Archives de catégorie : dîners ou repas privés

dégustation de Châteauneuf-du-Pape à Mechelen (Belgique) mardi, 30 janvier 2007

Voici les photos de l’un des participants de ce dîner :

http://www.pixagogo.be/7870934100

Voici mon compte rendu :

Un habitué du forum de Robert Parker lance l’idée d’un dîner avec de vieux Châteauneuf-du-Pape. L’idée m’excite. Nous échangeons des mails. Je sais que je vais rencontrer deux ou trois personnes qui assistaient au très agréable dîner organisé à Anvers où j’avais apporté un Chypre 1845. Les mails s’échangent. Je ne lis pas beaucoup toutes ces mises au point. Je capte au passage un mail où l’un des participants annonce un vin du 19ème siècle dont il ne veut pas dévoiler le nom. Tout cela sent bon.

En fait, la notion de « vieux » n’est pas la même pour tout le monde, et celui qui avait proposé une bouteille du 19ème siècle ne vint pas. La définition n’était plus la même. Ce qui n’empêcha pas que je passe une bien agréable soirée avec des passionnés.

Arrivant en avance, j’ouvre les vins dans le restaurant Folliez à Mechelen au nord de Bruxelles, restaurant à la délicieuse décoration comme seuls les belges savent le faire, et doté d’une étoile Michelin qui sera confirmée dans l’assiette intelligente.

Nous démarrons par le champagne Dom Pérignon 1998 qui est parfait, fait de fleurs et fruits frais. Le Condrieu La Bonnette Rostaing 2005 est fait d’épices, de bacon, de litchi et de légume vert sec comme l’artichaut. Le Condrieu Les Terrasses de l’Empire de Georges Vernay 2005 est plus souple, doté d’une fin poivrée. Il est très différent, et sent la fleur d’oranger. Le Rostaing est plus brutal, le Vernay plus fluide. Je préfère le plus brutal mais le fluide est joli. Le Vernay s’ouvre sur le thon presque cru, s’épanouit. Ce sont deux grands vins à qui un peu d’âge ira bien.

Nous avons ensuite des rouges par séries de trois. Un Châteauneuf-du-Pape Arthur Barolet négociant à Beaune 1979, un Châteauneuf-du-Pape Raymond Usseglio 1986 et un Châteauneuf-du-Pape Château de la Gardine 1973. Le 1986 a un nez de pétrole. Le 1979 fait bourguignon ancien, avec des pruneaux, des fruits rouges brûlés. Son alcool est fort. Le 1973 que j’ai apporté est déjà un vin ancien. Je l’aime beaucoup sur le flétan. Je classe en tête le 1979, puis le 1973 et enfin le 1986 dans cette série peu convaincante.

Viennent ensuite un Châteauneuf-du-Pape La Bernardine Chapoutier vers 1960 (année illisible), le Châteauneuf-du-Pape J. Mommessin 1933 que j’ai apporté (il s’agit de la maison bourguignonne fondée en 1865, célèbre pour son Clos de Tart) et un Châteauneuf-du-Pape Domaine de Beaucastel rouge 1954 dont la bouteille soufflée à la main et lourde est très ancienne. Le Chapoutier est très beau. Toute cette série est vraiment très belle. On attend très longtemps que le plat arrive, et le 1933 est éblouissant, nettement plus jeune que le 1954. Son niveau parfait et son bouchon remarquablement intact impressionnent mes convives.

Nous avons ensuite trois Châteauneuf-du-Pape Clos des Papes, le 1988, le 1983 et le 1985. Le 1988 est un peu strict, limité, sévère. Le 1983 est brillant. Le 1985 est entre les deux, puis me plait plus. Les trois sont assez âpres, au goût de poivre et de tabac. Ils représentent le Châteauneuf-du-Pape dans sa maturité.

Nous suivons avec trois Châteauneuf-du-Pape Domaine du Pégau Cuvée Laurence, le 1983, le 1995 et le 2001. Ce Châteauneuf-du-Pape est extrêmement célèbre et à la mode sur tous les forums. J’avais eu extrêmement de mal avec son da Capo 2003, vraiment loin de tout vin habituel. La densité du 1983 est superbe. C’est beau, dense, franc, fait de poivre, de cassis, de tabac et de bois. Le 1995 est strictement identique avec simplement un peu plus de fruit rouge. Le 2001 est une promesse de grand vin, mais pour mon palais, c’est encore trop jeune. Le 1983 est éblouissant sur la viande de veau.

La dernière série est : Châteauneuf-du-Pape Bonneau 1996, Châteauneuf-du-Pape Beaucastel 1989 et Châteauneuf-du-Pape Clos du Caillou 1998. Le 1996 est un peu coincé, le 1989 n’est pas encore ouvert et le 1998 est magnifique, d’une structure précise. C’est un beau vin. Quand le 1989 s’ouvre, il prend le pas sur les deux autres. Je fais mon classement et l’un des convives demande qu’on fasse notre tiercé.

Le 1933 Mommessin obtient 3 places de premier, 2 places de second et 2 places de troisième. Le 2001 Pegau emporte 3 places de premier et 1 place de troisième. Le 1983 Pégau reçoit 1 place de premier, 2 places de second et 2 places de troisième. Le 1989 Beaucastel gagne 1 place de premier, 1 place de second et 1 place de troisième. Le classement final des huit convives dont deux britanniques, cinq belges et un français est : Mommessin 1933, 2001 Pégau et 1983 Pégau. Je suis assez content que mon vin, le plus ancien de la soirée, ait été apprécié par des palais plus enclins à boire des vins jeunes, et placé en vainqueur. Le plus ancien et le plus jeune ont été couronnés. Une belle prestation de vins de Châteauneuf-du-Pape de grand talent qui démentrent qu’ils savent braver le temps. On était loinde ma définition des vins « vieux ». L’ambiance fut amicale, décontractée, sans étalage d’érudition. Une soirée épuisante, car il me fallait rentrer à Paris, mais réussie, dans un restaurant qui mérite le détour.

J’ajouterai deux remarques : le Mommessin 1933 plaisait tellement à tous que nous avons dit, à titre de plaisanterie : "il doit y avoir du bourgogne dans ce Chateauneuf pour qu’il soit si bon !", ce qui est amusant, car à l’époque, les baptêmes se faisaient plutôt dans l’autre sens. Et la deuxième est que je pensais que dans l’engouement pour Pégau, il y avait un peu un effet de mode ou un effet Parker. Or, si un 1983 est aussi bon, c’est la preuve irréfutable que ce domaine a une grande valeur, au delà des effets de mode. Et ça m’a plu.

de beaux vins en famille samedi, 27 janvier 2007

Nous allons déjeuner chez ma fille cadette. Le niveau des vins est sérieux. Un Château Laville Haut-Brion 1979 est absolument serein. L’image qui me vient en goûtant ce plaisir si naturel, c’est l’échauffement de champions de tennis. Sans le moindre mouvement apparent ils sont sur la balle, la propulsent avec force sans avoir l’air d’y toucher, et elle arrive là où il faut pour que le futur adversaire enchaîne dans une belle fluidité. Le Laville c’est ça. Il a du citronné, il a du miel et du beurré, et ça s’emboîte comme par magie. Qu’on lui présente du parmesan, du jambon espagnol ou du céleri, il est là, et renvoie des goûts qui font mouche. Le Château Léoville Poyferré 1967 est beaucoup moins détendu. Il arrive assez froid, tendu, et il faut la belle chair de la lotte aux morilles pour qu’il prenne des couleurs et devienne sociable. Il devient confortable, plaisant, sans grande complexité. Le Château Gilette crème de tête 1982 est le croupier du casino : tout passe par lui et il ramasse la mise. Malgré sa jeunesse il a une belle assise, et comble joyeusement nos papilles. Le lendemain mon fils vient déjeuner. Nous descendons en cave pour dénicher des vins qu’il faudrait boire. Un Corton Charlemagne Paul Bouchard 1971 a mauvaise mine. Malheur, le bouchon est tombé dans le vin. Anormal pour un 1971. Notre esprit de sacrifice cesse en voyant une bouteille de Vega Sicilia Unico 1991 que j’avais oublié de ranger. Elle n’était pas en casier. Elle n’ira pas.

Nous goûtons le Corton Charlemagne très foncé, et pendant quatre à cinq secondes, c’est assez plaisant. Puis c’est horrible. Nous n’irons pas plus loin que deux gorgées, la deuxième pour vérifier. C’est trop tard. Sur un filet de biche, le vin espagnol est éblouissant. De belles évocations nous viennent. Mon fils pense à la violette. Je vois des fruits rouges pâles comme la framboise ou la groseille. Ce vin est naturel, franc, simple dans l’expression, étonnamment porteur de bonheur. Il a la finesse des grands vins de Bordeaux et le sourire ensoleillé des grands vins du Rhône. C’est peut-être une synthèse parfaite des vins de plaisir. L’accord avec la biche est extraordinaire, car le vin s’amuse à imiter les petites baies de montagne qu’on ajoute parfois à cette chair. Nous nous regardions, mon fils et moi, conscients de la grandeur de ce vin quasiment idéal.

My friend Steve makes a great dinner lundi, 22 janvier 2007

My friend Steve will come to meet me in Paris for a great dinner.

We met last year once in Paris and once in San Francisco. See reports by clicking on :

dîner Paris

dîner San Francisco

Another friend sent me an email about one fabulous dinner that Steve organised on Januray 20th. I do not resist to the pleasure of letting you know how it was :

Last night four people joined Steve Wolking for a dinner he hosted in San Francisco. The five of us met at the same hotel, where we dined with you last May (2006). Your name was mentioned, many times throughout the evening, François. This evening was so full of surprises we all told Steve that we are expecting François to appear to us as the crescendo of all crescendos. As you know, you did not appear to us, yesterday evening, in human form, but the mysteries of life were so revealed that we believe that the angel Gabriel might have presented himself to us and given the message, from the One above. I say this remark as by the end of the evening we were kneeling reverently with the utmost of humility.
 
Your friend, Steve Wolking, present one bottle at a time and did not tell us (not producer, region, vintage, grape varietal) what it was until after we enjoyed the wine with a coarse of very fine cuisine. The chef, for the evening, was from Hamburg and understood what was necessary in his role. He understood what great chefs rarely realize and I can say that not a single dish interfered with the wines we enjoyed, double blind. Yes double blind throughout the meal. Steve compelled us to sip and enjoy each wine. We could make guesses for the wine after enjoing them for awhile. So four out of five could first sip, think and enjoy the experience. No comments about the wine were made aloud. The music played for each wine and its course and toward the end of each course our thoughts were requested as to what we thought was in the glass. This method was torturous, in a way, but the wines were so magnificent it was an unusual thrill. 
 
There were ten bottles (750 ml) in total. Normally, this would be too much wine. Three smaller glasses where also shared with our private sommelier (the Chinese-American gentleman sommelier you met in May) and the chef and in-house sommelier.
 
The cuisine: hors d’ouerves — Cavier, smoked salmon, oysters; With the courses: hokaido scallop crudo with white asparagus and blood orange salad; pan-seared foie gras with cippolino onions and cherry confit; veal loin with sweetbread croquette and a natural veal reduction; roasted rack of venison with beet spaetzle; stuffed lamb saddle with Israeli couscous; beef zauton and braised kobe beef shortribs with smoked potato puree and daikon redish jus. Blue d’auvergine for the cheese course.
 
The wines:
 
1979 Krug then 1959 Krug
1959 Ygrec
1924 Vouvray Gaston Huet Le Haut-Lieu
1974 Chateau Lafite Rothschild
1949 Chateau Lafite Rothschild
1924 Chateau Lafite Rothschild
1899 Chateau Lafite Rothschild
1874 Chateau Lafite Rothschild
1924 Yquem
 
The Krugs were as you would know them to be. I guessed the first champagne correctly and correctly guess the year of the 1959 Krug, given its color and weightiness. I do not believe in the quick guesses as the wines take time to show themselves as they are from the terroir. A great start as I love Krug with great intimacy.
 
The Ygrec 1959 was an enigma. It was flora and petrolly on the nose. It was sweet, no wait, it is dry. It was complex with all sorts of nuances that would not end. It was elegant and balanced and galloped with perfection with a multitudes of fruitiness. What a lovely wine. It was magic itself and I could have gone home, at this point, "happy as a clam". We had scallops, so maybe I should say happy as a scallop. When it was time to say what this wine was we thought about German riesling, but said, "no". Alsatian…not from Steve. Dry Sauternes we guessed, but went no further.
 
Steve Started with the 1974 Lafite because this wine was produced during the "low-point" in Bordeaux. We had this wine alone. What we found was a well balanced, nicely fruited wine. It was not dry-out, but offered a nice pleasure. A great luncheon claret that did not show its age of 33 years. It would be great with a cold lamb sandwich with grilled onions and grilled red bell peppers. This wine was used as a launching pad into a realm of Lafite none of us expected as our group shuns these verticals. From this point, Steve goes back every 25 years to reveal Lafite over a 100 year period. It was an highly intellectual, highly hedonistic as the wines were superb, every last one.
 
The 1949 and 1924 Lafites showed very well. These wines were regal and very complete — the 24 was concentrated and dense, the 49 a little lighter in taste and a little sweeter than the 24. I am sure you have enjoyed both these wines. What made the experience so nice the match with the cuisine.
 
When the 1899 was enjoyed, and the next wine was to follow. We did not imagine Steve would pull out another, older wine. By the time this unkonown wine was poured in each person’s glass we were exhausted playing Steve’s adventuresome game. We were overwhelmed with the shear pleasure of these wines and could not imagine where he would go from an 1899 Lafite. Would he pull out another Lafite? It must be a younger wine or a fragile vintage not an older wine.
 
The 1899 and 1874 Lafites were unreal and unbelievably fresh. As great as the 1949 and 1924 were the last two wines towered over them.  The 1899 and 1874 was simply more of everything, compared to the two younger Lafites. They had an unimaginable vibrancy and were both plush and precise, with great minerality. In the mouth these wines were like liquid cashmere. Even still, the 1874 was denser, sweeter, rounder and more fragrant. Could this be due to it was a pre-phylloxera vintage? I do not know.
 
All I could do was enjoy the experience and stop thinking — I was simply experiencing a remarkable moment amongst friends.
 
The Yquem 1924 was marvelous. This was a rather sweet wine with great fruit and complexity. It was glorious.
 
What a great Saturday evening.
 
I hope you are well François!
 
James

People live well on the Pacific Coast !

Romanée Saint-Vivant Marey-Monge 1972 dimanche, 21 janvier 2007

Voici l’étiquette et la contre étiquette de cette Romanée Saint-Vivant Marey-Monge Domaine de la Romanée Conti 1972.

D’abord, c’est la première fois que je fais attention à cette mention « Marey-Monge », dont une description est donnée ci-après.

Ce qu’on remarque sur l’étiquette, c’est que la signature est de Lalou Leroy Bize et de Aubert de Villaine. Sur la contre étiquette, c’est H. de Villaine qui signe, de la même écriture, et le H et le A ne peuvent être confondus. Henri certifie 20.772 bouteilles, comme Aubert signe qu’il y en a eu 20.772. Celle que nous buvons ce soir a le n° 07896.

Plusieurs choses sont étranges. D’abord la bouteille est bleue comme les bouteilles de guerre. C’est probablement une bouteille récupérée. Ensuite, l’étiquette au dos est en anglais, et dit : « I certify that the vineyards and the wine cellars of the Domaine Marey-Monge have operated under my control in the 1972 vintage and produced 20.772 bottles Romanée-St-Vivant Grand Cru red wine bottles at the Domaine ». Et c’est signé H. de Villaine avec strictement le même graphisme que pour Aubert (qui n’a pris les rênes après son père qu’en 1974).

Pour rendre les choses encore plus simples, voici une autre étiquette du même vin : étiquette

Le niveau de la bouteille est bas. Quand j’ouvre la capsule, le haut du bouchon a une odeur épouvantable. Le bouchon a baissé dans le goulot, et je suis obligé de piquer doucement pour qu’il ne tombe pas. Il tourne dans le goulot sous mes efforts. Je retire un bouchon en lambeaux comme s’il s’agissait d’un vin des années 30. Ce vieillissement tout à fait anormal est-il dû au fait que la bouteille serait allée à l’étranger, y aurait subi des traumatismes thermiques, et serait revenue en France pour y trouver un client naïf ?

Le premier contact est intéressant, car c’est une bouteille que tout le monde refuserait. Mais mon fils et moi, nous avons l’habitude. Et sous le voile de défauts, nous savons lire. Et l’on peut deviner que ce vin a un fort potentiel. Nous sommes dans la même situation que le touriste qui voit le viaduc de Millau dans sa voiture sous la pluie. On sait que c’est beau, mais le pare-brise est mouillé. Alors, on imagine. Et ce qu’on imagine est grand. J’ai eu peur d’un début d’évanouissement du vin (ouvert depuis trop peu de temps) aux deux tiers de la bouteille. Tout est reparti dans l’ordre et le fond de bouteille m’a donné le plaisir d’un grand vin virtuel, puisque seule l’imagination permettait d’en jouir.

Voici le texte que j’ai trouvé sur « Marey-Monge ».

Le monastère de Saint Vivant occupe une place importante dans l’histoire de la vigne et du vin. Il en est de même du chapitre collégial de Saint-Denis, à quelques centaines de mètres du monastère sur la colline de Vergy : il est notamment à l’origine du Clos Saint-Denis à Morey Saint-Denis.

Saint Vivant reçoit du duc de Bourgogne Hugues 11, le 13 novembre 1131, les biens qu’il possédait dans toute la terre inculte de Flagey et de Vosne, en bois et en champs. S’agit-il de la confirmation des donations antérieures de Manassès et d’Ermengeard ? Peut-être. Ce finage semble être resté auparavant dans un état d’abandon. Au nord, l’expansion des communautés religieuses ne dépasse guère Gevrey-Chambertin. L’abbaye de Cîteaux est fondée en 1098 et elle prend pied aussitôt dans la Côte (le futur Clos de Vougeot en particulier). Il est probable que Cluny souhaite affirmer sa présence face à cette vague conquérante.

L’histoire de Saint Vivant sera liée pendant quelque 650 ans à celle du vignoble de Vosne-Romanée, à celle de ses terroirs et de ses crus, à celle du pinot noir. Ce domaine demeure assez stable en superficie au fil du temps et les acquisitions ou échanges seront peu nombreux après 1131. Il existe ici la maison du prieur, des installations viti-vinicoles-cuverie et caves, le vendangeoir qui subsiste aujourd’hui encore rue du Temps perdu – auprès des " Cloux de Saint Vivant " (Cloux signifiant Clos, mais ce concept signifie en Bourgogne et au Moyen Age une entité foncière qui n’est pas nécessairement ceinte de murs).

On sait qu’au début du XVI’ siècle Saint Vivant possède ici, outre quelques pièces de vigne éparses sur Vosne et Flagey, le Clos des Neuf Journaux, le Clos du Moytan (cinq journaux), le Clos des Quatre journaux et le Clos des Cinq journaux. Le journal est une unité de superficie (34 ares environ). Le Clos des Cinq journaux, cédé en 1584, deviendra La Romanée-Conti.

La Romanée de Saint Vivant (ce nom apparaît pour la première fois en 1765, mais était d’usage sans doute courant depuis longtemps) forme une seule pièce de dix-huit journaux (les anciens Clos du Moytan, des Neuf Journaux et des Quatre journaux) vendue par la Nation (les " Biens nationaux ") le 22 janvier 1791 à Nicolas Joseph Marey, conventionnel nuiton et gendre de Gaspard Monge. Le Clos des Quatre journaux sera acquis en 1898 par la famille Latour. D’autres divisions ont lieu mais La Romanée Saint Vivant conserve son unité de grand cru. Monopole Marey-Monge jusqu’en 1898, elle appartient de nos jours à une douzaine de domaines bourguignons, sur 9 ha 43 a 74 ca, dont 5 ha 28 a 58 ca ainsi que le vendangeoir appartiennent au Domaine de la Romanée-Conti, pour une production totale de 35.000 à 40.000 bouteilles par an.

Le monastère de Saint Vivant valorisait sa Romanée que l’on trouve citée aux côtés des Chambertin, Richebourg et Clos de Vougeot sur le livre de cave de Louis XVI à la fin du XVIlI° siècle. En revanche, l’anecdote de ce vin prescrit par Fagon à Louis XIV est dépourvue de fondement historique. Saint Vivant possédait d’autres vignes, notamment dans les Hautes Côtes, les vinifiant au monastère qui disposait d’un pressoir et de vastes caves. Ces caves du monastère à Vergy ont encore servi au XII siècle, malgré l’abandon des bâtiments. La Maison Liger-Belair y élevait ses vins, estimant qu’ils vieillissaient en paix sur la colline plutôt qu’à Nuits-Saint-Georges dans le bruit incessant des… voitures tirées alors par des chevaux, On a recueilli les souvenirs d’un vieux vigneron de Bévy, Emile Devedeux né en 1888. Mon grand-père, disait-il, était le jardinier des moines de Saint Vivant.

Quand ils sont partis, à la Révolution, ils lui ont dit Tiens, si on ne revient pas, tout cela est à toi. Mais d’autres sont venus et on a tout vendu..

jolie histoire de ce « Marey-Monge » vinifié et vieilli à la Romanée Conti

Un champagne Salon 1982 absolument fantastique mardi, 16 janvier 2007

De plus en plus, je considère le restaurant Ledoyen, le trois étoiles de Christian Le Squer comme l’une des grandes tables de Paris. Devant organiser le 81ème dîner de wine-dinners à cet endroit pour la deuxième fois, j’ai trouvé de mon devoir, suivant mon esprit de sacrifice, d’aller goûter quelques plats pour vérifier l’adéquation avec les vins prévus. Et, considérant que mon sens du devoir nécessitait une abnégation totale, je choisis dans la carte des vins : champagne Salon 1982, l’une des plus grandes réussites de Salon.

Les petits amuse-bouche plantent le décor du talent du lieu. Ici l’on est marin, breton et raffiné. Cela permet à un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1995 offert par Géraud au verre de briller et de s’exciter de ces saveurs marines et terriennes. Les plats que mon épouse et moi avons pris ce jour là ne furent pas choisis pour les vins du dîner prochain, mais me remirent en mémoire le talent du chef. Sa langoustine en deux préparations est exceptionnellement bien cuite, ni trop ni trop peu, et son anguille est chaque fois pour moi un vrai bonheur. Les oursins que je goûtai dans l’assiette de ma femme sont éblouissants sur le Salon 1982, qui est un champagne d’une formidable personnalité. Il se présente poliment, et m’annonce comme dans le film « les visiteurs du soir », qu’il s’invite dans mon palais qu’il va investir et dominer. Le message est réellement envahisseur. Il sait accepter un plat ou le combattre, coupe la parole à toutes mes sensations. C’est à peu près Georges Marchais acceptant de participer à un dialogue à la condition d’être le seul à parler. Conquis, j’ai cédé à son invasion et à son incursion dans mon subconscient. Il m’a totalement dominé.

La Mission Haut-Brion 1988 très réussi dimanche, 7 janvier 2007

Nous rendons visite à des amis partenaires de belote. Un magnum de Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle est une bonne entrée en matières. Il est certain que le format du magnum donne à ce grand champagne une personnalité affirmée et un charme certain.

Sur un joli buffet aux saveurs variées, je suis stupéfait de la qualité de La Mission Haut-Brion 1988. Le nez est superbe, indiquant la noble race. En bouche je sens des fruits rouges et un charme rare. Je suis très surpris qu’un 1988 puisse atteindre cette qualité.

Par comparaison, un aimable Giscours 1985, vin fort agréable, ne résiste pas, aussi c’est très vite que l’on revient à une nouvelle bouteille de Mission Haut-Brion 1988.

Un champagne Dom Ruinart rosé 1990 est un dessert à lui tout seul. Il chante dans le verre. Il s’est amusé de diverses expressions de dessert et confirmé que 1990 a été particulièrement réussi.

Je n’étais pas du camp des gagnants à la belote. L’important était à table et dans nos verres.

La Tâche1986 finit ces quatre jours de plaisir gastronomique lundi, 1 janvier 2007

J’avais prévu qu’un nouveau repas marque le premier janvier. Mais nous avions démarré très tôt les festivités, aussi la lassitude nous gagne. Nous finissons les truffes blanches avec des tagliatelles et les vins de la veille. Les vins sont toujours aussi brillants, l’Yquem restant absolument impérial. Le soir un agneau de Sisteron à l’ail et au thym, accompagné d’une purée Robuchon et d’une purée de céleri mit en valeur La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986. Ce vin d’une construction solide est serein. On se sent bien avec lui. Mon ami l’adore. Voilà une belle façon de conclure quatre jours de plaisir gastronomique.

Réveillon : devant des vins de légende, c’est encore Yquem qui gagne dimanche, 31 décembre 2006

ce n’est pas une mappemonde !

Le réveillon qui commence ne peut pas ignorer que notre ami a apporté une montagne de caviar beluga royal. Le reste du magnum de Salon 1995 permet de se préparer la bouche. La bulle n’a pas survécu mais le goût est intense. Quand arrive le champagne Salon 1969 nous prenons conscience que nous grimpons de plus de trois étages avec ce vin exceptionnel. Le caviar est mangé pur à la cuiller. Pour certains c’est de la crème ou du pain beurre qui s’ajoute. Mais tout le monde revient forcément au caviar pur sur le Salon 1969 à la noblesse imposante. Le caviar est seigneurial. Sa salinité est d’une exactitude unique. Le Salon est vineux et sait résister à l’hypnotisme du caviar.

Le reste du caviar est « tartiné » sur des fines tranches de coquilles Saint-jacques crues pour accompagner un Château Haut-Brion blanc 1966. Tous ceux qui aiment juger un vin pour sa valeur intrinsèque resteront sur leur faim, car par un mécanisme rare dont j’aime être le témoin ou l’auteur, le Haut-Brion capte complètement les saveurs de la coquille et du caviar. Il n’est plus un récepteur neutre mais un miroir parabolique tourné vers la coquille. Il s’approprie le sucré de la Saint-jacques, et délivre des saveurs d’un équilibre inatteignable. Ce vin ne pourrait pas être le même sur un autre plat. Il effectue une synthèse du plat et nous propulse à des hauteurs infinies.

Le rôti de biche est cuit pour lui-même, dans son sang. Le sang est repris pour être mêlé à des copeaux de truffe noire. Une purée à la Robuchon adoucit le palais. Là-dessus, le Chambertin Grand Cru Armand Rousseau 1999 est judicieux. Je le sens un peu torréfié, un peu café. Il y a du fruit, un bois discret, mais surtout une belle mâche. Ce vin est d’une précision rare. C’est un « vrai » chambertin. Avec la biche, c’est un bonheur.

Sur un deuxième service de biche et une réduction de truffes un peu plus sanguine, un Ermitage Chave cuvée Cathelin 1998 ajoute un peu de puissance. On gagne en pétulance. Mais si le Chave parait plus naturellement doué, je n’opposerais jamais les deux vins car ils représentent deux formes de vins qui réjouissent le palais. Je n’avais jamais bu aucune de ces deux icônes. C’est pour mon ami qu’il fallait faire cette découverte. Nous avions devant nous ce qui se fait de mieux dans le domaine des vins de référence, explosant de jeunesse.

Le dessert est composé de deux assiettes. L’une, de tranches de mangues poêlées, l’autre de quartiers de pamplemousse rose poêlés aussi. Le Château d’Yquem 1948 au niveau dans le goulot a un bouchon d’origine, ce qui me comble d’aise. La couleur est d’un or marron d’une rare pureté. Le nez est tout simplement de pamplemousse. Et en bouche, il écrase de sa perfection tous les vins qui précédent, quel que soit leur talent ou leur pedigree. J’ai eu la chance de me souvenir d’une promesse que je m’étais faite. Nous avons un kumquat dans le jardin. Je suis allé prélever quelques fruits. L’accord avec l’Yquem est irréellement beau. L’Yquem s’accorde d’abord avec le kumquat, puis le pamplemousse. La mangue ne vient qu’après.

Je voulais pour mon ami des vins extrêmement difficiles à trouver. Comment les classer ? Mon vote est : Yquem 1948, Haut-Brion blanc 1966, Ermitage Chave 1998, Chambertin Rousseau 1999 et Salon 1969. Le Salon à la complexité folle faisait trop bon élève pour que je le classe au plus haut niveau. A dire vrai, son côté militaire l’orienterait vers des plats de cuisine guerrière plus que sur le caviar. L’accord le plus sublime est celui du Haut-brion blanc avec les coquilles Saint-jacques crues. Il est suivi de peu par la sauce aux truffes avec le Chave Cathelin et par la peau des kumquats avec l’Yquem 1948. L’année 2006 finit bien et l’année 2007 commence bien. Mets et vins nous donnent l’envie – s’il en était besoin – de faire de 2007 une année rare.

magnum de Salon 1995 samedi, 30 décembre 2006

Le soir, quelques fines lamelles de poutargue pour se préparer la bouche, et j’ouvre un magnum de Salon 1995. Ouvrir un magnum de Salon est quelque chose qui ne me laisse pas indifférent. Ce champagne de très petite production, qui est massivement exporté, est très peu représenté en France. Un magnum est donc aussi émouvant que la pièce rare d’un collectionneur de timbres, qui le prend en main avec les plus grandes précautions. Nous commençons le dîner avec une soupe épaisse de lentilles où baignent de larges copeaux de truffe blanche. Et l’accord est subtil avec ce champagne très droit, direct, vineux, pur, tranchant. Vient ensuite un classique de mon épouse, adopté d’une recette du prince de la truffe, Bruno, la pomme de terre à la crème, couverte de truffes noires en lamelles. Le goût de ce plat est un hommage à la melanosporum. Et le champagne Salon chante à son contact, permettant à la truffe de prolonger sa trace en bouche à l’infini. Ce Salon 1995 a encore de belles années devant lui pour s’arrondir et se typer. Il est encore dans une phase « d’apprentissage » de sa trace dans l’histoire. De petites mignardises permirent de finir le magnum qui est décidément un format idéal pour savourer un champagne.