le meilleur, ce que je n’aurais pas imaginé si nous n’en avions pas fait l’expérience. J’adore ce Dom Pérignon pour sa vivacité. Je demande à chacun d’en garder un peu dans son verre.

Le Meursault-Perrières Domaine des Comtes Lafon 1996 est merveilleux de joie de vivre et de générosité. Il emplit la bouche goulument. L’accord avec les coquilles est naturel. Ce qui est amusant c’est de passer du vin au champagne précédent et réciproquement. Et ce passage élargit les deux, surtout le champagne qui gagne en ampleur. C’est toujours intéressant de constater que champagne et vin blanc font bon ménage. Celui-ci a des notes citronnées bien mesurées. C’est un régal.

Avant l’arrivée des amis, j’avais pu sentir le vin poussiéreux et j’avais constaté que la poussière avait reculé d’un cran. Elle était toujours là, mais elle n’était plus au premier plan. J’avais croisé les doigts. Je sers le vin et instantanément on constate qu’il n’y a plus aucune poussière. Ce n’est pas un miracle mais les vertus de l’audouzage puisque j’ai la chance que mon nom de famille soit devenu un mot (grâce à Bernard Pivot), qui désigne le retour à la vie des vins par l’oxygénation lente. Cette résurrection est un bonheur. Mais cela va beaucoup plus loin car le vin est exceptionnellement charpenté, d’une personnalité énorme, qui emplit le palais avec force. Le vin a une telle présence que je hasarde une hypothèse : il est impossible que ce Nuits-Saint-Georges 1899 soit post-phylloxéra car jamais des vignes jeunes n’auraient pu donner une telle personnalité. Et en suggérant cela des images gustatives me reviennent de vins préphylloxériques, qui donnent cette même sensation d’éternité. Le vin est grandiose, complexe, vineux, émouvant. Comment à 115 ans peut-on être aussi vif, présent, juteux et joyeux ? Je suis ému, car je me rends compte que ce vin pourrait appartenir à mon Panthéon qui comporte des vins inouïs. Je me souviens du Musigny Coron Père & Fils 1899, servi le 31 décembre 1999 juste avant minuit avec lequel nous avons basculé de 1999 à 2000 en buvant un vin de juste cent ans. On avait avec lui une perfection de même nature, mais il s’agissait d’un Grand Cru. On a la même noblesse avec celui-ci, du fait de sa structure de vin préphylloxérique. Je me tortille sur ma chaise tant je suis heureux, en pensant que probablement aucun vigneron qui aurait un tel vin dans sa cave n’aurait osé le servir et l’aurait très probablement mis à l’évier. Les coraux créent un accord sublime. Le veau est un agréable compagnon du vin.

Il est temps de servir le vin que j’ai voulu partager avec mes amis. L’un d’entre eux, pour ses cinquante ans que nous avons fêtés au Taillevent, avait ouvert une Romanée Conti 1981. Je comptais répondre à sa générosité. Mais c’est surtout le plaisir de partager avec tous qui m’a poussé à servir cette Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 2000. Dès le parfum, on sent que l’on est en face d’un géant. La couleur est d’un rouge clair bien sûr mais plus foncé que plusieurs autres Romanée Conti. Ce qui m’a frappé, c’est que mes amis qui ont des aptitudes pour disséquer les différentes saveurs d’un vin, n’ont aucune envie d’utiliser une procédure analytique. Comme moi ils appréhendent ce vin dans sa globalité pour en signaler le caractère majestueux, plein, éternellement long et riche d’innombrables complexités. On ne sent donc ni le sel ni la rose car c’est la plénitude du vin qui nous envahit. Nous sommes vraiment en face d’un très grand vin. Et ce qui est fascinant, c’est que la Romanée Conti ne prend pas le dessus devant le 1899. Ils se comprennent comme s’ils pouvaient se parler, et montrent deux facettes éblouissantes de ce qu’est un grand vin. Tout les oppose mais tout les rapproche. Je suis sur un petit nuage, disons même un gros nuage, car ceci est la consécration de ma démarche dans l’exploration du monde du vin. Faite cohabiter deux vins que sépare plus d’un siècle, 101 ans, et voir que les deux se tendent la main c’est mon bonheur absolu.

Le pigeon est idéal pour mettre en valeur la Romanée Conti qui se montre juteuse, s’aligne sur le goût de la sauce du pigeon, son jus de cuisson, et nous gratifie d’un message lisible, clair, mais tellement cohérent qu’on ne peut l’aborder que dans sa globalité. Il faut une pause pour qu’on puisse poursuivre dans sa tête ce rêve d’éternité.

Sur le papier, le Bleu de Termignon devrait l’emporter sur le Stilton qui se présente en petits pots de faïence, face au Château Gilette Crème de Tête 1937. Le vin est délicieux et il a le talent des vins sans le moindre défaut. Quand un sauternes est grand, on ne peut pas lui trouver le moindre défaut. Il est bien gras, de fruits comme la mangue et l’orange confite, mais surtout l’abricot avec des suggestions de caramel en trace, et le match entre bleu et stilton est très ouvert, le vin s’accordant avec les deux. La qualité du stilton me semble supérieure à celle du rustique bleu. Le sauternes est gourmand et de belle longueur.

Le Rivesaltes Puerta del Sol Henri Sauvy 1914 n’apparaît pas lorsqu’il a encore cent ans mais en 2015 car les douze coups de minuit ont sonné depuis longtemps. Il est fort, lourd en alcool mais aussi très frais, rafraichissant, car il a une folle jeunesse et une belle complexité. On peut trouver beaucoup de fruits dans les parfums qu’il distribue avec générosité. Sur les fromages, il est trop fort. Sur la galette au zestes confits, il développe les goûts de zestes et se montre charmant.

Alors que nous sommes encore à table et au dessert, le taxi qui avait été commandé pour 1h30 arrive avec ponctualité. On s’embrasse, et on se quitte avec la ferme intention de renouveler de tels dîners souriants, amicaux, ponctués de vins merveilleux.

Deux vins sortent du lot dans ce dîner, le 1899 et le 2000. Le plus ancien est une tellement bonne surprise que je le classerai devant la Romanée Conti ce qui donne : 1 – Nuits-Saint-Georges 1899, 2 – Romanée Conti 2000, 3 – Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1996, 4 – Château Gilette Crème de Tête 1937, 5 – Meursault-Perrières Domaine des Comtes Lafon 1996. Le quatrième et le cinquième pourraient être ex-aequo et rejoints par les autres vins du dîner.

Les accords se sont révélés pertinents. La juxtaposition de deux bourgognes aussi complémentaires m’a ému au plus haut point. Voilà une année qui a fini en fanfare et une année qui commence en feu d’artifice.

DSC09932 DSC09931 DSC09983

DSC09989 DSC09990  DSC09991

DSC09935 DSC09934

DSC09970 DSC09972

DSC09962 DSC09961 DSC09960 DSC09958 DSC09959 DSC09964 DSC09966 DSC09967 DSC09969

DSC09936 DSC09938 DSC09940 DSC09941 DSC09943 DSC09946 DSC09947

DSC09973 DSC09974 DSC09977 DSC09978DSC00239

DSC09950 DSC09948 DSC09949 DSC09951 DSC09954

DSC00238

DSC00221

apéritif avec foie gras sur baguette, et des roses au foie gras

DSC09984 DSC09985 DSC09987 DSC09988

le dîner

DSC00226 DSC00227 DSC00230 DSC00232 DSC00234 DSC00235 DSC00236

le délicieux Stilton Paxton & Whitfield

2015-01-02 19.42.16 2015-01-02 19.41.56

Déjeuner de vins anciens au Taillevent mardi, 30 décembre 2014

Cela fait longtemps que je n’ai pas partagé de vins avec un ami grand amateur de vins anciens. Nous décidons de déjeuner ensemble. Pourquoi pas à nouveau au restaurant Taillevent ? Nous annonçons les vins que nous apporterions et nous décidons que l’apport de chacun consistera en une bouteille majeure en laquelle nous avons confiance et une bouteille à risque dont le niveau bas peut avoir eu des conséquences néfastes. Le choix est fait et accepté par les deux. Les vins sont livrés la veille au restaurant.

Consciencieux comme toujours, si, si, j’arrive à 10h45 au restaurant pour ouvrir les vins, sachant que le montrachet, plus jeune, a déjà été ouvert par un sommelier. On m’apporte les vins qui sont incroyablement froids, ce qui n’est pas un service à leur rendre. J’apprendrai plus tard que quelqu’un a réglé le thermostat de la cave sur 9°, ce que personne ne peut expliquer. J’ouvre les trois rouges. J’ai un tel rhume que je sens à peine les vins, mais il me reste assez de sensibilité pour apprécier ce qui va se passer. Jean-Marie Ancher me propose un jus de citron chaud qui va libérer mes sens. Le Château de Sales 1949 a un bouchon très étroit mais malgré cela, le niveau est entre mi épaule et haute épaule ce qui est correct et le parfum du vin est prometteur. Les niveaux des deux bourgognes sont bas. Le 1926 a un nez prometteur et le 1947 paraît bien affecté. Les bouchons se déchirent, parfois noirs.

Fort aimablement Alain Solivérès le chef vient discuter avec moi et avec Jean-Marie Ancher nous composons le menu improvisé sur l’instant : noix de coquilles Saint-Jacques, huîtres et cresson, au vin de Condrieu / mousseline de pomme de terre aux truffes / chevreuil, noisettes et châtaignes, sauce Grand-Veneur / fromages affinés / nougat rafraîchi, éclats de framboises.

Mon ami arrive et le festin démarre. L’amuse-bouche à la langoustine est toujours aussi délicieux et nous permet de trinquer sur le Montrachet Domaine Guy Amiot et fils 1992. Le niveau de la bouteille est à moins de deux centimètres du bouchon, superbe. La couleur est très belle, légèrement ambrée. J’ai du mal à sentir, mais ce n’est pas déplaisant. Le vin en bouche montre qu’il est légèrement oxydé. Le vin est agréable, évoquant un peu un vin jaune et ce qui dérange, c’est que l’alcool se met un peu trop en avant. Mon ami dit que ce vin est plus Bâtard que Montrachet, ce que j’approuve. Si l’on admet que le vin n’est pas dans la pureté du Montrachet, on peut l’apprécier sur les coquilles auxquelles les huîtres donnent un complément d’énergie. Le plat est très pertinent.

Le Château de Sales Pomerol 1949 a une couleur merveilleusement belle et jeune, avec un rouge sang de pigeon. Le nez est superbe aussi mon ami en jouit avec un enthousiasme que j’ai du mal à éprouver aussi fort du fait du rhume. Dès la première gorgée, le vin s’installe, cohérent, équilibré, sûr de lui. Immédiatement, je pense qu’il ressemble à un pomerol de 1975, année très réussie à Pomerol. Car tout en lui respire la jeunesse. C’est un grand vin qui évoque un peu la truffe, comme le plat où la truffe découpée en dés trop fins manque un peu de mâche. La mousseline s’adapte aussi au montrachet, mais sans réellement créer de vibration positive. Le vin est d’une belle trame et d’une longueur appréciée.

Le chevreuil est superbe, d’une qualité extrême. Ce plat est un régal. Le Chambolle Musigny Les Amoureuses Jules Régnier 1926 me plait énormément. Il a une subtilité, une délicatesse qui me séduisent. Bien sûr il porte son âge sur ses épaules, mais on a toutes les vibrations des bourgognes de cette décennie miraculeuse. Mon ami et moi adorons l’année 1926 et ce vin nous le rend bien. Par moments, j’ai ressenti le sel et la rose fanée fugaces évocations des vins d’un domaine que je révère, celui de la Romanée Conti. J’ai pris dans mon verre toute la lie et sont apparues de belles évocations de fruits rouges, à la persistance infinie.

La Romanée Saint-Vivant Les Quatre Journaux Domaine Louis Latour 1947, au premier contact, montre sa fatigue. Il a perdu de son équilibre. Au cours du repas, le vin va reconstituer les pièces de son puzzle, mais le déséquilibre subsiste ce qui limite l’intérêt.

Nous prenons du fromage et sur le 1926, l’époisses réagit beaucoup mieux que le saint-nectaire, ce que je n’aurais pas parié. Le dessert est un essai. Mes goûts vont plus vers les desserts qui ont de la mâche que vers les desserts que l’on picore.

Nous voulions qu’au moins deux vins soient de haute qualité et le contrat est rempli. Dans mon cas, c’est la bouteille basse qui a honoré mon « contrat ». Mon ami partage le même défaut que moi : nous avons les yeux de Chimène pour les vins que nous apportons. Et c’est normal, car nous voulons faire plaisir en choisissant pour nos rencontres des vins que nous aimons. Mon classement est 1 – Chambolle-Musigny 1926, 2 – Château de Sales 1949, 3 – Montrachet 1992, 4 – Les Quatre Journaux 1947, mes vins étant le 1 et le 3 de ce classement. Mon ami inverse les deux premiers classés, ce que je comprends aussi.

Ce repas est le dernier de 2014 au restaurant puisque le réveillon se fera chez moi. Je suis heureux qu’il ait eu lieu au Taillevent, table accueillante, au service attentif et à la cuisine fondée sur la mise en valeur de produits de qualité. Comme avec Tomo il y a une semaine, nous n’avons qu’une envie, c’est de recommencer.

DSC09868 DSC09869 DSC09908 DSC09909

la capsule du Château de Sales indique : « Pol Mairesse Anvers Bruxelles », ce qui suggère une mise en bouteille belge

DSC09905 DSC09910 DSC09913

DSC09873 DSC09874 DSC09914

DSC09902 DSC09903 DSC09904 DSC09916

DSC09907

DSC09918 DSC09919 DSC09920 DSC09922 DSC09924 DSC09925 DSC09927

nous avons fini (à cause de mon rhume) sur un Rhum guatémaltèque Ron Zacapa

DSC09928 DSC09929

menu taillevent 141230 B 001 menu taillevent 141230 A 001

Réveillon du 24 décembre en famille jeudi, 25 décembre 2014

Noël en famille, avec mes deux filles et leurs enfants. Les cadeaux sont donnés avant le dîner du 24 et non comme autrefois le matin du 25. Pas de chaussons mis devant la cheminée et pas de Père Noël passant par l’étroit conduit. Les cadeaux s’échangent dans les rires et les applaudissements.

Le Champagne Krug 1979 a une couleur qui est claire et de légères touches roses, très légères. La bulle est active comme celle d’un champagne tout jeune. Le champagne nous saisit instantanément, nous portant sur un nuage de félicité. Ce qui me vient comme émotion, ce sont des fruits rouges comme la grenade ou la groseille rouge, aussi bien en fruit qu’en confiture. Puis, c’est le caractère vineux qui s’impose. Le vin emplit la bouche, l’investit et une plénitude s’ensuit. C’est un champagne de première grandeur et en le buvant je me dis que je le préférerais volontiers au 1982 qui est pourtant pour moi le plaisir parfait. C’est un champagne de plaisir pur sur de petites tartines de foie gras.

J’ai choisi d’ouvrir des vins rouges des années de mes deux filles. Le Château Margaux 1967 avait un niveau à mi épaule. Le nez n’est pas très précis. Ma fille pense que le vin est bouchonné mais je ne le crois pas. Je pense plus à une déviation, à un mauvais vieillissement qui altère un peu les qualités du vin. Inutile d’insister, car ce vin même légèrement dévié n’est pas agréable.

Le Pétrus 1974 a un joli nez et en bouche, c’est un vin de discrétion et d’élégance. S’il a mis une légère sourdine sur son discours, cela ne veut pas dire qu’il n’est pas disert. Il a de la conversation et même s’il n’est pas tonitruant, nous l’adorons, car c’est un beau vin velouté qui a la complexité d’un grand vin. Il évoque une jolie truffe noire. Manque de puissance ne veut pas dire manque d’élégance et de complexité. Nous nous régalons.

Sur la chair de la canette et sur la purée de céleri et pomme de terre, l’accord est agréable. Il suffit de mettre la pêche jaune de côté un instant avant de boire le vin.

Le Château d’Yquem 1991 a une jolie couleur qui commence à s’ambrer. Le vin est nettement meilleur que la réputation qu’a ce millésime pour Yquem. Il y a du caramel, de la mangue et de beaux agrumes. Avec une bûche aux agrumes et surtout avec les zestes qui l’accompagnent, l’accord est brillant au point que la frontière entre la bûche et le vin ne se reconnaît pas. C’est un bel Yquem de bonheur, qui n’a pas la complexité des grands anciens mais a des agrumes à foison et un grand bonheur.

La cheminée a crépité malgré les injonctions écologiques gouvernementales. Le Père Noël a fait des heureux.

DSC09857 DSC09859 DSC00183 DSC00185

DSC09852 DSC09854

DSC09843 DSC09845 DSC09849

DSC09860 DSC09861

DSC00194 DSC00196

DSC00178 DSC00179 DSC00187 DSC00188 DSC00190

Déjeuner du 25 décembre en famille jeudi, 25 décembre 2014

Le lendemain, le 25 décembre, nous prenons un long apéritif avec du foie gras tartiné sur une baguette, des magrets de canard fumés et des petits boudins noirs et blancs. Le Champagne Krug 1979 dont il restait un quart a mal supporté la nuit. Il s’est affadi.

Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1998 est toujours aussi confortable et rassurant, mais je ne suis sans doute pas de l’humeur qui convient car je lui trouve moins de finesse que d’habitude. La fatigue sans doute. Je le retrouverai plus tard comme je l’aime sur un camembert et un brie fourré à la truffe.

Les coquilles Saint-Jacques juste poêlées sont excellentes. Hier après-midi, dans la cave, j’avais repéré une bouteille de blanc tenue verticale. La couleur à travers le verre est magnifique, le niveau est beau mais ce qui apparaît c’est que le bouchon est descendu. Ceci explique que la bouteille ait été mise debout. Dans cette configuration, le liquide n’est pas au contact de la capsule. Il est tentant de laisser sa chance à ce vin que je carafe. Rien dans l’odeur ne me rebute et la couleur est belle dans la carafe. Pour laisser du temps au vin pour se reconstituer, je l’ai laissé vingt heures tranquille.

Servi sur les coquilles on constate que le parfum du vin est très pur, précis, engageant. Le goût est correct, avec de beaux fruits jaunes, mais le vin est poussiéreux. Malgré la quasi absence de blessures, c’est la poussière qui condamne le vin, un Pouilly-Fuissé Debaix Frères 1961.

Le porcelet farci au sauté de pommes de terre est accompagné par le Pétrus 1974 de la veille qui, contrairement au Krug a nettement mûri depuis hier. Il a plus de corps et de force et reste velouté, élégant, précis et précieux. Sur le même plat apparaît la Côte Rôtie La Landonne Guigal 1984. Niveau parfait, beau bouchon, parfum joyeux et en bouche, c’est une caresse de bonheur. Ce vin a tout pour lui. C’est Gene Kelly dans « Dansons sous la pluie ». Il a toutes les caractéristiques des vins de Guigal des grandes Côtes Rôties, mais comme il est d’une année calme, son discours est précis, lisible et charmant. J’avoue que de plus en plus j’aime les grands vins dans leurs petites années car le message, plus articulé, n’est pas masqué par la puissance.

Sur de fines tartes aux pommes, le Château d’Yquem 1991 d’hier a lui aussi mûri, devient plus ample, avec un joli caramel et une très jolie rondeur. Si l’on devait classer les vins de ces deux repas, ce serait : 1 – Krug 1979, 2 – La Landonne Guigal 1984, 3 – Pétrus 1974, 4 – Yquem 1991.

DSC00199 DSC00200

DSC09856 DSC00201

DSC09865 DSC09866 DSC09864

DSC00208

DSC00202 DSC00203 DSC00204 DSC00206 DSC00207

Montrachet et Musigny au Taillevent mardi, 23 décembre 2014

Un jour arrive dans ma boîte mail un message offrant une bouteille de « Les Gaudichots » Domaine de la Romanée Conti 1929. La parcelle des Gaudichots a été plus tard intégrée dans La Tâche. Il reste une parcelle de Gaudichots hors du domaine, mais celle-ci est extrêmement rare. Le prix est tellement stratosphérique que je ne peux pas l’assumer seul. Mon ami Tomo a reçu le même mail. Je lui propose de l’acheter en commun. Nous avons de longues discussions, car la dernière transaction faite sur ce vin avait été faite à moins de la moitié du prix qui nous est proposé. Pour un collectionneur de vins qui est aussi buveur, le choix est toujours shakespearien. C’est : « to be or not to be », ce qui, en l’occurrence veut dire : je l’achète ou je ne l’achète pas. Si je ne l’achète pas, je risque de ne plus voir d’offres similaires et je n’aurai que mes yeux pour pleurer. Si je l’achète, j’aurai l’espoir de boire quelque chose d’historique et de grand.

Nous achetons la bouteille. Pour l’ouvrir Tomo et moi, il nous faut d’autres bouteilles de première grandeur. Nous dialoguons, modifions et nous arrivons à un consensus. La table est réservée à la date choisie. Mais il se trouve que je vais rencontrer Aubert de Villaine prochainement. Pourquoi ne pas la boire avec lui. Aubert est tellement sollicité de toutes parts que la probabilité qu’il accepte est faible. Je lui propose. Il dit oui.

J’en informe Tomo. Allons-nous pour autant annuler la table réservée ? La réponse est non. Et les deux bouteilles qui devaient accompagner les Gaudichots vont devenir les vedettes de ce déjeuner d’avant Noël.

Au restaurant Taillevent, les deux bouteilles ont été ouvertes à 10 heures ce matin. J’arrive le premier, je hume et tout semble normal. Tomo arrive et nous n’allons pas commencer par le blanc. Tomo me fait remarquer que les bouteilles que nous avons choisies ont un nom qui commence par « M » et que les deux vins ont été faits par des femmes, Anne-Claude Leflaive et Lalou Bize-Leroy. Si nous commandons un champagne, ce serait bien qu’il soit d’une femme. L’idée me plait beaucoup. Mais nous allons biaiser, car le champagne porte le nom d’une femme et n’a pas été fait par elle.

Le Champagne Veuve Clicquot Vintage 2004 est une agréable surprise. Il se présente très au-dessus de ceux que j’ai déjà bus. Frais, confortable, fruité de fruits blancs, en dentelle, il est d’un romantisme joyeux. On sourit de boire un tel champagne. Il est accompagné de gougères magiques quand elles arrivent bien chaudes. L’amuse-bouche est de langoustines en pâte croquante. Il ne faut plus reculer l’apparition de mon vin. Le Montrachet Domaine Leflaive 1999 a un parfum calme qui annonce de superbes complexités. En bouche, c’est une myriade de saveurs qui se battent en bouche sur un thème d’agrumes, citron vert, pomelos, mais aussi de fruits de la passion, goyaves et autres coings. Ça pianote dans tous les sens, et quand on croit que l’on en a fini, le final vous emporte sur un toboggan où ça n’en finit pas de prendre des virages. Un petit coup de rein sur le fruit de la passion, un petit coup de rein sur le pamplemousse. Et ce final ne s’éteint pas. La sauce un peu épicée, curry, moutarde et autres épices, dans laquelle se trempent les croquantes langoustines fait un écho royal au Montrachet au point que je demande que cet amuse-bouche soit renouvelé. Au Taillevent, chaque désir est un ordre et l’amuse-bouche est répété. Je montre à Tomo un exercice que j’adore qui est de passer du blanc au champagne et du champagne au blanc. Lorsque l’on boit le Montrachet puis le Veuve, le Clicquot s’élargit de façon spectaculaire, prenant une profondeur exaltante. Le pont entre les deux se fait sur les agrumes. Le chemin inverse ne favorise aucun des deux. J’adore ces expériences.

L’entrée est une tourte de lapin de garenne dont nous avons fait enlever la salade de pissenlits. La sauce est tellement lourde que l’envie est de comparer les deux vins du repas. On sert donc le Musigny Grand Cru Domaine Leroy 2003 que Tomo a apporté ici il y a quelques jours. Le nez est poli, raffiné et gentleman. En bouche, Tomo ressent un côté perlant que je n’avais pas remarqué. Il se demande si l’on doit carafer. Nous faisons carafer et verser le vin dans un deuxième verre. Immédiatement, le vin carafé montre un saut qualitatif majeur. Le vin est expressif, velouté, d’un rare raffinement. Il est grand, mais je dois dire que le final assez court limite mon enthousiasme.

Nous passons sans aucune difficulté du rouge au blanc et vice versa car la tourte est si dense qu’elle recale le palais. Il ne fait pas de doute que le Montrachet est le plus adapté à ce plat lourd comme du plomb et terriblement gourmand.

Le plat principal que j’ai suggéré est le homard bleu en cocotte lutée, pommes grenailles et châtaignes. Lorsque le lut est en phase finale, c’est-à-dire découpé, le parfum qui se dégage de la cocotte est à se damner. Jean-marie Ancher n’approuvait pas mon choix pour le Musigny alors que le sommelier était de mon avis. En fait, le montrachet est le gagnant sur ce plat, mais c’est probablement dû à sa qualité intrinsèque, dominante sans contestation. Le Montrachet Leflaive domine le plat malgré sa vivacité alors que le Musigny l’accompagne poliment.

Nous allons assister à quelque chose que je n’avais jamais vécu avec autant de netteté. Dans la première demi-heure suivant le carafage, le vin carafé damait le pion au vin servi de la bouteille. Maintenant, le vin carafé s’alanguit et s’affadit, alors que le vin non carafé reprend une vigueur spectaculaire et nous offre le vin tel qu’il doit être, vif, viril, dominant, d’un fruit vineux affirmé. C’est un régal. Mais l’on n’a toujours pas la longueur que l’on aimerait. Et c’est sans doute cela qui fait que l’accord avec le homard (que j’aurais aimé un gramme moins cuit, sans que l’on touche à quoi que ce soit d’autre) n’est pas à son avantage.

Nous finissons nos verres sur du fromage, un Saint-Nectaire pour moi, et deux desserts d’une lourdeur infinie, l’un au chocolat et l’autre une crêpe Suzette, permettent au champagne de nous montrer à quel point il sait être élégant.

Résumons : le service du Taillevent est à déposer au pavillon de Breteuil, à côté du mètre-étalon. La cuisine vaut trois étoiles, ne chipotons pas. Le veuve Clicquot boxe dans la cour des grands, avec un romantisme qui n’exclut pas la luxure. Le Montrachet Leflaive est un monument. Il n’a pas la fougue folle du 1996 que j’ai bu il y a peu mais il a un niveau de complexité incroyable et un final qui louvoie sans fin sur des pistes de fruits exotiques. Un régal. Le Musigny Leroy est un grand vin. Mais le final un peu court a limité mon enthousiasme.

Taillevent fait un très mauvais calcul en offrant en fin de repas un armagnac à se damner, car il raccourcit l’espérance de vie de ses clients fidèles. Place aux jeunes semble être son objectif. En revenant, nous montrerons qu’on ne nous le fait pas. Ce fut un magnifique repas.

DSC00152 DSC00153

DSC00155 DSC00156

DSC00157 DSC00159

DSC00166 DSC00168 DSC00169 DSC00171 DSC00172 DSC00174 DSC00175

DSC00176 DSC00177

Notre club de conscrits est au Cercle Royal Gaulois de Bruxelles lundi, 22 décembre 2014

Notre club de conscrits s’expatrie à Bruxelles (une fois). Le rendez-vous est au Cercle Royal Gaulois, artistique et littéraire. L’un des nôtres en est membre. Il a réservé un salon et a choisi avec le sommelier des vins pertinents.

Le menu est : demi-homard Thermidor / râble de lièvre Arlequin / plateau de fromages / croûte fine aux poires.

L’apéritif est pris avec un Champagne Billecart Salmon Brut magnum sans année. Le champagne est agréable, simple, de belle soif. Il est vite fini, ce qui est bon signe, aussi l’un des serveurs nous suggère le champagne « maison », Champagne Piollot un peu plus vif et inspiré.

Le Meursault Morey-Blanc 2001 a un parfum extrêmement puissant. Le vin est riche, gourmand, incisif, et se marie bien au délicieux homard.

Le Gevrey-Chambertin Domaine Trapet Père & Fils 2002 est très agréable. J’aime le style très subtil de cette belle maison de Bourgogne.

Le Savigny-lès-Beaune La Bataillère aux Vergelesses 1er Cru Albert Morot 2005 cohabite très bien avec le 2002, accompagnant le riche et copieux lèvre. Il est plus affirmé que le Gevrey, dont le style me plait plus.

Le Château La Marzelle Saint-Emilion 2005 est d’une trame plus dense que les bourgognes. Il est parfait pour les fromages.

Le choix de vins de notre ami a été très pertinent. Nous sommes allés ensuite visiter le musée Magritte. La majorité de nos amis restaient le soir pour un concert. Nous étions deux à nous éclipser pour rentrer à Paris après de belles agapes.

DSC00118

DSC00113 DSC00111

DSC00117 DSC00128 DSC00127 DSC00115 DSC00116 DSC00114

DSC00120 DSC00125 DSC00126

DEJ BRUXELLES 2043  141219 001

on ne peut pas photographier la collection Magritte, mais les bâtiments magnifiques oui :

DSC00130 DSC00131 DSC00132 DSC00133

Champagnes avant Noël avec mon fils lundi, 22 décembre 2014

Mon fils va repartir demain. On ne va pas se quitter sans trinquer à Noël que nous ne passerons pas ensemble. J’essaie d’ouvrir un Champagne Salon 1996 mais je n’y arrive pas. Avec un casse-noisette, la bouteille tourne, mais le champagne reste dans la même position, le bouchon glissant sur les dents de la pince. Avec un deuxième casse-noisette, le bouchon tourne mais ne veut pas remonter. Au bout de cinq minutes de ce petit jeu, je vois enfin le bouchon qui remonte. Ma peur qu’il ne se casse m’oblige à aller doucement. Comme ce n’est pas la première fois, force est de constater que le champagne Salon se mérite ! La couleur est claire, la bulle est fine et active. Le parfum est de bon aloi, généreux. La bouche est un régal. Ce qui frappe immédiatement, c’est que le champagne est d’une complexité extrême et en même temps d’un remarquable confort. Il se boit bien. Par un phénomène étrange, mon fils et ma femme trouvent, sans s’être concertés, que le champagne sent la tarte Tatin alors que je suis incapable de trouver ce parfum, même quand on me l’a dit. Je suis plutôt dans des allusions florales, de fleurs blanches ainsi que des noisettes. Peu importe. Ce qui compte c’est que ce champagne est grandiose, puissant et glorieux.

Comme nous l’avons honoré à un rythme soutenu, il est remplacé par un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1998. Ce champagne que j’adore est toujours aussi rassurant, solide et carré. Mais il a du mal à passer après le Salon si guerrier. Cela ne le dessert en rien. L’important était de finir l’année avec mon fils avant son départ par deux champagnes que j’aime. La chaleur de notre affection est mon cadeau de Noël.

On voit bien la différence de forme entre les deux bouchons, celui de Salon est beaucoup plus long. Trop long ?

2014-12-18 21.00.412014-12-18 20.50.46

2014-12-18 22.12.04 2014-12-18 22.07.13

2014-12-18 22.00.54

les deux champagnes vont délicieusement bien avec le foie gras

2014-12-18 20.33.22 2014-12-18 22.03.33

Canon La Gaffelière 1961 lundi, 22 décembre 2014

Ma fille s’est fait voler son sac. Il suffit de peu de choses pour gripper beaucoup de mécaniques qui paraissent huilées. Elle nous dépose ses enfants pour s’occuper de mille et une démarches demain. Elle reste à dîner. Je descends en cave et je vois une bouteille dont on devine le nom d’un vin que j’apprécie. La capsule a été découpée pour qu’on puisse lire l’année sur le bouchon mais la lumière est faible en cave. J’adore prendre des risques mais je sais que de ce vin j’ai de bonnes années. Le niveau est entre haute et mi épaule. Je remonte la bouteille et une lampe forte me confirme que j’ai eu de la chance. Il s’agit de Château Canon La Gaffelière Saint-Emilion 1961.

Dès l’ouverture, le parfum est riche, dense, figurant un vin d’une trame forte. En bouche, le vin est velouté. Il est riche, évoque la truffe, le graphite, et sa trame est très dense. C’est un vin charpenté. Ce qui me fascine, c’est l’équilibre de ce vin qui profite de l’année immense qu’est 1961. Velours et équilibre sont les mots qui conviennent le mieux à ce grand vin.

DSC00143 DSC00151

DSC00141 DSC00146 DSC00148 DSC00149

Déjeuner dominical en famille dimanche, 14 décembre 2014

Déjeuner dominical avec mon fils de passage en France et ma fille cadette. Les vins sont choisis au dernier moment, à l’impulsion. Quand je descends dans la cave, une bouteille de vin rouge me donne envie de l’essayer. Pour le champagne le choix se fait sur ce qui est au frais.

L’apéritif permet de comparer un Pata Negra avec de fines tranches de black Angus. C’est l’espagnol qui gagne par un supplément de charme. Le repas commence par deux harengs de la Baltique, l’un mariné, l’autre avec une sauce lourde au curry. Il se poursuit par un poulet rôti, du fromage et une reine de Saba, véritable institution familiale pour les fêtes et anniversaires. Dans notre calendrier familial, il y a toujours quelque chose à fêter.

Le Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle
est très probablement des années 70. Le bouchon est très serré et tourne difficilement sans remonter. Lorsqu’après bien des efforts il sort, le pschitt paraît faible. Mais en versant le champagne on constate la force de la bulle. Le couleur est d’un or clair. Le parfum du champagne est d’un charme incroyable. Il joue sur l’élégance. Je sens des zestes d’agrumes, mais suggérés, ainsi que des noisettes discrètes. En bouche, ce qui frappe, c’est la fluidité et l’envie de l’avaler goulûment. C’est un champagne de divine soif. Il évoque des fleurs comme le lilas, des fruits frais de printemps, mais il est en même temps vineux, incisif, claquant en bouche. C’est un très grand champagne qui réagit bien aux deux charcuteries. Pour le hareng mariné, il est exclu, mais se rattrape sur le curry du deuxième hareng. Par certains aspects, il est très proche du Salon 1964 bu il y a deux jours, dans les évocations de fleurs roses.

Le Château Haut-Brion 1981
m’a donné envie de l’essayer pour voir ce que donne cette année 1981 qui n’a pas été encensée par la critique vinique, mais qui s’est révélée gratifiante lors des essais récents de vins de Bordeaux. Le parfum à l’ouverture est d’une richesse surprenante. Ce parfum est pénétrant. En bouche ce qui frappe immédiatement c’est la lourdeur de plomb des saveurs. Comme le nez, la bouche est pénétrante, riche, envahissante. Qui dirait qu’il s’agit d’un 1981 ? Ce que je ressens, c’est la truffe, le charbon, et la pesanteur du grain très fin et très dense de ce vin. Il n’a plus de fruit, il a de la truffe et du cigare. Nous nous régalons avec ce vin qui n’a peut-être pas le flamboyant d’une plus grande année, mais a une charpente et une densité imposantes. Comme quoi, même ouvert au dernier moment, un vin de 33 ans peut briller.

DSC09840 DSC09841 DSC09831 DSC09830

le haut du bouchon du 1981 est particulièrement propre. Mais le bouchon s’est brisé et il a fallu deux tirebouchons pour tirer la totalité

DSC09828 DSC09825 DSC09827