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Dîner de wine-dinners au Carré des Feuillants jeudi, 19 septembre 2002

Par une fort belle journée d’automne, wine-dinners faisait sa rentrée le jour où s’ouvrait la Biennale des antiquaires. Occasion de relativiser les choses humaines : quelques centimètres de toile ou quelques petits cailloux transparents valent le travail de plusieurs vies. Peu soucieuse de ces considérations métaphysiques, la France profonde, celle de nos plus belles provinces chargées d’histoire, celle que le Gouvernement d’en bas veut mettre en avant avait décidé de venir en force au Carré des Feuillants. Onze convives dont trois jolies femmes étaient décidés à succomber au talent d’Alain Dutournier qui avait prévu de nous faire accomplir un étonnant et merveilleux voyage :
Amuse-bouches, petite friture, Gambas en salade « minute », billes de melon dans leur chutney, Homard breton, fenouil et amandes en escabèche, Fraîcheurs du jardin, pince en bouillon glacé au lait d’amande, Dos de Bar moucheté en fine croûte citronnée, Fricassée de girolles et févettes, Les premiers cèpes marinés, le chapeau poêlé, Et le pied en petit pâté chaud. Canette de Challans flanquée de foie gras caramélisé, Le filet poêlé, la peau laquée, la cuisse compotée en rouleau croustillant Quelques vieux fromages du moment, La pêche dans tous ses états, rôtie au poivre, glacée à l’eau de rose, Macérée au marasquin et accompagnée de blanc-manger.
Quel programme ! Plaisir esthétique, car les assiettes sont ordonnancées avec recherche, maîtrise des techniques, quelques belles inventions et une recherche de beaux accords. Un enchantement. Pour prévoir d’éventuels retards, un Laurent Perrier rosé dont le bouchon et le goût donnaient 15 à 18 ans d’age. Bien équilibré, déjà bien accompli, c’est un champagne d’agrément, très rassurant. Tel n’était pas le cas du Krug 79 qui allait troubler plus d’un convive. Une force vineuse imposante, la puissance qui rebondit sur la belle bulle, et cet ajout énigmatique du début de madérisation que j’aime tout particulièrement. Je fus le seul à le mettre dans mon tiercé.
Le Bâtard-Montrachet Albert Morey 1986 est un Bâtard caractéristique. Il impressionne par sa structure solide. C’est élégant comme un Bâtard sait l’être, et aussi très fort. Le Puligny-Montrachet Clos de la Mouchère, Nicolas 1980 allait offrir une des plus belles surprises. La pointe de citron du dos de bar donnait, par un effet de catapulte, une longueur inouïe au Puligny. Et ce qui était surprenant, et tout à l’honneur d’Alain Dutournier : le Puligny dansait sur le dos de bar, alors que le Bâtard s’éteignait, ce qui montre la pertinence du choix. Puligny aérien, flatteur, et d’une longueur étonnante. Magnifique Puligny de finesse.
Ausone est l’un des vins les plus complexes du bordelais. Enigmatique quand il le veut. Plusieurs convives ont adoré ce Ausone 1978, car dès qu’on a trouvé le mot de passe, on comprend toute sa race. Le Carbonnieux 1928 rouge, que j’ai déjà bu plusieurs fois, avec la constatation de son étonnante réussite, est apparu lourd, dense, capiteux, vin de charme extrême. Une expérience étonnante : il offre un nez superbe, velouté, et dès que le plat est servi, le nez s’arrête. C’est curieux de voir comme l’odeur du cèpe agit comme un filet de camouflage sur l’odeur du vin : instantanément tout a disparu. En bouche, Carbonnieux est une vraie merveille, au goût chaleureux et imprégnant. Une réussite de l’année 1928. Quand j’ai parlé de courtisane orientale, tout le monde a ri, car peu de temps avant, j’avais dit éviter ces formules ronflantes d’experts.
Quel intérêt chaque fois d’analyser le passage du Bordeaux au Bourgogne ! Le Chambolle Musigny les Amoureuses P. Miserey & Frères 1981 est un bon vin généreux, et nettement mieux fait que ce que j’attendais. Seul dans un dîner, il trônerait. Car l’age lui va bien, avec une belle consistance. Mais quand un vin se situe entre une réussite de 1928 et un succès de 1947, que peut-il faire ? Toutes les envies se tournaient vers ce merveilleux Chambolle Musigny Louis Grivot 1947. A l’ouverture cinq heures avant, un nez « de vieux », mais qui s’améliore très vite. J’avais donc laissé peu de place à l’oxygénation. Et lorsqu’on le sert, miracle de la Bourgogne, c’est parfait. Un équilibre rare entre toutes ses composantes. Ce vin est une récompense. Un bijou.
Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1983 m’a aussi agréablement surpris, et il a ravi les convives. C’est étonnamment facile, rond, séducteur. Pas une grande profondeur, mais une belle présence. Et ça « pète le feu ». Une bonne conclusion qui ne faisait pas oublier le si merveilleux 1947. Christophe, l’attentionné sommelier a réglé le service des vins avec une précision extrême. C’est un plaisir d’ouvrir les vins avec lui, et j’apprends des petits trucs bien utiles, comme avec d’autres grands professionnels de ces maisons amies.
Le Climens 1967 est un très beau Sauternes, mais dans tout repas, il y a des moments de respiration. L’émotion avait été si grande avec les 5 rouges qu’on se calmait avec ce gentil Sauternes. J’en ai profité pour faire voter. Comme d’habitude les tiercés varient. Une préférence assez générale pour deux vins, le Chambolle 1947 et le Carbonnieux 28. Puis tous les votes divergent, chaque vin ayant son supporter : Batard, Puligny, Ausone, Grands Echézeaux, ou Krug pour moi.
Nous avons eu ensuite le cadeau de la soirée. Alexandre de Lur Saluces à qui j’avais raconté mon excitation de boire Yquem 1932 avait accepté de nous rejoindre, car la curiosité le tenait lui aussi. J’ai ouvert cette belle bouteille jamais rebouchée, et la remarque immédiate d’Alexandre de Lur Saluces fut intéressante : « il est probable qu’aujourd’hui,on aurait vinifié le millésime d’une toute autre façon ». C’est très caractéristique, car Alexandre de Lur Saluces, soucieux de sa récolte en cours ou à commencer, pense au travail qui est fait. La démarche de wine-dinners est de se concentrer sur le témoignage. Il fallait que les convives profitent de cette année si rarement ouverte. C’est le témoignage, quoi qu’il délivre, qui est souhaité avant tout. On sait en buvant 1932 que ce ne sera pas 1929, année grandiose. Mais c’est le 1932 qu’il faut découvrir. Un nez très Yquem, doucereux, fruité et affirmé, et en bouche, l’étonnement : c’est presque un vin sec. On n’a pas le charnu, le fruité d’un Yquem généreux, mais quel plaisir de découverte. Alexandre de Lur Saluces nous a fait le plaisir de nous faire partager son analyse et son approche et de nous raconter des anecdotes passionnantes sur ce qui est le plus grand vin du monde. Alain Dutournier a fait un repas de rêve, avec cette fantastique association du dos de bar et du Puligny. Les épices abondantes de la canette sont difficiles pour les vins, alors que le foie gras faisait rayonner le Chambolle 1947. Merveilleuse soirée avec des convives charmants. Un évident goût de revenez-y.
Dans un prochain repas (complet) chez Laurent on célébrera Yquem 1967, réussite célèbre, puis chez Guy Savoy, un petit groupe de collectionneurs se retrouvera. De prochains dîners sont programmés sur octobre et novembre. Téléphonez moi pour vous inscrire, car pour deux prochains dîners, tout est encore très ouvert. Un dîner de novembre au Bristol est déjà complet.

Dîner de wine-dinners au restaurant de l’hôtel Bristol mardi, 4 juin 2002

Le dîner du 4 juin 2002 à l’hôtel Bristol fut remarquable à plus d’un titre. D’abord c’est la première fois que nous recevions un habitant de Hong Kong, un français, qui venait à la suite d’une consultation du site wine-dinners. Ensuite, Eric Fréchon, qui a réalisé des associations de goût merveilleuses – ce n’est pas souvent qu’on accompagne une anguille avec Beychevelle 59 – m’a fait le plaisir de me consulter sur les choix culinaires. Je suis honoré d’être associé à la réflexion d’un chef d’un tel talent. Plusieurs mariages ont été grandioses, on le verra. Le menu conçu par Eric Fréchon était : Homard Breton rafraîchi d’un gaspacho, avocat écrasé à l’huile d’olive. Anguille des Sargasses fine purée de cresson de fontaine, bouillon mousseux d’ail de Lautrec. Agneau de lait rôti à la broche frotté au piment d’Espelette, salade pastorale. Pigeon vendéen doré au sautoir, mijoté de petits pois et tourte de cuisse. Vieux Comté. Fourme d’Ambert et Roquefort. Sorbet aux agrumes et son quatre quarts citron. Fraisier et sorbet gariguette tout juste sucré. Mignardises, chocolats.
J’ai ouvert les vins à 16 heures, avec Marlène et Virginie, deux sommelières attentives et expertes qui ont largement contribué à la réussite du festin et au plaisir de chaque convive. Sur une table pour onze convives il y avait douze verres pour chacun. Ce n’est pas si facile à gérer. Ce le fut. Service attentif de Philippe et ses collègues, plats annoncés d’une voix claire et non marmonnés comme souvent, les gigantesques tétons de matronnes que représentent les cloches garde plat se levant d’un seul geste, tout y était. A l’ouverture de l’après-midi, deux vins explosaient de joie : le Nuits 71 et le Chassagne 45. Je les ai rebouchés. Les autres méritaient de l’oxygène. J’ai eu peur que la chaleur orageuse ne les fasse évoluer trop vite. En fait ils se sont bien présentés, à l’exception du Savigny 53 fatigué qui a eu besoin du repas pour se refaire une bien frêle santé. Voyons comment tout ceci s’est déroulé.
A l’attente des convives, le Gewurztraminer Grande Réserve Jean Bischer 1961 a commencé en fanfare. Belle couleur d’un jaune profond, nez très riche et affirmé, et en bouche, un beau gras qui envahit bien le palais. Chaleureux, réjouissant sur de petites entrées en matière charmantes. On passe à table, et premier choc gustatif intéressant : une crème de poivron raccourcirait tout vin, mais la bulle généreuse d’un excellent Veuve Clicquot rosé 1985 avait l’effet d’un lift de Roland Garros : elle catapultait le poivron comme un ace sur la langue. Très belle surprise, et champagne de belle structure intense, réconciliant avec le rosé. Faire dans un dîner de vins un gaspacho où figurent tomate et une trace de concombre, il faut le faire. Car tomate et concombre (surtout concombre) partagent avec l’asperge le même pouvoir de raccourcir tous les vins. Mais grâce au homard magnifiquement présenté, le Chablis Premier Cru les Vaudevey Domaine Laroche 1988 a trouvé une belle noblesse qu’il n’aurait sans doute pas hors de ce contexte si favorable. Nez discret, mais belle affirmation de Chablis en bouche, bien jeune, sans explosion. L’anguille fut en tous points remarquable, et ce sont les petits croûtons qui servaient de passerelle vers le Beychevelle 1959. Quel nez, quelle race, quel raffinement. Il confirme que 1959 est une année à réestimer, tant la subtilité est parfois plus grande que celle des puissants 61. Merveilleux Saint-Julien, au sommet de son art.
L’agneau découpé devant nous a permis au fragile Rausan-Ségla 1924 de s’exprimer comme il convenait. Ce qui est intéressant, c’est que c’était le premier vrai vin ancien dans la vie de beaucoup de convives. Il fallait donc s’habituer à des aspects pas toujours évidents. Mais curieusement, malgré une gêne visible pour certains, ce vin a été classé dans les tout premiers. Un très beau nez de Margaux décelé immédiatement par Marlène à l’ouverture, et un soyeux bien délié qui remplissait la bouche de saveurs discrètes et raffinées. L’effet de l’âge était minime. C’est sur l’agneau que l’on a passé la frontière vers les Bourgognes. Le Nuits-Saint-Georges Leroy 1971 est tellement chaleureux, bon vivant, « nature » que chacun revenait sur une planète connue. La franchise de ce vin de jouissance a ravi plus d’un convive.
Sur un pigeon parfaitement réussi et d’une présentation esthétique évidemment signée, le Savigny la Dominode Roger Poirier 1953 arrivait avec le poids de sa souffrance que l’exceptionnel Latricière Chambertin Pierre Bourée 1955 allait encore accentuer. Nous avons été au moins deux à constater avec bonheur combien le Savigny, qui aurait été normalement et justement condamné aux oubliettes retrouvait progressivement une belle structure. Le vin était blessé mais méritait qu’on ne l’abandonne pas sans un signe sur son chemin de croix. Le Latricières sur la pâtisserie aux abats formait une de ces associations de rêve. La lourdeur voulue de cette bouchée avec la puissance affirmée d’un Bourgogne pugnace, cela forme en bouche un tourbillon de bonheur gustatif : c’est la richesse à l’état pur. Le Chassagne Montrachet rouge de Champy 1945 allait porter une estocade qui allait lui valoir les vivats et les mouchoirs d’aficionados conquis. Un nez authentiquement bourguignon, d’une présence extrême, agacé par la trace du bouchon de rebouchage que j’avais mis de 17 heures à 23 heures. Fort heureusement, le goût n’en souffrait pas, la formidable puissance de l’année 1945 s’étalant avec majesté. On touche à ces Bourgognes généreux, légendaires, qui marquent les dîners de wine-dinners. Sur un Comté très goûteux, un Arbois Nicolas 1959 un peu fatigué, mais indestructible a montré encore une fois une association de rêve. A noter qu’après l’Arbois, le Lafaurie-Peyraguey 1971, d’habitude si écrasant de puissance a eu l’intelligence de se montrer discret. Il a donné cette si belle palette de goût sur une fourme et un roquefort : la fourme en a fait un joueur de rugby, le roquefort en a fait un joueur de harpe (j’exagère bien sûr, mais le contraste est à noter, lié au gras de l’un et à l’âpreté de l’autre).
La couleur du Guiraut 1934 est en soi une oeuvre d’art. On aimerait ne pas l’ouvrir pour continuer de l’admirer. Bouteille reconditionnée en 96 au château, ce qui explique le niveau. Pour beaucoup de convives une découverte de goûts inconnus. Qui n’a pas connu de ces très vieux Sauternes (disons avant 1935) n’a pas encore abordé des saveurs parmi les plus belles au monde. Sur une base d’agrumes le Guiraut, si beau, si féminin, vibrant d’évocations subtiles a montré un charme redoutable. On se demande à chaque fois comment un vin peut donner autant. J’avais peur que les fruits rouges ne luttent contre le Guiraut, mais en fait, savamment adoucis, ils ont continué de révéler la race de ce merveilleux Sauternes si distingué.
Il fallait voter, tradition oblige. Des réponses souvent différentes ont permis de nommer Rausan-Ségla 24, largement cité malgré la surprise, Nuits 71 de Leroy, Chassagne 45 et Guiraut 34, mais certains ont aussi nommé le Gewurz, le Latricières, le Beychevelle, voire l’Arbois et le Lafaurie, tant le choix était ouvert. Mon choix personnel, partagé par deux convives, fut en premier Guiraut 34 en raison de ce goût si nettement chargé de vrai plaisir, en deuxième le Chassagne Montrachet 1945, tant il confirme la réussite de l’année 45, et en troisième le Latricières 55, si merveilleusement affirmé avec le pigeon. La palme de l’association la plus raffinée, c’est le Beychevelle 59 avec l’anguille. Il fallait le faire. Nous l’avons fait dans un merveilleux Bristol. Nous sommes tous prêts à « affronter » de nouvelles aventures… dès septembre.

dîner de wine-dinners au restaurant de l’hôtel Bristol dimanche, 2 juin 2002

Dîner au restaurant de l’hôtel Bristol le 4 juin 2002
Bulletin 38

Les vins :
Champagne Veuve Cliquot Rosé 1985
Gewürztraminer Grande Réserve Jean Bischer 1961
Chablis premier cru les Vaudevey Domaine Laroche 1988
Château Beychevelle Saint-Julien 1959
Château Rausan Ségla Margaux 1924
Nuits Saint-Georges Leroy 1971
Savigny la Dominade Grand Cru Classé Roger Poirier Propriétaire 1953
Latricières Chambertin Pierre Bourée 1955
Chassagne Montrachet rouge, Champy Père & Fils 1945
Arbois 1959
Château Lafaurie Peyraguey Sauternes 1971
Château Guiraut Sauternes 1934

Les plats conçus pour les vins par Eric Fréchon :
Homard Breton
Rafraîchi d’un gaspacho, avocat écrasé à l’huile d’olive
Anguille des Sargasses
Fine purée de cresson de fontaine, bouillon mousseux d’ail de Lautrec
Agneau de lait rôti à la broche
Frotté au piment d’Espelette, salade pastorale
Pigeon vendéen
Doré au sautoir, mijoté de petits pois et tourte de cuisse
Vieux Comté, Fourme d’Ambert et Roquefort
Sorbet aux agrumes et son quatre quart citron
Fraisier et sorbet gariguette tout juste sucré
Mignardises, chocolats

Dîner de wine-dinners au Maxence jeudi, 23 mai 2002

Dîner au restaurant Maxence le 23 mai 2002
Bulletin 35 et 36

Les vins :
Champagne Charles Heidsick mise en cave 1996
Château Talbot Blanc 1986
Saint-Véran Bichot blanc 1989
Château Coustolle, Côtes de Canon Fronsac 1966
Château Margaux # 1931
Mazoyères Chambertin Camus 1989
Beaune Grèves Joseph Drouhin 1969
Corton Clos du Roy Brénot 1934
Château Lafaurie Peyraguey Sauternes 1971
Château Cantegril Haut-Barsac 1922

Les plats conçus pour les vins par David Van Laer :

Gougères
Mousse de poivron, émulsion d’avocat à l’huile d’olive
Rouleau de foie gras cru et herbes fraîches, sauce soja
Fleur de courgette farcie, crème de jus de homard
Dos de bar de ligne en écaille de pomme de terre, sauce bécasse
Poitrine de pigeon rôti sur carcasse,
petits pois et fèves à la française,
cuisse de pigeon servie grillée
Sélection de fromages de Maître Quatrehomme
Lait de poule à l’essence de romarin
Fondue de framboises, glace pistache
Mignardises

Dîner de wine-dinners au restaurant Maxence jeudi, 23 mai 2002

Ce repas est raconté sur deux bulletins. J’ai laissé le texte de la transition …
Un couple rencontré au Salon des Grands Vins a rassemblé des amis pour former une table complète. C’est la première fois qu’à un dîner de wine-dinners il y avait une parité totale hommes / femmes. De mémoire il n’y a jamais eu de dîner totalement masculin. Mais la gent masculine domine, sauf ici. Je pensais que ce groupe d’amis allait imposer des discussions personnelles, or ce fut le contraire. Quand un dîner rassemble des inconnus, ils cherchent à se connaître. Là, ce n’était pas nécessaire, ils ont préféré écouter mes histoires et commenter les vins.
David van Laer, le chef du Maxence avait composé un menu toujours aussi inventif : gougères, mousse de poivron, émulsion d’avocat à l’huile d’olive, rouleau de foie gras cru et herbes fraîches, sauce soja, fleur de courgette farcie, crème de jus de homard, dos de bar de ligne en écaille de pomme de terre, sauce bécasse, poitrine de pigeon rôti sur carcasse, petits pois et fèves à la française, cuisse de pigeon servie grillée, sélection de fromages de Maître Quatrehomme, lait de poule à l’essence de romarin, fondue de framboises, glace pistache, mignardises.
Quels plats ont magnifié les vins ? La mousse de poivron allait bien avec le champagne, mais pas avec le Bordeaux sec. Les herbes qui accompagnaient le foie gras ont transcendé le Talbot 86. L’aneth a sublimé le Talbot. Prendre avec du foie gras un Bordeaux sec et un Saint-Véran est assez peu fréquent. Mais la combinaison était parfaite. Le bar toujours si exact de David mérite de grands Bordeaux rouges. C’est manifestement le meilleur accord. Pigeon et Bourgogne, c’est évidemment un classique, mais la multiplication des goûts se fait d’autant mieux que le vin est ancien. Comme je termine toujours la série des rouges sur un très vieux Bourgogne, le fromage ne s’impose pas. Faudrait-il qu’avant les liquoreux, je prévoie un blanc sec pour quelques fromages ? Il y a des essais qu’il faudra faire. Un Loire ? Un Alsace ? Oui mais lequel avant un Sauternes et après un vieux Bourgogne ? Ce sera une piste pour septembre octobre. Un dessert aux fruits rouges ne convient pas aux vieux Sauternes. Il va falloir explorer plutôt les fruits exotiques ou les agrumes. De belles associations et quelques pistes à travailler, voilà un programme excitant.
Sur le choix des successions de vins, il faudrait que je tienne plus compte de l’expérience de certains palais moins formés aux vins anciens : le Saint-Véran me plaisait énormément, mais après l’étendue aromatique du Talbot, il s’affadissait pour certains convives. De même après le Lafaurie-Peyraguey 1971 si joyeux et chaleureux, le Cantegril 1922 tout en finesse n’entraînait pas immédiatement l’adhésion. Il faudra que je tienne compte de cela, même si les chocs gustatifs font aussi partie du voyage.
Lorsque j’étais écolier, le journal de Tintin qui paraissait chaque jeudi mettait en bas de page du feuilleton le reporter Tintin en situation périlleuse, impossible à sauver. J’avais une semaine à attendre pour savoir par quel miracle Tintin s’en serait sorti. Il va falloir que vous attendiez le prochain bulletin pour savoir comment était chaque vin. Vous attendrez aussi de savoir qui a gagné de Margaux 1931 ou du Corton 1934. C’est la première fois que je crée ce suspense « insoutenable ». La réponse est dans le prochain numéro.
Dans le bulletin n° 35, nous avons commencé d’évoquer le dîner chez Maxence, dîner de couples d’amis qui se connaissaient, mais que je ne connaissais pas. Menu inventif de David Van Laer (voir bulletin 35). Et quelques vins.
Champagne Charles Heidsieck mise en cave 1996. Cette belle maison de champagne a créé un concept de champagnes non millésimés, dont on indique la date de mise en cave. C’est astucieux. Et en plus c’est agréablement bon. L’age donne déjà une belle rondeur. C’est sans doute ce qui explique que je l’ai préféré à un Veuve Clicquot non millésimé en magnum, bu juste avant ce dîner, avec David Van Laer chez une amie restauratrice.
Le Château Talbot, Caillou blanc 1986 a constitué l’une des plus belles surprises de la soirée. Alors qu’il n’accrochait pas avec la mousse de poivron, il a carrément explosé de joie avec les frêles brindilles d’aneth qui l’ont révélé. Un nez très complexe, comme on en trouve dans les Bordeaux blancs, et en bouche, cette généreuse présentation d’arômes considérablement variés. Le Talbot 86 fut une magnifique apparition, très au dessus de ce que je pouvais imaginer. Ceci me donne l’occasion de faire une remarque sur l’appréciation des vins qui est faite dans ces bulletins : contrairement aux gourous qui ont pour ambition d’orienter les achats des amateurs, je n’ai aucune obligation de juger un vin de façon intrinsèque. Je le juge sur l’instant, dans sa situation. Quand une brindille d’aneth avec un foie gras au miel anoblit un Talbot 86 à ce point, et quand au moins huit sur dix des convives s’extasient sur ce vin, point n’est besoin de chercher ailleurs : à cet instant précis, Talbot 86 était grand. Et cela seul suffit.
A l’inverse de cela, j’avais choisi un Saint Véran de chez Bichot 1989 que j’aime beaucoup. On fut loin de l’unanimité. Le fait qu’il soit monolithique, linéaire, ne me dérangeait pas. Au contraire, je le trouvais particulièrement bon. Mais la complexité de Talbot a conduit beaucoup de convives à ne pas succomber à la simplicité du Saint-Véran. C’est dommage, car il était vraiment bien fait. Mais je suis responsable : je n’aurais pas dû susciter cette confrontation.
Le Coustolle Cotes de Canon Fronsac 1966 est un merveilleux Fronsac. Le nez était splendide, velouté, à l’égal d’un grand cru classé. Moins flatteur en bouche à la première gorgée. Il fallait attendre, car il a développé une très élégante structure en s’ouvrant encore. Ce sont mes maîtres qui m’ont appris la valeur de ce vin authentique, respectueux des plus strictes techniques de vinification. Le Château Margaux 1931 qui allait suivre était d’une mise négoce, et à l’ouverture, je constatai (coïncidence) que c’était le même négociant qui a embouteillé le Sauternes 1922 qui clôturait le repas. Et, fort étonnamment, les deux bouchons, sous leur capsule, avaient des petites miettes de copeaux de liège. L’étiquette n’est pas datée, ni le bouchon (marqué seulement de 1862, date de la fondation du négociant). La datation du vin avait été faite auparavant entre amis par recoupement, en deux occasions, sur deux bouteilles du même lot. C’est 1931 la date la plus probable, même si le bouchon paraissait plus vieux que celui du Cantegril 22. Nez assez discret, petite senteur de grenier, un peu fermé au début, puis progressivement on reconnaissait un Château Margaux, avec ce charme si particulier. C’est loin d’être une année légendaire, mais plusieurs femmes ont adoré son pouvoir distingué de séduction.
Le Mazoyères Chambertin Camus 1989 est très pâle, clair. Plusieurs convives respiraient: On revenait dans des gammes de goûts plus familières. Margaux 1931 n’est certainement pas la plus simple des acclimatations aux vins anciens lorsqu’on a peu d’expérience ! Très agréable Bourgogne, plus rond que le souvenir que j’en avais. Facile Bourgogne comme on les aime simplement. J’ai vu ensuite les visages s’éclairer : le Beaune Grèves Joseph Drouhin 1969 était magnifique, et immédiatement plein en bouche. Très clair, au nez légèrement amer, il trouvait en bouche une place chaleureuse, réjouissante. Peut-être un peu prudents par rapport à l’approche assez intellectuelle de deux Bordeaux plutôt complexes, mes convives prenaient conscience qu’un vin de 33 ans pouvait être encore parfaitement charpenté et vivace, et surtout, ils prenaient un plaisir immédiat, sans aucune recherche compliquée. L’intérêt attentif se transformait en franche satisfaction. Mais la stupéfaction est venue du Corton Clos du Roi Brenot Père & Fils 1934. Tous les discours que j’avais tenus sur la pertinence des vins très anciens avaient retenu une aimable attention. On avait tout à coup la confirmation que j’avais dit vrai. L’étonnement des convives fut ma récompense, s’il en fallait une. Le nez de ce vin est agréable, clair et juste. En bouche, toute la chaleur, l’onctuosité, la charpente des vins réussis. Un bonheur, un beau fruité, une longueur extrêmement plaisante. Le niveau de ce vin était assez bas, mais son « allure » m’avait plu. C’est pour cela que je l’avais choisi. Au débouchage j’ai vu un bouchon bien hermétique, mais qui avait dû endurer une cave un peu chaude. Le bouchon était parfaitement sain dans sa deuxième moitié et j’ai pu tirer le bouchon entier, ce qui est rare pour un 34. A l’ouverture, le nez était si beau que j’ai immédiatement rebouché avec un bouchon neutre. Cela lui a bien convenu. Un vin de cette qualité n’avait pas besoin de fromage. On le buvait pour le plaisir.
Le Lafaurie-Peyraguey Sauternes 1971 est, pour cette année comme pour les autres, un des Sauternes les plus puissants qui soient. Un concentré de Sauternes si l’on peut dire. Le lait de poule de David était une pure merveille. Et j’applaudis cent fois à la confrontation du lait avec le Sauternes alors qu’on sait qu’il risquait de le couper. Même s’il n’y a pas eu de vraie multiplication, je suis cent fois favorable à des essais aussi brillants. La gastronomie doit être faite de cela : des échanges entre une goût de romarin et la si belle puissance de ce si condensé Sauternes. J’étais aux anges, ravi d’un tel essai, et apparemment, je n’étais pas le seul. Quoi qu’il arrive, Lafaurie-Peyraguey est une valeur sure. J’ai eu plus de problème avec le Cantegril, Haut-Barsac 1922 de ce même négociant que le Margaux 1931 (mais millésimé celui-là). On est dans des saveurs en dentelle, avec ces si subtiles touches d’acidité citronnées, et ces étranges saveurs toutes en suggestion. Comme le dessert au fruit rouge ne lui apportait rien, et comme il y avait un écart de puissance très net avec le Lafaurie, mes convives n’en ont pas autant profité qu’ils l’auraient mérité. Et pourtant ! Tout en finesse, en évocations, Cantegril avait cette élégance des Sauternes des années 20 qui atteignent des sommets gustatifs.
Nous avons voté, et les réponses, même diverses, furent assez homogènes. Les plus fréquemment cités furent Corton 34, Beaune 69, Lafaurie 71, Talbot 86, Cantegril 22. Mon tiercé personnel, partagé par un convive et approché par d’autres fut Corton 1934 puis Beaune 1969 et Talbot 1986 à cause de cette magnifique association à l’aneth. La confrontation la plus raffinée fut celle du lait de poule au romarin avec le Lafaurie.
L’ambiance fut chaleureuse. J’ai senti que comme dans les jeux télévisés, de nombreux convives souhaitaient revenir « en deuxième semaine ».

dîner de wine-dinners au restaurant Laurent jeudi, 2 mai 2002

Dîner au restaurant Laurent le 2 mai 2002
Bulletin 33

Les vins :
Champagne Pol Roger 1988
Pavillon Blanc de Château Margaux 1992
Batard-Montrachet Bouchard 1984
Corton Charlemagne Bouchard 1983 (offert par Bernard Hervet)
Château Mouton-Rothschild 1971
Vray Canon Boyer 1947
Chambolle Musigny Clos Saint-Jacques Clair Daü 1966
Chambolle Musigny Bouchard 1952
Chambolle Musigny Labourée Roi 1945 ?
Beaune Avaux Bouchard 1928
Monbazillac le Chrisly 1965
Château Gilette « doux » 1945

Les plats conçus pour les vins par le restaurant LAURENT :

Anchois marinés, tomates « olivette » confites à l’infusion de basilic
Turban de morilles aux asperges
Carré d’agneau de lait des Pyrénées doré à la broche, petits farcis
Aiguillettes de canard de Challans aux épices, navets au jus et foie gras
Fromage, fourme d’Ambert affinée
Gariguettes et rhubarbe gratinées
Mignardises

dîner de wine-dinners au restaurant Laurent jeudi, 2 mai 2002

Un dîner de wine-dinners, chez Laurent. Il porte le numéro 19 sur le site internet. Le cadre du restaurant est merveilleux, et nous avions la belle table centrale. L’accueil de Philippe Bourguignon est inégalable, et le talent de Patrick Lair s’est exprimé à plusieurs reprises. A l’ouverture des bouteilles, Patrick a « sauvé » des bouchons que j’aurais sans doute émiettés. Et Patrick a eu raison de ne verser les vins que lorsque le plat est servi. Les vins sont magnifiés par les plats, et c’est bien de les découvrir ainsi. Une cuisine juste, des plats simples mais avec un talent affirmé. Anchois marinés, tomates « olivette » confites à l’infusion de basilic. Turban de morilles aux asperges. Carré d’agneau de lait des Pyrénées doré à la broche, petits farcis. Aiguillettes de canard de Challans aux épices, navets au jus et foie gras. Fromage, fourme d’Ambert affinée. Gariguettes et rhubarbe gratinées. Gelée d’agrumes. Mignardises. C’est précis, et exactement adapté à la mise en valeur des vins. Des convives particulièrement experts : Philippe Faure-Brac, meilleur sommelier du monde, Nicolas de Rabaudy, écrivain et journaliste entre mille activités, Bernard Hervet, directeur général de la maison Bouchard, Ester Laushway, journaliste, et quelques convives qui n’avaient aucun complexe vis-à-vis de ces sommités tant l’atmosphère était chaleureuse.
Pour « ajuster les ponctualités », j’avais prévu Pavillon Blanc de Château Margaux 1992, année clin d’oeil, car c’est celle du sacre de Philippe Faure-Brac. Très belle expression d’un beau Bordeaux, à l’âge idéal pour l’apprécier. Il avait acquis une belle rondeur et a gardé un nez racé tout au long de la soirée dans le verre quasi vide au milieu de près de cent vingt verres sur table ! Quel tracas pour le service si parfait. Le champagne Pol Roger 1988 est un beau champagne à la robe claire, à la bulle abondante. Pas la moindre trace d’âge, une belle fraîcheur, et une légère douceur délicate. Le mariage avec le poivron et l’anchois, avec juste ce qu’il faut de pain se faisait idéalement. Le plat suivant, un plat de trois étoiles selon Nicolas de Rabaudy, allait me donner l’occasion d’un grand plaisir. Le Bâtard Montrachet 1984 Bouchard est très mal noté dans les archives de dégustation de Bouchard alors que le Corton-Charlemagne 1983 Bouchard, (rebouchage 1998) que Bernard Hervet a apporté est jugé brillant. Mais comme le coach d’un patineur artistique, j’avais materné mon poulain, et sur les morilles, « mon » 84 s’est révélé meilleur, car sa légère madérisation lui donnait des accents de vin jaune qui sied si bien aux morilles. Le Corton est évidemment plus racé, et se serait sans doute mieux exprimé sur un autre plat. De toutes façons, il s’agissait de deux très belles expressions du Blanc de Bourgogne si séduisant. J’étais bien content de bousculer les hiérarchies, signe que « l’ascenseur social » des vins de petites années fonctionne bien. Ou signe que toute bouteille de ma cave s’y sent bien.
Le Mouton-Rothschild 1971 est un vin de grande race. Année de belle réussite. Il a été très apprécié, surtout par les jeunes palais et les palais féminins. Je lui ai trouvé un coté un peu fermé. Il me fait penser à ces calligraphes chinois qui expriment d’un trait des pensées profondes. C’est beau, mais c’est terriblement ésotérique. Mouton avait, dans sa subtilité, toute cette discrétion. Mais évidemment, il ne peut pas cacher longtemps sa grandeur. L’affirmation était au programme du Vray Canon Boyer 1947, Canon Fronsac au nom confidentiel que j’avais déjà apprécié. Un nez merveilleux, doux, raffiné comme Bordeaux sait l’être. Et en bouche un vin délicat, velouté, qui apporte la preuve de l’incroyable valeur de 1947, dont il est une réussite.
Le passage de Bordeaux vers la Bourgogne est comme le franchissement d’une frontière. On ne peut pas comparer ces deux mondes, et on doit les aimer tous les deux. On est envahi par la chaleur humaine, ronde et bien vivante. Le Gevrey Chambertin Clos Saint-Jacques Clair Daü 1966 arrive en fanfare. Très clair, transparent, il s’impose en affichant une orthodoxie bourguignonne où l’amer (agréable) le dispute au fruité. Puissant, franc, il a montré son caractère de grand cru, alors que le Chambolle Musigny Bouchard 1952 lui emboîtait le pas sans complexe. Simple vin d’appellation, il s’affirmait très bien. L’analyse des vins n’est pas une science exacte, car Bernard Hervet et moi différions sur le sens de l’histoire : il voyait l’avenir de ce 52 devant lui alors que je le voyais derrière lui : parchemin encore lisible mais avec quelques trous. Les faits ont donné raison à Bernard Hervet, car le vin a bien tenu sa distance, montrant un charnu réconfortant. L’évolution du Chambolle-Musigny 1945 de Labourée Roi est intéressante, quoique plus triste. J’avais pris cette bouteille basse en un endroit où je range des 45 et des 61. Le classement de mes bouteilles a la même précision que celle des instituts de sondage en période électorale. A l’ouverture d’un bouchon très gras, nul doute, c’est un 45. Une odeur insupportable, dont j’ai « vu » l’évolution rapide vers des signes beaucoup plus civilisés. J’en attendais volontiers une grande surprise tant son premier rétablissement avait été rapide. Mais en le versant : couleur terreuse, nez de grenier, saveur amère. Il a toutefois continué à s’améliorer comme un naufragé qui remonte le courant. Je lui ai dit un dernier adieu en fin de repas en quittant la table, pensant qu’il aurait sans doute été bon le lendemain. Chacun de mes vins est comme un de mes enfants, et je ne peux pas me résoudre à l’abandonner sans un petit signe d’encouragement. Comme il y avait deux vins de plus que prévu, cette escapade vers une bouteille basse d’une grande année et d’un grand vigneron ne portait pas ombrage à l’ordonnance du repas.
Arrivait alors l’un des deux ou trois vins phares de cette soirée. Un Beaune Avaux Bouchard Père & Fils 1928 de la cave Bouchard. J’ai une passion pour ces Beaune de 28 et 29 qui sont des émotions rares. Ils étonnent toujours tout dégustateur, même averti, par leur invraisemblable jeunesse. Bouteille ancienne d’origine, étiquette récente. Le bouchon, assez ancien, indique un rebouchage probable d’il y a plus de 20 ans. Le nez était si parfait à l’ouverture vers 17 heures que j’ai immédiatement rebouché : pas question de prendre de risque quand un vin est tout de suite parfait. Ce vin est la récompense de tous les amateurs de vins vieux. Un équilibre absolu, et une promesse qu’il serait intact comme aujourd’hui s’il était ouvert dans un demi siècle. Il est assez difficile de décrire un vin quand il a tout : un nez très poli, annonçant bien ce que l’on va boire, et une bouche équilibrée, ronde, pleine, riche de jeunesse. Il transcendait bien sûr les autres vins de Bourgogne, mais il avait l’intelligence de ne pas les écraser : on pouvait passer de l’un à l’autre sans en rejeter un seul. C’est aussi cela la bonhomie des Bourgognes. Bien que mes convives – dont des habitués – connaissent cela par coeur, j’ai expliqué comment mâcher la fourme pour sublimer un liquoreux. Certaines bouteilles sont des fiertés de collectionneur : le Monbazillac Château Le Chrisly 1965 s’est montré si grand. J’aime quand on peut ainsi bousculer des idées reçues. Une couleur d’or orangé, un nez dense de beau miel, puis une structure élégamment épaisse qui trahirait volontiers un Sauternes en dégustation à l’aveugle. Quand un petit vin fait des merveilles, cela justifie la démarche de wine-dinners, qui veut qu’aux tables les plus prestigieuses de Paris, les plus belles bouteilles renommées côtoient des vins plus méconnus, porteurs parfois, comme ce soir, de magiques surprises. L’un des convives a été vraiment ému par la richesse et la poésie de ce brillantissime Monbazillac. On avait pu préférer le Bâtard au Corton. Il était imaginable que l’on préférât le Monbazillac au vin de légende qui allait suivre. Le repas se finissait comme souvent sur un vin de référence : Château Gilette « doux » 1945. Le Sauternes dans sa plus belle expression. Riche puissant, long en bouche, tenace, doré, il exprime une belle orthodoxie rassurante de la plénitude du Sauternes ancien. Propriété atypique, à la commercialisation hors norme (aucun vin de moins de 20 ans n’existe dans aucun circuit), qui participe au prestige de cette région si généreuse en vins de rêve.
Tant absorbé par les discussions passionnantes, je n’ai même pas pensé à demander à chacun de faire son tiercé. Pourtant il est probable que l’homogénéité des réponses eût été plus grande que dans d’autres dîners. Si je devais me livrer à cet exercice difficile, je répondrais volontiers : 1 – Vray Canon Boyer 1947 parce que c’est une réussite d’un vin inconnu de beaucoup, 2 – Beaune Avaux 1928 pour sa jeunesse épanouie, 3 – Gilette 1945 parce que c’est un symbole de beauté. Mais beaucoup mettraient le Beaune en premier, et je suis sûr que mon fils mettrait dans son tiercé le Mouton 1971 et le Monbazillac 1965 avec sans doute le Beaune.
Grand dîner où chacun a pu apprécier chaque vin en toute liberté de jugement, selon son goût et sa culture. Talent toujours renouvelé du restaurant Laurent pour créer une fête autour de vins de 10 à 74 ans.

Dîner de wine-dinners au restaurant le Cinq jeudi, 24 janvier 2002

L’histoire commence à mon arrivée au restaurant le Cinq à 16 heures. Je prépare les bouteilles apportées trois jours avant et stockées debout, et pendant que j’officie, Eric Beaumard me demande si une de mes bouteilles de secours ne pourrait pas être bue par des amateurs qui étaient encore en train de déjeuner. J’ai apporté un Chambertin Jules Régnier 1913 à leur table. Des bons vivants ont apprécié ce solide Bourgogne si enchanteur. Il est probable que ces amateurs viendront à un prochain dîner. Rangeant la bouteille vide près des autres bouteilles, on m’interpelle à la seule autre table encore occupée à 17 heures ( !) en me demandant le goût de ce 1913. Reconnaissant un propriétaire du Bordelais chez qui j’avais fait une merveilleuse dégustation quelques années auparavant, je me mêle à la table dirigée par une truculente et passionnante dame dont on ferait volontiers sa mère ou sa tante chérie, qui m’a fait goûter Dom Ruinart 1990 en magnum, décidément très bon, et Figeac 1988 que j’ai bien apprécié, d’une belle puissance et de très précise expression. Ce sont les hasards de rencontres heureuses.
Les convives arrivent à 20 h précises, et nous pénétrons dans cette salle splendide, luxueusement décorée, avec une débauche de fleurs magnifiques dans des vases gigantesques. Un festival de beauté. La table remarquablement située, avec nappe et serviettes en dentelle, assiettes et verrerie de classe. Tout cela annonçait un événement.
Le menu conçu par Eric Beaumard et Philippe Legendre fut fantastique, de grande classe, et commenté par Eric qui sait si bien avec des mots simples expliquer et transmettre son immense savoir. Un Blanc-manger de Sole au caviar d’Aquitaine et avocat mariné à l’huile de noisettes, homard en coque fumé et rôti aux châtaignes de Corrèze, Truffe de Tricastin en feuilleté, sauce Régence, côte de veau de lait fermier poêlée aux câpres de Pantelleria, Carré de Chevreuil rôti, dragées au chocolat, sauce poivrade, Fromage, Soufflé au nougat, glace au calisson. Parmi tous ces bons plats, quelques accords de légende. Je retiens surtout l’accord truffe et Montrachet, et l’accord de ce si discret dessert délicieux avec le magique Lafaurie. Une équipe attachante et bien dirigée nous a assuré un service d’extrême qualité, dont Thomas, sommelier de talent et attentif, qui savait qu’il manipulait des flacons de grande rareté.
Avant que je ne commente les vins, je fais une petite remarque : à un ami expert en vins présent au repas je disais à titre de boutade que j’ai la « main verte », c’est à dire que toute bouteille qui passe entre mes mains est bonne, puisqu’à ce jour, je n’ai jamais écarté une des bouteilles que j’avais prévu d’ouvrir (ce qui n’est pas le cas en dîners privés, où on s’amuse à prendre plus de risques). Or mon ami a pu constater que tous les vins présentés étaient parfaits, et de plus, des bouteilles qui auraient dû être moins puissantes du fait d’années plus risquées apparaissaient grandioses, ce qui remettait en cause tous les repères d’experts. J’ai pris cela comme un compliment pour des vins que j’essaie de conserver et présenter de la meilleure façon.
Champagne Salon « S » 1985 : puissant, viril, plombant la langue avec ses lourdes bulles. Un nez envoûtant, une expression vineuse. Un grand champagne que plusieurs convives ne connaissaient pas. Eric Beaumard a eu la gentillesse de doubler la bouteille de Salon, et je vais réfléchir à l’intérêt qu’il y aurait à démarrer avec deux champagnes au lieu d’un. Le « Y » d’Yquem 1964, fantastique à l’ouverture à 16 h est apparu éblouissant. Un nez enivrant, à respirer des heures, une densité de goût qui fait penser qu’on a utilisé abondamment des grains botrytisés pour donner du gras à ce vin sec, puisque Yquem 1964 n’a pas été produit. Le Y 1964 est une grande rareté. C’est aussi une surprise particulière tant l’écart entre ce qui est dans le verre et ce que l’on attendrait est spectaculaire. Le Montrachet Louis Latour 1981 est arrivé en accord avec la truffe de somptueuse façon. Amusant de voir un Montrachet moins puissant qu’un Bordeaux sec ! Tout en arômes dans des directions infinies, le Montrachet remplit le palais et l’inonde de mille saveurs. Une merveille. L’année 1941 est difficilement trouvable (tout a déjà été bu de cette si petite année), et peu de professionnels en ont bu récemment. Aussi ce Cheval Blanc 1941 fut une invraisemblable surprise. A l’ouverture un nez chatoyant. Au moment de servir, un grand Cheval Blanc, caractéristique, chaleureux, ouvert, soyeux, velouté, tout en discrétion mais intensité. Un grand Bordeaux, qui surpassait – est-ce possible ? – le Pétrus 1967. Pétrus est « la » réussite du millésime 1967. Très caractéristique de Pétrus, avec cette concentration, cette puissance, mais aussi ce coté ascétique volontiers trop sérieux. Un grand vin porteur d’émotion par la légitimité du symbole, mais le Cheval Blanc avait trop de charme. L’arrivée de trois Bourgognes sème un peu de confusion dans nos palais, car cela fait une patrouille de choc. Le très bon Nuits Saint Georges les Boudots de Charles Noëllat 1978 en magnum était rond, gras, puissant, lui aussi soyeux, mais il a fait une entrée plutôt confidentielle, tant le Chambertin Clos de Bèze de Pierre Damoy 1961 affirmait son insolente puissance avec un envahissement absolu du palais. Un équilibre, un coté très gouleyant, fluide, vin de soif juteux et enjôleur. Définitivement 1961 est une année de puissance et de gloire. Magnifique moment que ce Chambertin. Mais il y avait encore mieux : le Chambertin 1913 de Jules Régnier est à chaque expérience un vin étonnant. Puissant, sans la moindre trace d’âge, il étonne par cette présence, cette maturité accomplie et éternelle. Un vin de plaisir, avec du gras, de la vinosité, et une belle charpente. C’est un vin éternel, tant sa charpente semble faite pour défier les siècles, sans trace d’âge.
A ce stade, il n’y avait pas de bouteille qui avait montré le moindre signe de fatigue. Nous allions maintenant entrer dans la grâce absolue. Yquem 1988, mon chouchou, est toujours un objet de querelle d’école : d’une trilogie d’années grandioses 88/89/90, le 88 est de loin à mon goût le plus beau, mais chaque année a ses défenseurs, même autour de la table, et même à Yquem. Bu sur une excellente pâte persillée, puis bu seul, tant cet épais trésor, si imprégnant d’or et de miel est un dessert à lui tout seul. Sur de magnifiques et tendrement subtils desserts, le Lafaurie Peyraguey 1928 a pu étaler tout son talent. Très Lafaurie, ce qui veut dire structure, force et imprégnation, il avait cette présence si caractéristique des 1928, où le vieillissement apporte aux Sauternes un cadeau divin, fait de fumé, d’agrumes, d’épices qui se fondent en un seul plaisir envahissant. Comme le Suduiraut 1928 qui lui est légèrement supérieur, à boire et sentir pendant des heures et des heures.
Cigares et Fine Bourgogne du domaine de la Romanée Conti 1979 (le même que celui de Ducasse) ont clôturé ce repas qui a enchanté des convives émerveillés.
Bien sûr nous avons chacun fait notre tiercé, et ce fut comme à chaque fois très étonnant de voir des réponses aussi différentes, confirmant que chaque vin mérite une place d’honneur. Très grandes différences de choix. Le mien fut : 1 – Lafaurie 28, 2 – Chambertin 1913 et 3 – Cheval Blanc 1941. Mais tant d’autres choix ont été énoncés, fort justifiés. La palme de l’heureuse surprise revient ex æquo à Y 1964 et Cheval Blanc 1941.
Un dîner exceptionnel talentueusement préparé par l’équipe du Cinq. Magie et féerie d’un soir de rêve.

Dîner de wine-dinners au restaurant le Cinq du George V jeudi, 24 janvier 2002

Dîner du 24 janvier 2002 au restaurant « le Cinq »
Bulletin 24 – livre page 61
Les vins :
Champagne Salon « S » 1985
« Y » de Yquem 1964
Montrachet Louis Latour 1981
Château Cheval Blanc Saint Emilion 1941
Château Pétrus Pomerol 1967
Nuits Saint Georges Les Boudots Charles Noëllat 1978 (magnum)
Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961
Chambertin Régnier 1913
Château d’Yquem 1988
Château Lafaurie Peyraguey 1928

La cuisine de Philippe Legendre :
Blanc Manger de sole
Demi homard en coque fumé et rôti aux châtaignes de Corrèze
Truffe de Tricastin en feuilleté sauce Régence
Demie Cote de veau de lait fermier poêlée aux câpres de Pantaleria
Carré de chevreuil rôti, dragées au chocolat, sauce poivrade
Fromages
Soufflé au nougat
Glace au calisson

Dîner de wine-dinners au Pré Catelan jeudi, 13 décembre 2001

Ce dîner est raconté dans le vingt et unième bulletin. Des bonnes bouteilles auront encore quelques occasions de s’ouvrir cette année, mais ce sera dans d’autres contextes. Nous étions onze au Pré Catelan, où l’efficace équipe s’était intéressée à notre passion. Grande organisation, implication de tout le personnel concerné, travail de professionnels. Frédéric Anton a fait un menu remarquable de combinaisons, de traitement des mets et de création. Quel dommage que sa réserve, qui l’écarte de la salle, ne nous ait pas permis de le féliciter comme il convenait, et d’écouter ses choix. Il avait décidé de nous régaler, je vous laisse juge : l’étrille en coque et fine gelée au caviar, crème fondante d’asperge verte, la betterave parfumée à la muscade et vieux comté, jus gras, l’oursin cuit dans son test, fumet léger de céleri, la Saint-Jacques en coquille au cidre, noix écrasées et torréfiées, la langoustine en papillote croustillante, jus de romaine et crème d’échalotes, le pigeonneau poché dans un bouillon aux épices, cuisses en petites merguez, semoule de brocoli préparée en couscous et pois chiches, le cochon, poitrine braisée rôtie en cocotte, noisettes et salsifis confits dans un jus gras, les fromages fermiers, la poire en marmelade recouverte d’un zéphyr avec jus et croustillant à la vanille. Comme nous avons classé les vins, nous nous sommes amusés à classer ses plats. Le pigeon fut unanimement jugé comme grandiose, suivi de la betterave au comté et de l’oursin. Le pigeon fut l’un des plus grands que j’aie jamais dégustés. J’ai apporté un soin tout particulier à l’oxygénation des vins, cherchant à améliorer encore mes méthodes, et je me suis rendu compte que cela joue de façon essentielle sur l’image que l’on se fera du vin au moment du premier contact. J’ai pu constater que mes choix furent bons, fondés sur une analyse purement olfactive : je ne bois pour goûter que si ce prélèvement a un intérêt dans l’élargissement de la surface d’oxygénation, car je préfère de loin l’oxygénation lente à celle que procure une « facile » mise en carafe. Pour une fois, je vais m’étendre plus sur cet aspect, car cela pourrait donner des idées à ceux d’entre vous qui vont ouvrir de vieux précieux flacons pour les fêtes. Le Champagne Laurent-Perrier 1981 a délivré de belles et abondantes bulles, une couleur joliment dorée, un nez intense et imprégnant, et un goût charnu de champagne élégant marqué par le vin. Nous avons en fin de repas donné notre tiercé, le Top 3.
Ce Laurent Perrier étonnant a été non seulement nominé, mais aussi mis en premier par un convive. A noter que l’on a gardé les verres vides pour les sentir. C’est le champagne qui fut le plus brillamment persistant. Le Château Lagrave Martillac 1992 a été ouvert à 17h, bouchon enlevé en chambre froide à 10°. Rothschild à19h et mis à température de pièce une demie heure avant le service. Beau nez marin, dans les citrons, en bouche la glycérine qui s’estompe ensuite. Belle expression de Bordeaux, nettement meilleure que ce que nous attendions. Il a même été nominé. Le Chablis 1er cru les Vaudevay Domaine Laroche 1988 a été ouvert à 17h et rebouché. Débouché de nouveau à 19h il a été servi non carafé après mise en salle de 1/2 heure. Très classique Chablis de belle expression, là aussi meilleure que ce que nous attendions. Il faut dire que les entrées de Frédéric Anton ont été des « embellisseurs » de talent. Ayant assez rapidement asséché les blancs nous avons dû servir le Château Figeac Saint Emilion 1978 sur la langoustine, et ce fut un bon choix. Ouvert à 15h30, il a profité d’une oxygénation lente qui a évité de carafer. Vin extraordinaire de plénitude, élégant, adulte, beau comme Adonis. Un plaisir rare, bien au dessus de ce que mes amis experts et moi estimions devoir goûter. Plusieurs fois nominé, il a enchanté notre table. Le Château Calon Montagne Saint-Emilion 1955 que m’avait envoyé son propriétaire fut une ajoute au programme initial. Merci pour ce vin si beau. Ouvert à 15h30, il nécessitait une bonne oxygénation : je l’ai carafé à 19h, laissant le fond en bouteille. M. Boidron, contrairement à ce que vous m’avez dit, il n’y avait pas de dépôt. Vin très subtil, de très bonne structure, nous fumes frappés par son élégance et sa tenue. Il se montrait grand à coté du Figeac, même si moins complexe. Il a donné de belles émotions qui en ont fait le deuxième vin le plus nominé. Il a confirmé de belle façon le talent de l’année 1955. Le Château Gadet Médoc 1929 a été ouvert à 16h. Beau nez, même si poussiéreux, il s’est gentiment oxygéné en six heures. Une couleur si belle que David Rivière, le sommelier du Pré en fut ému. Très belle présence, attaque fraîche, puis l’acidité qui est le squelette d’un vin vieux, et son gage de longévité. Fin un peu courte, mais vraiment grand vin. J’ai été agréablement surpris de voir comment chaque convive acceptait ce vin pourtant si différent des vins actuels. Quand le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1969 est apparu, quel choc positif ! Un vin qui embaume la pièce quand on le sert. Une odeur envahissante et capiteuse, un vin riche et puissant. Je l’ai ouvert à 16h et rebouché, tant l’odeur était parfaite. Très grand vin, mais qui allait rencontrer une rude compétition. Le Nuits Saint Georges Clos des Corvées Général Gouachon 1945 Tasteviné 1950 a été ouvert avec les autres et s’est aéré lentement. Sa jeunesse est époustouflante. Intensité de goût, avec moins de velouté que les deux autres et plus de caractère. Le plus souvent nominé. Un vin de grande émotion. Le Corton Soualle et Bailliencourt 1929 a été goûté trop tard et trop vite : nous n’avons pas pu l’apprécier autant qu’il le mérite, alors qu’il est aussi bon que celui ouvert il y a deux mois. Grand, subtil plus que les autres mais moins flamboyant que le 45. Il a de ce fait été moins nominé. Le Monbazillac Le Chrisly 1965 a étonné tout le monde. Belle couleur dorée. A l’aveugle, ce serait un grand Sauternes. Grand, long, persistant, caressant. Présenté à un stade idéal de dégustation. Le Château Gillette Crème de tête 1949 devait être la star absolue. C’est incontestablement une réussite, d’un ambre si beau. Mais je n’y ai pas trouvé la même émotion qu’avec le Rayne Vigneau 1949 récent. On parle ici de nuances, car ce vin a été souvent nommé premier par des convives. Mon classement personnel, rejoint presque par deux autres convives, alors que tous les classements furent différents est : 1 : Nuits Saint Georges 45, en 2 : Calon 55 et en 3 : Corton 29. Mais le champagne et le Figeac mériteraient des mentions comme le DRC et le Gillette, les deux stars « sur le papier ». Des soifs résiduelles ont été comblées par un Laurent Perrier Grand Siècle (qui a mis en valeur par différence le sublime 1981) et Laberdolive 1970, ce bel Armagnac. Les convives ne se connaissaient pas, et il y avait cinq d’entre eux qui participaient à leur deuxième ou troisième dîner, mais issus de trois dîners différents. Leur aisance a permis une ambiance gaie et décontractée tellement chaleureuse que tous – ou presque – ont décidé de se revoir à un prochain dîner le 24 janvier. On m’a même demandé d’ouvrir l’un de mes Chypre du 19ème siècle. Je vais y réfléchir, car j’aimerais dans la démarche d’initiation à des vins rares que l’on sache doser les étapes du voyage. Si l’on accède trop vite au Graal, que reste-t-il après ? J’y pense et proposerai un dîner pour cette date où des places seront sûrement disponibles.